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 Comment parler des méchants ?

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Aconitum
   
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Aconitum  /  Tycho l'homoncule


Mika a écrit:
Et d'ailleurs veut-ont faire empathiser le lecteur pour un tel personnage ? Y-a-t-il réellement quelque chose à comprendre ? Faut-il créer un effet tire-larme pour ce mec, pour satisfaire les lecteurs et éviter "le cliché" ?? En tout cas, ma vision d'auteur en prendrait un coup.

Despentes l'a fait dans Vernon Subutex, elle met en scène un panel d'une dizaine de personnages, avec chacun leurs chapitres à la 3ème personne interne, dont un mec violent qui battait sa femme (et dans d'autres chapitres elle fait la même chose avec un néonazi, d'ailleurs)

Je pense que pour ce genre de personnages là (et c'est, je trouve, ce qu'a réussi à faire Despentes), le défi n'est pas de les excuser ou de les rendre plus sympathiques que leurs victimes, mais plutôt de plonger dans une sorte d'expérience psychologique pour comprendre comment quelqu'un peut possiblement vriller et faire le mal à ce point, et sans lui-même avoir conscience qu'il est quelqu'un d'horrible.

Et forcément, en faisant ça, tu te rends compte que la personne a des rêves, des peurs et des aspirations comme tout le monde. C'est ça, le plus dur à accepter : que cette personne n'est pas une sorte de croquemitaine, mais bien quelqu'un de lambda sur plein d'aspects. C'est pour ça que beaucoup de personnes refusent de voir leurs amis ou leurs célébrités préférées comme des monstres quand leurs crimes sont révélés : pour eux, les prédateurs doivent avoir une allure et une personalité apparente de prédateur.


 
Mika
   
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Mika  /  Double assassiné dans la rue Morgue


Chilpéric a écrit:
À mes humbles yeux, tu poses là une toute autre question qui est la place et le rôle du méchant dans ton histoire.

L'Empereur de Star Wars n'a pas besoin de qualités rédemptrices ou d'un passé tragique: il est l'incarnation du Mal, de l'Ennemi, de l'Empire dictatorial. Pareil pour Sauron dans le même style.

Il peut aussi être une menace persistante, toujours à l'affût de la moindre faiblesse, comme le monstre Freddy ou Ça.
Un mari violent peut prendre cette place en le décrivant et le montrant comme une menace permanente, silencieuse ou non, qui plane sur les protagonistes.

Par contre je crois que plus le personnage va être présent et multirôle dans le récit, plus il va falloir l'humaniser ou au moins le décrire et le justifier.

De plus je pense aussi qu'il y a des modes même en littérature car nous suivons l'ère du temps. Et l'ère du temps en Fantasy est à une forme de relativisme moral en réaction aux oeuvres classiques plus manichéennes.


Aconitum a écrit:
Je pense que pour ce genre de personnages là (et c'est, je trouve, ce qu'a réussi à faire Despentes), le défi n'est pas de les excuser ou de les rendre plus sympathiques que leurs victimes, mais plutôt de plonger dans une sorte d'expérience psychologique pour comprendre comment quelqu'un peut possiblement vriller et faire le mal à ce point, et sans lui-même avoir conscience qu'il est quelqu'un d'horrible.

Et forcément, en faisant ça, tu te rends compte que la personne a des rêves, des peurs et des aspirations comme tout le monde. C'est ça, le plus dur à accepter : que cette personne n'est pas une sorte de croquemitaine, mais bien quelqu'un de lambda sur plein d'aspects. [...]

Oui, c'est vrai, vous avez raison tous les deux. Je pense que le simple fait d'être dans sa tête et de comprendre ses motivations permettent de le rendre plus gris. Pas besoin d'empathiser avec lui ni de l'excuser. Il peut d'ailleurs rester un bloc de haine, c'est pas tant ça le soucis en fait, c'est ptêtre mal formulé. Je vais retrousser mes manches et faire les corrections adéquates dans mon récit pour aller dans ce sens.

Pour revenir à Star Wars, je pense que ce qui fait vraiment de Dark Vador ce méchant emblématique, c'est cette scène hyper fameuse quand il dit à Luke que c'est son fils. Là on se dit "merde" : il passe du méchant très méchant du film 1 (pas forcément hyper intéressant) à un perso à part entière. On se pose du coup pleins de questions sur lui, questions qui seront adressées dans la prélogie (moi j'aime bien la prélogie 🙂). Quant à Palpatine, il faut avouer qu'il ne prend de la profondeur que dans la prélogie, lorsqu'on apprend que c'est un sénateur etc. D'ailleurs, ce n'est que là qu'on apprend son nom, Palpatine, si je dis pas de bêtise. Donc ça rejoint aussi ce que vous dites. C'est au moment où on commence à comprendre ces méchants (et pas empathiser avec eux !) qu'ils en deviennent intéressants.

Quant à Sauron, c'est un dieu de la méchanceté en quelque sorte donc pas besoin d'explications selon moi ! Ce n'est pas le cas d'un méchant tel Dark Vador ni d'un meurtrier ou d'un dictateur réel. Là, plus d'explications sont peut-être attendues.
 
Cervidé Grognon
   
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Cervidé Grognon  /  Pour qui sonne Lestat


Joyo a écrit:
Sans oublier le grand mystère des films d'action : où ont-il appris à tirer ?

Si les méchants savaient tirer, l'histoire serait torché en 10 minutes, donc ce cliché là est surtout au service d'une certaine facilité de l'action.

