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| | Ma sensibilité de lectrice change en vieilissant. Et la vôtre ? | |
| | Nombre de messages : 3090 Âge : 75 Localisation : Paris Pensée du jour : "Là où l'on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes." Heinrich Heine (écrivain allemand du XIXᵉ siècle) Date d'inscription : 27/01/2020 | Profsamedi / Didon de la farce Lun 9 Oct 2023 - 12:12 | |
| - Jimilie Croquette a écrit:
Qu'est-ce qui provoque ce glissement, cet accroissement de ma sensibilité ? : Je ne sais pas. Est-ce que c'est l'âge, mais alors pourquoi, comment ? Je l'ignore, pourtant, question d'âge, je devrais avoir quelque chose à dire, mais... non ! Avez-vous constaté le même phénomène chez vous ? : Oui; comme toi, j'ai glissé du même côté de la force. Bonjour Jimilie Croquette. Bon sang ! Qu'est-ce que j'aime ce pseudo ! (rire,de sympathie). Un vrai gamin ! Je suis sincère. Plus sérieusement, je n'ai jamais été un fan des trucs gores ou violents, ce qui est normal chez un Bisounours rose à la guimauve vanillée, mais j'arrivais à en lire de temps en temps il y a plus d'un demi-siècle. Cependant, ça s'est considérablement aggravé. Non seulement je ne la supporte plus, mais je la tiens en horreur pour ce qui concerne mes écrits. Ce qui par parenthèse me bloque dans bien de mes romans. Surtout pour le FF ! Il faut que je me fasse violence pour en écrire et encore plus pour en lire (sauf dans mes BL). À quoi ça tient ? Je ne saurais trop le dire. Sans doute à l'expérience qu'on accumule au fil des ans et qui fait mieux réfléchir au travers d'une grille de sensibilité qui s'enrichit au cours du temps. C'est possible. Juste pour te dire que non, tu n'es pas la seule. En toute amitié, Philippe. |
| | Nombre de messages : 487 Âge : 37 Date d'inscription : 07/06/2022 | Cervidé Grognon / Pour qui sonne Lestat Lun 9 Oct 2023 - 14:41 | |
| Personnellement, ce n'est pas l'âge qui a joué mais de lourds problèmes médicaux.
Quand j'étais gamine, j'étais une flippette de compétition ! J'étais incapable de regarder un film d'horreur, même les trucs nanardesque pour ado, et chaque fois que je me suis forcée pour un ami, je me suis retrouvée traumatisée à faire des cauchemars pendant des semaines (y compris pour des trucs ultra gentillets comme Ghost Buster 2 par exemple). Côté lecture, je m'accrochais pour lire Poe et Lovecraft, mais avec de la lumière et protégée sous une armure de couettes (là où j'étais incapable de lire Clive Barker par exemple, ça me faisait beaucoup trop peur).
Mais avec mes soucis de santé, j'ai trouvé dans l'horreur une sorte d’exutoire, tout particulièrement dans le body horror qui m'a vraiment aidé à passer le cap. Aujourd'hui, j'adore les films avec une ambiance particulièrement lourde, et même si le tortur p*rn me laisse de marbre, ça ne me gêne plus. Durant mes hospitalisations/rééducation, j'ai eu l'occasion d'en parler avec d'autres personnes suivies aussi pour des soucis assez lourds, et je me suis rendue compte que j'étais loin d'être seule dans ce cas. |
| | Nombre de messages : 652 Âge : 41 Date d'inscription : 04/04/2022 | Fred Dee / Hé ! Makarénine Lun 9 Oct 2023 - 15:03 | |
| Pour l'horreur (gore ou pas, mais plus c'est gore, plus ça appuie mon idée), j'ai souvent comparé ça à des rituels de passage. Quand on est au collège / lycée, on a tous les copains autour de nous qui nous parlent (se vantent) d'avoir vu tous les films de zombies, lu tous les Stephen King "et même pas peur" (frimeur !). Comme dans un rite tribal, tu te dois de passer à travers ce feu pour montrer que tu peux faire partie des grands. D'abord tu vas apprendre à adapter ta sensibilité, puis tu en viens à en demander/consommer plus, tu te blindes, tu en ris parfois. Et c'est pour ça qu'on a tant d'histoires calibrées avec des héros ados / jeunes adultes, ou alors des enfants sont pris aussi dans la