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| | | | Invité / Invité Dim 6 Avr 2008 - 19:50 | |
| Ici, je vous propose de mettre les poèmes que vous preferez Je commence : Le Poison de Charles Beaudelaire Le vin sait revêtir le plus sordide bouge D’un luxe miraculeux, Et fait surgir plus d’un portique fabuleux Dans l’or de sa vapeur rouge, Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux. L’opium agrandit ce qui nà pas de bornes, Allonge l’illimité, Approfondit le temps, creuse la volupté, Et de plaisirs noirs et mornes Remplit l’âme au delà de sa capacité. Tout cela ne vaut pas le poison qui découle De tes yeux, de tes yeux verts, Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers... Mes songes viennent en foule Pour se désaltérer à ces gouffres amers. Tout cela ne vaut pas le terrible prodige De ta salive qui mord, Qui plonge dans l’oubli mon âme sans remord, Et, charriant le vertige, La roule défaillante aux rives de la mort ! |
| | | Invité / Invité Dim 6 Avr 2008 - 21:06 | |
| La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
Paul Eluard, La courbe de tes yeux. |
| | Nombre de messages : 1480 Âge : 36 Localisation : Dans mon manteau de printemps!!!! Date d'inscription : 23/12/2006 | Carol / La reine morte Dim 6 Avr 2008 - 22:49 | |
| Il y a plusieurs poèmes que j'affectionne, en voilà deux.
Le dormeur du Val - Arthur Rimbaud
C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil de la montagne fière, Luit; C'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pale dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce-le chaudement: il a froid.
Les parfums ne font plus frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit.
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Soir d'hiver - Émile Nelligan
Ah! comme la neige a neigé! Ma vitre est un jardin de givre. Ah! comme la neige a neigé! Qu'est-ce que le spasme de vivre Ô la douleur que j'ai, que j'ai!
Tous les étangs gisent gelés, Mon âme est noire: Où vis-je? où vais-je? Tous ses espoirs gisent gelés: Je suis la nouvelle Norvège D'où les blonds ciels s'en sont allés Pleurez, oiseaux de février, Au sinistre frisson des choses, Pleurez, oiseaux de février, Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses, Aux branches du genévrier.
Ah! comme la neige a neigé! Ma vitre est un jardin de givre. Ah! comme la neige a neigé! Qu'est-ce que le spasme de vivre A tout l'ennui que j'ai, que j'ai!... |
| | Nombre de messages : 1468 Âge : 35 Pensée du jour : "Deux rimes en or pour mille enfers" Date d'inscription : 26/12/2007 | Onicosmo / Roland curieux Dim 6 Avr 2008 - 22:54 | |
| H, j'allais mettre Le dormeur du val, tampis, voici Guillevic, magnifique.
Elégie
Je t’ai cherchée
Dans tous les regards
Et dans l’absence de regards,
Dans toutes les robes dans le vent,
Dans toutes les eaux qui se sont gardées,
Dans le frôlement des mains,
Dans les couleurs des couchants,
Dans les mêmes violettes,
Dans les ombres sous tous les hêtres,
Dans mes moments qui ne servaient à rien,
Dans le temps possédé,
Dans l’horreur d’être là,
Dans l’espoir toujours
Que rien n’est sans toi,
Dans la terre qui monte
Pour le baiser définitif,
Dans un tremblement
Où ce n’est pas vrai
Que tu n’y es pas.
Je t’ai cherchée
Dans la rosée abandonnée.
Dans le noisetier qui garde un secret
Prêt à s’échapper,
Dans le ruisseau,
Il se souvient.
Dans le bêlement des chevreaux de lait,
Dans les feuilles des haies,
Presque pareilles aux nôtres,
Dans les cris du lointain coucou,
Dans les sous-bois qui vont
Où nous voulions aller.
Je t’ai cherchée dans les endroits
Où la verticale
Voudrait s’allonger.
Je t’ai cherchée là
Où rien n’interroge.
J’ai cherché ces lieux.
Je t’ai cherchée
Dans le chant du merle
Qui dit le passé parmi l’avenir,
Dans l’espace qu’il veut bâtir.
Dans la lumière et les roseaux
Près des étangs où rien ne s’oublie.
C’est dans mes joies
Que je t’ai trouvée.
Ensemble nous avons
Fait s’épaissir le soir
Et dorloté des corps
Impatients de servir.
*
J’ai appris qu’une morte
Soustraite, évanouie,
Peut devenir soleil. |
| | Nombre de messages : 5732 Âge : 35 Localisation : Oxfordshire Pensée du jour : Oui, je connais cette théorie. Date d'inscription : 23/12/2007 | Tim / Morceau de musique survitaminé Lun 7 Avr 2008 - 11:31 | |
| Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir, Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour, Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre Et, te sentant haï sans haïr à ton tour, Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles Travesties par des gueux pour exciter des sots, Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle, Sans mentir toi-même d'un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire, Si tu peux rester peuple en conseillant les rois Et si tu peux aimer tous tes amis en frère Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ; Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître, Penser sans n'être qu'un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage, Si tu peux être brave et jamais imprudent, Si tu sais être bon, si tu sais être sage Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite Et recevoir ces deux menteurs d'un même front, Si tu peux conserver ton courage et ta tête Quand tous les autres les perdront,
Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire Seront à tout jamais tes esclaves soumis Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils.