Concernant Star Wars, je trouve aussi que l'exemple est mal choisi. Les Sith sont entièrement soumis à leurs émotions, c'est la base du côté obscur, et rares sont les Sith qui ont réussi à enseigner une certaine retenue (Kaan a bien essayé mais le résultat n'a finalement pas été mirobolant).

De plus, tu cites deux situations très différents. Dans Épisode V, Vader et seul avec Luke, il a donc plus de liberté de paroles. Dans Épisode VI, Palpatine est juste à côté, donc sortir ''Eh Luke, tu viens me filer un coup de main pour trucider le vieux ?'' ça aurait quand même été un poil flagrant.

Malgré tout, Star Wars est plus subtile qu'on ne le croit :
- Les rebelles de la trilogie originelle sont présentés comme des héros, ils se présentent eux-mêmes comme des héros, mais ce sont aussi des terroristes qui ont causé des milliers de morts
- Dooku et ses Séparatistes sont présentés comme les méchants dans la prélogie, la République est présentée comme gentille, et pourtant ces méchants-là sont juste des gens qui veulent quitter un gouvernement galactique qui ne leur convient plus (un peu comme si l'Union Européenne avait déclaré la guerre à la Grande-Bretagne suite au Brexit)
- les Ewoks, considérés par beaucoup comme de gentilles peluches trop mignonnes, sont un peuple de chasseurs et de carnivores qui ne connait que peu de prédateurs sur Endor et dominent cette planète, et pourtant le combat contre l'Empire fait rigoler tout le monde. Gageons que s'ils avaient été moches comme des Gamorréens, les gens auraient trouvé ça plus crédibles, juste parce que les Gamorréens sont moches.

Donc le souci n'est pas d'avoir des méchants/gentils qui ne soient pas manichéens, le souci est surtout d'avoir un public capable de s'en rendre compte et de ne pas dire ''mignon = gentil'' et ''moche = méchant''.

Un autre exemple est le personnage de Vidal dans Le labyrinthe de Pan, de Guillermo Del Toro. Ce personnage est extrêmement bien construit. Ses angoisses, ses peurs, ses hésitations sont très bien présentés... et pourtant, je suis persuadée que bon nombre de spectateur n'ont perçu de lui que le vilain méchant qui trucide et torture à tour de bras.
 
Jimilie Croquette
   
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lula_mae
   
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Est-ce que finalement, un bon méchant, ce n'est pas simplement un antagoniste dont on peut à la fois comprendre les motivations, tout en comprenant en même temps l'aspect immoral ou destructeur ?
Vous avez deux heures ahah  Smile .

J'avais lu une théorie selon laquelle un bon méchant devrait être le héros d'une réalité alternative où le protagoniste (donc héros actuel de l'œuvre) serait son antagoniste à lui, donc un simple renversement de point de vue suffirait à lui enlever son caractère de méchant... mais je ne sais pas, je me dis qu'on perd un peu en sel à être 100% dans du tout est relatif et une question de pdv  Comment parler des méchants ? - Page 2 1f610
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Mokkimy
   
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Citation :
J'avais lu une théorie selon laquelle un bon méchant devrait être le héros d'une réalité alternative où le protagoniste (donc héros actuel de l'œuvre) serait son antagoniste à lui, donc un simple renversement de point de vue suffirait à lui enlever son caractère de méchant... mais je ne sais pas, je me dis qu'on perd un peu en sel à être 100% dans du tout est relatif et une question de pdv  

J'avais lu quelque chose dans cet esprit-là, également. En fait, c'est la définition d'antagoniste dont il était question. Il ne s'agit pas de quelqu'un qui veut à tout prix se battre. C'est simplement qu'il veut quelque chose, et que sur sa route, il va croiser le chemin du héros qui veut exactement le contraire/exactement la même chose/quelque chose de différent, mais les désirs des uns et des autres sont incompatibles. Et paf, ça fait des chocapics.

Après, un antagoniste n'est pas nécessairement un méchant. Ça peut être la mère du héros, sa meilleure copine, ou simplement un obstacle quelconque qui va se dresser sur sa route.

Pour bien parler d'un méchant, je pense qu'en fait, il faut le rendre intéressant. (dès le début du roman, et pas juste à la fin dans le chapitre des révélations.) Un personnage qui intéresse, on le suivra jusqu'au bout du monde, peu importe s'il est moral, amoral, ou même peu approfondi.
Comprendre les actions du personnage, ça peut être une manière de procéder. Mais un méchant peut aussi être très intéressant sans aller dans le détail de ses motivations, en ayant un modus operandi particulier, ou un caractère insolite (un méchant altruiste/un méchant intelligent/un méchant excentrique).

Pour l'exemple de Trump, si quelqu'un cherche à s'inspirer de lui, il doit comprendre pourquoi Trump est intéressant. Pour moi, la rumeur que j'ai entendue à son sujet, et qui est assez fascinante, c'est qu'il est devenu comme ça, parce qu'on lui répétait quand il était petit qu'il n'avait pas le droit d'être un looser, que c'était une question de volonté, et qu'il a donc eu une forte pression familiale pour faire ses preuves. L'échec lui est insupportable.

Pour l'exemple de BoJo (le clown), ce qui m'avait intéressé chez lui est le fait qu'il ait été placé par ses alliés de l'ombre politique pour devenir premier ministre, alors que lui-même était globalement très incompétent. Mais il y avait besoin que quelqu'un se présente aux élections et soutenir le Brexit, et allez savoir pourquoi, les mecs intelligents ne voulaient pas se mettre en porte à faux. Ils l'ont donc envoyé à leur place.
(Enfin, c'est ce que j'en ai retenu, avec une probable déformation des informations lues/vues.)
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Je vais parler en tant que lecteur. J'ai lu une théorie de je ne sais plus qui, qui dit que, quand on lit une histoire, on invite en quelque sorte le personnage dans son salon pour toute la durée de notre lecture.

