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 The Wandering Inn [Fan-traduction] [Fantastique] [Aventure]

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Maroti
   
    Masculin
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   Date d'inscription  :  28/09/2019
    
                         
Maroti  /  Barge de Radetzky



2.41
Partie 1
Traduit par Maroti

Comme elle s’était levée de bonne heure, Erin décida de faire un bon petit pour tout le monde. Ils étaient tous encore en train de dormir.

Ryoka et Mrsha étaient à l’étage, mais Erin n’avait pas réussi traîner Klbkch et Selys en haut de l’étroit escalier, elle les avait donc laissés dans la salle commune avec des couvertures et des oreilles.

Faire un bon petit déjeuner n’était pas compliqué. Erin sortit une casserole et fouilla ses placards pour les ingrédients. Elle prit de la farine, et trouva un peu de graisse de bacon qu’elle avait laissé refroidir dans de la neige mise dans un chaudron. La neige avait presque entièrement fondu, mais elle avait gardé la nourriture au frais, quoiqu’un peu humide.

Erin eut le temps de mettre la table en ayant préparé un bon petit déjeuner constitué d’une sauce accompagnée d’une purée de patates et de biscuits sec quand Ryoka tituba en descendant les escaliers, suivit par Mrsha. Cela coïncida avec Selys et Klbkch se réveilla au sol. Erin sourit alors que ses invités se frottèrent la tête en gémissant.

« Salut ! »

Selys frotta son front.

« Combien ai-je pris de verre la nuit dernière ? »

« Hum… Quatre chopes ? Non, attends… Six ? Oui ? »

Erin avait arrêté de compter. Elle avait continué de servir l’alcool de fleur de fée jusqu’à ce qu’ils commencent à tomber dans les pommes. Cela avait été une longue et stressante nuit pour elle. Tout le monde avait passé la soirée à boire, regarder dans le vide pendant une dizaine de minutes, avant de continuer à boire. À la fin, ils s’étaient tous endormis, sauf pour Halrac. Il avait marché vers la ville, légèrement titubant. Erin s’était inquiété, mais il était un aventurier de Rang-or.

« Par mes ancêtres. »

Selys grogna et se massa les tempes. Elle essaya de se lever et se rassit aussitôt.

« J’ai un goût de… D'alcool de seconde zone dans ma bouche Erin, par les dieux morts. »

« Hey ! »

Erin ouvrit la bouche, et la ferma.

« … J’achèterai quelque chose de mieux la prochaine fois, d’accord ? »

« Il ne devrait pas y avoir de prochaine fois. »

Ryoka se laissa tomber sur la table alors que Klbkch lutta pour se relever. Mrsha jappât et s’éloigna de l’Antinium. Il semblait en mauvais état. Même si son apparence était la même, l’Antinium n’avait pas vraiment de peau ou de vêtement à froisser, mais il semblait… Désordonné.

« Bonjour, Klbkch ! »

Erin sourit à Klbkch. Il la regarda, lentement.

« Je ne suis pas retourné à ma Colonie. Cela n’est jamais arrivé auparavant. »

« Oh non. C’est une mauvaise nouvelle ? »

Klbkch hocha lentement la tête.

« Je dois… Veuillez m’excuser. »

Il mit une main à sa tête et s’arrêta. Il n’avait pas de paupière, mais Erin sentit qu’il se concentrait. Après un moment, il hocha la tête.

« J’ai informé ma Reine. Elle a rappelé les groupes de recherche. »

« Groupes de recherche ? »

Klbkch secoua la tête. Il regarda la nourriture sur la table alors que Mrsha essaya d’attraper un biscuit avec sa main. Silencieusement, Ryoka s’empara d’une assiette et commença à se servir de la purée et des biscuits avant de tout recouvrir d’une sauce à la viande. Elle posa l’assiette sur la table et donna une cuillère à Mrsha qui essaya de tout dévorer.

« Donc. Hum. »

Tout le monde la regardait. Erin sourit nerveusement.

« Comment s’est passé votre nuit ? Est-ce que la boisson à la fleur de fée est vraiment aussi bonne ? »

Erin ne comprenait pas la fascination d’Halrac avec cette boisson. Elle s’était simplement remémorée de bons moments quand elle l’avait essayé, mais c’était tout. Et pourtant, entre les quatre personnes dans son auberge (sans compter Mrsha), ils avaient vidé un baril entier de son alcool.

Ryoka, Selys et Klbkch échangèrent un regard et secouèrent leurs têtes d’un même mouvement.

« C’est une terrible boisson. »

« Épouvantable. »

« Ne la ressers pas, s’il te plait. »

La mâchoire d’Erin se décrocha.

« Quoi ? Pourquoi ? »

Selys était toujours en train de masser son front quand elle commença à grignoter un biscuit. Elle vida un grand verre d’eau et grimaça.

« Au début, je pensais que tout était bien. Je me souviens de m’être amusé avec mon oncle quand il avait le temps de visiter. Et j’étais tellement heureuse… Puis les souvenirs ont continué de venir, et j’avais l’impression que j’avais besoin de continuer à boire. Dès que je me réveillais de ce… Rêve, je buvais de nouveau pour y retourner. »

« Et quel est le problème ? »

« Se souvenir d’un peu n’est pas un problème. Mais après quelque temps… Il est possible de devenir trop nostalgique, tu vois ? »

« Tu peux te perdre dans les souvenirs. »

Ryoka hocha la tête. Elle regarda la purée, ignorant les bruits de mastication que Mrsha faisait à côté d’elle.

« C’est comme une addiction. Tu veux continuer de revenir. Remets une choppe en fasse de moi et je vais continuer de boire, encore et encore. »

« Pour se remémorer. »

Klbkch était silencieuse. Il n’avait rien mis sur son assiette. Ryoka leva les yeux vers Erin.

« Dilue la boisson. N’offre que la version non diluée que de temps en temps, mais arrête de nous la servir, bon sang ! »

Erin se rabougrie sous la force du regard de Ryoka.

« Oups. Désolé. »

Les trois retournèrent à leur petit-déjeuner en silence. Mrsha mangea joyeusement, dévorant la purée jusqu’à ce qu’elle ait le ventre plein. Elle, au moins, n’avait pas d’effet secondaire de la boisson, vu qu’elle n’avait pris que quelques gorgées.

Erin se gratta la tête. Elle se posait des questions sur la boisson, mais bien sûr, les fées étaient arrivées et elle avait dû leur donner plusieurs pintes avant de la chasser. Elles étaient parties en se cognant dans les murs en riant avant de passer la porte.

« Donc… Est-ce que je peux vous servir autre chose ? »

Klbkch secoua la tête. Selys posa sa tête sur la table et gémit et Ryoka se frotta les yeux.

« Je, huh, oh ! Lyonette ! »

La possible princesse descendit les escaliers et s’arrêta en regardant Selys et Klbkch. Elle inspira.

« Je suis levée. Qu’est-ce qu’il y a pour le petit-déjeuner ? »

« De la purée avec de la sauce. Et des biscuits ! »

Ryoka regarda Lyonette en silence alors que l’autre fille se servit. Silencieusement, les invités mangèrent jusqu’à ce que Selys regarde par la fenêtre.

Klbkch hocha lentement la tête.

« Je crois que je vais… M’abstenir de mes devoirs pour aujourd’hui. C’est nécessaire. »

« Oh, huh, c’est une bonne chose, pas vrai ? »

La Drakéide et l’Antinium regardèrent silencieusement Erin. Ils semblaient mélancoliques. Tout comme Ryoka. Elle était juste en train de regarder son assiette.

C’était comme si… Tout le monde était soudainement devenu dépressif. Les yeux d’Erin passèrent sur tout le monde avant de s’arrêter sur Mrsha qui était en train de s’agiter sur sa chaise.

« Hey Mrsha, quelque chose ne va pas ? »

L’enfant Gnoll s’agitait de manière familière. Erin réalisa le problème.

« Nous avons des toilettes dehors. Viens, je vais te montrer. »

Elle prit la main de Mrsha et la Gnolle bondit de sa chaise pour suivre Erin. Ils arrivèrent à la porte quand Erin ressentit une familière sensation. Quelqu’un s’approchait de l’auberge. Elle s’arrêta et la porte s’ouvrit.

Le ciel matinal était encore gris, mais la lumière emplie l’auberge. Cette lumière baignait autour de la silhouette qui venait d’entrer, et malgré le ciel clair, les orbites béantes du crâne de Toren étaient toujours sombres, seulement illuminé par deux flammes brûlantes qui observaient Erin et Mrsha.

Le squelette portait l’armure de bronze abîmée qu’il avait trouvé, sauf qu’elle semblait encore plus abîmée qu’auparavant. Il avait une épée entaillée et un bouclier dans ses mains, et de légères traces de sang couvrait la lame.

« Toren ! Tu es là ! Où est-ce que tu étais ?! »

Erin fronça les sourcils en regardant le squelette alors qu’il se tenait silencieusement dans l’ouverture de la porte. Il la regarda, toujours aussi silencieux. Elle sentit quelque chose tirer sur sa main, et baissa les yeux.

Mrsha était en train d’essayer de s’éloigner d’Erin. Sa fourrure était courbée, et elle essayer d’avancer sur le parquet le plus rapidement.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Mrsha ? Oh, c’est Toren qui te fait peur ? Tu ne l’as jamais rencontré, pas vrai ? Il est vraiment sympa et… »

Erin s’arrêta. Elle renifla. Quelque chose sentait mauvais. Puis elle remarqua la flaque autour de Mrsha. Il semblait que l’arrivée du squelette avait eut un effet sur la vessie de la Mrsha.

« Aw, Mrsha ! »

Elle lâcha sa main, et la Gnolle se dépêcha de rejoindre Ryoka, gémissant de peur. Ryoka posa sa tête dans ses mains alors qu’Erin regarda la flaque. Elle regarda autour d’elle et sourit de manière gênée vers Toren.

« Hey Toren. J’ai du boulot pour toi. »

***

Il y avait des jours où j’avais envie de frapper Erin. Elle me botterait probablement le cul, mais je suis quand même tenté*. Il me faut presque une demi-heure pour calmer Mrsha après l’apparition de Toren, et même après cela, elle refuse de s’approcher du squelette.


*A quel point Erin est forte, d’ailleurs ? Je sais qu’elle a l’[Attaque du Minotaure] comme compétence, mais est-ce qu’il y a une limite sur la puissance de la compétence ? Et si elle doit toucher la cible, ce n’est pas si efficace que ça. De plus, est-ce qu’elle ne se casserait pas la main en attaquant une armure ?


Je la comprends. Toren me fait aussi flipper, et je n’arrive pas à comprendre comment Erin peut-être aussi calme avec lui. Elle continue de lui donner des ordres alors que je termine mon petit-déjeuner.

« Merci pour le repas, Erin. »

« Oh, ce n’est pas un problème ! C’était comment ? »

« Bon. Comment est-ce que tu as fait ton roux ? »

« Mon quoi ? »

« Ton roux. »

« Non… C’était de la sauce. »

« Mais… Erin, est-ce que tu sais ce qu’un roux est ? »

« … Non. »

Je me frotte le visage.

« C’est pas grave. Je suppose que ta compétence te dit quoi faire, c’est ça ? »

« Ouaip ! J’ai [Cuisine Avancée]. C’est trop cool, pas vrai ? »

Erin bombe le torse et à l’air fière. Selys semble impressionnée et Klbkch hoche la tête alors que je hausse les épaules.

« Je suppose. C’est une importante compétence, c’est ça ? »

« C’est très bien pour une [Aubergiste] ! La plupart des [Cuistot] et [Aubergiste] en ville on [Cuisine élémentaire], mais [Cuisine Avancée] est plus rare. »

Selys explique en terminant son assiette. Je me frotte la tête. J’ai toujours mal, mais je crois qu’il est temps pour moi d’aller travailler. C’est l’heure de réfléchir et de planifier. Selys est une native, et elle connait beaucoup de chose que tout le monde sait. Donc je lui pose la question évidente.

« Si c’est le cas, il y a supposément une compétence de [Cuisine Experte], pas vrai ? Combien de personnes auraient cette compétence ? »

« [Cuisine Experte] ? Eh bien… Personne en ville ne possède cette compétence. Tu dois être un [Chef] de très haut niveau pour l’obtenir. J’ai entendu dire que certaines Villes Emmurées ont des gens avec cette compétence. Ils sont toujours engagés par la noblesse. »

Donc. Il est possible de classer les compétences par leurs raretés, qui correspond généralement au niveau. Cela à du sens. Et je suppose que c’est parallèle à notre monde.

« Tu dirais que cette compétence peut apparaître à quel niveau ? »

« Hum… Niveau 40 ? Peut-être Niveau 30 avec de la chance. Il y a des Compétences qui sont mieux, enfin c’est ce que j’ai entendu, mais elles sont rares. »

« D’accord. Parce que la majorité des gens ne dépasse pas le Niveau 30 ? »

« Cela est correct. »

Klbkch hocha la tête alors qu’il nettoya délicatement son assiette. J’essaye de ne pas le regarder manger… Je fais de mon mieux pour garder l’esprit ouvert, mais les Antiniums me font flipper d’une manière que les Drakéides et les Gnolls ne le font pas. Bon sang, même Selys me dérange légèrement. Je ne sais pas comment Erin fait pour être naturel autour d’eux.

Mais je suis là, assis avec Klbkch le Pourfendeur et une [Réceptionniste] Drakéide, discutant comme si nous nous connaissions depuis des années. Ils sont tellement amicaux.

« Je n’arrive pas encore à croire que tu ne saches pas tout cela. Est-ce c’est parce que tu n’as pas de niveaux ? »

Selys me regarde, et j’ai un léger moment de méfiance. Elle ne sait pas que je viens d’un autre monde. Mais merde, je dois savoir comment les niveaux et les classes marchent. Je ne les utilise pas, et je ne peux plus désormais, mais ne pas savoir les règles de ce monde va m’attirer des problèmes. Allez Ryoka, ment comme jamais.

« C’est vrai. Et je n’y ai jamais prêté attention, je suppose. »

« Erin était aussi comme ça, tu sais. Est-ce que vous venez de la même nation ? Vous semblez vous connaitre. »

« Quelque chose du genre. »

Klbkch hocha la tête.

« Je suis familier avec leur nation d’origine, Selys Shivertail. Leur peuple a des traditions différentes des nôtres. »

Ceci fait que fusille Klbkch du regard, même si Selys accepte ce mensonge sans broncher. Il vient de me couvrir, pas vrai ? Erin avait dit que Klbkch savait qu’elle était d’un autre monde. Et Erin s’approchait. J’essaye de lui faire signe avec mes yeux de dire la même chose que nous, mais elle ne remarque rien.

« Oui, c’est comme… heu, là ou je viens. Je veux dire, il y a de quelques grosses différentes, mais aussi de nombreuses choses en commun, pas vrai Ryoka ? Genre, c’est tout comme Donjon et Dr… »

« C’est un peu similaire, mais j’avais envie d’être certaine sur certains détails. »

Je coupe la parole à Erin et la fusille du regard. Elle me regarde sans comprendre.

« Quoi ? Je ne suis pas une joueuse, mais tu m’as dit que tu comprenais quelque chose à propos de ce système, pas vrai ? Tu as dit que c’était comme Diablo. »

« Diablo ? »

Selys nous regarde et je secoue la tête.

« C’est… Rien. Un jeu de là ou nous venons. »

« Oh, je vois. »

Je vais botter le cul d’Erin. Je couvre mon visage alors que Selys et Erin commence à parler de Mrsha. Je lève les yeux pour voir que Klbkch me regarde.

Et merde. Est-ce qu’il… Non, qu’est-ce qu’il a récupéré comme information en nous écoutant ? Erin dit qu’il sait qu’elle vient d’un autre monde. Mais qu’en est-il de moi ?

Je vais tuer Erin. Mais garder un œil sur lui. Klbkch le Pourfendeur. J’ai lut l’histoire des Guerres Antiniums, bordel j’aurais dû lire plus que la première partie. Ils ne mentionnaient pas grand-chose sur les Prognugators, mais ce type est là depuis des décennies. Il a affronté le General Sserys, il est dangereux.

Mais l’Antinium assit en face de moi se trouve dans l’auberge d’Erin, à manger de la purée. Et il a été tué par des Gobelins, d’après ce qu’Erin dit. Des Prognugators s’affaiblissant. Hum. Et la relation entre les Antiniums et Erin est spéciale. Elle peut créer des Individus, ce qui veut dire…

Gah. J’ai mal à la tête, et ce n’est pas dû qu’à l’alcool. Je pensais que ma vie était complexe, mais celle d’Erin est dix fois plus complexe. Non seulement elle est impliquée dans les affaires des Antiniums, elle a aussi attiré l’attention de Magnolia Reinhart, et elle a aussi une dette envers les Gnoll tellement massive que seule la mort pour l’effacer… À moins que quelqu’un est cinquante mille pièces d’or qui traînent.

Bordel de merde. Je ferme les yeux pendant quelques instants. Qu’est-ce que je devrais faire. Qu’est-ce que je peux faire ? Normalement, je serais en train de courir pour recevoir mon argent de la part de Teriarch, mais…

Non. Je regarde plus loin et voit Mrsha, tournant autour de Lyonette pour une quelconque raison. Elle est en train de donner des restes à Mrsha en la grattant derrière les oreilles.

Oh, c’est vrai, et Erin à une princesse ou une noble de haut-rang dans son auberge. Bordel de merde.

Je masse mes tempes. Selys me regarde avec sympathie.

« Tu as toujours mal à la tête ? Une potion de soin réglera ça. Je connais une marchande qui les vends pour pas chère. »

« Non merci. Je suis juste très occupée. J’ai plusieurs trucs de mer… Plusieurs trucs dont je dois m’occuper. »

« Comme quoi ? Je suis libre pour aujourd’hui, dit le-moi si tu as besoin d’aide pour quelque chose. Les amis d’Erin sont mes amis. »

Selys me sourit et j’hésite.

« Rien de bien important. Je ne voudrais pas te déranger. »

« C’est comme tu veux. Je veux voir si Erin veut se relaxer dans les bains publics. Tu es la bienvenue si tu veux nous rejoindre. »

« … Merci. »

Selys se lève pour aller discuter avec Erin. Je reste à la table, pensive. Les gens bougent autour de moi. Klbkch est toujours assis, il ne mange pas, mais je suppose que les Antiniums doivent s’asseoir pour digérer ? Je le sors de mon esprit et réfléchis.

Je dois vraiment réfléchir, parce que je suis en train de gérer trop de choses en même temps. Je ne vais pas dire que la situation est terrible mais… Non, à part les moments ou j’étais véritablement en danger de mort, cette situation est probablement l’une des pires.

Cinquante mille pièces d’or. Concentrons-nous sur ça. J’ai dit, hier, que j’allais repayer la dette d’Erin. J’ai dit ça pour plusieurs raisons.

Premièrement, il est clair que les Gnolls ont du pouvoir. Erin a été aidée par le passé, et ils sont peut-être des alliés. Ils peuvent être le groupe en qui Erin et moi pourrions avoir confiance. Mais Krshia semble intelligente, et il est préférable d’avoir quelqu’un de son côté plutôt qu’en tant qu’ennemi. Ce qui m’amène à mon second point.

Nous avons besoin que les Gnolls effacent leur dette, ou sinon Erin et Lyonette sont en danger, et donc Mrsha si elle reste avec eux. Est-ce que cet endroit est adapté pour une jeune Gnolle ? Comment Erin peut l’élever ? Je… Je ne peux pas rester avec elle. Mais elle a besoin d’une maison. D’une famille. Si Krshia pouvait…

Troisième point. Krshia est peut-être capable de mitiger le stigma lié à la couleur de fourrure de Mrshia, mais pas si son autorité est contestée. La dette de Lyonette est en train de saper son influence tant qu’elle n’est pas effacée. Cet imbécile de Brunkr semble vouloir usurper sa position, et il deviendra un danger s’il prend le contrôle. Pour faire court, cela veut dire que résoudre cette dette est vraiment important.

La seule question est… Comment ? J’ai quelques idées. Je pourrais donner de la technologie aux Gnolls, c’est ce que j’ai dit, mais maintenant que j’y pense…

Merde. Je suis foutue. Complètement foutue.

Mettons tout en perspective. J’ai besoin de donner aux Gnolls une technologie valant plus de 50 000 milles pièces d’or. En même temps, je ne peux pas déstabiliser ce monde en leur donner de la poudre.

Non.

All flesh is grass.

Non.

Qu’est-ce que je dois faire ? Cela semble simple. Mais qu’est-ce que je peux physiquement donner aux Gnolls à part des armes ? La révolution industrielle ? Qu’est-ce qu’une société nomade ferait avec ce genre d’infrastructure ? Et de toute façon ils ne seraient pas capables de l’utiliser.

Non, pense. Quelque chose de plus simple. Une technologie pratique ou révolutionnaire. Pense, Ryoka.

Hum. Des trébuchets, mais c’est une arme de siège… Pas quelque chose qu’un peuple de nomades à besoin ! Premièrement, est-ce que les trébuchets existent déjà dans ce monde ? Ils sont des inventions médiévales, et ce monde à de la technologie équivalent à notre renaissance.

Premièrement, ils ont du verre. Hum. Des loupes ? Mais c’est technologie dépend de la préparation du verre pour que le verre puisse servir de loupe, et je ne sais pas comment elles sont faites.

Merde. Donc pas de télescope. Quoi d’autre ?

Des… Radios ? Hah. Même si j’avais la capacité de travailler avec des fils et du métal à ce point… Qui a besoin de radio quand les mages ont des sorts de longue distance ou la capacité de communiquer par hurlement ? La communication à distance n’est pas un problème pour eux.

Des arcs. Les Gnolls utilisent des arcs. Je les ai vu utiliser des arcs en composite et des arcs courts… merde. Ils n’ont pas d’arc à poulies. Mais est-ce que je pourrais en faire un ? Non. J’ai besoin d’une technologie post-révolution industrielle.

