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 Les plus beaux poèmes

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Pasiphae
   
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   Pensée du jour  :  nique la miette
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Pasiphae  /  Truquage geniphasien


N'appelez pas,
n'appelez pas cela chanter !
Toute la nuit
il a rugi sous ma fenêtre.
N'appelez pas le rossignol !
...
Vieux séducteur,
faune ailé,
bonimenteur des champs de foire,
cette fois-ci, tu exagères.
...
Je n'ai pas dormi. Je te hais.
Que tu te sois laissé prendre
au piège de la nature amoureuse,
passe encore.
Cela arrive tous les jours
à plus malin que toi.
Mais que tu sois devenu
cette figure emblématique
de l'amour en littérature,
voilà qui dépasse les bornes.
La rose qui,
dans ce domaine,
n'a rien à t'envier
en matière de sottise
est du moins silencieuse.
...
Rossignol, ton grand tort
est de de prendre pour un rossignol.
...
Je te pardonne. Mais, mon Dieu,
quelle odeur de poussière !

Emmanuel Hocquard (une fleur pour lui)
 
Chien-dent
   
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Chien-dent  /  Autostoppeur galactique


Je suis assis à ma table et j'écris
des choses précises. Je me souviens
de l'espoir d'un premier amour
avant de rencontrer la jeune fille que j'ai aimée
et que je me rappelle à peine
de même qu'un homme se souvient de la soif qu'il a éprouvée
dans le désert mais pas de l'eau qu'il a bue.

Car ce qui reste est la forme d'une action ;
pas son contenu, le dessin des lettres, pas le sens des mots.
Comme dans un test d'intelligence, je dois oublier
ce que j'ai appris et ne voir que
les traits pour compléter les figures.

Je suis pareil à un bateau dont on mesure la capacité et le poids
selon la quantité d'eau qu'il soulève,
quoi qu'il transporte en cale.

Je suis assis à ma table,
je me demande
ce qui est le plus triste :
une porte sans clé
ou une clé sans porte.

// Yehuda Amichaï (trad E. Moses)
 
plouf
   
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plouf  /  Crime et boniment


j'aime beaucoup !
(noxer)
http://lefauxrhum.forumactif.org/
 
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moi aussi j'adore !!
 
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Noxer  /  Au nom de l'Abeille – Et du Papillon – Et de la Brise – Amen !


Pommes de terre

Dans un champ de pommes de terre d'une immense plaine
était assise une femme semblable à une jarre

En arrachant des pommes de terre elle eut faim
Assise sur l'amas de pommes de terre
elle mangeait seule des pommes de terre qu'elle faisait griller
De loin un homme est accouru
comme un cerf
Pourchassé il l'a suppliée de le cacher

Dans sa précipitation, avec sa main en train de manger des pommes de terre
elle indiqua le dessous
Le cerf est entré sous la jupe
Tous deux formaient une grande jarre

Un soldat avec un fusil est venu en courant
Dans sa précipitation, avec sa main en train de manger des pommes de terre
elle indiqua au loin
Le soldat disparut au loin

La femme s'ébranla en restant assise
La montagne trembla
Des pommes de terre entrèrent en grande quantité dans sa bouche
La flamme s'éleva dans le champ de pommes de terre

La femme grossissait chaque jour
Elle devint comme un amas de fumier
Elle devint comme une maison
Enfin elle accoucha de pommes de terre
Pendant mille ans elle accoucha sans cesse
Notre planète s'est remplie de pommes de terre
Les pommes de terre semblables se trouvant drôles
riaient tout le temps

Qui est ce soldat avec le fusil et où s'en est-il allé ?
Les pommes de terre y pensaient de temps en temps



Moon Chung-hee
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Noxer  /  Au nom de l'Abeille – Et du Papillon – Et de la Brise – Amen !