Est-ce que j'ai envie d'inviter Luke Skywalker ou Yoda chez moi pendant une soirée ou deux ? Ou ce mec et cette meuf sympathiques du roman d'Elopez ? Oui pourquoi pas, ils ont l'air sympas.

Est-ce que j'ai envie d'inviter Palpatine ou Hitler ou la meuf de radio mille collines ou le mec qui fait chanter une ados avec des sextos ? Pas franchement, non.

Ça veut dire que, autant j'ai envie que les chapitres du point de vue du héros s'attardent pour passer du temps avec eux, autant je préfère que les chapitres du point de vue des antagonistes soient courts et superficiels. Je veux bien voir Yoda préparer à dîner dans sa maison minuscule. Et Luke et ses potes faire la fête après leur victoire. Je n'ai pas envie de voir Palpatine faire la même chose. Et c'est exactement ce qui se passe dans les 6 premiers films, on voit la galaxie entière faire la fête à la fin de la trilogie originale, mais on ne voit pas les Sith célébrer leur victoire à la fin de la prélogie.

Sauf que, des rapides courts et superficiels, ça limite les opportunités de creuser les personnages.
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Blackmamba  /  Crime et boniment


Un sujet passionnant ! Et qui me tient à cœur ! Bon, ma propension aux pavés m'empêche de rebondir sur chaque point, sinon j'y suis jusqu'à demain malheureusement. Même si ça pourrait être plaisant. Mais je sens que je vais me montrer extrêmement long.

Je dirais qu'il faut avoir en tête la distinction entre antagoniste et méchant : tous les méchants sont forcément des antagonistes, mais tous les antagonistes ne sont pas forcément des méchants. Comment je les distingue ? Le méchant veut le pouvoir, l'argent, ect comme une fin, et non un moyen. C'est le contraire pour l'antagoniste : il recherche le pouvoir, l'argent, ect. Mais au service d'une ambition, d'une vision particulière. Souvent opposée au protagoniste justement.

Je vais reprendre Sidious, pour l'opposer à Thanos par exemple. Sidious manque de complexité à mon sens. Ça n'en fait pas un mauvais méchant. Il est assez monolithique et manichéen. Parce qu'il n'est que haine ? Plutôt parce qu'il recherche le pouvoir comme une fin, et non un moyen. Sidious n'a pas de vision spécifique, de fonder un monde meilleur à son sens. Il veut l'ordre, mais c'est tout, sans plus. Parce qu'il veut juste se trouver au sommet, avoir le plus de domination et de pouvoir, donc pour ce faire, recherche l'ordre.
Thanos, c'est presque l'opposé sur cette base : il recherche les pierres d'infinités, et donc le pouvoir. Mais ce n'est pas une fin pour lui. Plutôt un moyen de réaliser sa vision du monde : le sauver. Thanos se voit comme le gentil, et que les Avengers sont une partie du problème. Il est radical, éco-terroriste on pourrait dire. Un "méchant altruiste", un pur antagoniste.

Et un autre exemple, plus complexe qu'il n'y paraît : le Joker. Méchant ou antagoniste ? Il incarne le paradigme de violence déshinibé et exacerbé à l'extrême. Se nourrissant du chaos, anarchiste, nihiliste. La violence est un moyen, et non une fin pour lui. Sa vraie finalité varie selon ses différentes itérations, celui de Moore n'est pas exactement celui de Nolan pour résumer. Mais est-ce que faire le Mal est sa finalité ? Ou recherche la désolation comme objectif de vie, assumer ses désirs et pulsions d'ordre primales, balayant le principe même de société ? Le pouvoir, l'argent, la violence... Il se fiche de cela, les voyant comme un moyen. De s'exprimer, pour obtenir sa finalité.

Personnellement, dans l'idée, je mets toujours en scène mon antagoniste comme le protagoniste de sa propre histoire. Persuadé qu'il est le gentil de son récit, peu importe ses actes qu'il parvient toujours justifier, trouver un bien fondé. Il peut parfois douter, se remettre en question. Changer d'avis ? Possible. Tout comme un protagoniste.

Pour le côté mauvais/haineux/violent, c'est un point à appréhender comme un autre pour un artiste selon moi : pour écrire une scène premier soin dans un monde Fantasy, ben on va se documenter, assimiler des connaissances sur tout un tas de choses. C'est la même chose pour ce qui compose un antagoniste : rechercher les moteurs de violence et de haine. Apprendre des choses à ce sujet, chercher la rationalité sans l'émotionnel. Pas toujours évident, je le concède. Je suis passé par ce chemin, donc c'est mon cas que je partage : je me suis penché sur la nature humaine, et à quel point la violence, composante de l'instinct de survie, occupe une part dans notre essence. Qu'est-ce que la violence ? Une contrainte exercée sur un individu. Elle n'est ni mauvaise, ni bonne. Tout dépend du contexte. Un tsunami, c'est hyperviolent. Est-ce que c'est mal ? Un lion qui mange ses petits ? Est-ce méchant ?