Merde, merde merde. D’accord… l’acier. Mais ce monde à déjà de l’acier. De l’autre côté, je n’ai jamais vu une tribu Gnolle utilisant de l’acier, ce qui veut dire que seul un [Forgeron] de haut niveau peut probablement en faire. Mais ce n’est pas une technologie révolutionnaire.

J’aimerai savoir comment faire de l’acier de Damas. Il y a procédé de Bessemer bien sûr, mais cela demande de nouveau un technologie datant de la révolution industrielle.

Une imprimerie ? Ce monde a encore des livres écrit à la main mais…

Deux raisons pour lesquelles je ne peux pas donner ça au Gnoll. Non, trois. Premièrement, je ne sais pas comment faire une imprimerie. Avec des vis, bien sûr, en adaptant a partir d’un pressoir…. Mais bon sang, il va me falloir des mois pour trouver comment en créer une. Deuxièmement, le coût en ressource et espace est de nouveau difficile à utiliser pour les Gnolls, et troisièmement…

Tu ne peux pas recopier des livres magiques avec une imprimerie. C’est évident. J’ai vu les sorts et ils existent en trois dimensions, pas que sur le papier. Ma théorie est qu’il est impossible d’en recopier avec une imprimante, donc cela rend l’une des plus grandes révolutions de notre monde inutile aux Gnolls.

Ils avaient besoin de quelque chose d’immédiatement utile, mais plus j’y pense, moins j’ai de bonnes idées. A part des armes, que je ne donnerais à personne.

« Merde. »

Je mets la tête entre mes mains en restant assis. Puis j’entend quelqu’un délicatement racler sa gorge.

« Tu sembles être dans un état de détresse. Puis-je demander quel est ton problème ? »

Je le regarde. Je ne dois faire confiance à personne.

« Je vais bien, merci. »

Klbkch s’arrête.

« Est-ce que cela est en lien avec la dette que Lyonette du Marquin envers les Gnolls ? »

C’est quoi ce bordel ? Klbkch ne fait que me regarder. Mon rythme cardiaque s’accélère, mais mon visage reste de marbre.

« Comment est-ce que tu sais ça ? »

« Les Antiniums sont en courant de ce qui arrive à Liscor. »

« .. Étais-tu en train d’écouter la conversation d’hier ? »

L’Antinium secoue la tête.

« Non, mais le nombre de sujet de conversion nécessitant ce type de discussion est limitée. Et cette affaire entre les Gnolls, Erin et Lyonette est une urgence. »

« Pour vous ? Pourquoi les Antiniums devraient se soucier de ça. »

« Erin Solstice est… Importante pour la Colonie. Et pour moi. »

Quelle étrange chose venant d’un Antinium. Je regarde Klbkch.

« Qu’est-ce que tu veux ? »

Ses yeux à multiples facettes sont concentrés sur moi.

« Je souhaite te parler, Ryoka Griffin. Cela fait plusieurs temps que j’aimerai te parler. Mes observations de ton comportement me laissent croire que je peux te faire confiance. »

Il… Avait attendu ? Pour me parler ? Il m’observait ? Je suis naturellement paranoïde, mais cette situation fait sonner toutes les alarmes instinctives. Je hausse les épaules avec méfiance.

« Je suis libre. De… Quoi est-ce que tu veux parler ? »

« J’aimerais parler franchement, Ryoka Griffin. Tu es méfiante ; cela est compréhensible. Mais je ne souhaite pas te causer des problèmes, à toi ou à Erin. J’aimerai vous venir en aide, et j’espère que tu pourras me voir en tant qu’alliée, et non en tant qu’ennemi. »

Je… Merde. Ca sort de nulle part. Je pensais que j’étais déjà en eaux trouble, mais cela me prend vraiment par surprise. Je cherche une réponse. Pour le tester.

« Est-ce que tu essayes de dire que nous sommes du même côté ? »

Klbkch penche légèrement sa tête.

« Est-ce qu’il y a des côtés, Ryoka Griffin ? Les Antiniums ne sont pas tes ennemis. »

« Je ne suis pas d’accord. »

« Tout comme moi. Car si les Antiniums étaient tes ennemis, Ryoka Griffin, tu serais déjà morte. Tu n’as pas d’importance pour la Colonie ou ma Reine. Erin Solstice est un outil à utiliser. Et tant que cela reste le cas, toutes les interactions envers elle et toi sont sous ma responsabilité. »

Je m’arrête. Klbkch parle soigneusement, et si je lis entre les lignes…

« Tu offres de l’aide. Pourquoi ? »

« Car Erin Solstice doit survivre. Elle doit vivre pour aider les Antiniums. Et tu essayes de la protéger car vous venez du même monde. »

Il sait. Mon cœur s’arrête pendant une seconde. Il sait.

Je regarde autour de moi, mais l’auberge est vide. Où est-ce que tout le monde est passé ? Et pourquoi est-ce qu’il fait jour ?

Klbkch ne dit rien. Il me regarde. Il m’observe. Il veut savoir comment je vais réagir.

Est-ce que je peux le battre ? Il a deux épées et des classes. Donc… Non. Ma main droite est toujours blessée et je n’ai pas d’armes.

« J’aimerai que cette discussion reste civile. Tu n’as rien craindre, je ne vais pas te blesser, ni Erin. C’est la dernière chose que je souhaite. »

Merde. Mais au moins je ne vais pas mourir aussitôt. J’essaye de maîtriser le volume de ma voix en répondant. Concentre-toi. C’est… Les Antiniums sont aussi terribles que Magnolia. S’ils le savaient…

« Pourquoi perdre du temps en politesse ? Est-ce que tu es en train d’essayer de nous convaincre d’être dans le même camp pour qu’on puisse aider ta Colonie ? »

Le regard de Klbkch ne faiblit pas.

« Erin aidera ma Colonie tant qu’elle est en vie. Mais pour répondre à ta question : ma Reine n’est pas au courant du fait qu’Erin et toi venez d’un autre monde, Ryoka Griffin. Si elle l’était, vous seriez rapidement capturé et interroger. »

Je frissonne. Mais, attend une seconde. Klbkch est en train de dire… Qu’il est en train de mentir à sa Reine ? Pour nous ? Non, pour Erin ?

« Tu n’es supposé être le bras droit des Reines Antiniums, ou quelque chose du genre ? Je pensais que les Prognugators étaient loyaux. »

« Je le suis. Mais la loyauté prend de nombreuses formes, et je commence à remettre en question la direction que sont en train de prendre les Antiniums. Je crois que vous laisser en vie est préférable à votre mort. Non… Je sais que c’est le cas. »

Mon dieu. Est-ce que c’est… Le théorème d’Erin ? Elle a créé des individus Antiniums, mais affecté l’allégeance d’un Prognugator ? Où est-ce que c’est quelque chose qu’était déjà en train d’arriver ? Je lève ma chope pour boire quelque chose. Mes mains sont en train de trembler. Klbkch hocha la tête, voyant ma réaction.

« Je n’ai pas informé Erin à cause des dangers. »

« Mais tu me le dis ? Pourquoi ? »

« Car tu sais garder un secret. Laisse-moi être clair, Ryoka Griffin. Ton statut en tant que voyageuse entre les mondes n’a pas d’importance pour moi. Si ma Reine était au courant, elle vous interrogerait sans merci. Mais seule Erin Solstice est importante. Elle est celle avec de la valeur. »

« Les Individus Antiniums. »

« Exactement. »

Klbkch hoche la tête.

« Erin Solstice ne doit pas mourir. Elle doit vivre, et aidé ma Reine à changer les Antiniums de l’intérieur. »

« Mais… Tu veux nous aider. L’aider. »

« Je t’aiderai au mieux de mes capacités et t’informerai des dangers que tu ignores. Je relèverai les secrets de ma Colonie. J’utiliserai mon autorité sur les Soldats et les Ouvriers pour défendre cette auberge et ses habitants si nécessaire. Je mentirai même à ma Reine pour toi. »

« Car Erin est importante. »

« Elle est notre salut, Ryoka Griffin. »

« Pourquoi ne pas lui avoir dit ? Pourquoi ne pas lui avoir offert de lui dire… Tout ça ? »

Klbkch semble inconfortable pour la première fois. Il s’arrête et fait délicatement claqué ses mandibules.

« J’ai considéré cette option, mais il est clair qu’Erin Solstice est incapable de garder un secret. Tout ce que je lui dis serait inévitablement répété à tous. Tu es plus subtile. »

Donc il ne pouvait pas faire confiance à Erin car elle était incapable de se taire, mais il me fait confiance ?

Ou est-ce vraiment le cas ? Est-ce que cela n’est pas une ruse ? Est-ce que je dois le tester ? Ah, comme si j’avais le choix. Il est un Prognugator Antinium ou… Revalantor, ou qu’importe ce qu’il est maintenant, offrant de me parler de sa Colonie. Je ne peux pas lui tourner le dos.

Respire, Ryoka, et plonge. Je ne sais pas ou descendent ces eaux troubles, mais si c’est le cas… Je regarde Klbkch.

« D’accord. Dis-moi ce que tu sais. À propos des Gnolls et de leur dette, par exemple. Tu as dit que tu savais quelque chose ? »

Il hoche la tête.

« Les Gnolls de Liscor sont menés par Krshia Shilverfang. Ils sont arrivés il y a presque une décennie pour supposément faciliter le commerce, mais leur véritable motif est d’acquérir des informations ou des objets de valeur pour améliorer la situation de leur tribu. La réunion décennale des tribus Gnolles implique d’apporter un cadeau partager avec tous les Gnolls, et la tribu des Crocs d’Argents espérant gagner quelque chose de valeur pour améliorer leur condition et leur influence à cet événement. »

Bordel de merde. Je regarde Klbkch.

« Tu comptais me le dire depuis le début, pas vrai ? Tu voulais me le dire. »

Il s’arrête ?

« Mon but est de garder Erin Solstice en vie. Il est logique que je t’informe de tous les dangers la menaçant, et la situation des Gnolls a été étudié de près par ma Colonie. »

« D’accord, d’accord, continue. »

J’écoute avec attention alors que Klbkch continue.

« Sous l’influence de Krshia, les Gnolls commencèrent à rassembler leurs profits et à acheter des tomes magiques dans toutes les boutiques qu’ils ont trouvé. Ils ont rassemblé de nombreux livres de sort, la majorité contenant des sorts allant du 1er au 3ème Échelon, dans l’espoir qu’ils allaient pouvoir les offrir comme cadeaux pour les autres tribus. »

Des Gnolls apprenant de la magie ? Je n’avais jamais entendu parler d’un [Mage] Gnoll, que des [Shamans]. Mais… Attends, je crois qu’Erin avait mentionné le fait qu’il y avait une querelle entre les Gnolls et Wistram ?

« Donc les Gnolls veulent entraîner leur propre [Mage]. »

« C’est correct. Les livres de sorts étaient cachés dans le magasin de Krshia Shilverfang, pour éviter d’être trouvées et, je suspecte, pouvoir être transporté avec facilité. Il y a quelques semaines, Krshia Shilverfang à envoyé un message à sa tribu demandant des guerriers pour les transporter hors de la ville. Je pense que les gardes arrivaient aussi pour protéger Erin Solstice, que les Gnolls avaient identifié comme ayant de la valeur. Cependant, Scruta l’Omnisciente à tué le premier groupe envoyé. »

Les Gnolls sur la route. Je m’en souviens.

« Le prochain groupe est arrivé trop tard. Les livres avaient été détruits lorsque Lyonette du Marquin a détruit le magasin de Krshia Shilverfang en utilisant un puissant artéfact magique qui a passé les protections normales installées pour protéger les livres. »

« … Merde. »

C’est encore pire que ce que je pensais. Klbkch hocha la tête.

« C’est une malheureuse situation, mais sans cadeau pour les tribus Gnolles, les Crocs d’Argents perdront beaucoup de leur réputation. »

« Et c’est pour ça que la dette vaut cinquante mille pièces d’or, pas vrai ? »

« Une considérable comme a été dépensé pour accumuler les livres de sorts sur plusieurs années. Je crois que les Gnolls ignoraient les dangers qu’un tel sort pouvait poser à de tels livres.« Une considérable comme a été dépensé pour accumuler les livres de sorts sur plusieurs années. »

Je ferme les yeux.

« Bordel. »

« Je suppose que tu as accepté la responsabilité de cette dette avec Erin Solstice. Elle sait ce qu’il s’est passé, mais pas le coût, mais elle sera incapable de résoudre ce problème seul. »

« Et je suppose que les Antiniums ne vont pas aider ? »

Klbkch secoue la tête.

« Erin Solstice est certainement importante à la Colonie, mais ma Reine n’autorisera jamais une telle dépense pour une seule personne. Elle ne comprend pas l’importance d’Erin. Pour l’instant. »

« Et elle est très importante. Tu penses différemment de ta Reine. Est-ce que tu te rebelles contre elle ? »

« Non. »

Le mot est sec et rapide. Klbkch me regarde et je suis aussitôt consciente qu’il est armé et que je ne le suis pas. Puis il semble se relaxer, et j’arrive aussi à le faire.

« Je ne trahirai jamais ma Colonie, ou ma Reine. Mais je crois qu’elle peut faire des erreurs. L’une d’entre elle est de refuser de faire confiance aux autres. Ma colonie, Ma Reine, nous avons besoin d’alliés pour changer les Antiniums. »

« Changer les Antiniums ? Comment ? »

Klbkch hésite, avant de lever un doigt.

« Permet moi de vérifier si nous sommes vraiment seuls. »

Je me tourne sur ma chaise, mais c’est stupide. Klbkch est clairement en train de faire quelque chose. Il lève les yeux après une minute et hocha la tête.

« L’auberge est vide, et il n’y a personne d’autre à plus de deux cents mètres autour de nous. J’ai confirmé que les [Assassins] et [Scouts] envoyé par Magnolia Reinhart sont caché plusieurs kilomètres à l’est de notre position et ne possède pas d’artefact ou de sort d’écoute. Selys Shivertail est avec Mrsha à Liscor… »

Attends une seconde, qu’est-ce qu’il vient de dire ?

« Quoi ? Avec Mrsha ? Ou es Erin ? »

« Elle est en train d’explorer les terres sauvages avec Toren et Lyonette. Je crois qu’elle t’a prévenu de ce fait. »

Je… Me souviens vaguement de quelque chose comme ça ? J’étais en train de penser aux Gnolls et je me souviens qu’Erin avait dit quelque chose. Je devrais plus faire attention à ce qui m’entoure.

… Est-ce que Klbkch est resté assis pendant tout ce temps ? En me regardant ? Puis je réalise autre chose. Je m’arrête et regarde longuement Klbkch.

« Tu… Sais où elles sont ? Erin et Selys ? N’importe quand ? Est-ce que tu les fais suivre ? »

Je ne peux pas croire que les Soldats et Ouvriers sont doués pour se cacher. À moins que… Est-ce que la Colonie est autant étalée sous terre ? Klbkch secoua la tête.

« Nous n’avons pas besoin de scouts sur le terrain. Une espèce spécialisée d’Antinium développé dans notre Colonie est capable d’écouter tous les mouvements et sons sur de très longues distances. Ils sont capables de surveiller des individus, avec des ordres et du temps. »

‘Il y a d’autres types d’Antiniums différent des Soldats et Ouvriers.’

« Vous avez plus que les Soldats et Ouvriers ? »

« Ils sont connus sous le nom de Tympans. Notre Colonie en comporte quelques-uns. Leur existence n’est pas un secret, ils furent dévoilés lors de la Seconde Guerre Antinium avec d’autres types. Cependant, seuls les Soldats et les Ouvriers peuvent rentrer dans l’enceinte de Liscor. »

« Pourquoi cela ? »

« Car ma Reine est la plus basse hiérarchiquement parmi les six Reines sous la Grande Reine. Son travail est expérimental, tout comme ses idéaux. Et elle est donc limité d’utiliser le plein potentiel de la Colonie, lui refusant certaines ressources et équipement. »

Une lutte de pouvoir entre les Antiniums ? Impossible. Cela voulait dire…

« Est-ce que les Reines sont en compétition ? Est-ce qu’il y a des rivalités ? Est-ce que les Colonies s’affrontent. »

Klbkch secoua la tête.

« La compétition est strictement basée sur les réussites. Les Reines et les Antiniums ont le même objectif, mais les points de vue diffèrent entre les Reines sur la meilleure manière d’atteindre cet objectif. »

Comme avoir plusieurs PDG travaillant dans le même but. Je hoche lentement la tête.

« Et tu veux que ta Reine réussisse. »

« Je crois en sa mission. »

« Qui est de créer des Individus Antiniums capables de gagner des niveaux, ce qui rendra les Antiniums plus forts. »

Et plus meurtrier. Qui pourraient renverser le continent. Klbkch hoche simplement la tête.

« Bien vu. Ma confiance n’est pas mal placée. »

« Mais si Erin t’aide, nous mourrons tous. Nous rendons les Antiniums plus forts, et vous nous tuez tous à la fin. »

Klbkch secoue la tête.

« Ma Reine est la seule à chercher des alliés et à forger des relations. Mais elle-même est… Limitée dans sa vision. Elle traite les autres espèces comme des pions. J’aimerais qu’elle les voie comme des gens. »

Donc la Reine de Liscor est plus progressive que les autres Reines, et son Prognugator l’est encore plus qu’elle. Je pense que je comprends.

« Tu penses que tu peux faire changer ta Reine d’avis. Mais dans tous les cas, elle doit avoir plus d’influence. »

« Exactement. Et la preuve de ses efforts se trouvent dans les Individus Antiniums. »

« Ce qui fait qu’Erin est essentielle. »

« Cela est correct. »

Mon cœur bat la chamade. Je dois me calmer en buvant plus d’eau avant de pouvoir parler de nouveau.

« D’accord. D’accord, disons que tout cela est la vérité. Qu’est-ce qui se passe si ta Reine fait ses preuves ? Elle a des Antiniums spéciaux ? »

« Elle gagnera accès aux… Ressources pour créer les Antiniums qu’elle désire. »

« Donc les autres Colonies ont déjà accès à ces Antiniums spéciaux. »

Ceux qui ont tué le General Sserys lors de la première guerre Antinium. Klbkch hocha la tête.

« La Reine de chaque Colonie à la possibilité de créer leur propre type d’Antinium unique. La Grande Reine garde précieusement les secrets de la Colonie, mais à part elle, chaque Reine garde jalousement son type unique d’Antinium et les méthodes pour améliorer notre espèce. »

La journée était remplie de révélation qui changeait la donne.

« Donc ce que tu es en train de me dire est que les Antiniums ne sont pas unis. Ou plutôt, qu’il y a une lutte de pouvoir dans les Colonies pour savoir comment les Antiniums doivent évoluer ? »

Klbkch me regarde.

« Si une Reine, ou autres Prognugators, apprend que l’un d’entre-nous à partager cette information, nous mourrons tous les deux. »

Un moment de silence. Je lis ce qui n’est pas dit.

« Est-ce que cela veut dire que tu veux que j’en parle à quelqu’un ? Lady Magnolia ? »

« Je préférerais que ma Reine gagne en puissance. Cela fait longtemps qu’elle travaille sans la permission de créer son propre type ou de dévié des Soldats et Ouvriers normaux. »

« Car elle est une renégate ? Car elle est en disgrâce ? »

« Car elle veut créer des Individus, oui. »

« Qu’est-ce qui se passe si elle succède ? Ou plutôt, si Erin succède ? Est-ce qu’elle a besoin de le prouver aux autres Reines ? »

Klbkch est droit dans son siège. Il bouge à peine, silencieux. Il est un autre type de personne, plus comme un robot qu’une véritable personne. Oui, un robot. Un fait de chitine plutôt que de métal. Un homme de fer blanc, un homme insecte. Avec un cœur.

« Une délégation d’Antinium arrivera sous peu. Ils verront si Pion et les autres Individus sont véritablement des Individus. Puis les Reines débattront et la Grande Reine décidera de ce qu’il faut faire avec cette information. »

« Et ensuite ? »

Klbkch haussa les épaules.

« Cela changera tout. Ou cela ne changera rien. La Grande Reine décidera si les Individus rendront les Antiniums plus fort et nous déciderons alors de la suite. »

« Et pourquoi les Antiniums doivent être forts ? Pour conquérir le continent ? »

« Si nécessaire. »

La réponse est glaciale et me coupe dans mon élan. Klbkch me regarde et secoue la tête.

« La Grande Reine est plus ouverte à continuer la paix pour l’instant, du moins jusqu’à ce qu’elle soit certaine que la victoire n’affaiblira pas les Antiniums. Cependant, je crois que je peux convaincre ma Reine de parler contre ce genre d’action. Ce continent n’est pas ce que les Antiniums recherchent. Nous avons besoin de force pour reprendre nos terres natales. »

« Vos terres natales ? Quelqu’un vous a chassé ? »

Mon dieu, le livre… J’ai besoin de lire la seconde partie. Ce qu’il est en train de dire change tout. Klbkch hoche la tête.

« C’est pour cela que nous avons fui Rhir. Et c’est pour cela que nous continuons de construire nos forces. Nous sommes partis, car nous étions en train de perdre, Ryoka Griffin. Et maintenant que nous sommes partis, l’ennemi sortira bientôt une nouvelle fois de terre. Ce Royaume Maudit est fort, mais il n’est pas prêt. »

« Pas prêt pour quoi ? »

« Nous devons devenir plus forts. Je dois devenir plus fort. »

Klbkch me regarde. Je suis paralysé. Pendant un instant, il semble plus grand que la vie. Ancien. Je suis comme l’insecte à ses yeux.

« C’est pour cela que tu dois m’aider. Pourquoi je sais qu’Erin et toi devez être protégées. Les Antiniums doivent changer. Ou les Antiniums disparaîtrons de la surface de la terre. »

« Qu’est. Ce. Qu’il. S’est. Passé ? »

Klbkch s’arrête. Il regarda sa chope. Puis il me regarde.