tourmente et ça rappelle l'enfant que l'ado était il n'y a pas si longtemps. Après, soit tu continues dans cette veine mais peut-être parce que c'est juste une routine, tu ne fais que manger ce qui est à ton goût, soit tu ne t'attaches qu'à ce que tu as déjà vu et tu n'essaies même pas de découvrir de nouvelles choses. D'abord parce que ces films ne sont plus calibrés pour toi, parce que tu n'es plus l'ado cible de ces récits. Et enfin, tu as franchi l'étape, l'épreuve du gore, tu peux t'intéresser à autre chose. Il y a d'autres injonctions : tu es adulte, donc cherche des œuvres plus "adultes". Descends du manège de la maison hantée, il y a d'autres choses à voir, d'autres sensations à avoir. Voilà mon point de vue sur les genres horrifiques. Mais de manière globale, on réagit toujours différemment à force d'expériences nouvelles. En avançant en âge, on traverse de plus en plus d'épreuves qu'on ne voyait que dans les films, entre autres des deuils. La mort devient plus vraie dans nos vies et on la contemple donc avec un nouvel oeil dans la fiction. Et la vie aussi. Avoir des enfants, par exemple. Combien de scènes impliquant des enfants dans des films que je regardais en toute décontraction il y a vingt ans me prennent aujourd'hui aux tripes. - Spoiler:
J'ai revu Heat de Michael Mann récemment et la scène du suicide de la gamine m'a serré le cœur comme jamais auparavant.
Mais des fois, c'est bien qu'on réagisse à une œuvre différemment. Ça ne nous oblige pas à la rejeter à partir d'un certain âge parce que ce n'est plus pour nous, mais cela nous permet de trouver une nouvelle richesse dans certaines œuvres, elles ont soudain un peu plus à apporter. Ou, d'un autre côté, elles vont juste nous prouver qu'elles n'existaient que pour provoquer une unique réaction et que celle-ci est loin d'être universelle. |
| | Nombre de messages : 971 Âge : 51 Localisation : Paris 20 Date d'inscription : 04/08/2022 | josephcurwan / Bile au trésor Lun 9 Oct 2023 - 15:13 | |
| j'aimais pas corbière en 92.
maintenant si. |
| | Nombre de messages : 71 Âge : 34 Localisation : Lausanne Pensée du jour : Ma couronne est ma joie Date d'inscription : 19/09/2023 | Azurlazuly / Clochard céleste Lun 9 Oct 2023 - 15:49 | |
| - Citation :
- Mais des fois, c'est bien qu'on réagisse à une œuvre différemment. Ça ne nous oblige pas à la rejeter à partir d'un certain âge parce que ce n'est plus pour nous, mais cela nous permet de trouver une nouvelle richesse dans certaines œuvres, elles ont soudain un peu plus à apporter.
Totalement d'accord ! Grace à mes enfants, je redécouvre la beauté et la portée des histoires que je connaissais enfant, comme certains contes traditionnels. Je leur ai lu récemment "la reine des neiges" (celui d'Andersen, pas de Disney) et j'ai été touché par de très beaux passages. Je comprend l'histoire d'une tout autre façon et je trouve ça merveilleux de pouvoir partager cela avec mes enfants, chacun retenant ce qui lui convient à son niveau. |
| | Nombre de messages : 3365 Âge : 42 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 11/01/2019 | Jimilie Croquette / De l'Importance d'être Constamment Là Mer 11 Oct 2023 - 10:09 | |
| Pas plus tard que ce matin... j'écoute dans les transports (livre audio) un récit où l'accouchement d'une femme se passe mal. La mère et l'enfant décèdent. J'étais pas bien. J'me suis sentie nauséuse.
C'est fou quand même. C'est juste un livre.
Edit : c'était même pas détaillé. On apprend juste que la mère souffre, que le col de l'utérus ne s'est pas ouvert, que le bébé est mort et que la mère va mourir aussi.
Dernière édition par Jimilie Croquette le Mer 11 Oct 2023 - 15:47, édité 1 fois |
| | Nombre de messages : 1030 Âge : 29 Date d'inscription : 30/03/2023 | Docal / Effleure du mal Mer 11 Oct 2023 - 15:08 | |
| Moi c'est plus les livres très premier degré avec lesquels j'ai beaucoup de mal maintenant.