Le vécu personnel est une bonne base. Sans encourager à se battre pour apprendre des choses non ! Mais si on a subi une agression, c'est un bon moyen de rationaliser les évènements pour comprendre et en tirer des choses. Si on se sent à l'aise avec l'idée, ce qui n'est pas évident non plus. Ou sinon, écouter ceux qui l'ont vu droit dans les yeux : des opérateurs d'armée régulière ou de forces spéciales, des contractors, des infiltrés dans les mondes criminels, des gens du monde de la sécurité. Même un portier de boîte de nuit tiens. Eux connaissent vraiment ce qu'est la violence, ce que l'âme humaine à de plus sombre en elle. La nature humaine est violente, on l'est tous au fond de nous. Ce qui sépare les gentils des méchants, ce sont plus que les valeurs ou les convictions à mon sens, mais les inhibitions et freins qu'elles nourrissent. Car au fond de nous se trouve un moteur capable d'annihiler la vie d'un membre de notre propre espèce. La civilisation a placé toujours plus d'inhibitions à ce sujet. Une bonne chose, s'il faut le préciser...?

Mais cela ressort parfois, avec des différences de rapport à la violence : un français lambda n'aura pas le même rapport à la violence qu'un brésilien ou indonésien. Pourtant, il s'agit d'êtres humains formés de la même matière. Un gros caïd des quartiers de Marseille ne ferait pas long feu dans une favela par exemple. Face à des gosses de 12 ans ayant plusieurs meurtres payés une misère dans leur vie. Que reste-t-il d'humain ou de "bon" chez ces gosses ? Sont-ils purement "méchants" ? Ou bien leur rapport à la violence est juste beaucoup trop désaxé ? Quels adultes reste-t-il ? Ils rentrent dans des cartels. Leur activité ? Ils découpent le visage d'un type vivant, devant sa famille, en se bidonnant. Un rire machiavélique ? Non, ils vont rire comme des gens lambda riront d'une blague amusante. Parce que c'est vraiment amusant pour eux. Désinhibés à l'ultraviolence, tuer, massacrer, opprimer... C'est comme tondre la pelouse pour ces gens, véritablement. Donc sur la base d'une telle psychologie, méchant ou antagoniste ? Je dirais plutôt mettre en scène leur rapport à la violence, dans ce qu'elle a de plus horriblement désaxé. Commettre une chose odieuse comme s'ils allaient acheter du pain. Car presser la détente, c'est comme tirer la chasse d'eau pour eux.

Désolé du côté cru des images. Après, ce sont des constats basés sur l'écoute de gens qualifiés et compétents du milieu de la sécurité, et complété à mon expérience personnelle. Sans dire je suis John Wick non plus, et libre à vous de penser ce que vous voulez. Mais sur cette base référentielle du rapport à la violence d'un individu, cela a étoffé ma manière de construire la psychologie des individus violents dans un récits, et donc les antagonistes/méchants. Se demander comment un individu peut vivre avec les horreurs qu'il commet ? Trouver le sommeil ? Parce qu'il ne s'agit pas vraiment d'horreurs pour lui. Sa psyché justifie ses actes. C'est horrible, mais il faut rationaliser ce cheminement pour songer à le en scène sur un antagoniste, pour le rendre plus complexe. À mon sens en tout cas.

Quand un "méchant" ou un antagoniste exerce la violence, cela se résume t-il qu'à de la haine et vouloir faire du mal ? En partie, mais j'estime qu'on peut aller plus loin. Il veut reprendre le contrôle, dominer, se sentir mieux ou moins oppressé. Parfois, se nourrir du goût du sang de ses victimes. Parce qu'on se le dise : quand on est déshinibé au possible, perdant toute civilité, éteindre la lumière d'un autre provoque des sensations très impactantes pour ces gens. Dans la même idée, vivre dans un monde de violence, c'est côtoyer le ligne de non-retour bien souvent. Quand je mets en scène un opérateur du côté des "gentils", j'applique des concepts similaires : je lui fais ressentir cet appel de pourfendre l'ordure en face de lui. Tout en soulignant sa discipline, ce qu'il s'impose pour "rester le gentil".

Si on met en scène un individu dépourvu d'empathie, violent à souhait, à quoi bon vouloir le rendre gentil ? Il ignore le principe même d'empathie, sacré frein qui empêche d'être submergé par la violence. Pas le seul non plus, mais voilà. Pour moi, il faudrait mettre en scène sa logique et son cheminement de pensée. A quel point il perçoit la vie humaine comme tout sauf singulière, ne ressent pas/ne veut pas le bien de son prochain. Le lecteur comprendra sa logique. Mais comprendre la logique d'un tueur en série ou d'un génocidaire, est-ce que c'est valider/justifier/atténuer ses actes abjectes ? Je n'ai pas l'impression. En tant qu'artiste, pourquoi se sentir coupable ou gêné de déployer et expliquer la logique d'un antagoniste et de ses actes parfois horribles ? Expliquer n'est pas légitimer non ?