« Les Guerres Antiniums ? Ce que les Drakéides, Humains et Gnolls redoutent ? Ce ne sont que des contrecoups. De la poussière. La véritable tragédie est arrivée en mer quand nous avons perdu notre peuple. Même maintenant, nous ne sommes qu’une fraction de ce que nous étions. »

Je prends une grande inspiration. Mon cœur. Je peux entendre mon cœur et sa voix. Rien d’autre.

« Si c’est le cas, pourquoi avoir fui ? Qu’est-ce qui était si terrifiant que vous avez duit fuir plutôt que combattre ? »

Klbkch s’arrête. Il est assis en silence dans l’auberge d’Erin, mais ses yeux révèlent ce qu’il est. Il y a quelque chose d’intemporel, proche du regard de Ceria. Ou de Teriarch. Ne regarde pas Klbkch en voyant un insecte. Regarde le pour ce qu’il est. Une créature datant de plusieurs siècles. Un ancien héros des Antiniums, peut-être. Quelque chose d’ancien. Et ce n’est qu’à ce moment que je réalise à quel point ce qu’il dit est terrifiant.

Les Antiniums. Des créatures qui sont des centaines de milliers. Voir des millions. Pourquoi est-ce qu’ils ont fui Rhir ? Qu’est-ce qui a pu les faire fuir ?

La voix de Klbkch est la seule chose dans le monde. Douce. Et pourtant les mots qu’il prononce sont si bruyants que je peux les sentir faire trembler mon âme.

« Nous avons fui un Dieu, Ryoka Griffin. Il y a un Dieu enterré en Rhir. Et il essaye de se réveiller. »



 
Maroti
   
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2.41
Partie 2
Traduit par Maroti

C’est… C’est presque drôle. J’ai envie de vomir, de hurler, de poser mille et une question. Mais cette situation avec les Gnolls et la dette de cinquante mille pièces d’or ? Ce n’est pas un problème maintenant.

« De nouveau, je regrette de ne pas pouvoir directement vous aidez avec la dette des Gnolls. Mais je suis d’accord dans le fait que leur aide serait précieuse pour toi et Erin Solstice. Les Gnolls possèdent un degré de connaissance et de compétences que les Antiniums ne possèdent pas, et ils sont des fidèles alliés envers ceux qui les ont aidés. »

Klblkch et moi sommes en train de parler dans l’auberge d’Erin. Calmement. Il est calme. Je… Enfin, j’essaye de me calmer.

J’ai… un peu péter les plombs après la révélation à propos du Dieu. Un tout petit* pétage de plomb. Mais maintenant nous somme tous calme. Klbkch est en train de ma parler du futur, et franchement, je pense que je vais l’écouter.

*C’était quelque chose. Je crois que je suis devenu hystérique, pour la première fois de ma vie.


Les Antiniums. Je n’en avais pas la moindre idée, étrangement, ce qu’il m’a dit est plein d’espoir. Certes, il y a cinq autres Reines qui voulaient tuer les autres espèces, mais il y a des désagréments chez les Antiniums. Un espoir pour le changement et la paix. Mais est-ce que je partage cette information. Est-ce que j’aide Klbkch ou je protège Erin ?

« Puis-je demander comment tu vas effacer cette dette ? »

Je cligne des yeux, et me reconcentre sur la conversation. J’ai besoin de réfléchir. Je ne peux pas me permettre d’être inutile, pas maintenant. Il y a trop en jeu, même si je dois le dire, la dette des Gnolls ? C’est du vent.

« Je ne suis pas encore certaine. Je suis en train de réfléchir à mes options, mais je n’ai rien qui puisse vraiment aider les Gnolls pour l’instant. »

« D’après ce que tu m’as dit, il y a de nombreuses technologies utiles provenant de ton monde, mais peu sont celle que tu peux reproduire. Ma Colonie pourrait aider dans la collecte de ressources, mais les Antiniums ne travaillent pas le métal, du moins, la majorité des Colonies ne le font pas. »

« Une Colonie le fait ? »

« Je le crois. »

Il y a des secrets entre les Colonies ? Hum. C’est plus une rivalité et non une compétition. C’est bon à savoir.

« Ouais, je ne pas faire grand-chose pour l’instant. Bordel, je connais toutes sortes de technologies utiles et de technique de métallurgie, de constructions, et les avancées en médecine… Mais il faut quelque chose d’existant pour le faire. Le titane, par exemple, est un métal plus solide que l’acier, mais il est impossible de le forger sans… Bon sang, je suppose qu’un sort du 6eme Échelon pourrait faire quelque chose… »

« Ce qui n’est pas pratique pour les Gnolls. »

« Ouais. Et des choses comme les mathématiques… Cela changerait le monde, mais ce n’est pas immédiatement utile. »

« En effet. »

Je soupire.

« Putain. Je pense que ça doit être un artefact. Magique. Je vais devoir demander à Lady Magnolia ou… Teriarch. »

J’ai dit beaucoup de chose à Klbkch. Pas tout, mais une grosse partie de ce que j’ai dit et fait. Et ce que je sais. L’Antinium hoche la tête.

« Un choix dangereux. Ces deux individus sont très puissants et il y a beaucoup à perdre en approchant l’un deux. Malgré les capacités de Teriarch, je te conseille d’approcher Magnolia Reinhart avec la même prudence. »

Une autre surprise. Non, je ne devrais pas être surprise, pas vrai ?

« Tu le connais ? Teriarch ? »

« Nous savons qu’il est un Dragon. Il a incinéré deux armées que nous avons envoyées contre lui lors de la Seconde Guerre Antinium. C’était une erreur de l’attaquer. J’étais contre, mais les Reines n’ont pas écouté. »

Trouve le livre. Lit le livre. À moins que cela soit une partie de l’histoire que personne ne connaît. Ouais, je pense que les gens sauraient si un Dragon serait sur le continent. Un autre secret à garder.

« Si tu arrives à le convaincre de se séparer d’un de ses trésors… Oui. Cela satisferait sûrement les Gnolls. »

« Si. Un conseil ? »

« Ne l’attaque pas. »

« Merci. »

Je regarde Klbkch. Il est calmement assis dans son siège, m’observant. Si seulement je pouvais lire son expression pour savoir à quoi il pensait. Est-ce qu’il était vraiment aussi calme ? Il doit être nerveux. Mais le fait est le suivant : je suis incapable de lire le visage des insectes.

« Je suis surpris que tu ne veux pas que je te dise comment faire les armes de mon monde. Même si je ne te le dirais pas. »

« Malgré l’avantage que cela apporterait, je crois que cela serait l’inverse de mon objectif. De nouvelles armes ne feraient que pousser ma Reine à abandonner son actuel plan et d’utiliser ses armes pour commencer la troisième guerre. Je ne souhaite pas voir un tel bain de sang arrivé. Je… Ne souhaite pas voir les habitants de Liscor mourir. »

Un homme de fer blanc avec un cœur. Une partie de moi à envie de le serrer dans mes bras. L’autre veut s’asseoir dans un coin et me balancer en avant et en arrière pendant quelques heures.

« Donc. C’est quoi le plan ? »

Klbkch penche la tête.

« Je te confie des informations, des ressources, et de la protection. Tu dois aider Erin Solstice à ta manière. Et si tu as un moyen d’aider la Colonie… »

« Oui. Je comprends. »

Je me lève. Je commence à faire les cent pas. Je dois bouger.

« Mais il y a encore tellement de questions que je veux poser. Toutes les choses que les Antiniums savent… »

« Je partagerai ce qui est nécessaire. Mais certains secrets ne doivent pas être dévoilés. Si tu es capturé pour être torturé ou charmé… »

« D’accord. D’accord. »

Ce n’est pas un idiot. Je regarde Klbkch. Non, ce n’est pas du tout un idiot. Il est un Prognugator, l’un des Généraux Antinium. Il est probablement plus intelligent que moi. Mais qu’est-ce que je peux demander.

« Si tu ne peux pas me donner quelque chose pour les Gnolls, nous pouvons échanger des informations. »

« Exactement. Je crois que cela possède aussi une grande valeur. »

Il n’a pas tort. J’ouvre les bras.

« Est-ce que tu souhaites savoir quelque chose sur mon monde ? »

« Beaucoup de choses m’intrigue. Mais si je peux me permettre… Plus tôt dans la journée, Erin a mentionné le fait que notre système de gain de niveau est similaire que celui de votre monde ? »

« Ah. »

Je grimace. Erin et sa grande bouche. Comment est-ce que je peux lui expliquer ?

« Nous… Ne gagnons pas de niveau dans notre monde. Pas du tout. Nous devenons meilleurs avec de l’entraînement, mais nous ne gagnons pas de niveau. »

« Pas du tout ? Erin a mentionné un jeu qui contredit ce fait. ‘Diablo’. »

Je suis complètement perturbé par le fait qu’un Antinium commence à parler d’un jeu de mon monde. Je secoue la tête.

« C’est… Ce n’est qu’un jeu vidéo. Quelque chose que les gens jouent pour s’amuser, comme les échecs. Ce n’est pas… »

J’hésite. Comment le dire.

« Il y a des parallèles avec ce monde. Erin et moi l’avons remarqué. La manière avec laquelle ce monde opère avec les gens gagnant des niveaux… C’est parallèle au jeu. Mais beaucoup de choses sont différentes. »

« Je vois. Mais les mécaniques sont proches ? »

« C’est ça. Je connais le jeu… »

Bordel, j’avais vécu pour Diablo III pendant un temps. J’étais addicte jusqu’à ce que mes parents me fassent quitter le jeu.

« … Mais je ne pourrais pas le comparer à ce monde. Je ne sais pas comment le système de classe marche, ou comment gagner des niveaux. »

« C’est aussi considéré un élément mystique de notre monde. La majorité des gens comprennent les mécaniques, mais il y n’y a pas de consensus sur la raison derrière notre gain de niveau. »

Vraiment ? Je fronce les sourcils.

« Est-ce que tu peux m’expliquer certaines choses ? De ta perspective, enfin, du point de vue d’un natif. »

Klbkch hocha la tête. Il tape un doigt sur son bras plusieurs fois, un bruit sec, un cliquètement. Puis il parle.

« Gagner des niveaux est un moyen de devenir plus fort. Nous gagnons des classes en nous intéressant à certaines activités. Nous gagnons plus de niveaux dans une classe en poursuivant cette activité. Cependant, gagner des niveaux devient exponentiellement plus difficile avec le temps. »

Je hoche la tête. Ça je l’avais compris.

« La plupart des gens atteindront le Niveau 20 dans une classe durant leur vie. Quelques-uns peuvent atteindre le Niveau 30. Une poignée dans chaque village ; quelques douzaines dans une ville. Peu atteindront le Niveau 40 ; ceux qui le font sont considéré célèbre dans leur milieu. Ce qui dépasse le Niveau 50 sont généralement connu dans le monde entier. »

Ce sont encore des choses que je connais, mais le fait que Klbkch le dise est pratique.

« Est-ce que quelqu’un à déjà atteint in… Niveau maximum ? Le Niveau 100, par exemple ? »

Klbkch semble froncer les sourcils. Il n’a pas de sourcils mais, est-ce que c’est mon imagination ? C’est comme ça que je l’interprète.

« Je ne connais pas d’individu ayant approché le niveau 100. Les légendes parlent d’individus avec des niveaux supérieurs à 80 voir 90, mais pourquoi est-ce qu’il y aurait une limite au 100ème niveau ? »

« Parce que… »

Je m’arrête. Parce que c’est un nombre rond ? Non ; il y a une autre raison.

« Attends. C’est un concept de mon monde. De là ou je viens… Les jeux vidéo ont généralement une limite de niveau. Niveau 100 ou 99 est généralement cette limite. »

Diablo III n’avait pas ce système. La limite était au Niveau 70 avec les niveaux Paragon, mais il semblerait que le Niveau 100 soit ce qui s’en rapproche le plus. Klbkch secoue la tête.

« C’est étrange, mais très intriguant. Je n’ai jamais connu d’individu avec un niveau aussi élevé. La plupart devienne trop vieux pour dépasser le Niveau 60 dans la majorité des cas. »

« Attends. Vieux ? Qu’est-ce que l’âge à voir avec les niveaux ? »

Je fronce les sourcils. Est-ce que le gain de niveau est… Limité par l’âge ? Cela me perturbe.

« L’âge est un facteur connu dans le gain de niveau. Ceux qui vieillissent gagnent des niveaux plus lentement, indépendamment du niveau de leur classe. »

« Cela ne ressemble pas aux jeux auquel j’ai joué. Est-ce que tu es certain que cela arrive ? »

Klbkch hocha la tête.

« Je suis un exemple de cette occurrence. J’ai… Décliné dans mes capacités pendant ma longue vie. J’ai perdu des niveaux, ce qui est une occurrence qui n’arrive que chez les Antiniums. »

« Tu as perdus des niveaux ? Parce que tu es mort, c’est ça ? »

« Correct. Durant la Première et Seconde guerre Antinium, et encore avant, j’ai de nombreuse fois fait l’expérience de la mort. Je suis capable de ressusciter grâce à ma Reine, mais je perds dix niveaux dans mes classes chaque fois que cela se produit. »

Cela ressemble à une mécanique de jeux vidéo. Revenir à la vie en perdant des niveaux ? Je gratte la table avec mon ongle.

« Tu es en train de me dire que tu as plus de mal à gagner des niveaux car tu es… Vieux ? »

Klbkch hoche de nouveau la tête. Il semble hésiter, puis il parle.

« Ceci est une information secrète. Pour l’instant, je suis un [Pourfendeur] de Niveau 21, un [Commandant] de Niveau 18, un [Diplomate] de Niveau 11 et un [Assassin] de Niveau 14. Mais a mon apogée, j’étais un [Pourfendeur] de Niveau 44 et un [Assassin] de Niveau 26. »

Ma mâchoire se décroche. En ajoutant tous ses niveaux, Klbkch a déjà eut plus de soixante-dix niveaux ! N’est-ce pas l’équivalent d’un héros de légende ? No… Un Aventurier Légendaire est autour du Niveau 40. Il était encore plus fort ? Attend, une seconde, si tu rajoutes les niveaux qu’il possède maintenant…

« C’est… Incroyable. »

Klbkch hocha la tête. Ce n’est pas de l’arrogance.

« Mes compétences sont pratiques. Cependant, tu remarqueras que je suis actuellement bien plus faible que ce que j’étais. Récemment, j’ai des difficultés à récupérer les niveaux que j’ai perdu, et il est de plus en plus difficile de gagner des niveaux dans la classe de [Pourfendeur]. »

« D’accord, mais tu as toujours plus de soixante niveaux au total, pas vrai ? »

« Correct. Mais cela n’est que cumulatif. Comme je l’ai dit, je gagne plus lentement des niveaux due à mon âge avancé. Je suis vieux, et c’est un fait établi que les individus vieillissants gagnent des niveaux plus lentement. »

Attends, je n’arrive pas à comprendre ce que Klbkch est en train de me dire. Je tape la table en parlant.

« Qu’en est-il de tes niveaux cumulatifs ? Je veux dire, tu étais au Niveau 70 auparavant, et maintenant tu es au Niveau 64. Est-ce que ça n’expliquerait pas pourquoi tu gagnes des niveaux plus lentement. »

Klbkch s’arrête. J’ai de nouveau l’impression qu’il fronce les sourcils.

« Pourquoi est-ce que mes niveaux cumulés affecteraient ma progression ? »

« Parce que tu t’approches du cap du centième niveau. S’il existe dans ce monde. Écoute, dans un jeu vidéo gagné des niveaux demandent plus d’expérience avec chaque niveau. Et si c’était la même chose dans ce monde ? Mais le coût est aussi basé sur la totalité de tes niveaux, et non pas que sur les niveaux d’une seule classe. »

Est-ce qu’ils ne le savent pas dans ce monde ? Est-ce que cela explique les niveaux bas ? Mon dieu, c’est peut-être le cas. L’Antinium me regarde de manière septique.

« Cette conclusion demande un nombre de suppositions que ne peut pas être vérifié. Je ne suis pas certain que ta croyance envers une limite de niveau soit correcte. De plus, pourquoi est-ce que toutes les classes compteraient dans ce total ? »

« Alors pourquoi l’âge compterait ? »

Je lui pose aussitôt la question. D’accord, c’est une vieille astuce de débat, mais j’ai l’impression d’être sur quelque chose.

« Le problème que j’entend est que tout ton monde assume que tu ralentis avec l’âge en gagnant des niveaux. Mais est-ce que le cas ne serait pas que les plus vieilles personnes ont juste plusieurs classes ? »

L’Antinium reste silencieux pendant un long moment.

« La plupart des individus ne dépasse pas le Niveau 20 pour commencer. Peut atteigne un niveau cumulatif dépassant la barre des cinquante, même avec d’autres classes. »

« C’est parce que c’est de plus en plus difficile de gagner des niveaux ! Et les gens pensent que c’est l’âge, mais… D’accord, imaginons que tu es un [Boucher] de Niveau 20 et que tu as dix niveaux dans… Je ne sais pas, [Danseur]. Cela veut dire que le système te comptera comme au Niveau 30 quand il faut monter de niveau, te ralentissant. Et cela veut aussi dire que les aventuriers, les généraux… Tout le monde est en train de ralentir sa progression et son niveau maximum en prenant des classes inutiles ! »

Je pointe Klbkch du doigt. Mon cœur bat la chamade sous le coup de l’excitation.

« Tu ne gagnes plus de niveaux parce que tu as des classes inutiles. Tu étais plus fort lorsque tu étais plus jeune parce que tu n’avais que deux classes, et que tu te concentrais sur l’une en particulier. Réfléchit Klbkch. Est-ce que tu peux nommer un autre individu avec peu de classe ? »

Il reste silencieux pendant un long moment, puis il lève la tête.

« La première Grande Reine. Elle… Elle était au Niveau 76. Elle était une [Matriarche Supreme], une classe spéciale gagnée en progressant dans sa classe de [Reine] pendant des siècles. Elle… Elle était extraordinaire parmi notre peuple parce qu’elle continuait de gagner des niveaux même dans ses plus vieilles années.

« Mon dieu. »

J’ai tellement de questions. Mais je dois continuer.

« D’accord. Alors, bordel, nous avons besoin de plus d’information. Est-ce que tu sais si ta Grande Reine avait arrêté de gagner des niveaux ? Ou si elle continuait de gagner des niveaux ? Est-ce qu’elle avait d’autres classes ? »

Klbkch s’arrête. Il baisse la tête et il semble… Souffrir ? Comme si les souvenirs lui faisaient mal.

« Elle était concentrée. Elle ne voulait qu’une seule classe, et rien d’autre. Elle était tellement dédiée à nous mener qu’elle… Oui ; elle n’avait qu’une seule classe, même si je peux à peine m’en souvenir. »

« C’est pour cela qu’elle avait un niveau aussi élevé. Le gain de niveau se complique de manière exponentielle, bien sûr, mais la seule raison pour laquelle elle a atteint ce niveau est parce qu’elle avait qu’une seule classe. »

Je pense que je suis en train de sourire. Je n’ai pas de niveau, je n’en aurais peut-être jamais, mais nous avons trouvé quelque chose qui changeait la donne. Cette information, est-ce que je pourrais la donner aux Gnolls ? Attends, ce n’est pas si pratique à moins d’avoir des gens qui ont un niveau élevé, mais… C’est quand même quelque chose de gros.

Klkbch se lève soudainement. Je sursaute, même s’il ne me regarde pas. Il regarda par la fenêtre.

« Je… Dois le confirmer. Cette information, si elle est vraie, change beaucoup de choses. Cela n’était pas découvert… »

« Je suppose que c’est parce peu de gens montent aussi haut. Et quelqu’un avec un niveau assez élevé peut réaliser qu’il approche de son cap de niveau. De plus, cela pourrait être un soft cap ? »

« Un softcap ? »

« C’est une autre idée des jeux de mon monde. Cela veut dire qu’il n’y a pas de véritable arrêt après un certain point, le Niveau 100 par exemple, mais qu’il est incommode de continuer après. Disons qu’il y a un softcap au Niveau 100. Cela veut dire que tu peux quand même continuer à gagner des niveaux, mais il sera encore plus difficile de continuer. »

Klbkch commence à faire les cent tours, tout comme moi. Je le regarde bouger, il est clair qu’il est agité.

« Cela rajoute de la crédence à ta théorie. Une fois un certain âge atteint, gagner un niveau devient une raison de célébrer. »

« Est-ce qu’il y a un moyen de vérifier cette information ? De la prouver ? »

« Ma situation est unique due à ma nature, et je n’ai pas accès aux informations des autres Prognugators et Reines. »

« Pourquoi ne pas demander aux locaux, alors ? Tu as dit que Selys était à Liscor. »

Il hocha la tête.

« Elle est dans le parc avec Mrsha. »

« Le parc ? Est-ce qu’on peut lui parler ? »

« Partons tout de suite. »

***

Je cligne des yeux en regardant le paysage enneigé après que Klbkch m’est ouvert la porte. La neige m’arrive aux genoux dehors.

« Qu’est-ce qui s’est passé ici ? »

L’Antinium marche avec moi, se déplaçant à travers la neige alors que je ferme la porte de l’auberge d’Erin.

« Je crois que les effets de l’alcool sur les Fées de Givres a causé cette augmentation du niveau de la neige durant la nuit. »

« Erin, je jure sur dieu que si tu continues comme ça… »

« J’apprécierais que tu n’utilises pas cette expression. »

J’hésite, et regarde Klbkch.

« Oh, c’est vrai. »

Les dieux sont réels. Quand je repense à ça… Cela me fait presque oublier la révélation sur le gain de niveau. Je n’arrive pas encore a croire que personne dans ce monde n’a réalisé qu’il y avait un niveau max. Mais si la majorité des gens n’atteignent jamais ce niveau, et que le peu qui y arrive pense que c’est lié à l’âge…

« Qu’est-ce que tu peux me dire sur ce Dieu ? »

« Très peu. Seulement ce que mon peuple fait. Et je préférerai ne pas en parler dans tous les cas. »

« Pourquoi ? »

Klbkch me regarde.