Rudyard Kipling |
| | | Invité / Invité Lun 7 Avr 2008 - 13:01 | |
| Merci de votre contribution Tim, Onicosmo, Carol et Akemi, j'ai lu vos poèmes et ils me plaisent beaucoup.
Je vais rajouter un autre poème de Charles Beaudelaire que j'ai découvert ce matin et qui me plaît beaucoup :
L'Albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!
Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. |
| | Nombre de messages : 1480 Âge : 36 Localisation : Dans mon manteau de printemps!!!! Date d'inscription : 23/12/2006 | Carol / La reine morte Lun 7 Avr 2008 - 13:30 | |
| Ah oui, L'Albatros, c'est un très beau poème.
Sonnet en yx - Stéphane Mallarmé
Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx, L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore, Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix Que ne recueille pas de cinéraire amphore
Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx, Aboli bibelot d'inanité sonore[,] (Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx Avec ce seul objet dont le Néant s'honore).
Mais proche la croisée au nord vacante, un or Agonise selon peut-être le décor Des licornes ruant du feu contre une nixe,
Elle, défunte nue en le miroir, encor Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe De scintillations sitôt le septuor. |
| | | Invité / Invité Lun 7 Avr 2008 - 18:38 | |
| C'est fou de voir comme une anecdote peut sâlir un poëme. Le dormeur du Val me ramène un souvenir comique qui ne correspond guère au poëme... (les plieds dans les glaïeuls, remplacer lors d'une lecture par un camarade par glaouies, les glaouies étant un des nombreux synonimes au mot "testicules" ... ) Il est bien ce topic', même si lire certains poemes en dehors du receuil leurs enlève quelque chose, surtout chez Charles Beaudelaire. Paul Verlaine , Le rosignol :Comme un vol criard d'oiseaux en émoi, Tous mes souvenirs s'abattent sur moi, S'abattent parmi le feuillage jaune De mon coeur mirant son tronc plié d'aune Au tain violet de l'eau des Regrets Qui mélancoliquement coule auprès, S'abattent, et puis la rumeur mauvaise Qu'une brise moite en montant apaise, S'éteint par degrés dans l'arbre, si bien Qu'au bout d'un instant on n'entend plus rien, Plus rien que la voix célébrant l'Absente, Plus rien que la voix - ô si languissante ! - De l'oiseau que fut mon Premier Amour, Et qui chante encor comme au premier jour ; Et dans la splendeur triste d'une lune Se levant blafarde et solennelle, une Nuit mélancolique et lourde d'été, Pleine de silence et d'obscurité, Berce sur l'azur qu'un vent doux effleure L'arbre qui frissonne et l'oiseau qui pleure. |
| | Nombre de messages : 1468 Âge : 35 Pensée du jour : "Deux rimes en or pour mille enfers" Date d'inscription : 26/12/2007 | Onicosmo / Roland curieux Lun 7 Avr 2008 - 19:33 | |
| Ha, le sonnet en X, j'ai du en faire une analyse en cours d'analyses poétiques, impressionant!
Sinon, voilà, je suis Obligé de le mettre, le poème qui m'a ouvert à la poésie!
Sensation Arthur Rimbaud
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l'herbe menue : Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Mais l'amour infini me montera dans l'âme, Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la Nature, - heureux comme avec une femme.
Mars 1870. |
| | Nombre de messages : 2716 Âge : 38 Localisation : Entre les deux. Pensée du jour : Too much skin. Date d'inscription : 27/10/2007 | Menear / Le bruit et la pudeur Lun 7 Avr 2008 - 20:58 | |
| Bonne idée de topic, rajoutons aux oeuvres déjà postées plus haut au moins un représentant des poèmes de langue anglaise. Je choisis sans hésiter Dylan Thomas, et ce superbe And Death Shall Have No Dominion que j'affectionne tout particulièrement . And death shall have no dominion. Dead mean naked they shall be one With the man in the wind and the west moon; When their bones are picked clean and the clen bones gone, They shall have stars at elbow and foot; Though they go mad they shall be sane, Though they sink through the sea they shall rise again; Though lovers be lost love shall not; And death shall have no dominion. And death shall have no dominion. Under the windings of the sea They lying long shall not die windily; Twisting on racks when sinews give way, Strapped to a wheel, yet they shall not break; Faith in their hands shall snap in two, And the unicorn evils run them through; Split all ends up they shan't crack; And death shall have no dominion. And death shall have no dominion. No more may gulls cry at their ears Or waves break loud on the seashores; Where blew a flower may a flower no more Lift its head to the blows of the rain; Through they be mad and dead as nails, Heads of the characters hammer through daisies; Break in the sun till the sun breaks down, And death shall have no dominion. |
| | Nombre de messages : 1468 Âge : 35 Pensée du jour : "Deux rimes en or pour mille enfers" Date d'inscription : 26/12/2007 | Onicosmo / Roland curieux Lun 7 Avr 2008 - 21:02 | |
| J'hésitais, mais tant qu'on est dans l'anglais (ici Américain), voici un de mes favoris.