En s'éloignant des "méchants" habituels, je vais me poser sur un homme plus lambda. Comme un exemple donné dans le sujet il me semble : un bourreau qui oppresse et frappe sa femme. En faire un misogyne qui déteste les femmes, toutes les femmes, pour justifier son comportement abject, ça peut marcher, oui. Mais artistiquement et narrativement, je trouve que ça manquerait de complexité. Dans l'idée, j'aimerais mettre l'accent sur à quel point, dans sa tête, il tient sa femme responsable de ses maux. Ce qui est lunaire, faux et ne justifie jamais de la battre, évidemment. Mais pour ce type, il faut s'imaginer un monde où c'est clairement la faute de sa compagne. Pour ses soucis, son manque de bonheur, ect. Qu'elle est responsable, ne fait pas le nécessaire pour lui. Mais une fois passé les coups, il s'est purgé de sa violence qu'il ne sait pas juguler. L'état dans lequel il a mis sa femme est une piqûre de réalité qu'il déteste constater. Parce qu'elle lui montre que son comportement peut lui faire perdre sa compagne dont il a besoin. Ben oui, s'il n'a plus de bouc émissaire, il va faire face à ce qu'il a en lui. Et c'est tellement moche que ça, il ne le veut pas. Du coup, ce cheminement est, pour lui, un affect, de l'amour, dépendance affective, ect. Une part de lui ressent de l'affection pour celle qu'il bat. Mais cela ne pèse pas lourd face à son refus d'admettre sa propre nature.

Alors ce n'est pas exhaustif, véridique et applicable partout, tout le temps. Simplement la manière dont je tenterais de rendre le comportement et cheminement d'un bourreau pour le rendre complexe moins unidimensionnel. Besoin de contrôle, de domination. Refus d'admettre ses faiblesse, ect. Utilisation de la violence, d'une contrainte, car il refuse d'admettre la personne qu'il est, ses problèmes à régler. Mais est-ce une finalité d'éviter le côté unidimensionnel ? C'est une autre question.
Alors je sais que c'est un sujet sensible. Désolé si mon parti pris ou ces passages de mon pavé heurtent et renvoient de vilaines choses. Mais ce n'est pas parce que j'expliquerais et mettrais ce genre d'exemple en scène que je cautionnerais en aucun cas. Ce serait bien mal me connaître. Mais du point de vue d'un artiste, je tente souvent de rationaliser des schémas comportementaux, pour les comprendre et y faire ressortir des émotions ensuite. C'est le cheminement que j'ai en tout cas.

Il en va de même pour un suprémaciste : selon lui, cette race/ethnie/ect doit être responsable de tous ses maux. Est-ce qu'il les considère comme inférieurs de fait, par nature ? Ou plutôt parce qu'il a une blessure qui a nourri ce ressentit à vif ? Une haine nait d'un traumatisme. Sans justifier et dire que ok, ça valide et légitime pourquoi untel veut caser de l'Asiatique, de l'Africain ou que sais-je. Quelque chose de profond doit nourrir cette haine si elle pousse l'antagoniste à aller aussi loin. Dans le sens où même si cette haine le taraude, elle est plus confortable que de faire face à son traumatisme. Plus simple de diriger cette haine vers une cible extérieur que contre soi-même je dirais.

Mais encore une fois, complexifier un antagoniste ou un méchant, c'est tenter de lui donner de l'épaisseur, et non le justifier ou trouver des excuses. Et je vais m'arrêter là je crois, parce que je bas des records. Désolé, parce que parfois ça va un peu dans différentes directions, poser du contexte sur pourquoi j'ai cette vision.
 
Mika
   
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Mika  /  Double assassiné dans la rue Morgue


Citation :
J'avais lu une théorie selon laquelle un bon méchant devrait être le héros d'une réalité alternative où le protagoniste (donc héros actuel de l'œuvre) serait son antagoniste à lui, donc un simple renversement de point de vue suffirait à lui enlever son caractère de méchant... mais je ne sais pas, je me dis qu'on perd un peu en sel à être 100% dans du tout est relatif et une question de pdv  

Mokkimy a écrit:
J'avais lu quelque chose dans cet esprit-là, également. En fait, c'est la définition d'antagoniste dont il était question. Il ne s'agit pas de quelqu'un qui veut à tout prix se battre. C'est simplement qu'il veut quelque chose, et que sur sa route, il va croiser le chemin du héros qui veut exactement le contraire/exactement la même chose/quelque chose de différent, mais les désirs des uns et des autres sont incompatibles. Et paf, ça fait des chocapics.

C'est particulièrement vrai avec l'exemple des super-héros. Je me suis toujours dit que super-héros et super-vilains sont pas si différents. Les deux en viennent à détruire la ville. Si y avait pas le héros, la ville serait sauve.  Comment parler des méchants ? - Page 2 1f605


Mokkimy a écrit:
Pour l'exemple de Trump, si quelqu'un cherche à s'inspirer de lui, il doit comprendre pourquoi Trump est intéressant. Pour moi, la rumeur que j'ai entendue à son sujet, et qui est assez fascinante, c'est qu'il est devenu comme ça, parce qu'on lui répétait quand il était petit qu'il n'avait pas le droit d'être un looser, que c'était une question de volonté, et qu'il a donc eu une forte pression familiale pour faire ses preuves. L'échec lui est insupportable.

Difficilement compréhensible pour un milliardaire né avec un paquet de cuillères en or en bouche. Ça doit être la seule personne au monde qui a réussi sans volonté aucune. Il n'avait qu'à tendre le bras et utiliser l'argent de papa, ce qu'il a fait. Sans argent, il ne serait pas là. Donc l'argument de la peur de l'échec ne le rend pas plus compréhensible à mes yeux. Pour moi, si y avait des raisons à donner pour expliquer sa psyché, c'est que c'est quelqu'un élevé avec des privilèges (blanc au-dessus des non-blancs, homme au-dessus des femmes et riche au-dessus des pauvres) et qui souhaite conserver ces avantages, c'est tout. Comme certains souhaitent les conserver aussi, il peut jouer à Cosette avec eux. Et voilà, on a un bon méchant.  Comment parler des méchants ? - Page 2 1f604


Blackmanba a écrit:
Dans l'idée, j'aimerais mettre l'accent sur à quel point, dans sa tête, il tient sa femme responsable de ses maux. Ce qui est lunaire, faux et ne justifie jamais de la battre, évidemment. Mais pour ce type, il faut s'imaginer un monde où c'est clairement la faute de sa compagne. Pour ses soucis, son manque de bonheur, ect. Qu'elle est responsable, ne fait pas le nécessaire pour lui.