« Car évoquer son existence lui donne du pouvoir. »

American Gods. De Neil Gaiman. Ou, en alternative, Les Petits Dieux, de Terry Pratchett. Je réfléchis à cent à l’heure. Je… Je ferme ma bouche et marche avec Klbkch dans la neige, pensif.

Nous atteignons les portes de Liscor en quelques minutes malgré la forte neige. Les gardes reconnaissent Klbkch et l’appellent. Il fait signe de la main, et nous continuons. Klbkch m’amène dans les rues de Liscor, et j’observe la ville.

Difficile de croire que cette ville il y a quelques semaines. Cet endroit n’est pas New York, mais ce n’est pas une petite ville. La ville donne l’impression… D’être grande. Habitée. Liscor est plus grand que Celum ou Esthelm, malgré le fait qu’elle soit encerclée par quatre de ces massifs murs*.


*De sacrée fortifications. Apparemment toutes les villes Drakéides ont ces gigantesques murs, même si ceux de Liscor sont derrière ceux des fameuses Villes Emmurées. Si les portes n’avaient pas été gardées ouvertes lors de l’attaque des morts-vivants… Je ne pense pas qu’un millier d’entre eux auraient pu passer les murs. Même avec des armes de siège. Des armes de sièges zombies… ? Un géant ?


C’est soit parce que Klbkch est Antinium ou un Garde Senior, probablement les deux, mais Klbkch et moi marchons dans l’espace laissé par la foule qui se sépare devant nous, même dans les rues les plus occupées. Et c’est une surprise de voir que tous les regards qu’il reçoit ne sont pas hostiles. Certains Drakéides et Gnolls lui font un hochement de la tête, et Klbkch échange des salutations avec des gens qu’il connaît de nom. Je suis plutôt celle qui reçoit des regards noirs.

L’Antinium s’engouffre dans une autre rue.

« Où est-ce que nous allons ? »

« Dans une aire de jeu, je crois. Dans un parc. Selys y a amené Mrsha. »

Les rues s’ouvrent et je me retrouve à regarder le plus étrange des paysages. Au centre de la ville se trouve… Un parc. Un grand parc, en plus, pour une ville entourée de mur. Et il y a une aire de jeux occupant une partie.

« C’est quoi ce bordel ? »

C’est une aire de jeu. Et il y a des… Arbres. Et de l’herbe, poussant à côté des pavés pour former le parfait périmètre circulaire du parc. C’est normal. Ouais, un parc, des arbres dans une ville avec des murs. Je peux le voir.

Mais l’aire de jeu attire mon regard. Car elle n’est pas comme une aire de jeu Humaine. Les aires de jeu Humaines ne sont pas aussi cools.

C’est… un Jungle Gym. Au du moins ça l’avait été. Mais un architecte fou avait regardé les plans et décider de construire une aire de jeu qui donnerait des arrêts cardiaques aux parents anxieux.

De longs tunnels de bois polis connectés à des tours montant en spirale comme un château miniature. Des barres d’exercices se trouvant à six mètres du sol, au-dessus d’un sol nécessitant de grimper une longue corde pour l’atteindre. Même alors que je regarde, des chiots Gnolls glissent le long d’un toboggan d’environ neuf mètres, laissant tomber les enfants dans une longue descente en spirale ;

La construction de bois et de pierre fait quatre étages de hauteurs. Il y a des pièces différentes avec des fenêtres en verre pour occuper les enfants et les faire jouer dans des murs d’escalades qui rendrait jaloux les gymnases de mon monde, il y avait même un grand pont de corde pour se balancer juste au-dessus de ma tête.

Je sais que je suis bouche bée. Je regarde la tour géante et je veux la grimper. Mais alors que l’enfant en moi rêve de me balancer et de sauter là-haut, la partie pratique de mon esprit se demande ce qui se passe si quelqu’un tombe ? Il y a tellement de moyens de trébucher, ce foutu pont de corde à des trous ! Une chute de cette hauteur est mortelle même sur de l’herbe.

Et alors que je suis entre d’imaginer ce scénario, un gamin glisse. Je vois un enfant Drakéide perdre l’équilibre et tomber sur le côté. J’ouvre la bouche et je me jette en avant, mais je sais que je serais trop lent, je le sais.

Mais alors, le corps du jeune Drakéide s’arrête en tombant dans l’air. Je regarde avec incrédibilité alors que l’air autour de lui semble se figer, et sa chute ralentie. Il se pose doucement au sol en riant.

Je le regarde, et j’entends des rires. Certains Drakéides rient en me voyant, pas le gamin. Je suppose que je dois tirer une tête hilarante.

« Ne sois pas alarmé, s’il te plait. Les sorts magiques de cette zone ont été lancés par un mage de Wistram et sont vérifiés chaque année. »

Klbkch me rejoint alors que je le regarde. Il hocha la tête en regardant l’aire de jeu et les Drakéides et Gnolls marchant et appréciant ce bout de nature au centre de la ville.

« C’est une coûteuse construction, mais une pour laquelle le conseil à dévouée des fonds au nom du bien-être de la population. J’ai entendu dire que les Villes Emmurées ont des constructions similaires, mais avec un plus grand degré d’enchantements magiques. »

« Pourquoi est-ce que vous avez besoin de quelque chose comme ça ? »

Je pointe l’aire du jeu du doigt. L’un des parents Drakéides me lance un regard noir, et je ferme ma bouche.

« Les résidents ont besoin d’un endroit ou se relaxer et s’amuser quand ils sont confinés dans l’enceinte de la ville à cause de l’unique géographie de Liscor lors du printemps. »

« D’accord, j’ai lut à ce sujet. Mais… Heu. C’est comme dans mon monde. Nous avons des parcs dans nos villes. Mais… pas aussi proche des autres bâtiments. »

« Vraiment ? Cela est intéressant. Ah, voilà Selys. »

Klbkch pointe une Drakéide familière et un tas de fourrure blanche. Mrsha est en train de se balancer sur une barre bien trop haut pour que je sois confortable, riant avec d’autres enfants Gnolls. Deux groupes de parents regardent leurs enfants joués avec Mrsha sans crainte, je vois les parents Gnolls regarder sa fourrure, mais ne pas faire de commentaire.

« Ryoka ! Klbkch ? »

Selys nous salue tous les deux, légèrement surprise.

« Est-ce que vous êtes venus pour savoir si Mrsha va bien ? Je vous ai dit que j’allais l’occuper pour la journée. A moins… Qu’Erin est terminé son exploration ? »

« Non, pas encore. En réalité, Selys, nous aimerions te parler. »

« Me parler ? »

Selys me regarde, surprise, et je hoche la tête.

« Est-ce qu’on peut s’asseoir quelque part ? »

« Oh, bien sûr. Il y a des bancs là-bas. Mrsha ? On va par-là ? »

Bien au-dessus de nous, Mrsha retire une main de la barre et nous fait coucou de la patte. Elle a l’air tellement heureuse là-haut, comme tous les autres gamins, immergée dans l’aventure d’une vie. Comme tous les autres Gnolls… À l’exception de sa fourrure.

Je la laisse derrière moi et m’assoie avec Selys et Klbkch. C’est une froide journée, mais au moins, il y a un peu de soleil derrière les nuages. C’est drôle, mais j’ai l’impression qu’il fait plus chaud dans le parc. C’est surement tous les enfants qui courent… Ou un enchantement sur le parc ? Ou peut-être que c’est juste mon imagination.

« Donc, qu’est-ce que je peux faire pour vous aider ? »

Klbkch me regarde. Je suppose qu’il veut que je lui explique. Tout cela a du sens pour moi, mais pour les natifs de ce monde, je suppose que c’est comme trouver que la terre est ronde, ou… Ou que la terre tourne autour du soleil.

Bordel, je ne m’attendais pas à être Galileo en me réveillant ce matin.

J’explique lentement ma théorie à Selys. Elle me regarde avec une incrédulité grandissante jusqu’à ce qu’elle s’esclaffe lorsque j’arrive à la partie cumulative des niveaux.

« Quoi ? Tu es sérieuse, Ryoka ? Les niveaux ne marchent pas comme ça ? Tout le monde sait que c’est l’âge qui ralentit les niveaux… C’est parce que nous manquons d’énergie, pas à cause d’une limite bizarre ! »

Elle agite une griffe dans ma direction, toujours en train de rire. Je fronce les sourcils.

« Comment est-ce que tu le sais ? Qu’est-ce qui fait que tu en es certaine ? »

« Je le sais parce que… Écoute, ce n’est pas parce que les gens ne montent pas de niveaux quand ils sont vieux qu’il existe une limite ! »

Selys fait la moue, avant de s’illuminer.

« Prends exemple sur le vieux Peslas. Il est un [Aubergiste], comme Erin. Tu as entendu parler de lui ? »

Cela me rappelle quelque chose.

« Il est le gérant de l’autre auberge, c’est ça ? Celle où les aventuriers de rang Or restent ? »

« C’est ça. Il est au-dessus du Niveau 30 dans sa classe d’[Aubergiste], donc son auberge est l’une des meilleures de la ville. Mais il n’a pas arrêté de gagner des niveaux car il ne le peut plus ! Il est juste vieux, et il ne travaille plus autant. »

« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? »

Selys lève ses yeux au ciel et enroula sa queue autour d’une des jambes du banc.

« Tout le monde ne peut pas se donner à fond jusqu’à obtenir un niveau élevé, Ryoka. Certaines personnes décident qu’elles sont à un bon niveau et s’arrête. Par exemple, Peslas a une bonne auberge et beaucoup de clients, mais il ne travaille pas tant que ça. Et il est vieux. Donc il gagne un niveau toutes les poignées d’années. Il a gagné un niveau il y a six ans et il a fait une grande fête. Ma grand-mère et moi étions invités. »

« Mais il a peut-être gagné des niveaux plus lentement à cause de son cumul de niveau, non pas parce qu’il se la coule douce et qu’il est vieux. »

« Oui, mais… Enfin, il n’a pas tellement de niveaux dans ses autres classes. »

Selys semble incertaine et je secoue la tête.

« Mais chaque niveau compte, Selys, tu vois ? Quelqu’un qui n’a qu’une seule classe comme Erin peut gagner rapidement des niveaux. Elle m’a dit qu’elle avait quelques niveaux en tant que [Chanteuse] et [Guerrière], mais combien est-ce que tu en as ? Combien Peslas en a ? »

Maintenant la [Réceptionniste] est en train de froncer les sourcils. Elle murmure quelque chose alors que Klbkch et moi regardons Mrsha courir avec les autres enfants.

« Eh bien… Je sais qu’il se vantait, il parle beaucoup de sa classe, je sais qu’il a dit qu’il était un [Guerrier] étant plus jeune. Il est Niveau 16 grâce à son service dans l’armée, donc c’est là. Il a aussi des niveaux en tant que [Cuistot] et [Barman] car il a dû le faire avant de devenir aubergiste… Mais cela n’est pas beaucoup. Juste quelques niveaux. »

« Est-ce qu’il a d’autres classes ? »

« Oh ! Je me souviens ! Il a aussi quelques niveaux en [Chanteur] et [Danseur] ! Il était tellement heureux… Il a une Compétence qui lui permet de chanter… »

Le visage de Selys devient pale. Je hoche la tête, tout comme Klbkch.

« Un ou deux niveaux ici et là. Dans ce monde, ce n’est pas tellement. En vérité, les gens aiment gagner des niveaux, pas vrai ? »

« C’est tellement pratique. Et nous avons des Compétences même pour un ou deux niveaux. »

Selys murmure les mots. Je hoche la tête.

« Mais cela te ralentit. Cela retire du niveau maximum que tu peux obtenir. Cela te ralentit, mais personne ne le réalise car tout le monde pense que c’est dû à l’âge. »

« Et peu de gens ont le désir d’atteindre les plus hauts niveaux dans tous les cas. Donc personne ne remarque le problème. Dans tous les cas pourquoi est-ce que quelqu’un considérerait qu’il y a une limite artificielle. »

Seulement une personne venant d’un autre monde dirait cela, et c’est parce que les anciens jeux comme Pokemon avaient mis des limites dans le code de leurs jeux pour éviter de dépasser le niveau 100. Pourquoi est-ce qu’un système dans ce monde aurait ce genre de limite ? Cela n’aurait du sens que si quelqu’un avait créer le système…

Klbkch me regarde. Mon cœur bat la chamade. Je hoche la tête.

Selys secoue plusieurs fois la tête, comme confuse.

« C’est une grosse information. C’est… Tu te rends compte de ce que cela veut dire si c’est la vrai ? »

« Cela touchera tout le monde à petite échelle, et peu de gens à grande échelle. »

Klbkch prononce doucement les mots alors que Mrsha mordille la queue d’un Drakéide, obtenant un cri de la part de l’enfant et de ses parents. Je considère ce qu’il dit.

Pour beaucoup, cette information ne sera pas très facile. Pas sans l’ambition de monter plus vite. Mais peut-être que cela permettra à tous le monde d’atteindre le Niveau 30, plutôt que de perdre leurs premiers niveaux dans des classes inutiles. Cela mènera à une spécialisation, mais plus important, cela permettra aux gens avec un niveau déjà élevé de devenir encore plus fort.

« Cette information pourrait changer le monde. »

Je regarde Klbkch. Il me regarde.

« Cinquante mille pièces d’or ? »

« Possible. »

« De quoi est-ce que vous parlez ? »

Selys nous regarde. Elle tremble. Son monde doit être en train de s’effondrer. Je me sens un peu coupable, mais cette information l’aidera.

Klbkch hocha la tête. Deux fois.

« Ce qui Ryoka est exactement ce que je suis en train de vivre. Je craignais que s’était dut à mon âge, ou au fait que je devenu plus faible, mais je ne gagne plus de niveau dans ma classe principale parce que j’ai trop de classes secondaires. Cela peut être l’âge, mais la théorie de Ryoka est tout aussi plausible, voir crédible en considérant… Certains facteurs. Je pense qu’elle est correcte. »

« Par les dieux morts.

Selys laisse échapper les mots comme une prière, sauf que personne ne prie dans ce monde dans les dieux sont morts. Sauf qu’il y en a un.

Klbkch hoche la tête une dernière fois. Il est comme booblehead flippant.

« Je dois confirmer cela. C’est une information que ma Colonie sera capable de vérifier avec nos données. Données sur des guerriers, des personnes d’importance, des classes inhabituelles, et ainsi de suite. Je vais vérifier plusieurs centaines d’individus pour voir si les résultats concordent avec ta théorie. Ryoka Griffin. Si cela est correct, le secret que tu as découvert pourra avoir une valeur inestimable. »

Je hoche la tête. Mon cœur bat la chamade. Quelque chose qui pourrait changer le monde. Klbkch regarde Selys.

« Ce savoir ne doit pas se propager avant d’être confirmé, et même après cela, devra rester discret. Pour l’instant. Sommes-nous d’accord ? »

Selys hoche vigoureusement la tête.

« Bouche cousue. Complètement. »

Mais son visage s’effondre.

« Ah ! Mais j’ai tellement de classes ! Je pensais… Tout le monde a quelques niveaux dans une ou deux classes mais personne ne se fiche de ça ! Personne… Est-ce que cela veut dire que je ne vais jamais atteindre un haut niveau ? »

Son visage est en ruine. Klbkch hoche lentement la tête.

« Cela sera aussi… Difficile pour moi. Je dois rectifier la situation si je suis vraiment incapable d’atteindre mon ancienne puissance. »

Je regarde Klbkch. Il est le seul qui peut perdre des niveaux, mais s’il suggère ce qu’il est en train de suggérer…

« Pour l’instant, ne monte pas de niveau si tu ne le veux pas. Tu peux refuser de gagner un niveau ou prendre une classe. »

Selys secoue sa tête, distraire.

« Je n’ai jamais compris pour cela était possible. Je pensais qu’il fallait être fou pour refuser de prendre un niveau ou de gagner une classe. »

Je hoche la tête. Ce n’est pas quelque chose que les gens comprendraient s’ils ne comprenaient pas le jeu. Est-ce un piège pour les gens de ce monde ? Une erreur ? Est-ce que quelqu’un connaît ce secret ? Certaines personnes doivent le connaître, mais ils le cacheraient car cela est trop important, pas vrai ?

« Je pense… Ouais, je pense que si mes suspicions sont vraies, c’est la raison exacte pour laquelle tu peux refuser de gagner un niveau. »

Un système basé sur un jeu, mais personne ne connaît les règles. J’ai des frissons. Mon dieu. L’un est encore vivant.

Nous restons silencieux après ça. Selys et Klbkch se regardent alors qu’elle murmure quelque chose à propos des classes alors qu’il… Parcourt les informations de sa Colonie. Je ne sais pas comment il le fait. Est-ce que c’est entreposé quelque part, ou est-ce que les Antiniums portent tous des informations.

Je ne demande pas pour l’instant. Mais après une trentaine de minutes Klbkch se tourne vers l’un des murs.

« Quelque chose est en train de se passer. »

Des gens, des Drakéides et des Gnolls, et même quelques Humains, sont en train de pointer une direction du doigt. Je regarde Selys et Klbkch.

« Qu’est-ce qui se passe ? »

« Je ne sais pas. Vous voulez aller voir ? »

Klbkch et moi nous lançons un regard. Nous pensons à la même chose sans le dire à voix haute. S’il y a une foule ou quelque chose qui attire l’attention, il y a probablement une personne… Une certaine fille qui en est à l’origine.

Des gens se rassemblent à la porte sud, et j’entends des gens s’exclamer et rire. Klbkch, Selys et moi marchons à travers la foule. Selys tiens Mrsha pour que la petite Gnolle ne se perdre pas dans la foule. Nous nous approchons des murs sud, assez proche pour entendre les rires et exclamations, mais les gens sont tellement rassemblés autour des portes que nous n’arrivons pas à passer.

« Là-haut. »

Klbkch pointe vers les baraques. Les citoyens n’ont pas assez à cette partie, mais son rôle de Garde Senior lui permet de monter. Et c’est alors que nous le voyons.

« Oh mon dieu. »

Au début, c’est juste une forme étrange marchant dans la neige. Il est possible de voir assez loin depuis les baraques, et c’est comme ça que je vois Erin. Et Toren. Et puis, en plissant les yeux, je le vois.

Les [Gardes] sur les murs sont tellement hilares qu’ils ont du mal à se tenir debout. Je baisse les yeux pour voir Erin et Toren… Traverser la neige. Ouaip. Juste quand je pense qu’elle ne peut pas devenir plus bizarre, Erin fait quelque chose comme ça.

Je regarde Selys. Elle se couvre la bouche en essayant de ne pas rire. Klbkch est en train de regarder. Je pense qu’il est sous le choc.

Quelqu’un doit le dire. Je baisse les yeux vers Erin et secoue la tête.

« C’est la chose la plus stupide que j’ai jamais vu de ma vie. »



 
Maroti
   
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2.42 Partie 1
Traduit par Maroti

Elle était une [Princesse]. Elle était de sang royal. Elle était la scion d’un des glorieux royaumes de Terrandria, et elle avait vu plus de choses lors au cours de ses dix-huit années de vie que les roturiers ne pouvaient espérer entrevoir toute leur vie.

Et elle comprenait les gens. Les gens étaient mornes, ennuyeux, et la plupart avaient de petites ambitions et des esprits plus petits encore. Mais Lyonette du Marquin ne pouvait pas comprendre la personne nommée Erin Solstice. Elle était un mystère.

Bien sûr, en regardant Erin, il était simple d’immédiatement remarquer son visage banal. Elle avait, peut-être, une once de beauté ; ses dents étaient droites et elle n’était pas défigurée, mais elle n’était pas une grande beauté digne de la cour.

Et, en effet, sa classe était tout aussi mondaine. Elle était une [Aubergiste]. Mais… Elle n’était pas juste une aubergiste.

Elle jouait aux échecs, le jeu des [Stratégistes] et de la noblesse. Elle le jouait mieux que toutes les personnes que Lyonette avait rencontrées, et rien que cela était inconcevable. Mais plus que ça, elle traitait les races inférieures comme si elles étaient des gens, et elle employé un vicieux, horrible épouvantable squelette mort-vivant comme si ce n’était la plus odieuse des choses !

Et pourtant, et pourtant. Elle était aussi gentille. Lyonette devait l’admettre alors qu’elle déjeuna en mangeant des biscuits et de la purée de patates. Elle trempa un morceau de biscuit fumant dans l’épaisse sauce et la dévora.

Ce n’était pas l’élégante nourriture qu’elle avait savourée chaque soir dans sa demeure. Mais c’était… Un acceptable remplacement. C’était un petit bon point en la faveur d’Erin.

Quelque chose bougea aux pieds de Lyonette et elle baissa les yeux. La jeune Gnolle était assise sous la table, la regardant avant de grands yeux curieux.

Un autre bon point. Au moins, Erin Solstice, malgré ses nombreux défauts, était gentille avec les enfants. Même une enfant Gnolle n’était pas sous mérite.

Et celle-ci…

Lyonette regarda autour d’elle, mais la Drakéide et Solstice était en train de parler, et l’étrange Coursière de ville était en train de discuter avec l’horrible Antinium. Et le squelette était dans la cuisine. Donc Lyonette brisa un peu de son biscuit, le trempa dans la sauce, et le baissa sous la table.

Mrsha mordit immédiatement le biscuit et commença à lécher la main de Lyonette, qui laissa échapper un léger rire silencieux. Elle avait toujours aimé les chiens que le [Maître du Chenil] élevait, et l’enfant Gnolle était bien plus qu’un simple animal. Elle…. Son cœur s’était brisé en entendant son histoire. Non pas pour la tribu Gnoll, bien sûr, ils n’étaient que de terrifiantes bêtes. Mais la pauvre enfant avait eu l’air si triste

Qu’est-ce qu’elle faisait ici ? Lyonette fronça les sourcils et essuya ses doigts avant de continuer à manger. Elle devrait se diriger vers le nord. Lady Magnolia allait sûrement l’héberger, malgré les mensonges d’Erin. De plus…

Et puis, Lyonette allait pouvoir trouver sa véritable voie autre part. Elle pourrait chercher l’aventure, plutôt d’être constamment prise au piège dans la mondanité.