Love hôtel

Il y a un love hôtel dans mon corps
Je fréquente souvent cet hôtel
Je te prie de ne pas m'interroger sur le partenaire
car ce n'est pas souvent le même
Il y a une église dans mon corps
J'entre dans l'église pour prier plusieurs fois par jour
Il m'arrive quelquefois de pleurer
Il y a un poète dans mon corps
J'écris toujours des poèmes mais ce qui me plaît
est très rare
Aujourd'hui, dans un conférence un célèbre professeur a dit
Les trois choses les plus abondantes dans ce pays
ce sont les love hôtels les églises et les poètes
Je tremblais de tout mon corps
car là où abondaient le plus love hôtels églises et poètes
c'était justement mon corps
Au love hôtel y aura-t-il l'amour sincère ?
0 l'église et chez les poètes y a-t-il le rêve sincère et les chants ?
Au fait il y a un love hôtel
beaucoup d'églises et beaucoup de poètes dans mon corps
et c'est une chose bien triste
En rêvant d'un amour qui ne vient pas
j'entre au love hôtel aujourd'hui encore

Où ont-elles disparues ces si nombreuses lycéennes ?

Cette fille travaillait bien à l'école
et excellait aussi dans ses activités personnelles
Sortie du lycée elle a réussi sans peine
au concours d'entrée à l'université mais où est-elle maintenant ?

Fait-elle bouillir la soupe aux pommes de terre ?
Après l'avoir préparée pendant trois heures avec l'os
s'exposant à la vapeur chaude devant la cuisinière à gaz
sera-t-elle heureuse le soir de regarder son mari
avaler de bon appétit cette soupe pendant quinze minutes ?
Après avoir terminé la vaisselle aide-t-elle ses enfants à faire leurs devoirs ?
Ou bien erre-t-elle encore dans la rue froide
à la recherche d'une embauche dans une société ?
Dans un gymnase où l'on élit les candidats d'un parti politique
vêtue d'un hanbok les décore t-elle de rubans ?
Leur offre t-elle des bouquets de fleurs ?
Embauchée par  bonheur, assise dans un coin d'un grand bureau
elle répondra aimablement au téléphone
et servira quelquefois le thé
Est-elle devenu femme d'un médecin, femme d'un professeur ou bien infirmière ?

Peut-être apprend-elle à chanter dans un centre culturel
d'où elle part à la hâte
avant que son mari rentre le soir

Où ont-elle disparues ces si nombreuses lycéennes ?
Dans cette forêt de hauts buildings, ne devenant ni députées ni ministres ni médecins
ni professeures ni femmes d'affaires ni cadres d'une société
rejetées de-ci de-là comme un gland tombé dans le repas du chien
errent-elles encore sans pouvoir se faire valoir ?
Sans pouvoir prendre part au monde grand et large
sont-elles confinées dans la cuisine et la chambre ?
Où ont-elles disparues ces si nombreuses lycéennes ?


Grand-mère et mère

Lorsque je suis partie de l'aéroport de Kimpo
j'ai tout laissé derrière mon dos
La photo de mon mari je l'ai cachée au fond de l'armoir
élargi à présent comme la mer
mon âge généreux qui fait le bruit du vent
je l'ai inséré volontiers entre mes cartes d'identité
Alors j'étais légère comme si j'avais pu voler
malgré la grande valise
Ce que je possède c'est simplement la liberté qui clapote
la solitude savoureuse comme le sel
c'est suffisant pour le repas du poète
c'est comme il faut pour aimer
Mais que se passe-t-il ? Ma grand mère et ma mère
que je croyais déjà mortes il y a un dizaines d'années
m'ont suivies à mon insu
installées au fond de moi
elle se mêlent de toutes mes affaires
Leurs yeux grands ouverts
attention aux voitures, attention aux loups
elles n'en finissent pas de m'ennuyer


Moon Chung-Hee
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Pasiphae
   
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Pasiphae  /  Truquage geniphasien


Très beaux ! comment as-tu découvert cette poétesse ?
 
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Noxer  /  Au nom de l'Abeille – Et du Papillon – Et de la Brise – Amen !


Dans la bibliothèque de ma ville ! Il y a un très beau recueil de ses poèmes aux éditions Bruno Doucey (j'aime beaucoup en général ce qu'ils font), qui s'appelle Celle qui mangeait le riz froid. J'aimerais tant qu'elle soit traduite dans son intégralité ! J'ai l'impression qu'elle a écrit énormément.
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Le Trader
   
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Le Trader  /  Blanchisseur de campagnes


Une petite pépite bien planquée. Le fantôme et son double...
C'est une partie de ma réponse au débat en cours sur la valeur poétique.


Spoiler:
 
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Soleil et chair

Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang ;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d'amour comme Dieu, de chair comme la femme,
Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !

Et tout croît, et tout monte !