D'un autre coté, j'aime de plus en plus les contes.
J'ai un peu l'impression que je n'arrive plus à m'investir dans les œuvres qui ne conscientisent pas un rapport avec le lecteur.
Après sinon sur vraiment le contenu j'ai de plus en plus de mal avec l'esthétisation de violences réalistes. |
| | Nombre de messages : 2049 Âge : 31 Pensée du jour : Crachez-le aussi fort que vous voulez, ça ne sert à rien. Car je ne suis pas un déviant. Date d'inscription : 28/07/2023 | Blackmamba / Crime et boniment Mer 11 Oct 2023 - 16:39 | |
| La singularité des individus est au final très intéressante à constater au fil de cette discussion. Je ne fais pas d'échelle de valeur, mais vraiment, je trouve que le sujet est passionnant en vérité.
Plus je vis mon hypersensibilité et la ressent au quotidien, plus justement je vais dans le sens inverse du votre, à savoir que la violence m'attire davantage et m'intrigue, que ça me pousse à la mettre en scène avec réalisme et intensité, autant que j'aime la vivre en tant que spectateur/lecteur.
Pour autant, elle m'impacte toujours de plus en plus : je vais un prendre un exemple un peu en dehors, mais peut-être que certains d'entre vous sont tombés sur la publicité de prévention autour des abus sexuels sur mineurs, qui tourne en ce moment à la télévision. Cette publicité de prévention est diffusée à une heure de grande écoute, donc rien de visuel, tout est suggéré. Pourtant, la petite gamine qui explique avec ces mots, et les allusions... Pfiou, j'étais très très fébrile quand je suis tombé dessus la première fois. Ce n'est que l'histoire de quoi, une trentaine seconde ? Mais c'était vraiment très impactant. Pour autant, il n'y a pas d'effet repoussoir à éviter ces sujets, que ce soit en tant que spectateur/lecteur que créateur de mon côté.
Je trouvais le paradoxe chez moi intéressant, et qui pouvait aller dans le sens du sujet. |
| | Nombre de messages : 1026 Âge : 44 Localisation : Lens Pensée du jour : Ce canard est trop lourd ou corrompu Date d'inscription : 30/09/2014 | fabiend / Effleure du mal Jeu 12 Oct 2023 - 16:19 | |
| J'ai désormais une tolérance nulle pour les scènes détaillées de viol (en général) ou de meurtres d'enfants. C'est comme ça.
J'ai lu récemment un roman auquel j'adhérais franchement, et là, pof, une scène de viol avec quelques détails, je suis ressorti de l'histoire instantanément. Je me suis un peu forcé à lire la suite, mais je n'arrivais plus à re-rentrer dans l'histoire, parce que ce n'est pas l'idée que je me fais d'un divertissement (la raison pour laquelle des gens considèrent que montrer un viol ou un meurtre d'enfants est une bonne source de divertissement me dépasse un peu, mais il en faut pour tous les goûts j'imagine ; je précise aussi, pour éviter d'éventuelles remarques misandres que le roman était écrit par une femme). |
| | Nombre de messages : 196 Âge : 35 Date d'inscription : 19/02/2021 | questiondepointure / Tycho l'homoncule Lun 16 Oct 2023 - 14:29 | |
| personnellement, j'ai apprécié ces dernières années des lectures qui ne m'auraient pas intéressé quand j'avais 18 ans (seconde guerre mondiale, nouvelles de Lovecraft, prose poétique, etc), en revanche j'aime toujours les auteurs qui me plaisaient quand j'étais plus jeune. |
| | Nombre de messages : 23 Âge : 35 Localisation : Suisse Pensée du jour : voilà Date d'inscription : 26/04/2021 | AmélieH / Homme invisible Mer 20 Déc 2023 - 12:06 | |
| Je ne trouve pas cela surprenant et j'en ai fait l'expérience. Mes sensibilités ont changé avec la maternité et avec le covid. Avec le Covid, l'actualité politique, écologique et économique, je ressens plus que jamais le besoin de me protéger émotionnellement. Sans tomber dans le naif pour autant, j'ai besoin en ce moment de magie ou d'histoire (bref, de la distance). En plus, je ne supporte plus certains sujets comme les violences faites aux femmes ou les accouchements qui se passent mal depuis la naissance de ma fille.