Cependant, elle n’allait pas s’échapper sans affront. L’humiliation qu’elle avait déjà subie était au-delà de l’impardonnable, et pire… Elle avait une autre classe.

[Serveuse]. Niveau 3. Et elle avait gagné une compétence. [Endurance Mineure]. Cela compliquait sa sieste, mais cela lui donnait aussi l’énergie de compléter de finir les nombreuses tâches que Solstice lui imposait.

C’était de loin le pire des affronts. Sa classe royale avait été ruinée par l’addition d’une classe commune. C’était impardonnable, Lyonette avait été souillée. Si son père venait à l’apprendre…

L’estomac de Lyonette se serra. Pourquoi s’inquiétait-elle de son père ? Il ne s’inquiétait pas pour elle, après tout. Les groupes de recherche qu’il avait envoyée n’avait probablement pas dépassé les plages de Terrandria, n’imaginant pas qu’elle aurait le courage de prendre le bateau pour Izril. Et elle avait survécu aux monstres, à la faim, et même à la terrible foule qui l’avait banni de Liscor.

Elle restait dans cette maudite auberge car elle n’avait pas le choix. Mais bientôt, elle allait pouvoir revenir au statut qui lui était dut. Et peut-être qu’elle se vengerait de ce maudit squelette.

Une classe de [Serveuse]. Quelle insulte ! Lyonette fronça les sourcils alors que Mrsha renifla ses pieds et recula. C’était inacceptable ! Elle n’était pas destinée à attendre les commandes des roturiers comme une inutile paysanne !

Mais elle avait gagné des niveaux. C’était un fait. Lyonette regarda son repas, soudainement moins affamé. Cela n’était pas arrivé depuis si longtemps. Elle avait presque oublié ce que cela faisait. C’était agréable.

« Peut-être que… »

Lyonette hésita, et secoua la tête. Non, c’était ridicule. Mais une pensée continua de la déranger alors qu’elle éloigna son assiette. Recevoir des ordres était intolérable, bien sûr. Le fait qu’elle puisse gagner des niveaux dans une autre classe que [Princesse] était intolérable. Mais…

Mais c’était mieux qu’être inutile.

***

« Donc, j’y pensais, j’ai besoin que mon auberge soit plus populaire, tu vois ? »

Erin désigna son auberge d’un mouvement de la main en parlant à Selys. Elle n’essayait pas d’être méchante, elle avait une bonne auberge. Tout avait été bâti par des Antiniums et elle avait même des fenêtres. Même l’auberge de Peslas n’avait pas de fenêtres en verre. Mais… Ce n’était pas suffisant.

« Je veux dire, j’ai la boisson de fleur de fée, mais j’ai besoin de travailler dessus. Je réfléchissais, et je me dis que j’ai besoin d’être truc. »

« D’autre truc ? »

Selys regarda Erin sans comprendre. Erin hocha la tête et essaya de s’expliquer.

« Tu te souviens des mouches acides ? Les Antiniums les adoraient. L’auberge est parfois complète, et je me suis fait plein d’or ! Mais c’est l’hiver, et je n’ai rien de spécial à vendre. Et je n’ai pas autant de clients. De plus, je me suis fait un petit pécule à vendre l’acide des mouches, tu te rappelles ? »

« Ne m’en parle pas. »

« Mais Selys, réfléchit ! C’était tellement pratique, ça a aidé face à Écorcheur et tu peux rapidement faire fondre des morts-vivants avec. Même si ça pue. »

« Et où est-ce que tu veux en venir, Erin ? »

« Eh bien… Je pensais que je pourrais vendre des trucs aux aventuriers. »

Selys regarda Erin avec suspicion.

« Quel genre de trucs ? »

« Tu sais, comme des noyaux. Il m’en reste et ça fait fuir les Crabroches. De plus, je pourrais aussi retrouver de l’écorce explosive pour en vendre. »

« Toren n’a pas explosé ton auberge avec ça ? »

« Ok, peut-être pas d’écorce explosive. Mais je pourrais faire mon affaire, tu sais ! J’ai juste besoin d’explorer. »

Selys regarda par la fenêtre. Les chutes de neige de la nuit dernière s’étaient arrêtées, mais la couche de neige était tellement épaisse qu’il n’y avait pratiquement aucun lieu de repère dans le paysage. Ouvrir les portes de l’auberge avait demandé un sacré effort de la part d’Erin.

« Explorer ? Par ce temps ? Erin… »

« Je vais laisser Toren me guider. En plus, je pense que Mrsha a peur de lui. »

Les deux femmes se tournèrent et virent que Mrsha évitait Toren alors que ce dernier balayait de manière mécanique la salle. Dès qu’il se tournait vers elle, Mrsha se précipitait sous une table en continuant de l’observer avec méfiance.

« Ton squelette me faire peur, Erin. D’accord, s’il est avec toi je suppose que tu peux le laisser combattre les monstres en t’enfuyant. Mais sois prudente, d’accord ? Les Araignées Cuirassées sont toujours en train de faire leurs nids, et [Instinct de Survie] ne protège pas des pièges. »

« Bien sûr, pas de problème. Mais cela veut dire que je vais devoir laisser Mrsha avec Ryoka. »

Erin regarda Ryoka. Elle était toujours en train de regarder son assiette, même si elle avait terminé de manger. Klbkch la regardait, et il semblait que Ryoka était perdu dans ses pensées.

« Est-ce que tu penses que c’est une bonne idée ? »

« Ryoka à tout de même amené Mrsha jusqu’ici. »

« Non, je veux dire, regarde là. »

Selys pointa Mrsha du doigt. La petite Gnolle avait perdu une partie de sa peur envers Toren. Elle s’approcha lentement lorsque le squelette se retourna, et attrapa curieusement sa cheville. Toren se retourna aussitôt, et Mrsha prit la fuite, gémissant de terreur.

« Toren ! Ne lui fais pas peur ! »

Erin prit Mrsha dans ses bras et regarda Selys.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« Elle a besoin de se dégourdir, Erin. Elle ne peut pas rester enfermer dans l’auberge toute la journée, et elle à besoin de quelqu’un pour la surveiller, pas… »

Selys hocha la tête vers Ryoka. L’autre fille était toujours immobile. Toren s’approcha d’elle avant d’approcher sa main de son assiette. L’autre fille ne répondit pas, même quand ce dernier passa une main osseuse devant ses yeux.

« Bon. D’accord, qu’est-ce que je devrais faire ? Peut-être que je pourrais la laisser avec Krshia ? »

Mais cela voulait dire qu’elle allait être proche de Brunkr, et Erin n’aimait pas cela.

« Laissez-là moi. »

Selys et Erin se tournèrent. Lyonette venait de se lever. Elle leva son nez de manière dédaigneuse dans leur direction.

« Qu’est-ce qu’il y a, Lyon ? »

Quelque chose passa dans les yeux de la fille, mais ne fit pas de commentaire sur son nom. De plus, Erin préférait Lyon à Lyonette.

« Je m’ennuis. Je surveillerai l’enfant, Mrsha. »

Erin et Selys échangèrent un regard. Erin essaya de s’assurer que son ton était amical.

« C’est… Vraiment sympathique de ta part, Lyonette. Mais, heu, je pense que… Non. »

Lyonette fronça les sourcils.

« Pourquoi pas ? Je suis parfaitement capable de m’occuper d’une enfant. »

Elle regarda à la Drakéide et l’Humaine alors qu’elles échangèrent un regard. Selys toussa dans ses griffes.

« Je peux m’occuper de Mrsha, Erin. J’ai quelques jours de repas, et il y a une aire de jeu en ville. Elle va pouvoir s’amuser avec les autres enfants là-bas. »

« Une aire de jeu ? »

Erin n’avait jamais rien vu de tel, mais elle n’avait pas vraiment cherché à explorer la ville. Selys hocha la tête.

« Elle sera en sécurité avec moi. Et je suis certaine qu’elle aimerait s’amuser, pas vrai, Mrsha ? »

La petite Gnolle leva les yeux vers Selys alors que la Drakéide la gratta derrière les oreilles. Selys haussa les épaules.

« Les enfants Gnolls ont un comportement proche des animaux. Et Mrsha est jeune, je ne m’inquiéterai pas. A cet âge, les enfants Drakéides mordent tout ce qui peut rentrer dans leur bouche. Est-ce que les humains sont différents ? »

Erin repensa au bébé hurlant et autres bambins qui mangeaient des insectes, du sable et du caca. Elle hocha la tête.

« Eh bien… Si cela ne te dérange pas, ça serait super, Selys ! Merci ! Alors Lyonette peut m’aider Toren et moi à rechercher des trucs cools. »

Lyonette fronça les sourcils.

« Qu’est-ce que cela veut dire ? »

« Hey Toren ! »

Erin appela son squelette qui la regarda.

« On sort ! Prends ton épée et occupe-toi de la vaisselle, d’accord ? Lyonette vient avec nous ! »

Le squelette sembla relever la tête lorsqu’Erin mentionna l’épée, mais perdit son enthousiasme en entendant que Lyonette allait venir. Il marcha dans la cuisine alors qu’Erin s’approcha de Ryoka.

« Hey Ryoka, est-ce que ça te convient si Selys s’occupe de Mrsha pour la journée ? »

« Mm. »

Ryoka ne regarda pas Erin. Erin hésita.

« Et, huh, je vais dehors. Avec Lyonette et Toren ? Je pars explorer. »

« Mhm. »

Le visage de l’autre fille ne changea pas. Elle était clairement perdue dans ses pensées, et en train de dormir avec les yeux ouverts. Erin hésita.

« Je l’informerai, Erin Solstice. »

Klbkch hocha la tête depuis son siège et Erin lui fit un sourire.

« Oh, merci Klbkch ! Mais est-ce que tu es certain de vouloir rester ? »

L’Antinium hocha la tête.

« J’aimerais parler avec Ryoka Griffin. Prends soin de toi en explorant, n’hésite pas à fuir. »

Klbkch regarda Erin, elle mit son pouce en l’air avec un sourire.

« A plus tard ! »

***

« C’est humide. Et froid. »

Lyonette se plaignit bruyamment en suivant Erin et Toren à travers la neige. Le squelette était en train de tailler un chemin à travers l’épaisse neige, mais en faisant cela, Erin devait lutter pour continuer d’avancer. La neige était profonde, même pour quelqu’un habitué aux hivers du Michigan.

Erin avait déjà vu de la neige qui allait jusqu’aux genoux, mais elle ne se souvenait pas d’avoir vu de la neige qui allait jusqu’à la taille. Mais dans certaines vallées, la neige s’était tellement accumulé qu’il était impossible d’avancer.

« Pourquoi est-ce qu’on est dehors, déjà ? »

Lyonette se plaignit encore plus fort alors que Toren glissa et tomba la tête la première dans la neige. Erin soupira. Elle regrettait déjà d’avoir pris Lyonette avec elle, mais c’était soit ça, soit la laisser avec Ryoka. Et Ryoka allait probablement lui mettre des coups de pied dans le visage.

Pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas laissé Lyonette avec Ryoka ?

« Allez Lyon, ce n’est pas si terrible. »

Le pied d’Erin s’enfonça dans la neige et elle fit des tours de bras pour garder l’équilibre. Lyon la regarda avec dégoût. Mais au lieu de ses habituelles remarques, elle se contenta de croiser les bras.

« Ne te méprends pas ; je suis reconnaissante que tu m’as aidé lorsque j’en avais le plus besoin. Mais je ne suis pas ton esclave que tu peux ordonner pour écouter tes caprices. »

« Je n’ai jamais dit ça. Mais nous sommes tous en train de travailler dans cette auberge, Lyon. Je suis propriétaire, mais j’ai besoin de ton aide. »

« Et en quoi cela aide ton auberge, dit-moi ? »

Lyon fit un geste pour désigner le paysage blanc. Elle regarda Toren alors que le squelette continua d’avancer.

« Il nous faudra une bonne partie de la journée pour aller quelque part. Et qu’est-ce que nous sommes en train de chercher ? »

Erin haussa les épaules.

« Je ne sais pas. Des monstres à chasser ? Des champignons à ramasser ou des trucs rares ? Peut-être qu’il y a une mine quelque part. »

Erin n’avait pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire dans une mine. Et le regard que lui lança Lyonette lui disait qu’elle n’était pas près de trouver des gemmes.

« Toi. Tu souhaites chasser des monstres ? »

« Souhaiter est un bien grand mot. Mais Toren a une épée. Et une armure. »

Erin pointa Toren du doigt. Le squelette s’était arrêté pour regarder les deux filles se disputer. Il était lentement en train de s’enfoncer dans la neige alors que son armure l’alourdissait. Lyonette renifla.

« Je ne fais pas confiance à cette chose. »

« Eh bien… J’ai une poêle à frire. »

Erin la leva pour prouver son point. Lyonette regarda la poêle à frire.

« … Est-ce que quelque chose ne va pas bien dans ta tête ? Comment est-ce qu’une poêle à frire peut tuer des monstres ? »

« Hey ! J’ai tué une tonne de zombie avec une poêle à frire ! Enfin, pas cette poêle parce qu’après la cervelle s’incruste et que c’est impossible à net… »

« Attends, tu as tué un zombie ? Toute seule ? »

« J’avais de l’aide. Il y a eu cette attaque de morts-vivants et j’ai dû tuer quelques zombies. Des Ouvriers Antiniums m’ont aidé, et beaucoup de gens sont morts. Oh, et il y avait aussi cet horrible gros ver de chair qui a attaqué. Et beaucoup de zombies et goules et même ces Seigneurs des Cryptes qui ont essayé de me tuer, donc ouais. »

Erin savait que Lyonette la regardait, bouche bée. Elle racla sa gorge, légèrement embarrassée.

« Dans tous les cas, si ce sont juste des Araignées Cuirassée ou un Crabroche, il n’y a pas de problème. Je peux faire fuir les Crabroches et Toren et moi pouvons tuer des Araignées Cuirassées. »

« Tu peux ? »

« Oui. Il suffit de les frapper et d’éviter leurs crocs. Et jambes. Oh, et il ne faut pas tomber dans leurs nids. »

C’était normal pour Erin. Mais Lyonette la regarda comme si c’était la première fois qu’elle apprenait ce genre de chose. Ce qui, pour être franche, était probablement le cas.

« Mais… Des aventuriers de rang Argent s’occupe des requêtes pour tuer des Araignées Cuirassées ! »

« Ouais ? »

Erin se gratta la tête. Lyon la regarda. Le silence continua jusqu’à ce qu’Erin sente qu’il était temps de bouger.

« D’accord, on doit avancer. Toren, amène-nous à l’endroit où tu as trouvé les champignons ! »

Elle se retourna et commença à suivre Toren, Lyonette les suivit après quelques secondes. »

Un paisible silence dura quelque temps, mais Erin commença à suspecter que Lyonette, même si elle était ennuyeuse, avait raison. Après une demi-heure dans la neige, il n’avait pas fait une centaine de mètres depuis l’auberge.

« D’accord, nouveau plan ! Nous allons en ville ! »

Bien sûr, quand les portes et les gardes les protégeant devinrent visibles, Erin réalisa un autre problème.

« Oh, c’est vrai. Lyonette et toi ne pouvez pas rentrer, Toren. »

Le squelette et la [Princesse] regardèrent Erin. Elle sourit et se gratta l’arrière de la tête.

« Hum. D’accord, Lyonette, tu restes dehors avec Toren. Je reviens bientôt ! »

Lyonette regarda Erin alors que la fille secoua ses bottes et s’avança dans les rues fraîchement nettoyées de Liscor. Puis elle regarda Toren.

Le squelette resta là ou Erin l’avait laissé. Il était en train de regarder la neige. Rien que regarder. Lyonette savait que les traits du squelette ne changeaient jamais, mais elle avait la distincte impression qu’il était vexer. Il tenait fermement son épée.

Elle s’éloigna lentement du squelette et regarda le garde. Le Drakéide en poste regardait en face de lui, l’ennui écrit sur chaque centimètre du son visage et sa queue se balançant lentement. Il jeta un regard à Toren, mais apparemment les gardes savaient qu’il était l’aide mort-vivant d’Erin. Il se gratta lentement le derrière.

Lyonette décida de rester debout là ou elle se trouvait. Après une dizaine de minutes dans la neige froide, elle éternua.

***

« Des raquettes ? »

Krshia regarda Erin sans comprendre. L’Humaine éternua de nouveau et hocha la tête.

« Ouais. Est-ce que tu en as ? »

Krshia frotta son menton. Brunkr était introuvable, et elle avait dit à Erin qu’il était en train de bouder.

« Il n’y a pas tellement à faire dehors, oui ? Les routes, elles sont réchauffées par de la magie et de nombreux pieds. Et la neige est inhabituellement haute. »

« Ouais. Hum. Oups. »

Erin se souvint de plusieurs fées alcoolisées riant en sortant de son auberge. Elle avait l’impression qu’elle avait précipité l’abrupte changement de météo.

Krshia regarda Erin avant de hausser les épaules.

« Je peux peut-être t’en trouver. Mais aucune qui irait à des pieds d’Humain, oui ? Il faudra les modifier. Et il n’y en aura certainement pas qui iront aux pieds de ta… Chose morte-vivante. »

« Oh, j’ai la compétence d’[Artisanat Avancé] et j’ai juste besoin d’une paire pour moi et une autre pour L… Heu, deux paires. Toren peut courir rapidement dans la neige car il ne se fatigue pas. »

Et la neige avait bien moins à contraindre dans son cas. Les squelettes étaient minces.

Krshia hocha la tête.

« Mais tu seras tout de même lente, oui. »

« Oui ? Je veux dire, oui, c’est le problème ? »

Erin fronça les sourcils. Elle voulait se déplacer, au du moins être en mesure de faire un peu d’exploration et de récolter quelques champignons rares comme ceux que Toren avait trouvé. Peut-être qu’elle pouvait les vendre aux fées pour obtenir du véritable or cette fois, ou les utiliser dans un plat. Mais c’était difficile d’explorer en allant aussi lentement.

La [Marchande] Gnolle réfléchit alors qu’elle et Erin se tinrent en face de son magasin. C’était agréable de nouveau pouvoir parler à Krshia. Elle avait toujours de bons conseils à donner à Erin.

Voyons voir. Si les raquettes étaient trop lentes, qu’est-ce qui était plus rapide ?

« Pourquoi pas des skis ? »

« Des skis ? »

Erin essaya d’expliquer. Krshia la regarda sans comprendre.

« Nous avons des raquettes, mais ces… Pièces de bois semblent bien trop fragiles. Les Gnolls ne les utiliseront pas. Peut-être qu’un Drakéide en possède. »

Le ton de sa voix suggérait que seul un Humain serait assez fou pour en utiliser, ou qu’Erin était la seule Humaine assez folle pour s’en servir.

« Eh bien… Zut. Peut-être que je pourrais en faire. Est-ce que je peux avoir un bois ? je veux dire, ça sera difficile car Lyonette ne sait pas skier. Et Toren non plus… C’est dommage qu’on ne puissent pas tous… »

Erin s’arrêta. Elle repensa à ce qu’elle venait de dire et changea de méthode de transport. D’accord, peut-être que skier n’était pas pratique, mais il y avait un autre moyen de voyager dans la neige, pas vrai ?

Une idée germa dans l’esprit d’Erin.

« Dit Krshia, est-ce que tu as un traîneau ? Est-ce que je peux en acheter ? Non, est-ce que je peux en acheter un et beaucoup de bois ? Et des clous ? J’ai un marteau. Ooh, et un cuir, ou peut-être de la corde, est-ce que tu as des cloches ? »

La Gnolle fronça les sourcils.

« Le bois est coûteux en hiver, Erin Solstice. Je ne préférerais pas demander, mais je n’ai pas l’argent pour faire des promesses aux autres marchands. Est-ce que tu es certaine que tu as l’argent ? »

« J’ai de l’or. Beaucoup d’or. »

Erin mit la main à sa bourse et sortit une poignée de pièces d’or. Elle les posa sur le comptoir de Krshia.

Krshia écarquilla les yeux et Erin lui fit un grand sourire.

« J’ai économisé. Et Halrac est généreux sur les pourboires. Donc, à propos de ces clochettes… »


 
Maroti
   
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2.42 Partie 2
Traduit par Maroti

« T-te voilà ! »

Toren leva la tête au son de la voix de Lyonette. L’impatience affûtée et le ressentiment mijotant qui auraient été dans son cœur, s’il en avait eu un, disparurent lors d’un instant quand il vit Erin. Au moins, son idiote de maîtresse allait lui donner un ordre et il allait bientôt être libre.

Mais ses espoirs fuirent réduits en cendres quand il vit ce qu’Erin portait. La fille était en train d’essayer de trainer un traîneau sur lequel était entreposé un gros tas de différents types de bois alors. Elle avait des boites de clous et de vis posées de manière précaire sur le reste du traîneau.

« Hey Lyonette ! Hey Toren ! Désolé je suis en retard ! J’ai pris du temps à tout trouver ! »

Lyon tituba en avant, claquant des dents.

« Je suis gelé. Cela fait presque une heure que tu es parti ! »

« Désolé, désolé. Je suis vraiment désolé. Mais regarde ! Nous avons juste besoin de ramener ça à l’auberge et nous allons pouvoir construire un truc cool avec ! »

« Construire ? Construire quoi ? »

Toren voulait aussi le savoir. Erin était en train de sourire d’une étrange manière, et il n’aimait le sourire qu’elle lui faisait. C’était comme si elle le mesurait, et le sang inexistant du squelette se figea quand il vit les clochettes.

Il voulait courir. Quelque chose dans le regard d’Erin lui donnait envie de courir.

« Hey Toren, vient ici, s’il te plaît. »

***

C’était une journée froide et enneigé à Liscor, et sur le continent d’Izril en général. La neige avait lourdement tombé la nuit dernière, et même les plus déterminés des voyageurs comme les Coursiers de villes et les caravanes allait à une vitesse d’escargot sur la route principale.