- Ô Vénus, ô Déesse !
Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d'amour l'écorce des rameaux
Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde !
Je regrette les temps où la sève du monde,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers !
Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre ;
Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre
Modulait sous le ciel le grand hymne d'amour ;
Où, debout sur la plaine, il entendait autour
Répondre à son appel la Nature vivante ;
Où les arbres muets, berçant l'oiseau qui chante,
La terre berçant l'homme, et tout l'Océan bleu
Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu !
Je regrette les temps de la grande Cybèle
Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle,
Sur un grand char d'airain, les splendides cités ;
Son double sein versait dans les immensités
Le pur ruissellement de la vie infinie.
L'Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
- Parce qu'il était fort, l'Homme était chaste et doux.

Misère ! Maintenant il dit : Je sais les choses,
Et va, les yeux fermés et les oreilles closes.
Et pourtant, plus de dieux ! plus de dieux ! l'Homme est Roi,
L'Homme est Dieu ! Mais l'Amour, voilà la grande Foi !
Oh ! si l'homme puisait encore à ta mamelle,
Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle ;
S'il n'avait pas laissé l'immortelle Astarté
Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose où vint neiger l'écume,
Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs !

II

Je crois en toi ! je crois en toi ! Divine mère,
Aphrodite marine ! - Oh ! la route est amère
Depuis que l'autre Dieu nous attelle à sa croix ;
Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c'est en toi que je crois !
- Oui, l'Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste.
Il a des vêtements, parce qu'il n'est plus chaste,
Parce qu'il a sali son fier buste de dieu,
Et qu'il a rabougri, comme une idole au feu,
Son cors Olympien aux servitudes sales !
Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles
Il veut vivre, insultant la première beauté !
- Et l'Idole où tu mis tant de virginité,
Où tu divinisas notre argile, la Femme,
Afin que l'Homme pût éclairer sa pauvre âme
Et monter lentement, dans un immense amour,
De la prison terrestre à la beauté du jour,
La Femme ne sait plus même être courtisane !
- C'est une bonne farce ! et le monde ricane
Au nom doux et sacré de la grande Vénus !

III

Si les temps revenaient, les temps qui sont venus !
- Car l'Homme a fini ! l'Homme a joué tous les rôles !
Au grand jour, fatigué de briser des idoles,
Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,
Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux !
L'Idéal, la pensée invincible, éternelle,
Tout ; le dieu qui vit, sous son argile charnelle,
Montera, montera, brûlera sous son front !
Et quand tu le verras sonder tout l'horizon,
Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,
Tu viendras lui donner la Rédemption sainte !
- Splendide, radieuse, au sein des grandes mers
Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers
L'Amour infini dans un infini sourire !
Le Monde vibrera comme une immense lyre
Dans le frémissement d'un immense baiser !

- Le Monde a soif d'amour : tu viendras l'apaiser.

Ô ! L'Homme a relevé sa tête libre et fière !
Et le rayon soudain de la beauté première
Fait palpiter le dieu dans l'autel de la chair !
Heureux du bien présent, pâle du mal souffert,
L'Homme veut tout sonder, - et savoir ! La Pensée,
La cavale longtemps, si longtemps oppressée
S'élance de son front ! Elle saura Pourquoi !...
Qu'elle bondisse libre, et l'Homme aura la Foi !
- Pourquoi l'azur muet et l'espace insondable ?
Pourquoi les astres d'or fourmillant comme un sable ?
Si l'on montait toujours, que verrait-on là-haut ?
Un Pasteur mène-t-il cet immense troupeau
De mondes cheminant dans l'horreur de l'espace ?
Et tous ces mondes-là, que l'éther vaste embrasse,
Vibrent-ils aux accents d'une éternelle voix ?
- Et l'Homme, peut-il voir ? peut-il dire : Je crois ?
La voix de la pensée est-elle plus qu'un rêve ?
Si l'homme naît si tôt, si la vie est si brève,
D'où vient-il ? Sombre-t-il dans l'Océan profond
Des Germes, des Foetus, des Embryons, au fond
De l'immense Creuset d'où la Mère-Nature
Le ressuscitera, vivante créature,
Pour aimer dans la rose, et croître dans les blés ?...

Nous ne pouvons savoir ! - Nous sommes accablés
D'un manteau d'ignorance et d'étroites chimères !
Singes d'hommes tombés de la vulve des mères,
Notre pâle raison nous cache l'infini !
Nous voulons regarder : - le Doute nous punit !
Le doute, morne oiseau, nous frappe de son aile...
- Et l'horizon s'enfuit d'une fuite éternelle !...