Je pense qu'il y a quelque chose à creuser par là. Souvent, ceux qui commettent des actes horribles vont dire que c'est la faute de Bidule ou de Machin qui les y ont poussés, ce qui est le plus souvent faux, mais dans leur tête, je pense qu'il y a de ça.
 
Tengaar
   
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   Pensée du jour  :  CI-GÎT TENGAAR QUI SUCCOMBA À UNE SURDOSE DE FANFICTION Elle ne l'a pas volé, on l'avait prévenue, déjà que la fantasy c'est pas de la littérature, alors la FF, bon... enfin, c'est triste quand même
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Tengaar  /  (de Dunkerque)


fabiend a écrit:
Je vais parler en tant que lecteur. J'ai lu une théorie de je ne sais plus qui, qui dit que, quand on lit une histoire, on invite en quelque sorte le personnage dans son salon pour toute la durée de notre lecture.

Est-ce que j'ai envie d'inviter Luke Skywalker ou Yoda chez moi pendant une soirée ou deux ? Ou ce mec et cette meuf sympathiques du roman d'Elopez ? Oui pourquoi pas, ils ont l'air sympas.

Est-ce que j'ai envie d'inviter Palpatine ou Hitler ou la meuf de radio mille collines ou le mec qui fait chanter une ados avec des sextos ? Pas franchement, non.

Ça veut dire que, autant j'ai envie que les chapitres du point de vue du héros s'attardent pour passer du temps avec eux, autant je préfère que les chapitres du point de vue des antagonistes soient courts et superficiels. Je veux bien voir Yoda préparer à dîner dans sa maison minuscule. Et Luke et ses potes faire la fête après leur victoire. Je n'ai pas envie de voir Palpatine faire la même chose. Et c'est exactement ce qui se passe dans les 6 premiers films, on voit la galaxie entière faire la fête à la fin de la trilogie originale, mais on ne voit pas les Sith célébrer leur victoire à la fin de la prélogie.

Sauf que, des rapides courts et superficiels, ça limite les opportunités de creuser les personnages.

Je ne suis ABSOLUMENT pas d'accord avec ça. Cette approche réduit drastiquement le nombre de personnages et de point de vue que tu peux présenter. Certains de mes livres préférés sont vu du point de vue de mecs particulièrement odieux. Je citerai par exemple Les Bienveillantes (livre qui a eu un Goncourt et le prix de l'Académie française) et qui raconte la guerre du point de vue d'un nazi qui s'en sort à la fin. Un mec bien donc. Et ce bouquin est particulièrement fascinant dans la mécanique de l'horreur qu'il décrit comme étant une chose normale. A plus petite échelle, vous ne me ferez pas croire que Solal est un mec bien mais pourtant toute sa psychologie est détaillée à travers plusieurs bouquins fascinants. Je pourrais continuer encore et encore.

A mon avis, la différence entre un bon et un mauvais méchant, c'est juste la qualité de la plume.

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fabiend a écrit:
Je vais parler en tant que lecteur. J'ai lu une théorie de je ne sais plus qui, qui dit que, quand on lit une histoire, on invite en quelque sorte le personnage dans son salon pour toute la durée de notre lecture.

Est-ce que j'ai envie d'inviter Luke Skywalker ou Yoda chez moi pendant une soirée ou deux ? Ou ce mec et cette meuf sympathiques du roman d'Elopez ? Oui pourquoi pas, ils ont l'air sympas.

Est-ce que j'ai envie d'inviter Palpatine ou Hitler ou la meuf de radio mille collines ou le mec qui fait chanter une ados avec des sextos ? Pas franchement, non.

Ça veut dire que, autant j'ai envie que les chapitres du point de vue du héros s'attardent pour passer du temps avec eux, autant je préfère que les chapitres du point de vue des antagonistes soient courts et superficiels. Je veux bien voir Yoda préparer à dîner dans sa maison minuscule. Et Luke et ses potes faire la fête après leur victoire. Je n'ai pas envie de voir Palpatine faire la même chose. Et c'est exactement ce qui se passe dans les 6 premiers films, on voit la galaxie entière faire la fête à la fin de la trilogie originale, mais on ne voit pas les Sith célébrer leur victoire à la fin de la prélogie.

Sauf que, des rapides courts et superficiels, ça limite les opportunités de creuser les personnages.

Tengaar a écrit:
Je ne suis ABSOLUMENT pas d'accord avec ça. Cette approche réduit drastiquement le nombre de personnages et de point de vue que tu peux présenter. Certains de mes livres préférés sont vu du point de vue de mecs particulièrement odieux. Je citerai par exemple Les Bienveillantes (livre qui a eu un Goncourt et le prix de l'Académie française) et qui raconte la guerre du point de vue d'un nazi qui s'en sort à la fin. Un mec bien donc. Et ce bouquin est particulièrement fascinant dans la mécanique de l'horreur qu'il décrit comme étant une chose normale. A plus petite échelle, vous ne me ferez pas croire que Solal est un mec bien mais pourtant toute sa psychologie est détaillée à travers plusieurs bouquins fascinants. Je pourrais continuer encore et encore.