Les Fées de Givre considérait cela divertissant. Elles rirent et lancèrent des boules-de-neige sur un Gnoll tirant une luge pleine de marchandise à travers la neige. Oui, la neige ne pouvait pas être évité. Elle était partout, rendant les gens misérables. Les Fées de Givre adoraient ce fait.

Mais soudainement, du mouvement. Depuis leur position en hauteur, les fées virent quelque chose d’étrange tracé sa route à travers les plaines enneigées. Elles descendirent, intriguées par tout ce qui sortait de l’ordinaire. Et alors qu’elles s’approchèrent leurs petites mâchoires se décrochèrent et leurs yeux s’écarquillèrent.

Ils avaient déjà vu des traîneaux auparavant, bien sûr. Les tribus Gnolles les utilisaient pour transporter beaucoup de choses. Mais… C’était différent. Il n’y avait pas de chevaux pour tirer le traîneau monté sur des skis, et en effet, ce drôle d’engin avançait rapidement dans la neige grâce à ce qui le tirait.

Un cheval, aussi rapide qu’il pouvait être, ne pouvait voyager que sur des routes relativement dégagées. Cela était pareil pour des chiens, et même les meilleurs chiens de traîneaux allaient avoir des difficultés de la neige arrivant à la taille. Mais il y avait une créature qui ignorait les températures, qui pouvait sprinter durant des heures sans se fatiguer, et plus important encore, ne pouvait pas désobéir aux ordres.

« Mush, mush ! »

Erin cria joyeusement alors que Toren tira le traîneau qu’elle avait construit. Le long et large véhicule qu’elle avait construit avec l’aide sa compétence d’[Artisanat Avancé] faisait un mètre quatre-vingts et était assez large pour que Lyonette et elle puisse s’asseoir confortablement.

Les skis qu’elle avait montés sur le traîneau lui permettait de voyager rapidement dans la neige, et Toren faisait marcher le tout. Le squelette battait des bras alors qu’il courrait dans la neige, et Erin rit alors que les rênes qu’elle avait installées sur son corps tintèrent et sonnèrent dans l’air froid.

Un harnais de cuir pour son squelette, un traîneau pour Erin et Lyonette… Et il accélérait à travers le paysage enneigé à une respectable vitesse. En vérité, Toren atteignait la même vitesse qu’Erin pouvait atteindre en joggant, mais c’était plaisant, et plus important encore, Erin n’avait pas à se battre contre la neige pour avancer.

Erin donna un coup de rêne et Toren fit de son mieux pour accélérer. Elle regarda Lyonette et vit que la fille avait la même expression que les Fées de Givre au-dessus d’elle. Une sorte de regard ébahi avec les yeux perdus dans le vide.

« C’est super, pas vrai ? »

Lyonette regarda Erin. Ses yeux fixés sur Toren. Le squelette était en train de se battre à travers une autre épaisse couche de neige, sa mâchoire mâchant furieusement alors qu’il tira le traîneau en haut d’une colline.

« Fonce, Toren ! »

Depuis sa position à la tête du traîneau, Erin regarda le paysage ouvert. Voilà, c’est ça qui lui avait manqué. C’était fun. Elle avait soudainement envie de chanter, et c’est ce qu’elle fit. Sa voix portant à des kilomètres.

« Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver ! Qui s’en va, avec un squelette, dans les grands sapins verts ! »

La voix d’Erin fit écho dans le paysage enneigé alors que le vent souffla autour d’elle. Elle pointa du doigt.

« Là-bas ! Par là-bas, Toren ! »

Elle pointa vers une cave au loin. Toren changea de direction, et Erin poussa un cri de joie alors qu’elle sentit le traîneau changer de trajectoire sur la neige.


« Laisse-nous monter ! Nous demandons de monter ! »


Erin leva les yeux et Lyonette hurla alors que les Fées de Givre s’approchèrent, riant et pointa Toren du doigt. Elles s’installèrent sur les bords du traîneau et, pour une fois, Erin n’était pas dérangé par leur présence.


« Quelle est cette chanson ? Nous devons chanter nous aussi ! »

« Chante ! Chante pour nous ! »



« D’accord ! Tous en cœur ! »

Les fées poussèrent des cris de joie alors que Lyonette regarda l’une d’entre-elle se poser sur la tête d’Erin. La jeune femme pensa à quelques chansons de noël qu’elle connaissait par cœur, et commença à chanter.

« Tu ferais bien de faire attention, tu ferais bien de ne pas pleurer, tu ferais bien de ne pas bouder, je t'explique pourquoi : le Père Noël arrive en ville. »


« Ooh, des menaces ! Bien ! »

« Qui est ce Père Noel ? Est-ce qu’il mange les enfants ? »

« Cours plus vite, chose morte ! »



Toren tituba alors qu’une boule-de-neige rebondit à l’arrière de son crâne. Erin regarda les Fées de Givre avec surprise.

« Vous n’avez pas entendu parler du Père Noel ? Santa Claus ? Lyonette ? »

Personne. Et il y avait un peu trop de neige pour expliquer qui était le Père Noel, donc Erin changea de chanson.

« Nous filons sur la neige blanche, car notre squelette, il avance ! À travers les grands sapins verts ! C’est l’hiver, c’est l’hiver, c’est l’hiver ! »

C’était une chanson que les Fées comprenaient. Elles poussèrent des cris de joie et rirent en commençant à chanter avec Erin.


« C’est l’hiver ! »

« Plus de neige ! Recouvrons les montagnes mes sœurs ! »



« Quoi ? Attendez ! Ne faites pas ça ! »

Erin cria sur les fées alors que d’autres flocons, lourds et épais, commencèrent à tomber d ciel. Les fées la regardèrent, tout comme Lyonette.

« Mais à qui est-ce que tu parles ? »

Erin pointa une Fée du Givre.

« Elle ! »

Lyonette regarda la Fée de Givre, puis Erin avec le regard de quelqu’un qui venait de décider qu’elle partageait un siège avec quelqu’un de fou à lier. Erin se souvint que Lyonette ne pouvait pas voir les fées.

« Ce sont des fées ! Tu ne peux pas le voir, mais… Elles sont de petits êtres bleus ! Elles sont des ailes et me parlent à Ryoka et moi ! Ce sont elles qui font tomber la neige, mais je leur demande d’arrêter ! »

L’autre fille s’éloigna d’Erin, mais la neige avait commencé à tomber et s’était arrêté quand Erin l’avait demandé. Le reste de la sortie en traîneau fut constitué de plus de chansons hivernale, la plupart chantées avec les fées. La seule qu’elle détestait était Rudolph, le Renne au Nez Rouge, parce qu’il pensait qu’il était un monstre.

Alors qu’elles arrivèrent à la cave, Erin bondit hors du traîneau, continuant de discuter avec les fées.

« Ce n’était pas un monstre ! Il avait juste un nez rouge… Qui brillait, c’est tout ! C’était probablement de la magie ! »


« Bah ! Il était une abomination ! C’est pour cela que les autres rennes ne voulaient pas de lui ! »

« A quel point son nez était lumineux ? Assez lumineux pour illuminer le ciel ? »

« Qui est le Père Noel ? »



« Oh hey, c’est l’une des caves où Toren à trouver tous ces champignons, pas vrai Lyonette ? »

La [Princesse] regarda Erin.

« Hum. Oui ? »

« Bien ! Allons chercher des champignons empoisonnés ! »

Les fées poussèrent des cris de joie et Erin marcha dans la cave. Elle en sortit en courant quelques secondes plus tard.

« Ours ! »

Il y avait un ours qui dormait, mais c’était suffisant pour qu’Erin fasse demi-tour vers le traîneau. Elle pointa Toren du doigt. Le squelette s’était arrêté pour s’asseoir dans la neige, probablement profitant de la pause après avoir tiré le traîneau, et pour savourer le silence maintenant que les clochettes s’était tut.

« Toren, il y a un ours ! Va là-dedans ! »

Le squelette s’illumina aussitôt. Il se dirigea vers son épée, Erin lui avait fait déposer son arme et son armure pour qu’il puisse aller plus vite. Elle fronça les sourcils.

« Ne fais pas de mal à l’ours ! Va juste chercher les champignons ! Et soit silencieux, ne réveille pas l’ours si possible ! »

Erin écouta les fées rirent au-dessus d’elle alors qu’elle et Lyonette s’installèrent dans le traîneau. Lyonette regarda les formes bleues qu’elle identifia comme les dangereux et imprévisibles Fées de Givre et baissa la tête dés que l’une d’entre elle s’approcha.

« Est-ce que nous sommes juste en train de récolter des champignons ? »

« Pour commencer, oui. Nous allons visiter toutes les caves que Toren à trouvé et voir si nous allons trouver quelque chose de cool, d’accord ? »

Lyonette haussa les épaules et renifla. Elle s’essuya le nez, et regarda Toren alors que le squelette sortit de la cave, tenant deux poignées de champignons décolorés.

« Est-ce que nous allons prendre tous les champignons ? Comment est-ce que nous allons faire pour tous les transporter ? »

Erin claqua des doigts.

« Tu as raison ! »

Elle fit signe à Toren.

« Toren ! Va rapidement chercher le reste des champignons, d’accord ? Nous retournons à ‘auberge ! Nous avons besoin de jarres ! De beaucoup de jarres ! Ooh, et je peux nous préparer le déjeuner ! »

Le squelette tressaillit.

***

« Est-ce que ce sont… Des abeilles ? »

La troisième cave qu’Erin et Lyonette trouvèrent après un solide déjeuner était étrange. Erin regarda avec précaution l’entrée de la caverne et regarda les formes bougeant dans les ténèbres.

Lyonette resta en arrière. Erin lui fit signe d’approcher, ce que la fille fit avec réluctance. Elle tenait une balle de lumière, car elle connaissait le sol, même si elle n’avait pas la classe de [Mage].

« Je pense que ce sont des abeilles. Qu’est-ce que tu en penses Lyonette ? »

La fille hésita. Elle eut un mouvement de recul alors que l’une des ombres vola plus proche.

« Ce sont… Ce sont des insectes ! Je ne pensais pas qu’il y en avait en hiver ! Et qu’est-ce que cela peut te faire ? Ils sont horribles ! »

« Ouais, mais est-ce que ce sont des abeilles ou des guêpes ? »

Erin fronça les sourcils en regardant les abeilles. Elle pensait que s’était des abeilles. Elle pouvait vaguement apercevoir quelque chose de duveteux chez elles, et les frelons ne ressemblaient pas ça ça. Ils avaient l’air plus maléfique. Donc. Des abeilles en hiver. C’était certainement quelque chose qu’elle ne pensait pas voir, surtout dans une cave. Mais, elle supposait que les abeilles devaient bien vivre quelque part. Elles ne migraient pas, après tout. Où est-ce qu’elles le faisaient ? Est-ce qu’elles étaient des abeilles hivernales ?

Les trois dernières caves qu’elles avaient visitées avaient été vide sauf pour quelques plantes et champignons. Erin fit gratter la mousse et les fungi à Toren et demanda qu’il les mette dans des jarres. Elle doutait qu’elle allât pouvoir faire quelque chose de la mousse, mais elle se sentait d’humeur scientifique. Et aventurière, ce qui était la raison pour laquelle elle n’avait pas immédiatement pris la fuite en voyant les insectes volants dans la pénombre de la cave.

L’une des fées qui avaient décidé de faire son nid dans le chapeau de laine d’Erin siffla sur les insectes. L’abeille sembla l’entendre et s’approcha. Erin et Lyonette, en voyant la discernant mieux, partirent rapidement en arrière ?

C’était une abeille. Une grosse abeille. En fait, c’était la plus grosse et la plus terrifiante abeille qu’Erin avait vu de sa vie. Elle avait entendu parler des frelons géants japonais qui pouvaient devenir plus gros qu’un doigt humain, mais ces abeilles étaient dans une autre catégorie.

Elles étaient aussi grosse… Non, plus grosse que sa main. L’abeille s’approcha en bourdonnant et Erin vit l’énorme dard et de longues jambes, et la familière carapace noire recouverte de duvet jaune. Elle se figea sur place alors qu’il s’approcha, semblant regarder la Fée de Givre sur la tête d’Erin.

Et elle n’était pas seule. Comme si elles avaient senti les intrus, un essaim d’abeilles vola vers eux. Ils sortaient d’un grand nid qui bloquait une bonne partie de la cave. L’immense ruche clouée aux murs de pierre, et Erin pouvait entendre un bourdonnement s’en échapper.

L’abeille en tête s’approcha de nouveau et Lyon et Erin se figèrent sur place. Toren regarda l’abeille avec curiosité, mais sans la moindre trace de peur. Dans une situation comme celle-ci, Erin considéra que la meilleure chose à faire était de ne pas énerver l’insecte. Le moindre geste brusque pourrait l’énerver, mais heureusement Toren ne semblait pas agressif et Lyonette était paralysé par la peur. Ils pouvaient lentement reculer sans provoquer…


 « Misérable insecte ! Reste à ta place ! Disparait ! »


La Fée de Givre sur la tête d’Erin s’envola et gifla la tête de l’abeille. Du gel se forma là où elle avait touché l’insecte et ce dernier eut un mouvement de recul. Les abeilles s’agitèrent soudainement, et la Fée de Givre vola vers eux en hurlant des insultes.

Erin n’avait pas besoin d’en voir plus. Elle se retourna.

« Courez ! »

Lyonette était déjà partie. Toren regarda Erin fuir la cave en hurlant alors que la Fée de Givre bâta en retraite, continuant d’insulter les abeilles alors qu’elles l’entourèrent. Le squelette marcha tranquillement de la cave ; les abeilles l’ignorant alors qu’ils chassèrent les deux Humaines et l’immortel.

Erin se jeta dans la neige et essaya de s’ensevelir sous la neige alors que Lyonette fit de même. Au-dessus d’elle, elle entendit le reste des fées pousser des cris d’outrages ainsi qu’un horrible et terrifiant bourdonnement.

Après ce qui sembla être une éternité de petites voix et de bourdonnement confus, Erin osa émerger de la neige. Elle trouva plusieurs abeilles mortes gisant dans la neige, toutes gelées, et des fées triomphantes riant et chassant les quelques abeilles dans leur ruche.


« Prenez ça, bande d’imbécile ! »

« Ne cherchez pas des noises aux fées ! »



Il semblait qu’il y avait un grief entre les deux espèces. Alors qu’Erin les observa, les fées commencèrent à manger l’une des abeilles. Elles la déchirèrent et…

Il était probablement temps de sortir Lyonette de la neige. L’autre fille hurla de nouveau et essaya de creuser plus profondément dans la neige quand Erin la toucha. Son visage était rouge et vif quand elle sortit de la neige.

« Je ne retourne pas là-dedans ! Tu ne peux pas me forcer ! Je refuse ! »

Erin essaya de calmer Lyonette. L’autre fille réussit à reprendre ses esprits, et Erin prit plusieurs grandes inspirations pour se calmer.

« Ouais. Ce sont de terrifiantes abeilles. Et même si les Fées de Givres peuvent les battre… »

« Sans problème ! »

« Nous ne craignons pas les dards ! »

« Qu’ils amènent leur Reine ! Nous allons la battre en duel ! »



« … Je n’ai vraiment pas envie de me faire piquer. Donc. Toren ! »

Le squelette leva la tête. Il était en train de ramasser les abeilles mortes et de la mettre dans une jarre en verre, un ordre qu’Erin n’était pas sûr d’approuver. Enfin, elle lui aurait probablement dit de le faire, mais les abeilles étaient encore plus terrifiantes une fois ratatinées dans des jarres.

Erin trouva une grosse jarre et la lança sur Toren.

« Va dans le nid et va me chercher du miel ! Et un rayon de miel. Ne fais pas trop de dégât à la ruche et ne fais pas de mal aux abeilles si possible. D’accord ? »

Son squelette lui lança ce qui semblait être un regard affligé avant de hocher la tête et de marcher dans la cave. Erin s’installa sur le traîneau et regarda Lyonette.

« Il ira bien. Je pense. Je veux dire, il est mort et c’est un squelette. Elles ne peuvent pas vraiment lui faire de mal, pas vrai ? »

Lyonette regarda Erin. Elle n’était pas blessée, mais sa respiration était rauque.

« Tu es folle ! Je pensais que tu n'étais simplement pas normale, mais tu es clairement… Folle ! »

« Non, c’est faux. »

Erin était blessée par l’accusation. Lyonette secoua la tête. Erin se tourna de nouveau vers la cave et écouta.

« Wouah. Tu peux les entendre bourdonner d’ici. »

Le bourdonnement venant de la cave avait un véritable vrombissement qui pouvait être ressentit de là ou elles étaient, comme pour une basse. Erin et Lyonette attendirent une autre minute, et puis le bourdonnement changea. Il devint soudainement plus bruyant et il y avait une audible note de menace.

« Oh oh. Je crois que Toren vient d’atteindre la ruche. »

« E-est-ce qu’on devrait se cacher ? »

« Pourquoi ? C’est lui qui récupère le miel. »

Erin se sentait plutôt confiante. Même Winnie l’Ourson ne pouvait pas le faire aussi bien qu’elle et son aide squelettique. Lyon secoua la tête.

« Mais même s’il n’a pas d’arme, qu’est-ce qui se passera si elles sortent et qu’elles nous trouvent ? »

Erin regarda Lyonette. La fille lui rendit son regard.

« On se tire ! »

Dans le traîneau, les Fées de Givre rirent alors que les deux filles bondirent dans la neige et recommencèrent à se recouvrir.

« Hah ! Imbécile de mortels ! Laissons les choses bourdonnantes venir ! »

« Oui, nous allons geler leurs ailes ! Nous n’allons pas fuir devant des mouches obèses ! »


Elles rirent alors que le bourdonnement se changea en rugissement, et les fées s’arrêtèrent alors que les abeilles sortirent de la cave. Non pas une, ni une centaine ; des milliers d’abeilles se déversèrent de l’entrée, recouvrant quelque chose au centre qui s’agitait et luttait.

Les fées regardèrent les milliers d’abeilles entourant Toren, un essaim tellement gigantesque qu’il commençait à éclipser le soleil. Elles échangèrent un regard et s’engouffrèrent dans la neige avec Erin et Lyonette.

Erin jeta un coup d’œil aux abeilles. Elle ne pouvait pas voir Toren au milieu de l’essaim. Ou est-ce qu’il était ? Est-ce qu’il essayait de revenir au traîneau ? Mais ses yeux s’écarquillèrent quand elle vit où il était.

Son squelette était au centre de l’essaim. Et il n’était pas au sol… Il était en l’air ! Elles étaient en train de le soulever ! Les abeilles colériques levèrent Toren qui lutta, ignorant ses coups, jusqu’à ce qu’il ne soit qu’un point dans le ciel. Puis elles le lâchèrent.

Erin, Lyonette et les fées virent Toren tomber vers le sol. Elles sentirent le bruit qu’il fit en s’écrasant au sol, la neige ne faisant rien pour amortir sa chute. Ils virent ses os s’éparpiller en l’air, et elles se baissèrent toute alors que les abeilles retournèrent dans leur ruche.

Un long moment passa avant que l’une d’entre elles ose de nouveau bouger. Puis, Erin se leva et regarda Toren, ou plutôt les os éparpillés qu’étaient Toren. Ils étaient en train d’essayer de se regrouper dans un radius de quinze mètres.

Elle racla plusieurs fois sa gorge, regardant Lyonette. La fille avait trouvé la jarre de miel que Toren avait extrait, à l’endroit où il l’avait lâché dans la neige. Un massif rayon de miel flottant dans du miel. Un asticot, ou plutôt un bébé abeille en train de s’agiter dans le liquide collant.

Erin regarda l’asticot. Elle regarda autour d’elle, et trouva la tête de Toren. Le squelette la regarda avec un regard chargé de reproche. Les fées regardèrent la larve d’abeille et se léchèrent la babine. Lyonette vomit.

« Hum. Alors, beau boulot tout le monde. On prend cinq minutes de pause, d’accord ? Et est-ce que tout le monde peut chercher les bouts de Toren ? Je crois que sa main est là-bas. »

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***


Le retour à travers les plaines de Liscor fut relativement plaisant, à l’exception des abeilles. Une fois que le Toren fut rassemblé et que les fées aient… Mangé… La larve d’abeille, il continua d’avancer et Erin et Lyonette essayèrent de se relaxer et de se réchauffer. Le miel était délicieux et, avec le recul, elles se sentaient bien. Même l’attaque du Golem de Neige ne les dérangea pas tant que ça.

« Aaaaah ! Au secours ! »

Lyonette hurla alors qu’Erin se retrouva soulever du traîneau par un bonhomme de neige qui faisait deux fois sa taille. Erin le frappa plusieurs fois avec sa poêle à frire, mais la neige compactée résistait à ses coups. Le Golem de Neige ouvrit sa mâchoire, et des bâtons faisant office de dent se refermèrent sur le ventre d’Erin.

« Aie ! »

Erin cria de douleur et frappa le Golem dans la tête. Sa morsure ne faisait pas mal, enfin, pas aussi mal que prévu. Ses ‘dents’ étaient juste des branches mortes après tout, donc même si elle commença à saigner et qu’elles percèrent les vêtements d’Erin, elles ne firent pas de véritables blessures.

« T’es méchant ! Toren, aide-moi ! »

Le squelette essaye de se précipiter pour aider Erin, mais deux autres Golems bloquaient son chemin. Ils le frappèrent avec des mains faites de neige, et il essaya de creuser dans leurs corps. Et c’était tout. C’était tout ce qu’ils pouvaient faire.

Erin leva son poing et frappa le Golem dans le visage. Son [Poing du Minotaure] changea la forme du visage du Golem, mais sa main n’était pas la meilleure arme contre un monstre fait de neige.

Ce dont elle avait vraiment besoin était une pelle. Et une fois qu’Erin réalisa cela, elle contenta de creuser la neige pour se libérer de l’emprise du Golem. Toren était trop occupé à découper les deux autres Golems avec son épée, mais Erin n’eut pas trop de problème pour désassembler son Golem. Le seul moment vraiment dangereux fut quand il essaya de l’étouffer dans son corps, mais ce fut quand elle réalisa qu’il avait un cerveau sous la forme d’un amas lisse et blanc de neige. Elle frappa cet amas et la tête du Golem explosa et devint de la poudreuse.