Le grand ciel est ouvert ! les mystères sont morts
Devant l'Homme, debout, qui croise ses bras forts
Dans l'immense splendeur de la riche nature !
Il chante... et le bois chante, et le fleuve murmure
Un chant plein de bonheur qui monte vers le jour !...
- C'est la Rédemption ! c'est l'amour ! c'est l'amour !...

IV

Ô splendeur de la chair ! ô splendeur idéale !
Ô renouveau d'amour, aurore triomphale
Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros,
Kallipyge la blanche et le petit Éros
Effleureront, couverts de la neige des roses,
Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses !
- Ô grande Ariadné, qui jettes tes sanglots
Sur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots,
Blanche sous le soleil, la voile de Thésée,
Ô douce vierge enfant qu'une nuit a brisée,
Tais-toi ! Sur son char d'or brodé de noirs raisins,
Lysios, promené dans les champs Phrygiens
Par les tigres lascifs et les panthères rousses,
Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.
- Zeus, Taureau, sur son cou berce comme une enfant
Le corps nu d'Europé, qui jette son bras blanc
Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague.
Il tourne lentement vers elle son oeil vague ;
Elle, laisse traîner sa pâle joue en fleur,
Au front de Zeus ; ses yeux sont fermés ; elle meurt
Dans un divin baiser, et le flot qui murmure
De son écume d'or fleurit sa chevelure.
- Entre le laurier-rose et le lotus jaseur
Glisse amoureusement le grand Cygne rêveur
Embrassant la Léda des blancheurs de son aile ;
- Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,
Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,
Étale fièrement l'or de ses larges seins
Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,
- Héraclès, le Dompteur, qui, comme d'une gloire,
Fort, ceint son vaste corps de la peau du lion,
S'avance, front terrible et doux, à l'horizon !

Par la lune d'été vaguement éclairée,
Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
Dans la clairière sombre où la mousse s'étoile,
La Dryade regarde au ciel silencieux...
- La blanche Séléné laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...
- La Source pleure au loin dans une longue extase...
C'est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase,
Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.
- Une brise d'amour dans la nuit a passé,
Et, dans les bois sacrés, dans l'horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres Marbres,
Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
- Les Dieux écoutent l'Homme et le Monde infini !

29 avril 1870
 
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D'Antoine Emaz (qui est décédé il y a quelques jours Sad) :

Poème de la fin

ce qui meurt
nous reste
sur les bras
mais nous
on n’a rien à voir avec la mort
c’est elle qui vient
nous serrer
du dehors
seulement un jour de plus
au bout d’un jour
au jour le jour
ainsi
des années durant
l’apprivoiser
simplement et sans bruit
elle se tait et croît doucement
même au soleil
d’une journée de printemps
dans le remuement des corps
lui faire sa part
la banaliser autant que possible
pour parvenir à croire un peu
qu’elle fait partie des choses
et que cela est bon
ainsi
au moins
tout le monde sait ce que cela veut dire
il est mort
c’est simple
elle recule encore
plus au fond
et nous ne verrons guère les visages
que par accident
remous
un pas lourd un rire une poigne
puis
un peu d’eau ou de temps
recouvrent le peu
puis
rien
mais de façon presque claire
on entend ce qu’on ne voit plus
tomber profond
loin
dedans
on rôde autour d’un manque
une zone devenue d’ombre
vite
cela tient mal à la mémoire
on reste autour du creux
les bords s’éboulent dedans
bientôt on ne verra plus
qui pleure
on dort avec elle au fond de soi
comme un chien roulé en boule
on sait que montera un jour ou l’autre
un vent de terre
et on attend les yeux ouverts
un corps infusé d’encre
une éponge gorgée
et dans la bouche la terre
au lieu des mots
les mots pesant enfin leur poids exact
terre et corps
dehors et dedans
et plus rien d’autre
que de l’herbe ou des arbres
d’ordinaire
les choses vont
et nous aussi
nous allons avec les choses
c’est clair
mais parfois il y a ce qui s’arrête
ou s’abat
en bloquant
et on est brutalement à nouveau
où il faut rire
fou
tout seul
on racle encore
entre le mensonge ancien
et ce qui vient
on a du mal à rester debout
à la fin
qu’est-ce qu’on a donc à voir avec la vie
la mort
on bouge avec ce qui bouge
on se tait avec ce qui reste
il n’y a pas grand-chose d’autre
 
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LA DECISION

Papa, Maman et moi,
nous étions assis autour de la table,
regardant fumer la soupière.
- Te voilà grand, me dit mon Père,
Tu vas aller à la Primaire.
Aussitôt approuva ma Mère:
- Maintenant,
tu es grand !
Et en me faisant sur l'une des joues une caresse,
elle ôta le gros Larousse calé sous mes fesses...