A mon avis, la différence entre un bon et un mauvais méchant, c'est juste la qualité de la plume.

Tenten qui assassine le forum Laughing

Pourtant ce que dit fabiend n'est pas à côté. Pour beaucoup de lecteurs, c'est dur de suivre un anti-héros. Parce que c'est plus dur de s'attacher à eux et de les suivre le temps de la lecture, temps qui peut être fort long selon la taille du livre. Perso qu'on va donc désapprouver, qui dérangent en quelque sorte.

Pour ma part, une remarque des jurys des Murmures Littéraires reçues la semaine dernière et qui justifie un avis mitigé, c'est qu'iel n'aime pas suivre un perso raciste. Iel me conseille de modifier ça, car "c'est le héros principal" et qu'il est dur d'empathiser pleinement avec un tel personnage (je cite : "En sous-texte, on comprend que le personnage est le reflet des soldats qui agissent sans réfléchir, à la foule qui suit plutôt que d’agir d’elle-même. [...] Cela peut le rendre peu sympathique aux yeux du lecteur et empêcher d’être dans l’empathie alors que c’est le personnage principal". Elle me conseille ensuite de ne pas en faire un perso raciste.

Tout comme Tengaar, je ne suis moi non plus pas d'accord avec ce point de vue, mais c'est le cas de pleins de gens, la preuve.
 
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Mika a écrit:
Pour ma part, une remarque des jurys des Murmures Littéraires reçues la semaine dernière et qui justifie un avis mitigé, c'est qu'iel n'aime pas suivre un perso raciste. Iel me conseille de modifier ça, car "c'est le héros principal" et qu'il est dur d'empathiser pleinement avec un tel personnage (je cite : "En sous-texte, on comprend que le personnage est le reflet des soldats qui agissent sans réfléchir, à la foule qui suit plutôt que d’agir d’elle-même. [...] Cela peut le rendre peu sympathique aux yeux du lecteur et empêcher d’être dans l’empathie alors que c’est le personnage principal". Elle me conseille ensuite de ne pas en faire un perso raciste.

Tout comme Tengaar, je ne suis moi non plus pas d'accord avec ce point de vue, mais c'est le cas de pleins de gens, la preuve.

C'est le point de vue d'un CERTAIN public qui n'a pas nécessairement à être le public cible de ce type de roman, et qui n'est peut-être même pas représentatif de la majorité des lecteurs.

À titre personnel, d'ailleurs, pour parler brièvement du retour que tu as reçu @Mika, je trouve que critiquer un livre pour le changer parce que "bouhou, mettre en scène un personnage principal raciste c pas cool ouin ouin", c'est vraiment déplorable. Ça serait comme dire à Bret Easton Ellis que ce n'est pas bien d'écrire American Psycho parce que Patrick Bateman n'est pas gentil. Faut vraiment avoir rien compris au propos du livre.

Et pour revenir au sujet principal, ça revient à parler des lecteurs de Fantasy en général. Si tu dis "je suis fan de Fantasy", bah t'as rien dit de précis sur tes goûts en réalité, parce qu'il y a tellement de types d'histoires différentes que tu peux mettre en scène dans des genres différents.

À titre personnel, les plotlines YA où l'héroïne découvre qu'en fait elle est ✨exceptionnelle✨ avec des pouvoirs spéciaux et qu'elle va changer la face du monde et avoir en prime un love interest sexy, ça me sort par les yeux. Je déteste ça, et je suis loin d'être la seule. MAIS ça plaît beaucoup à d'autres gens.

Dans le même genre, les triangles amoureux. Tu vas trouver autant de gens qui aiment ou qui détestent (ou qui sont plus nuancés). Est ce que ça veut dire que tu dois arrêter d'en écrire ? Bah non, parce que ça trouvera son public si c'est bien fait.

Et enfin, en classification Fantasy. J'ai déjà entendu ou lu plusieurs fois que beaucoup de gens n'aimaient pas l'Urban Fantasy. Est-ce que je vais arrêter d'en écrire pour autant ? Bien sûr que non, puisque j'adore ça, et qu'en plus il y a quand même un suffisamment grand public pour sur ça puisse marcher.

Donc non. "C'est le cas de plein de gens" ce n'est pas du tout un bon argument pour dénaturer ton roman, je trouve. Je rappelle pour finir que George R R Martin dans Game of Thrones met en scène des anti-héros qui font des trucs vraiment pas bien (encore plus dans les livres que la série) et que cette saga a le succès qu'on lui connaît.

Un livre ne sera jamais écrit pour plaire à tout le monde, c'est impossible.
 
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Je viens de faire une petite recherche à propos de ça, l'empathie dans les livres de fiction.

J'ai trouvé un article de 2012 Empathy with fictional stories: reconsideration of the fantasy scale of the interpersonal reactivity index, Psychological Report, Nomura & Akai, 2012

"Empathy for characters in fictional stories was found to correlate statistically significantly with empathy for real people on all but a few factors. The results of the present study indicate that empathy for real people and empathy for fictional characters are similar, suggesting that the Fantasy subscale of the IRI, which is limited to fictional stories, should be reconsidered."

"L'empathie pour les personnages de fiction est corrélée significativement avec l'empathie pour les personnes réelles pour presque tous les facteurs étudiés. Les résultats de la présente étude indiquent que l'empathie pour les personnes réelles et l'empathie pour les personnages fictifs sont similaires [...]."

Ça peut expliquer le peu d'empathie de certaines personnes pour les persos méchants...