Haletante, Erin remonta sur le traîneau et que Toren mit son pied dans la tête de l’un des Golems de Neige et essaya de le ressortir alors que le second le frappa plusieurs fois avec un caillou. Lyonette offrit une serviette à Erin.

« Merci. »

Erin lança un regard plein de reproche aux Fées de Givre. Elles étaient en train de rire et de faire des paris pour savoir si Toren allait tuer le Golem de Neige avait ou après qu’il ne lui fasse tomber sa tête.

« Vous auriez pu aider, vous savez ? »


« Bah. Ces boules-de-neige enchantées ne sont pas une menace. »


L’une des feux agita une petite main dédaigneuse vers Erin. Puis elle poussa un cri de joie alors que Toren décapita le dernier Golem avec un coup de son épée. Le squelette le fit de manière théâtrale, il esquiva le Golem qui venait de lui bondir dessus et son corps devint flou. Erin cligna des yeux alors que l’épée trancha la tête du Golem et que le reste de son corps s’écroula.

« Wouah, ça ressemblait à une Compétence, pas vrai Lyonette ? Je me demande comment il a fait ça ? Est-ce que les morts-vivants peuvent gagner des niveaux ? »

La fille trembla et regarda l’abominable bonhomme de neige. Elle regarda Erin.

« Comment est-ce que tu peux être aussi calme ? Ils ont essayé de te tuer ! »

« Ouais mais ils ne sont pas si dangereux. De plus, c’est cool, non ? »

Lyon regarda Erin, Erin lui rendit son regard avec un sourire.

« Certains monstres sont horribles, mais là c’est de la magie. Et nous sommes en pleine aventure, pas vrai ? »

« … Vraiment ? »

« Ouais ! Oh hey, Toren, attend ! »

Toren s’arrêta, son pied levé et prêt à écraser la tête du Golem de Neige. Erin agita ses bras dans sa direction.

« Attends ! Donne-moi une jarre ! »

La neige bien trop pure pour être naturelle constituant la cervelle du Golem de Neige gela les mains d’Erin à travers ses gants alors qu’elle la mit dans une jarre. Mais c’était définitivement magique, donc elle remplie une autre grande jarre de neige. Toren regarda le visage du Golem de Neige alors qu’Erin termina d’extraire le contenu de sa tête.

Erin sourit et leva la lourde jarre. La neige allait peut-être fondre, mais elle allait pouvoir voir si c’était magique. Ou peut-être qu’elle allait le laisser dehors au frais. Est-ce que cela allait recréer un Golem de Neige si elle le laissait dehors ? Comment est-ce qu’ils se formaient ? Est-ce qu’ils mangeaient des gens ? Est-ce qu’ils mangeaient tout court ? Elle souffla sur le verre et retira la condensation avant de regarder la neige brillante à l’intérieur.

« De la neige cervelle de Golem de Neige. »

Erin y réfléchit pendant un instant.

« Beurk. »


***


Ils étaient assez éloignés de l’auberge, plus loin qu’Erin ne s’était jamais aventuré, quand ils trouvèrent le cadavre de Corusdeer. Erin ordonna à Toren de s’arrêter et descendit pour regarder le cadavre découpé gisant dans la neige.

« C’est terrible. Qu’est-ce qui aurait pu faire ça ? »

La biche avait été découpée en morceaux, et il y en avait au moins une dizaine qui avait subi le même sort. Ils salissaient la neige de rouge, mais les dernières chutes de neige avaient recouvert le cadavre d’une fine couche de blanc. Seule la zone autour des bois avait vraiment fondu ; et même alors qu’elle le regardait, elle pouvait voir que les cornes émettaient de la vapeur.

« Quelque chose l’a tué, sans le manger. Qu’est-ce que cela aurait pu être ? Un aventurier ? »

Elle ne pouvait pas s’imaginer Halrac attaquer de pauvres animaux, mais peut-être que la biche l’avait attaqué. Toren détourna le regard alors que Lyonette regarda le cadavre et que les fées débattaient pour savoir si elle avait encore de la place pour de la biche après les abeilles.

Erin s’approche et regarda les bois de la biche. Elle était certaine qu’elle ne pouvait pas utiliser la viande ; elle était peut-être gelée, mais quelque chose aurait pu l’infecter ou… Ou elle avait tout simplement pourri. Elle tendit la main vers les bois et les toucha.

« C’est chaud ! »

Erin se brûla les doigts quand elle retira ses gants pour les toucher. Elle suça son doigt et fit signe à Toren de s’approcher.

« Je veux ces cornes. Hum, trouve quelque chose à enrouler autour où elles vont peut-être mettre feu au traîneau. »

Toren regarda l’une des Corusdeers qu’il avait tuées et donna un coup de pied dans la tête de la biche. Puis il claqua ses mâchoires et s’affaira à séparer les bois du crâne. Il ne voulait pas vraiment que le traîneau prenne feu. À ce point du voyage, il souhaitait simplement tomber par accident dans un nid d’Araignée Cuirassée et que tout le monde meurt.


***


« C’était fun ! »

Erin s’étira alors que Lyonette tituba dans l’auberge avant de s’effondrer près du feu. La fille gémit doucement, alors qu’Erin et Toren portèrent la grosse collection de jarre et les bois chaud de Corusdeer dans l’auberge. Les fées entrèrent à leur tour, riant et de très bonne humeur.

« Où sont Ryoka et Klbkch ? »

L’Humaine et l’Antinium étaient partis. Ryoka devait avoir terminé sa réflexion, et Klbkch devait probablement être de nouveau dans sa Colonie. Et Selys et Mrsha n’étaient pas encore rentrées. Erin regarda son auberge, et soupira légèrement. Il n’y avait personne avec qui partager ses incroyables trouvailles. Elle regarda les jarres que Toren avait mises sur la table.

« Non, pas comme ça Toren. »

Il était de les empiler pour former une pyramide précaire, comme s’il voulait que les jarres se brisent. Erin fronça les sourcils et commença à les ranger de manière plus stable.

« Voyons voir. Qu’est-ce que nous avons ? »

Elle avait plusieurs petites jarres remplie de différents types de champignons. Certains étaient verts, d’autre violets… L’un était un très grand champignon qui lui arrivait au genou avec un chapeau de la taille d’un pneu. Elle avait eu le casser un peu pour le mettre dans la jarre. Et un autre était un petit champignon qui brillait dans le noir. Ils étaient tous prometteurs, s’ils n’étaient pas comestibles.

Elle avait aussi du miel que Toren avait volé, une grosse jarre que Toren devait porter à deux mains, une autre jarre remplie d’abeilles mortes. Et elle avait les bois de Corusdeer et une jarre de neige de Golem de Neige.

Erin se frotta joyeusement les mains. Toren déposa les bois dans un coin et croisa les bras. Lyonette gémit.

« C’est une super journée. »

Maintenant elle allait devoir expérimenter avec ça, et elle avait un nouveau moyen de voyager. Maintenant Erin pouvait aller partout, tant que Toren la tirait. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle n’y avait pas pensé plus tôt, mais un mort-vivant pouvait la tirer sans se fatiguer ! Pourquoi personne n’avait pas des… Des chevaux morts-vivants ou un truc du genre ? Peut-être que Pisces pouvait lui faire un cheval mort-vivant pour elle.

L’esprit d’Erin tournoyait sous les possibilités, mais une chose la dérangeait. Elle marcha jusqu’à une de ses fenêtres et regarda le traîneau. Moitié luge, moitié traineau si elle voulait être honnête. Et c’était tellement pratique. Mais…

Ouais. Il y avait une chose à faire dans l’hiver qu’Erin n’avait pas encore fait, n’est-ce pas ? Elle en avait tellement eu ras le bol de la neige et des Fées de Givres qu’elle avait oublié. L’hiver était supposé être fun ! Elle se souvenait des innombrables jours passé à envoyé des boules-de-neige, à faire des anges dans la neige, et de faire de la luge. Bien sûr, cela prenait du temps, Erin préférait le snow tubing. Ça c’était drôle.

Bien sûr, c’était drôle uniquement s’il y avait quelque chose sur quoi accroché le snow tube. Cela deviendrait rapidement épuisant s’il fallait toujours remonter la pente. C’était dommage que rien dans ce monde ne soit comme ça.

Toren s’avança vers la porte de l’auberge, cachant son épée derrière son dos alors qu’Erin regarda le traîneau. C’était dommage. Car cela serait sûrement très drôle de pouvoir descendre une colline dans ça. Mais elle allait devoir le remonter.

« A moins… Que quelqu'un le fasse pour moi. »

Les yeux d’Erin se dirigèrent lentement vers Toren qui se figea alors qu’il essaya d’ouvrir lentement la porte. Elle sourit.

« Hey Toren ? J’ai une autre mission pour toi ! »


***


Les [Gardes] se trouvant sur les murs de Liscor s’ennuyaient souvent, mais aujourd’hui était une mauvaise journée car ils s’ennuyaient et ils avaient froid. Ils tremblaient, gelés malgré le peu de protection que les créneaux face au vent mordant. Une boisson chaude les réchaufferait, mais malheureusement il allait devoir attendre avant de pouvoir profiter de ce genre de luxe.

Occasionnellement, la Capitaine Zevara ou Garde Senior Klbkch viendrait les approcher pour offrir une boisson chaude à tous ceux qui étaient en poste, mais cela ne semblait pas être l’un de ces jours. Relc était passé il y a une heure, et un seul regard vers son visage avait découragé ce genre de suggestion. De plus, le Drakéide ne payait jamais pour rien s’il pouvait s’en empêcher.

Donc les [Gardes] étaient légèrement intrigué quand ils virent la jeune Humaine qui avait gagné une certaine renommé dans Liscor assise en haut d’une colline. Son squelette venait de se libérer de son harnais et elle regardait la pente raide.

Ils l’avaient vu passé sur son traîneau plus tôt dans la journée, bien sûr, et ils avaient remarqué à quel point cela avait été étrange. Mais maintenant l’Humaine faisait quelque chose de différent. Elle baissa les yeux vers la colline, et appela son squelette. Il courut vers le traîneau et le poussa, puis les [Gardes] entendirent un cri, quelque peu délayé, alors que la fille descendit la colline.

C’était le truc. Un traîneau était fait pour glisser pour une raison. Mais c’était plus lent qu’une luge ou que des skis. Ce qui était important ; même si la vitesse était préférable, il ne fallait pas atteindre le point ou il y avait trop de vitesse.

Les gardes regardèrent la fille descendre la colline plus rapidement que le galop d’un cheval, et entendirent ses cris de terreur se changer en rire. Ils la regardèrent appeler son squelette qui descendit la colline.

Bien sûr, chaque Drakéides et Gnolls en poste pensèrent à la même chose : c’était certes marrant de descendre, mais l’Humaine allait devoir remonter le traîneau, et cela allait être épuisant. Mais ils virent le squelette courir jusqu’au traîneau et le tirer jusqu’en haut de l’auberge et ils réalisèrent ce qui était en train de se passer. Erin hurla et fit des signes à son squelette alors qu’il la fit monter la pente, et elle glissa de nouveau, allant encore plus vite sur la neige écrasée. Et elle le fit encore, et encore, et encore…


***


Ryoka ne savait pas si son cœur était plein d’envie ou d’incrédulité en regardant Erin. Elle l’avait fait. Elle avait finalement trouvé un moyen de trivialiser l’existence de Toren. Il était passé d’un guerrier mort-vivant à un lave-vaisselle et nettoyeur. Mais maintenant il n’était même plus cela.

Il était un tire-fesse.

« C’est la chose la plus stupide que j’ai jamais vu de ma vie. »

Ryoka murmura les mots alors qu’elle et la foule de [Gardes], et ainsi que de nombreux citoyens Drakéides et Gnolls, regardèrent Erin rire alors qu’elle descendit de nouveau la colline.

Selys souleva Mrsha pour qu’elle puisse voir. La Gnolle regarda Erin avec fascination, et Klbkch regarda le spectacle, perplexe.

« C’est tellement stupide. »

Ryoka sentit qu’elle devait se répéter, parce que personne ne lui avait répondu. Elle baissa les yeux vers le traîneau d’Erin et hésita.

« … Je veux monter sur ce truc. »

Elle était déjà partie faire du ski et du snowboarding avant, mais le véhicule fou d’Erin était à un autre niveau. Il avait la vitesse du ski, en rajoutant une bonne part de poids et d’élan à la descente. De plus, il n’y avait aucun moyen de freiner, on ne pouvait que s’accrocher et prier de ne pas s’écraser.

Il aurait suffi qu’Erin rajoute un tigre en peluche à l’arrière et tout aurait été parfait.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? Je n’ai jamais rien vu de tel. »

Selys fronça les sourcils en regardant le véhicule d’Erin. Klbkch hocha la tête.

« C’est n’est pas une luge, mais ce n’est pas aussi un traîneau. C’est une sorte d’hybride entre les deux. »

« C’est un foutu sledge. »

« Un quoi ? »

« C’est quelque chose… Enfin, cela vient de là ou Erin et moi venons. »

Klbkch regarda Ryoka et elle croisa son regard. Il hocha légèrement la tête.

« Ah. Je vois. Et c’est utiliser pour le divertissement ? »

« Je suppose. C’est comme cela qu’elle l’utilise. »

« Wheeee ! »

Sa voix était perceptible depuis là où ils se tenaient. Les autres regardèrent Erin donner des ordres à Toren. Elle lui donna l’ordre de la pousser. Le squelette fit plusieurs pas en arrière, puis courut vers le traîneau.

« Woauh. Il n’y est pas allé de main morte. »

En effet, c’était presque comme si le squelette essayait de pousser Erin le plus fort possible. Elle se précipita le long de la pente, allant encore plus vite sur la neige compactée.

Erin cria et rit alors qu’elle descendit la pente, et elle hurla d’une autre manière quand elle remarqua le caillou. Depuis leur position sur le mur, Selys, Ryoka et Klbkch virent Erin s’écraser.

« Wouah. Elle vient de faire un tonneau. »

« Les patins en l’air. C’est la première fois que je vois ça. »

« Elle ne bouge pas. Est-elle sérieusement blessée ? »

« Non… Je pense qu’elle est juste sonnée. Regarde, elle commence à bouger. »

L’Humaine était en train de faire un ange de neige involontaire au sol. Ryoka regarda Mrsha et vit l’excitation briller dans ses yeux. Oui, c’était le genre de glissade qui donnait envie aux enfants de faire des bêtises.

La foule regarda Erin, mais Ryoka pouvait déjà voir des gens retourner en ville.

« Il semblerait qu’elle vienne de débuter une nouvelle mode. »

Et en effet, plusieurs adultes étaient déjà de retour avec des luges et d’autre chose sur lesquels glisser. Ryoka sourit. C’était stupide. C’était dangereux. Mais bordel, elle allait descendre et l’essayer.

« Hey Mrsha, tu veux faire un tour ? »

La petite Gnolle regarda Ryoka. Klbkch regarda Ryoka. Selys regarda Ryoka.

« Je monte à l’avant ! »


***


« Quemesancêtresm’aidentjevaismourir… »

Erin s’assit sur la colline et regarda Selys la dépasse à fond la caisse, hurlant à pleins poumons. Klbkch se tenait à ses côtés, regardant les Drakéides et les Gnolls bondir hors du chemin de l’incontrôlable traîneau.

« Je crains que ce véhicule est trop dangereux. Les autres personnes en luges doivent évacuer la colline pour le laisser passer ou un accident mortel risque de se produire. »

« Ouais. »

Erin hocha la tête et grimaça alors qu’elle sentit les bleus dans son dos et sur son derrière. Elle avait volontiers laissé sa place sur la traîneau après son second accident. Et désormais d’innombrables autres Drakéides et Gnolls faisaient la queue pour faire un tour. Toren tirait le traineau sans relâche, et il avait déjà effectué une dizaine d’aller-retour pour satisfaire Ryoka.

Ironiquement, Mrsha avait été banni d’utiliser le traîneau. À la place, ils avaient donné à la petite Gnolle une des petites luges que Krshia avait commencé à vendre aux citoyens. Certaines personnes avaient leur propre luge, mais il était rare d’autant s’amuser dans la neige.

« Je veux dire, c’est dangereux de se trouver hors des murs. De plus, c’est beaucoup de travail. Mais ton squelette est vraiment pratique, Erin ! »

C’est ce Selys dit après être revenue essoufflée mais saine et sauve de sa descente. Erin lui fit un sourire et lui offrit la jarre de miel. Selys écarquilla les yeux en voyant la massive jarre de sucre.

« Ou est-ce que tu as trouvé ça, Erin ? »

« Dans une grande ruche ! En fait, c’est Toren qui est allé récupérer le miel mais les abeilles l’ont lâché depuis le ciel. C’était de la folie ! Et nous nous sommes fait attaquer par des Golems de Neige ! Et nous avons trouvé ces bois ! »

La bouche de la Drakéide s’ouvrit quand Erin lui montra les bois qu’il avait pris de la biche. Elle avait dû retirer un peu de… Chair, mais maintenant cela la gardait au chaud alors qu’elle était assise dans la neige. Le bois dégageait de la chaleur, ce qui était très pratique.

« Est-ce que ce sont des bois de Corusdeer ? Où est-ce que tu les a trouver Erin ? »

« J’ai trouvé plein de cadavres dans la neige. Ils étaient juste là, donc j’ai ramassé ce que je pouvais. Ce sont des bois de biches. »

Ryoka remonta la colline, tremblante, avec Mrsha sur les talons. La Gnolle était joyeusement en train de se rouler dans la neige en traînant sa petite luge derrière elle, mais elle sentit l’air et fonça vers le miel dès qu’elle vit la jarre.

« Qu’est-ce que c’est encore que ça, Erin ? »

Erin dut expliquer ce qu’elle avait fait à Ryoka, Selys et Klbkch alors qu’elle laissa Mrsha lécher le miel de ses pattes. Selys secoua sa tête, incrédule, une fois qu’Erin termina son récit.

« Tu es folle, tu le sais ? Tu aurais pu tomber dans un nid d’Araignée Cuirassée, sans parler de ces abeilles qui sont extrêmement agressives ! Et ces cornes, c’est une chance que tu les as trouvé ! Même des aventuriers de rang-Or n’aiment pas affronter un troupeau de Corusdeer, et leurs bois son très pratique ! Environ quatre pièces d’argent par bois. La Guilde des Aventuriers les revend aux [Alchimistes] et [Forgerons]. »

Ryoka fronça les sourcils.

« Cela ne me semble pas être beaucoup. »

« La Guilde prend un pourcentage, après tout. Ce n’est pas comme si nous voulions voir les gens provoquer des Corusdeer en espérant se faire un peu d’argent. »

Selys s’expliqua sur la défensive alors que Mrsha essaya de tremper toute sa patte dans la jarre de miel. Erin attrapa gentiment le bras de Mrsha, et puis la petite Gnolle remarqua quelque chose grouillant dans le miel.

« Pourquoi ne pas aller directement les voir ? Tu peux probablement gagner le double du prix en allait directement les voir. »

Selys regarda Ryoka, mais Erin secoua la tête.

« Je veux essayer de les utiliser. »

Elle vit les yeux de Mrsha suivre le mouvement, mais à l’exception de Klbkch et de Mrsha, personne ne l’avait remarqué. Ryoka leva ses yeux au ciel, mais haussa les épaules. Elle se pencha et trempa son doigt dans le miel.

« C’est très bon. Tu peux sûrement faire plein de sucrerie avec ça. »

Elle lécha son doigt et Erin ouvrit la bouche avant de s’arrêter.

« C’est quoi ce… ? »

Lentement, Ryoka mit la main dans la jarre de miel et attrapa le truc grouillant. Selys couvrit sa bouche et Mrsha recula alors que Ryoka sortit une grosse, épaisse, et grouillante larve d’abeille. L’Asiatique regarda la larve essayer de monter sur sa main. Elle regarda Erin, et l’autre fille lui fit un sourire gêné.

Le visage de Ryoka vira au vert. Klbkch regarda la larve avec intérêt, et il parla en même temps qu’une fée qui venait de descendre. Ils posèrent la même question ?


 « Est-ce que tu comptes manger ça ? »


 
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Bien le bonsoir à tous! Ellie étant en déménagement, il n'y aura pas de chapitres ce soir, désolé du dérangement et à dimanche!
 
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2.43
Traduit par Maroti

Erin mit les bouchées doubles lors de cette nuit. Elle avait plus de visiteurs que d’habitude ; des Drakéides et des Gnolls entrèrent dans son auberge en grand groupe, principalement pour manquer quelque chose après une journée passée à jouer dans la neige.

Erin était heureuse de pouvoir tester les limites de ses compétences. Et il semblait que [Cuisine avancée] lui donnait un avantage ; car elle avait de nombreux clients satisfaits.

Mais son auberge se vida et se calma rapidement. Cela était probablement dû à ses clients tardifs.

Ryoka était assise avec Klbkch, chuchotant et fusillant du regard tous ceux qui s’approchait. Elle était dans une profonde conversation avec l’Antinium, et il semblait tout autant engagé. C’était sympa. Ryoka s’était fait un ami !

Il y avait d’autres Antiniums dans l’auberge. Klbkch les avait ramenés. Ils étaient tous des ouvriers, à l’exception de Bird. Erin supposait qu’il était désormais leur… Gardien, ou surveillant. Mais elle était déçue de voir que Pion n’était pas là.

Ils étaient tous venu pour les abeilles. Klbkch avait été intéressé par la larve grouillante, même si c’étaient les Fées de Givre qui l’avaient emportées. Donc Erin avait décidé d’utiliser l’une de ses trouvailles.

« Ce soir ! Une promotion sur les abeilles ! Des grosses abeilles ! Bien chaudes ! »

Toutes les commandes des Antiniums furent pour des abeilles, donc Erin ouvrit une jarre et sortit délicatement l’abeille gelée que les Fées de Givre avaient tuées.