LE BONHEUR


Après l'avoir arrachée à son bidonville,
Il lui dit, tout bas, à l'oreille :
" Tu seras heureuse ici, avec vue sur la Mer !
" Tu vois...il y a le château...
" Et il y a aussi le parc..."
Le château, c'était un château d'eau!...
Et le parc, un parc à huîtres!...

BRAVES GENS, DORMEZ EN PAIX !
Le M A R J A N de sable est passé !

LA SOIF

3/4 d'eau sur la surface du globe ...
92% d'eau dans le corps de l'homme...
2 litres de salive par jour...
Ce furent les dernières lignes
d'un style plein de sécheresse
cueillies dans le journal
de l'explorateur
mort de soif en plein désert....

SANS PERMIS

Je suis interdit ...
J'ai beau me fouiller ...
je constate
que je n'ai jamais eu de ma vie
le moindre permis en poche ...
Pas de permis de conduire
Pas de permis de chasse
Pas de permis de pêche
Pas de permis de colportage
Pas de permis pour interdire quoi que ce soit...
A mes concitoyens
ma vie va devenir suspecte ...
Et ma mort retiendra leur attention !
Alors ? ... Pas de permis d'inhumation ?

LES ENFANTS

Un poète ami
récemment m'a dit
" Je n'aime pas les enfants !"
Surpris, j'ai sursauté
et j'ai murmuré : " HA ! "
sans rien ajouter...
j'ai baissé la tête
devant mon poète ami
je me suis fait tout petit
moi qui au terme de mon automne
ne peux encore m'habituer
à l'idée
d'être une grande personne...

SUR LE QUAI DE LA GARE

Sur le quai de la gare,
Ils s'étreignent longuement,
si longuement
qu'ils se font siffler...
Puis se rappelant soudain
Saint-Exupéry
Et décollant leurs yeux,
Ils regardent tous les deux
Dans la même direction...
Leur train qui part
Sans eux.

Marjan
 
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À la Belgique

Hélas, depuis les jours des suprêmes combats,
Tes compagnes sont la frayeur et l’infortune ;
Tu n’as plus pour pays que des lambeaux de dunes
Et des plaines en feu sur l’horizon, là-bas.

Anvers et Gand et Liége et Bruxelles et Bruges
Te furent arrachés et gémissent au loin
Sans que tes yeux encor vaillants soient leurs témoins
Ni que tes bras armés encor soient leur refuge.

Tu es celle en grand deuil qui vis avec la mer
Pour en apprendre à résister sous les tempêtes
Et tu songes et tu pleures, mais tu t’entêtes
Dans la terreur et dans l’orgueil de tes revers.

Tu te sens grande immensément, quoique vaincue,
Tu fus loyale et claire et ferme, comme au temps
Où l’honneur sous les cieux s’affirmait éclatant
Où la gloire valait vraiment d’être vécue.

Ton pauvre coin de sol où demeure debout,
Face à l’orage, un roi avec sa foi armée,
Tu le peuples encor de canons et d’armées,
Pour le tenir tragiquement jusques au bout.

Tu te hausses si haut que tu es solitaire
Dans la gloire, dans la beauté, dans la douleur
Et que chacun t’exalte et t’admire en son coeur,
Comme un peuple jamais ne le fut sur la terre.

Qu’importe à cet amour l’angoisse de ton sort
Et qu’Ypres soit désert, et Dixmude, ruine,
Et qu’aussi vide et creux qu’une sombre poitrine,
S’élève au fond du soir l’immense beffroi mort.

A l’heure où cette cendre est encor la Patrie
Nous l’aimons à genoux avec un tel élan
Que de chacun des murs saccagés et branlants,
Nous baiserions la pierre éclatée et meurtrie.