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| | Nombre de messages : 370 Âge : 40 Date d'inscription : 14/11/2023 | Seb / Tapage au bout de la nuit Mer 20 Déc 2023 - 12:47 | |
| Il me semble que la plupart des choses ont été dites Cependant il reste un sujet qui n'a pas été abordé. Celui de l'intention des artistes, dont on oublie souvent de questionner la morale. Ce n'est jamais anodin d'aborder certaines choses de cette façon, ce n'est pas neutre
Au-delà des scènes, des descriptions, des images, quelle est l'intention de l'autrice ? Quel contrat lie-t-elle avec son lectorat ? Certaines scènes difficiles peuvent susciter notre empathie envers les victimes, nous faire éprouver la nécessité d'agir, quand d'autres sont là pour affirmer l'emprise de l'autrice sur l'esprit de ceux qui lisent, nous procurant le frisson de se sentir saisis d'horreur. D'un autre côté, comme lecteurs et lectrices, que savons-nous de nos intentions de lecture, de nos duplicités plus ou moins complices ? Il y a un jeu de manipulation entre les personnes qui écrivent et celles qui lisent, que nous interrogeons rarement frontalement
Sommes-nous conscients du contrat et qu'en faisons-nous ? Quelle conscience l'autrice a de ses propres déviations et de la façon dont elle les convoque dans l'écriture ? Qu'est-ce que cela produit en nous ? De la stupeur ? De la combattivité ? De la fascination et du dégout ?
Observer ce qui se passe dans notre psyché peut nous renseigner sur les intentions déclarées ou secrètes, inconscientes, de l'artiste. C'est un domaine où règnent bien souvent le trouble et la réversibilité, qu'il est parfois inconfortable d'explorer |
| | Nombre de messages : 1030 Âge : 29 Date d'inscription : 30/03/2023 | Docal / Effleure du mal Mer 20 Déc 2023 - 14:46 | |
| Seb.
Je suis assez d'accord, mais je pense qu'il faut aussi pondérer cette intention avec la compétence à la réaliser. C'est, comme beaucoup d'autres choses, un savoir faire, mais un qui est rarement (du moins j'en ai l'impression) validé ou non par une étape intermédiaire comme l’édition.
On a un à priori à considérer que le message qui passe est celui qui a été voulu, qui est intentionnel. Pourtant, quand on a accès à la fois au texte et à celui ou celle qui l'a écrit, comme ici, on se rend souvent compte que le message exprimé n'est pas toujours celui voulu.
J'ai souvent vu, dans mes textes entre autre, qu'il y a une dissonance entre le message écrit et le message lu, que ça soit par maladresse, angle mort, manque de clarté ou fossé culturel.
Cela n'est en rien aidé par le fait qu'on voit très rarement un auteur admettre "Ah, merde, j'y avais pas pensé tiens." |
| | Nombre de messages : 3090 Âge : 75 Localisation : Paris Pensée du jour : "Là où l'on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes." Heinrich Heine (écrivain allemand du XIXᵉ siècle) Date d'inscription : 27/01/2020 | Profsamedi / Didon de la farce Mer 20 Déc 2023 - 15:54 | |
| | Nombre de messages : 370 Âge : 40 Date d'inscription : 14/11/2023 | Seb / Tapage au bout de la nuit Mer 20 Déc 2023 - 16:39 | |
| @Docal
C'est vrai aussi que ça dépend beaucoup du type de littérature / d'art dont on parle. Mais il y a des surprises. Je pense qu'on peut aussi faire l’hypothèse inverse. Que ce sont parfois les plus doués quant au domaine de leurs penchants qui passent le seuil des maisons d'édition. Il faut parfois un talent monstre pour transmuter les petits arrangements du moi en une œuvre qui parle à tous. Cependant je ne pense effectivement pas à l'intention consciente, mais plutôt aux soubassements inconscients de ces intentions Là encore, ça dépend des genres et des positions des auteurices
@Profsamedi
Tout à fait, avec un angle d'attaque un peu différent. Je me souviens de ce topic en plus Ici la différence c'est peut-être que je voulais parler de l'évolution psychique personnelle qui nous amène à faire évoluer le lien que l'on noue avec les intentions (réelles, supposées, fantasmées...) de l'auteur. Les transgressions qui fascinent l'adolescent peuvent devenir fade pour l'adulte. Transgresser démontre une volonté, un désir, mais s'exposer à la transgression également, etc |
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