Aconitum a écrit:
À titre personnel, d'ailleurs, pour parler brièvement du retour que tu as reçu @Mika, je trouve que critiquer un livre pour le changer parce que "bouhou, mettre en scène un personnage principal raciste c pas cool ouin ouin", c'est vraiment déplorable. Ça serait comme dire à Bret Eston Ellis que ce n'est pas bien d'écrire American Psycho parce que Patrick Bateman n'est pas gentil.

Oui, c'est en effet une remarque que je ne peux prendre en compte. Sinon, toute l'idée même du roman tomberait à l'eau, ce qui serait dommage. On suit un anti-héro, ce qui n'est pas forcément le canon du héros de fantasy mais bon, c'est la vie. Comment parler des méchants ? - Page 2 1f600
 
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Personnellement, je préfère comme "méchants", construire des personnages médiocres, veules, parfois bouffés par la culpabilité.

Cela en fait, bien entendu, des personnes à fuir si on les côtoie au quotidien, vu que c'est potentiellement ou tendanciellement des mecs qui vont commettre des féminicides ou être hyper-toxiques dans leur relation.

Mais c'est aussi pour cette raison que je reste dans des intrigues très terre à terre, quotidiennes. Ça ne me viendrait pas à l'esprit de dépeindre un dignitaire nazi (oui je godwin), un collabo, un dictateur, simplement comme un mec médiocre que les nécessités de la vie... Parce que ça peut être aussi très facilement dépolitisant comme démarche littéraire. Dépolitisant, susceptible d'annuler les responsabilités du gonze, voire de l'excuser, façon "Oui, ok, il faisait partie des einsatzgruppen et a ratiboisé des shtetl entiers, mais bon, il était névrosé et s'est engagé un peu par hasard parce qu'il s'ennuyait, etc."

Et c'est pas non plus en l'air comme exemple. Le livre "Le style réactionnaire" montre bien comment une bonne partie de la droite littéraire d'après-guerre, autour des Hussards, ont cherché à relativiser les engagements collabos de certains d'entre eux (Jacques Laurent) ou de leurs héros (Paul Morand) en utilisant le même genre d'artifice. (Ce bouquin est d'ailleurs très bien car il montre que la gouaille de Céline et son style sont théorisés par ce dernier dès les années 30 comme l'expression de "la vraie langue du peuple" contre "l'Académie enjuivée").

Donc voilà, c'est comme ça que je vois les choses. Et comme toute conception, comme toute vague théorie, elle est assez branlante, limitée, et donc assez restreinte dans sa validité. Mais c'est plus ou moins ce qui me permet d'écrire.
 
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Mika a écrit:
Je viens de faire une petite recherche à propos de ça, l'empathie dans les livres de fiction.

"L'empathie pour les personnages de fiction est corrélée significativement avec l'empathie pour les personnes réelles pour presque tous les facteurs étudiés. Les résultats de la présente étude indiquent que l'empathie pour les personnes réelles et l'empathie pour les personnages fictifs sont similaires [...]."

Ça peut expliquer le peu d'empathie de certaines personnes pour les persos méchants...

Super intéressant, Mika! C'est vrai que parfois je rencontre des gens que je trouve HYPER durs avec les personnages de fiction, et je me dis "Bah dis donc, si tu te jugeais toi-même avec les mêmes critères que tu utilises pour juger ces personnages..." Et ensuite je me rends compte que ce genre personne est souvent (pas toujours, mais souvent) de nature très intransigeante, peu portée sur le compromis, et manichéenne à outrance.

Mika a écrit:
Oui, c'est en effet une remarque que je ne peux prendre en compte. Sinon, toute l'idée même du roman tomberait à l'eau, ce qui serait dommage. On suit un anti-héro, ce qui n'est pas forcément le canon du héros de fantasy mais bon, c'est la vie. Comment parler des méchants ? - Page 2 1f600

Moi je crois au potentiel de ton projet!  :head:

DC a écrit:

Mais c'est aussi pour cette raison que je reste dans des intrigues très terre à terre, quotidiennes. Ça ne me viendrait pas à l'esprit de dépeindre un dignitaire nazi (oui je godwin), un collabo, un dictateur, simplement comme un mec médiocre que les nécessités de la vie... Parce que ça peut être aussi très facilement dépolitisant comme démarche littéraire. Dépolitisant, susceptible d'annuler les responsabilités du gonze, voire de l'excuser, façon "Oui, ok, il faisait partie des einsatzgruppen et a ratiboisé des shtetl entiers, mais bon, il était névrosé et s'est engagé un peu par hasard parce qu'il s'ennuyait, etc."

Incoming le laïus sur La Banalité du mal d'Hannah Arendt, haha. Pour l'anecdote, d'ailleurs, elle s'est faite complètement conspuée, lynchée et ostracisée par la communauté juive d'après-guerre pour avoir osé décrire Eichmann comme un gratte papier médiocre et pas un croquemitaine monstrueux.

Et le :"Il s'est engagé parce qu'il s'ennuyait.", c'est beaucoup moins éloigné de la réalité que tu le crois, parfois. En cours d'histoire, une fois, notre prof nous avait montré un documentaire où un ancien résistant témoignait, et le mec disait "Ouais, j'avais des potes collabos, et des potes résistants. Les deux groupes me disaient, Allez, rejoins-nous! Et j'ai pas mal hésité. J'ai fini par choisir les résistants mais j'aurais pu aller avec l'autre groupe." scratch
Je crois qu'il y a beaucoup plus de gens qui se lancent dans tes trucs aberrants pour tromper l'ennui qu'on ne le croit.
 
   
    
                         
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