Et si demain l’homme allemand sournois et fou
Achevait de te mordre en son étreinte blême,
Douce Belgique aimée, espère et crois quand même :
Ton pays mis à mort est immortel, en nous.

Emile Verhaeren, Les ailes rouges de la guerre

Le passeur d'eau

Le passeur d'eau, les mains aux rames,
A contre flot, depuis longtemps,
Luttait, un roseau vert entre les dents.

Mais celle hélas! Qui le hélait
Au delà des vagues, là-bas,
Toujours plus loin, par au delà des vagues,
Parmi les brumes reculait.

Les fenêtres, avec leurs yeux,
Et le cadran des tours, sur le rivage
Le regardaient peiner et s'acharner
De tout son corps ployé en deux
Sur les vagues sauvages.

Une rame soudain cassa
Que le courant chassa,
A flots rapides, vers la mer.

Celle là-bas qui le hélait
Dans les brumes et dans le vent, semblait
Tordre plus follement les bras,
Vers celui qui n'approchait pas.

Le passeur d'eau, avec la rame survivante,
Se prit à travailler si fort
Que tout son corps craqua d'efforts
Et que son coeur trembla de fièvre et d'épouvante.

D'un coup brusque, le gouvernail cassa
Et le courant chassa
Ce haillon morne, vers la mer.

Les fenêtres, sur le rivage,
Comme des yeux grands et fiévreux
Et les cadrans des tours, ces veuves
Droites, de mille en mille, au bord des fleuves,
Suivaient, obstinément,
Cet homme fou, en son entêtement
A prolonger son fol voyage.

Celle là-bas qui le hélait,
Dans les brumes, hurlait, hurlait,
La tête effrayamment tendue
Vers l'inconnu de l'étendue.

Le passeur d'eau, comme quelqu'un d'airain,
Planté dans la tempête blême
Avec l'unique rame, entre ses mains,
Battait les flots, mordait les flots quand même.
Ses vieux regards d'illuminé
Fouillaient l'espace halluciné
D'où lui venait toujours la voix
Lamentable, sous les cieux froids.

La rame dernière cassa,
Que le courant chassa
Comme une paille, vers la mer.

Le passeur d'eau, les bras tombants,
S'affaissa morne sur son banc,
Les reins rompus de vains efforts,
Un choc heurta sa barque à la dérive,
Il regarda, derrière lui, la rive :
Il n'avait pas quitté le bord.

Les fenêtres et les cadrans,
Avec des yeux fixes et grands
Constatèrent la fin de son ardeur ;
Mais le tenace et vieux passeur
Garda quand même encore, pour Dieu sait quand,
Le roseau vert entre ses dents.

VERHAEREN I love you
 
Holopherne
   
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Holopherne  /  Hé ! Makarénine



TE SOUVIENS-TU DES COCHONS ?

non
pratiquement personne ne s’en souvient
(dans cette occurrence une exception)
je ne me souvenais pas des trois cochons dont une cochonne
c’est la première scène du film
une salle de noces extérieur intérieur jour
trois beaux cochons entrent (intuzzando) grognons effrayés désorientés
Pepe a un chapeau sur la tête Nicola un nœud à la queue
et Regina la dénaturée des jarretières
ils ressemblent à des condamnés à mort
une table en fer à cheval quarante convives
au milieu le marié Carmine noir comme la braise
et la mariée dans son voile blanc
autour la famille de péquenots
les collègues de l'époux tous des proxénètes




je me souvenais de la table de la dernière cène de Leonardo da Vinci
je me souvenais chaque plan avait une explication
et une origine lyrique
et que tout est plus figuratif que cinématographique
structure stylistique du désespoir
Anna Magnani est Mamma Roma
passé sordide quarante ans prostituée
struggle for survival dans l’Italie de l’après-guerre
marginale dépossédée dans le sous-prolétariat de Rome
Ettore son fils vit à la campagne chez les bouseux
elle vient le chercher
il a seize ans

je me souvenais de la joute oratoire
fior de gaggia fleur de sable fleur de menthe fior de cocuzza fleur de merde

et du rire de Mamma Roma
elle saute et danse
elle chante Rome et boit

je me souvenais de Carmine
Carmine celui par lequel le malheur arrive est arrivé arrivera
à la noce son sourire son regard et tout de lui le dit

je ne me souvenais pas du manège où Ettore disparaît
sur la petite place dans une lumière surréelle et tellement triste
cette lumière dominicale un peu funèbre sur la petite place et le manège