Charles Bukowski
The Genius Of The Crowd
there is enough treachery, hatred violence absurdity in the average human being to supply any given army on any given day
and the best at murder are those who preach against it and the best at hate are those who preach love and the best at war finally are those who preach peace
those who preach god, need god those who preach peace do not have peace those who preach peace do not have love
beware the preachers beware the knowers beware those who are always reading books beware those who either detest poverty or are proud of it beware those quick to praise for they need praise in return beware those who are quick to censor they are afraid of what they do not know beware those who seek constant crowds for they are nothing alone beware the average man the average woman beware their love, their love is average seeks average
but there is genius in their hatred there is enough genius in their hatred to kill you to kill anybody not wanting solitude not understanding solitude they will attempt to destroy anything that differs from their own not being able to create art they will not understand art they will consider their failure as creators only as a failure of the world not being able to love fully they will believe your love incomplete and then they will hate you and their hatred will be perfect
like a shining diamond like a knife like a mountain like a tiger like hemlock
their finest art |
| | Nombre de messages : 1635 Âge : 38 Localisation : Limoges Date d'inscription : 14/01/2008 | Eva Li / Fiancée roide Lun 7 Avr 2008 - 21:05 | |
| Je vais trancher un peu avec tout le monde parce que je n'apprécie pas forcément les rimes mais le rythme et les images. Extrait du KADDISH for Naomi Etrange de penser à toi, partie sans corsets ni yeux, et marcher sur le trottoir ensoleillé de Greenwich Village. Ville basse de Manhattan, clair midi d'hiver, et debout toute la nuit, parlant, parlant et lisant le Kaddish à haute voix, écoutant Ray Charles hurlant les blues aveugles sur le gramophone. Rythme, ryhtme, Et le souvenir de toi dans ma tête trois ans après Et les dernières strophes triomphantes d'Adonaïs à haute voix Pleurant, comprenant notre souffrance Et la Mort est le remède dont rêvent les chanteurs, chantent, et se souviennent, prophétie dans l'Hymne Hébreu ou dans le Livre Bouddhiste des Réponses Et ma vision d'une feuille flétrie A l'aube Rêvant en arrière, à travers la vie, Ton époque Et la mienne accélérant vers l'Apocalypse, le moment final, La Fleur brûlant dans la lumière Et qu'advient-il après, Rêvant en arrière sur l'esprit même qui vit une ville américaine, entrevue comme un éclair, et le grand rêve de Moi ou de Chine, ou toi et la Russie fantôme, Un lit défait qui n'a jamais existé Comme un poème dans le noir Retour vers l'Oubli[...] Allen GinsbergStrange now to think of you, gone without corsets and eyes, while I walk on the sunny pavement of Greenwich Village. Dowtown Manhattant, clear winter noon, and I've been up all night, talking, talking, reading the Kaddish aloud, listening to Ray Charles blues shout blind on the phonograph. The rhythm, the rhythm And your memory in my head three years after And read Adonais'last triumphant stanzas aloud, Wept, realizing how we suffer And how Death is that remedy all singers dream of, sing. Remember, prophesy as in the Hebrew Anthem, or the Buddhist Book of Answers And my own imagination of a withered leaf At dawn Dreaming back thru life, Your time And mine accelerating toward Apocalypse, the final moment The flower burning in the Day And what comes after, looking back on the mind itself that saw an American City a flash away, and the great dream of Me or China, or you and a phantom Russia, or a crumpled bed that never existed Like a poem in the dark Escaped back to Oblivion [...]
Dernière édition par Eva Li le Lun 7 Avr 2008 - 21:22, édité 1 fois |
| | Nombre de messages : 1468 Âge : 35 Pensée du jour : "Deux rimes en or pour mille enfers" Date d'inscription : 26/12/2007 | Onicosmo / Roland curieux Lun 7 Avr 2008 - 21:07 | |
| Mets-le en langue original si c'est du Ginsberg, c'est plus mieux. |
| | Nombre de messages : 1635 Âge : 38 Localisation : Limoges Date d'inscription : 14/01/2008 | Eva Li / Fiancée roide Lun 7 Avr 2008 - 21:08 | |
| Tu crois que tout le monde comprend l'anglais? |
| | Nombre de messages : 1468 Âge : 35 Pensée du jour : "Deux rimes en or pour mille enfers" Date d'inscription : 26/12/2007 | Onicosmo / Roland curieux Lun 7 Avr 2008 - 21:11 | |
| Non mais c'est juste que comme tu parles de ryhtme, de rimes et d'images, autant avoir les originales^^ |
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