Ettore s’assoit dans un carrosse
le manège tourne une fois deux fois
Ettore a disparu
le visage de Mamma Roma se défait saisi d’une angoisse enfantine
Ettore a disparu de l’écran et de sa vie
elle l’aperçoit joie béate de Mamma Roma
il s’éloigne il chaparde un truc à l’étalage
adolescent noir allure de loup sauvage sa nuque étroite ses épaules maigres et agiles
croit-il encore aux miracles si oui ce ne sera pas pour longtemps

ce garçon a le vide autour de lui une vie de champs amorphes
à qui va-t-il faire la preuve de son existence
à un monde cruel idiot et vide un monde dont il n’a pas les instruments
pour le faire sien et le comprendre





je me souvenais de la démarche de Mamma Roma elle a mal aux pieds
dans ses chaussures à talons quand elle retrouve Ettore
et arpente les boulevards de nuit dans les deux plans longs

je me souvenais de ces étendues de maisons de ces quartiers désolés désolants
faubourgs romains construits par les facistes
comme des camps de concentration pour les pauvres
des nuages ennuyeux sans avenir sans pluie
arides inertes (ils couvrent le soleil)
des passages sous des arches à chaque étape du destin de Ettore

je me souvenais de paysages dans une lumière acerbe et ardente
del mercato di Cecafumo la garbatella les murs de San Sebastiano
les arches de l’aqueduc
un mur couvert d’un vert touffu intriqué presque noir
envahi de soleil dans la violence du contre-jour
et toutes les feuilles au milieu de ce noir
scintillant comme du métal
trois états différents de lumière dans le vert des bosquets
toujours ce soleil cadavérique et en même temps heureux

je me souvenais Ettore au travail le plateau sur la main
heureux et dansant à la terrasse du café dans le Trastevere
son sourire radieux dans cet instant

je ne me souvenais pas du traquenard pour faire chanter le vieux bourgeois
(sa fille est difforme)
mais je me souvenais de l’arrivée de la famille dans l’église le père la mère
la grosse fille ratée et la tête du curé
et de l’amie de Mamma Roma la blonde au sourire généreux
je me souvenais des deux visites au curé
et ce que dit le curé
chacun à sa place
et ton fils à la sienne
je me souvenais de Bruna de l’enfant malade (le sien ?)
et de la médaille offerte par Ettore

je me souvenais des deux arrivées de Carmine dans la vie de Mamma Roma
et sa rencontre avec Ettore insouciant (il joue au foot)
tout va basculer



je me souvenais Ettore et sa mère sur la motocicletta
tiens-moi fort dans le grand virage de la route

je me souvenais comme tout va très vite vers la mort de Ettore
la fièvre le prend vers la fin du film
il est exclu par ses amis il est seul
on peut difficilement être plus seul
sa fièvre dit toute la différence entre lui et les autres
il aimerait appartenir et croire en quelqu’un
il y a quelque chose de funèbre dans la peau du monde
ils construisent des maisons des rues
les visages amis les vêtements l’entourent comme une planète déserte inhabitée superposition de vide sur le vide

tout le monde se souvient de la crucifixion
lamentation on a dead body de Mantegna

je me souvenais que ce film était écrit que tout était prévu
Pasolini a tout en tête avant de tourner
après vient la codification prosodie restrictive du montage
il voit les acteurs comme ils sont
sans trucs avec leurs visages vrais
dans les moments les plus tragiques et douloureux du film

Paso aime les plans brefs
les premiers plans et les mouvements élémentaires
nuance après nuance de passage minime en passage minime
dans tous les détails intimes de l’expression
son travail consiste à cueillir les sentiments les passages
toute la psychologie du personnage dans un seul moment culminant absolu et arrêté
réaliste jusqu’à l’exaspération
mais la spontanéité le naturel ne l’intéressent pas
je me souvenais de l’absence de passages intermédiaires

je me souvenais que le narrateur du film son auteur avait un sens aigu de l’exclusion
c’est ce qu’il voit en premier
il ne la supporte pas
(il a du mal à tutoyer un chien)

in Mamma Roma de Pier Paolo Pasolini (1962) par Marie Borel
 
   
    
                         
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 Les plus beaux poèmes

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