Après cela Lyonette, qui avait passé la journée à retrouver ses forces, dût aller servir des boissons dans la salle commune plutôt que de regarder Erin cuisiner. Elle avait été utile aujourd’hui, dans le sens qu’elle avait véritablement aidé. Elle avait servi des Drakéides, évité les embêtants clients Gnolls, et elle n’avait… Elle n’avait fait tomber que deux verres !

Erin était heureuse de ce fait, mais son attention était concentré sur les abeilles. Elle les retira délicatement de la jarre, regardant leurs jambes recroquevillées et se demanda si elle avait choisi le mauvais type de client.

Mais non, les Antiniums étaient ses invités ! Ils étaient sympas et polis et…

Et ils aimaient manger des insectes.

Elle pouvait le faire. Erin pouvait s’occuper des abeilles. Étrangement, elles comptaient pour sa [Cuisine Avancée]. Découper la chitine et les faire frire n’était pas dégoutants. C’était horrifiant, mais Erin arriva à ne pas vomir.

Une fois cela fait, elle décida de mettre un peu de miel et de fromage râpé sur les abeilles, ça serait probablement délicieux. Probablement.

Erin baissa les yeux vers les abeilles luisantes et trembla. Elle ne semblait toujours pas bonne pour elle. Elle se tourna vers Lyon qui venait d’entrer dans la cuisine.

« Oh hey, Lyon. Les commandes des Antiniums sont là. »

La fille devint pale en regardant les abeilles.

« Est-ce que je dois… ? »

« Je vais les apporter. Ne t’en fais pas. »

Erin prit deux assiettes dans chaque main et sortit de la cuisine. Après une seconde, elle vit Lyon prendre une assiette et la tenir loin devant elle en suivant Erin. Wouah. Elle était en train d’essayer ! Pourquoi ?

Peut-être qu’elle réalisait qu’elle devait être plus reconnaissante pour le travail, et qu’il était plus pratique d’être utile que de ne rien faire. Peut-être que Lyonette était soudainement devenu une meilleure personne et voulait aider ! Ou… Peut-être qu’elle était en train de l’aider pour qu’elle n’est plus à faire d’exploration.

Dans tous les cas, cela voulait dire que les Antiniums obtenaient plus rapidement leurs abeilles. Bird se redressa quand il vit les abeilles et fit cliquer ses mandibules. Même les autres Ouvriers arrêtèrent de jouer aux échecs pendant un instant pour regarder la nourriture.

« Cela semble délicieux, Erin Solstice. Merci de nous l’avoir préparé. »

« Oh, c’était juste quelque chose que j’avais. Il y a une ruche pas loin, tu sais. »

Bird hocha la tête.

« Elles sont considérées comme une menace de rang-Argent. Elles sont pratiquement impossibles à tuer sans la présence d’un mage. »

Erin regarda les autres Antiniums alors que Lyonette servit son assiette à un Ouvrier et prit la fuite. Bird cassa délicatement une aile et commença à la grignoter. Erin essaya de ne pas le regarder.

« Hum, ou est Pion ? Je pensais qu’il serait avec vous. »

« Il est en train de réfléchir. Et de parler aux Ouvriers de la Colonie. Il a des devoirs sous la surface. Ce qu’il fait est important. »

Bird parla solennellement. Les Ouvriers hochèrent tous la tête et Erin cligna des yeux.

« Oh ? C’est… Une bonne chose. Je vais vous apporter le reste de votre repas. Et ensuite on pourra peut-être jouer aux échecs ! »

« Cela serait la bienvenue. »

Erin vit Toren en retournant dans la cuisine. Le squelette était penché sur une pile de vaisselle. Il était encore trempé de ses activités extérieures. Il avait passé presque huit heures d’affilée à faire remonter des luges. Erin était un peu fière de lui, et fière d’elle pour avoir pensé à cette idée.

« Hey Toren, aide Lyonette à transporter les assiettes, veux-tu ? Je dois refaire des assiettes. »

Le squelette se tourna. Il regarda Erin et se dirigea vers les assiettes. Il poussa les mains de Lyon et s’empara de deux assiettes avant de marcher abruptement hors de la cuisine.

Erin fronça les sourcils. Elle pourrait presque croire qu’il était malpoli. Lyon renifla en se frottant la main.

« Cette chose me perturbe. »

« Qui, Toren ? Il est probablement juste fatigué. Ou un truc du genre. »

Est-ce que les squelettes pouvaient manquer de mana ? Erin décida de poser la question à Pisces après son retour. Elle soupira et ramassa la poêle à frire qu’elle avait utilisé pour faire cuire les abeilles. Puis elle la regarda.

Elle n’était pas exactement sale, mais des morceaux d’abeilles s’étaient cassé en passant dans l’huile. Et certains fluides internes avaient fuis. Erin posa lentement la poêle. Elle enroula soigneusement un morceau de laine rouge à la poignée et la pointa vers Lyonette.

« C’est désormais la poêle à insecte, d’accord ? Poêle à insecte. »

Lyonette hocha faiblement la tête.

Erin la posa sur la pile de vaisselle que Toren allait laver. Puis elle commença à cuisiner. Elle avait faim, et elle avait un bon sentiment pour cette soirée. Elle avait invité Krshia, et Mrsha et Selys semblait être devenu amie.

« Lyon ? Va demander à Selys ce que Mrsha veut. J’ai des hamburgers, et je peux faire de la pizza… Ooh ! Dit à Mrsha que je vais mettre un peu de miel dans un bol pour elle, d’accord ? »

Erin chantonna joyeusement alors que Lyon passa la porte. Aujourd’hui était une bonne journée. Et demain serait encore mieux ! Elle regarda Toren alors qu’il entra dans la cuisine.

« Hey Toren, demain on ressort chercher d’autres trucs ! Prépare-toi, car nous allons y passer toute la journée ! »

Le squelette la regarda. Erin se retourna pour continuer à cuisiner en continuant de chantonner. Le squelette regarda le dos d’Erin pendant une seconde et s’empara d’une assiette avec une abeille. Il marcha vers la porte et trébucha. Volontairement.

***

Je lève les yeux en entendant le crash de la céramique se cassant, mais c’est juste le squelette de compagnie d’Erin. Toren vient de faire tomber l’une des horribles abeilles qu’Erin était en train de cuire pour les Antiniums et cette dernière est en train de rouler sur le plancher.

C’est le truc avec Erin. Ouaip. Je pense que j’ai le cœur solide, mais je ne toucherai jamais l’une de ses abeilles géantes, et en cuisiner une ? Mais Erin arrive à les frire sans problèmes.

« Aha! De la nourriture gratuite ! »


L’un des fées descend depuis l’une des poutres du plafond. Elle attrapa l’abeille et remonte sans effort. Le groupe de fées assises au plafond commencé à la déchiqueter et je détourne les yeux.

Klbkch regarde les Fées de Givre. Il ne peut pas les voir comme moi, mais tout le monde vient de voir l’abeille s’envoler en l’air.

« Les Antiniums n’ont pas de connaissances sur ces Fées de Givre. Je suis intrigué de savoir que tu peux les voir et discuter avec elles. »

Je hoche la tête. Intrigué, n’est clairement pas proche du mot que j’utiliserai.

« Elles ont laissé supposer qu’il y a un glamour ou une sorte de magie d’illusion sur elles. Je pense que Teriarch peut les voir, mais c’est l’exception. »

L’Antinium hocha la tête. Lui et moi sommes assis à la table dans l’un des coins, éloigné des oreilles curieuses. Je suis méfiant des Gnolls, mais ils sont occupés dans leur propre conversation donc j’essaye de ne pas trop les regarder. L’important en discutant est de donner l’impression que la conversation n’est pas importante.

« Elles sont considérées comme un phénomène naturel par les habitants de Liscor. Le fait que tu puisses outrepasser leurs sorts est peut-être le résultat de ta provenance d’un autre monde. »

« C’est probablement le cas. »

Je lève les yeux vers les fées. Elles sont étranges. Elles sont toujours en train de joyeusement dévorer l’abeille, je n’arrive pas à voir les détails à cause des poutres, mais elles ne sont pas ce à quoi je m’attendais. Elles sont surprenantes attentives aux problèmes des enfants, et même si elles suivent des règles et des contrats, elles peuvent briser ses règles pour interférer et aider les gens.

Étrange.

« Je vais essayer de discuter avec elles. Mais se faire écouter par une fée est difficile. Tu peux me faire confiance sur celle-là. »

Klbkch hocha la tête.

« Je te souhaite bonne chance. Mais je crois que nous étions en train de discuter ta théorie sur les niveaux. Et j’ai des nouvelles. »

Je me retourne vers l’Antinium, aussitôt concentré sur lui. Ouais. C’est la raison pour laquelle nous sommes assis ensemble. Maintenant que j’ai une autre personne en qui je peux faire confiance, autre qu’Erin, j’ai d’innombrables choses à lui demander*.



*Je ne suis pas encore complètement certaine du fait que je peux avoir confiance en Klbkch, bien sûr. Il avait un passé, et il était encore loyal à sa Colonie, bien sûr. Mais il présente bien son cas. S’il le voulait, il pouvait facilement me capturer ou capturer Erin et nous forcer à tout dire. De l’autre côté, s’il voulait notre coopération, eh bien, il était préférable d’avoir une pièce utile plutôt qu’une pièce brisée.


Qu’as-tu appris ? Est-ce que les données de ta Colonie concordent avec ma théorie ? »

Klbkch hocha la tête.

« J’ai passé en revue plusieurs centaines d’individus avec des niveaux élevés, et leurs niveaux cumulatifs approchent rarement du centième niveau. Plus encore, les individus avec plus de deux classes dépassent rarement le Niveau 30. »

Je me laisse tomber sur ma chaise et soupire.

« Corrélation, mais pas causalité. »

« Je ne suis pas familier avec ces termes. »

« Cela veut dire que… »

J’essaye de lui expliquer la base de la théorie scientifique. Il hocha la tête.

« Cela semble être exact. Même s’il y a des nuances dans ce que tu proposes, il y a de fortes chances que l’accumulation des niveaux compte dans le processus de gain de niveau plutôt que l’âge. »

« Et cela veut dire… »

Je m’arrête. Qu’est-ce que cela veut dire ?

« Cela veut dire que nous allons devoir le dire à Erin. Et que j’ai quelque chose à dire à Krshia et aux Gnolls. »

« Mais personne d’autre ? »

« Est-ce que tu comptes le dire à des Antiniums ? »

Klbkch secoue la tête.

« Les Antiniums ne gagnent rarement des niveaux. Seules les Reines gagnent des niveaux et elles gagnent exclusivement des niveaux dans la classe de [Reine]. Je pourrai informer les autres Prognugators, mais cela ferait que toutes les Colonies seraient aussitôt mises au courant. Je vais peut-être prévenir les Individus, mais je les observerai avant de le faire. »

Je fronce les sourcils en regardant Klbkch.

« Pourquoi est-ce que les Antiniums ne gagnent pas autant de niveaux ? Est-ce que c’est parce que votre espèce à un esprit commun ? »

« C’est ce que ma Reine a spéculé. Même les Soldats ne gagnent pas de niveau dans la classe de [Soldat]. Elle croit que cela était due au fait que les Antiniums ne peuvent pas prendre de décisions, dont son désir de créer des individus Antiniums. »

« Il semblerait que cette information n’aide pas vraiment les Antiniums. »

« En effet. Je suggère que tu l’utilises pour combler la tribu des Crocs d’Argent. Si tu penses que cette information mérite d’être partagée. »

« Hum. »

Est-ce qu’elle à tant de valeur ? Mais Selys le sait, et une fois que quelqu’un est au courant l’information ne peut que se propager. Et nous avons besoin des Gnolls, Erin et moi. Ou au moins, ils ne peuvent pas être nos ennemis. Je pense à Brunkr et… Non.

« Je vais leur dire. Mais toi et moi avons besoin de continuer à parler »

« De quoi aimerais-tu parler, Ryoka Griffin. »

Je regarde le visage de Klbkch.

« Tout. Je… Erin et moi, vivons dans ce monde ignorant tout ce qui s’est produit. Nous ne connaissons pas la géographie, l’histoire, ou la politique. Je veux savoir comment la magie marche, comment les potions de soin sont faites, quelles sont les espèces dangereuses dans le monde… ? »

« Je te dirais ce que tu veux savoir. Mais je crains que je ne serais pas capable de répondre à toutes tes questions. »

« Pourquoi ? »

Klbkch tape lentement la table.

« Pour commencer, ma Colonie a sa propre source d’information que nous ne partageons pas avec les autres Colonies. Et même si nous avons accumulé bien des connaissances, la majorité est… Spécifique. »

Ce n’est pas une bonne nouvelle.

« Cela veut dire que vous ne faites pas attention aux événements mondiaux ? »

« Ma Reine le fait, et j’entends les conversations. Mais je crois que les Reines sont les seules qui regardent par-delà le continent. La plupart de ce que ma Colonie connaît sont les locations des veines de métaux, la fertilité des sols, les nids de monstres et le donjon, et ainsi de suite. »

Je me laisse tomber dans ma chaise et fronce les sourcils. Je serre mon nez entre mon pouce et mon index en réfléchissant.

« Je vois. Bordel. »

« Cependant, j’ai de nombreuses informations que tu trouveras utile. Je me suis rendu compte qu’il y a cette autre facette du système de gain de niveau qui peut s’avérer crucial.

J’ouvre subitement les yeux.

« Pardon ? »

L’Antinium hoche lentement la tête.

« Je crois que je t’ai informé de mes niveaux ? Je possède une large variété de classe, ce qui deviendra problématique envers mon gain de niveau. Cependant, il y a aussi une autre spécificité à adresser. Je serais peut-être capable de fusionner mes classes. »

Quoi ? Je regarde Klbkch.

« Tu peux faire ça ? »

« Je suis conscient que cela arrive rarement. Deux classes peuvent fusionner et créer une autre classe hybride. Par exemple, une classe de [Guerrier] et une classe de [Stratégiste] peuvent fusionner pour créer une classe de [Commandant]. »



« Mais, attend une seconde. Tu as la classe de [Commandant], pas vrai ? Et de [Pourfendeur. Pourquoi ne pas mélanger les deux ? »

« Je ne peux que spéculer. Mais j’ai reçu ma classe de [Pourfendeur] bien avant que je devienne un [Commandant]. De plus, ma classe de [Pourfendeur] est une progression de ma classe de [Guerrier]. Cela veut peut-être dire que ces deux classes sont… »

« Incompatible ? »

« Oui. Oui j’ai simplement souhaité garder une classe de combattant plutôt que de me concentrer sur mon rôle de leader. »

« Je comprends. »

Je hoche la tête en me rasseyant dans ma chaise. Des fusions de classes ? Quels sont les autres secrets cachés dans ce système ? Des classes prestiges ? Est-ce que certaines classes peuvent uniquement être obtenues sous certaines conditions ? Klbkch m’étudie pendant une seconde avant de parler.

« La fusion de classe est rare, et jusqu’à ce jour, je le voyais comme un phénomène négatif. »

Oui. Même si une classe unique peut être pratique, deux classes seraient supposément mieux qu’un, pas vrai ? Deux fois plus de compétence. Mais si ça aide vers le cap de niveau…

« J’ai une question pour toi Klbkch. Quelle est la différence entre le Niveau 20 de [Pourfendeur] et le Niveau 44 ? Quelle était ta puissance à ton apogée ? »

Pour faire court, à quel point un Aventurier Légendaire est-il dangereux ? J’ai déjà vu Scruta se battre, mais était-ce parce qu’elle avait un œil enchanté ?

Klbkch s’arrête, et se redresse sur sa chaise. Il ouvre ses mandibules, et s’arrête de nouveau. Je lève les yeux. Toren s’approche de nouveau. Il pose brusquement une assiette contenant une abeille morte devant Klbkch, assiette qui manqua de tomber de la table, et se retourna pour marcher dans la cuisine.

« Ah. »

Klkbch inspecte l’assiette et j’essaye de ne pas la regarder. C’est moi ou le squelette d’Erin est étrange dernièrement ? Est-ce que les squelettes peuvent penser ? Bordel. Je devrais poser la question à Pisces.

« Excuse-moi. Je mangerai en discutant, si cela n’est pas malpoli. »

Je lui fais signe de la main, et j’essaye de ne pas regarder alors qu’il découpe l’abeille. Je ne pense pas avoir le courage de manger en face de lui, son repas me perturbe trop l’estomac.

« Pour répondre à ta question, la différence entre mes capacités et celle de mon apogée est… Immense. Au summum de mes niveaux, j’étais capable d’affronter les plus puissants des monstres. »

Klbkch regarde par-delà moi, comme s’il se remémorait. Je dois continuer de me rappeler à quel point il est ancien. Je ne suis pas en face de quelqu’un de mon âge, ou de deux fois mon âge. Il est comme un vieux homme.

« Quel type de compétence avais-tu ? Est-ce qu’elle devenait progressivement plus puissante ou est-ce que certaines étaient inutiles ? »

« J’obtenais occasionnellement des compétences moins efficaces, mais elles devenaient progressivement plus puissantes. Une Compétence que j’ai reçu au Niveau 30, en même temps que ma classe de [Pourfendeur], me permettait de parer un coup avec mon épée, même si j’étais assailli par une considérable puissance. Je l’ai déjà utilisé pour parer une baliste à bout portant. »

Je siffle. C’est terrifiant.

« Gagner des niveaux dans une classe semble préférable à obtenir plusieurs classes. »

« Je le pense. Ma compétence de Niveau 40 était nommée [Taillade Continue]. J’étais capable de vaincre des ennemis à une telle vitesse que je pouvais éradiquer des régiments entiers, seul, lors d’une bataille. »

Un régiment ? C’est une unité de… Cinq cents soldats ? Mon torse se serre.

« Klbkch le Pourfendeur. »

« Tel était mon nom. Mais je crois que tu le sais déjà, mes compétences étaient inférieures à celle du General Sserys. Il m’a vaincu et je n’ai jamais regagné mes anciens niveaux. »

Woauh. De nouveau, je suis en plein conflit interne. Les Niveaux sont tellement pratiques. Mais… Bah. Cela n’a plus d’importance, pas vrai ? J’ai le sentiment que les fées sont amicales avec moi car je n’ai pas de niveaux. Et si leur amitié est basée sur mon absence de niveau, eh bien c’est déjà un très bon point pour ne pas commencer à en gagner.

Même si les Compétences ont l’air vraiment cool.

Je bouge ma chaise pour me rapprocher de la table, même si cela me rapproche de l’abeille de Klbkch. Même s’il ne mange pas l’exosquelette.

« Est-ce que cela te suffit vraiment comme repas. ? »

Klbkch semble surprit alors que je pointe l’abeille du doigt. Il aspire quelque chose dans sa ‘bouche’ et hésite.

« Cela n’est pas complétement adéquat avec mes besoins diététiques. Mais il y a une différence entre la nourriture de la Colonie et cette… Gâterie. »

« Erin m’a dit que les Antiniums ne peuvent pas manger de gluten. Qu’est-ce que vous mangez ? »

« Nous cultivons de la viande et la transformons en pâte avec d’autres substances. Nous cultivons aussi des plantes, nous les utilisons pour nourrir les espèces que nous élevons pour consommer. »

Ah. Super. Les Antiniums ont perfectionné l’élevage intensif. Je secoue la tête.

« D’accord. »

« Hey vous deux ! »

Nous levons tous les deux la tête. Erin s’approche de la table, souriante.

« Comment est-ce que vous allez ? Désolé pour l’attente Klbkch, et, heu, désolé de ne pas m’être encore occupé de ta commande, Ryoka. J’ai beaucoup de monde ce soir ! »

Je hausse les épaules. Klbkch fait un hochement poli de la tête à Erin.

« Ce plat est très satisfaisant, Erin. Merci. »

« Y’a pas de quoi ! Est-ce que tu en veux une autre ? je crois qu’il me reste encore des abeilles. Et je peux aussi te faire un petit truc à côté. Ooh, pourquoi pas un rayon de miel ? Et Ryoka, est-ce que tu veux un hamburger ? »

Carrément. Donne-moi de la bouffe grasse et huileuse. Mes artères peuvent le supporter*.


Probablement.


« Je vais prendre un hamburger. En fait, deux. Saignant. »

« Cela serait un plaisir à essayer un rayon de miel, si cela ne te dérange pas. »

« Super ! Je reviens avec vos commandes ! »

Erin sourit et s’en va. Quelques secondes plus tard Lyonette appairait avec quelques boissons.

« J’ai de l’eau, du lait et de la bière. Qu’est-ce que vous voulez ? »

« Je vais prendre la bière. »

« De l’eau pour moi. »

Elle pose les verres sur la table et s’en va. Je regarde son dos. Huh. Erin est parvenue à la rendre utile. C’est quelque chose que je ne pensais jamais voir.

« Tu sembles intéressé par l’ancienne voleuse. »

Je regarde Klbkch et hocha la tête.

« Je, heu, pense qu’elle est spéciale. »

« il est vrai qu’elle possédait de nombreux artefacts puissants. Et qu’elle clame connaître Magnolia Reinhart. »

« Oui. Elle est peut-être plus que cela. »

« Comment ça ? »

« C’est compliqué. Je l’expliquerai plus tard. Maintenant, j’aimerais poser quelques questions sur ce qui se passe à Liscor. »

« Je vois. J’y répondrais au mieux de mes capacités. »

Honnêtement, Lyonette n’a pas beaucoup d’importance comparé à tout ce dont nous avons discuté. Je la sors de mes pensées et me concentre sur des choses plus importantes.

« Apparemment, tous ces aventuriers de rang-Or sont en ville à la recherche d’un moyen d’explorer le donjon sous terre. Mais les Antinium doivent déjà savoir ce qu’il y a. Est-ce qu’il y a un donjon, et s’il y en a un, qu’est-ce qu’il contient ? »

Klblkch se penche en arrière dans sa chaise, il regarda la carcasse d’abeille et la repousse.

« Il y a un donjon sous Liscor. Cela fait plusieurs années que ma Colonie affronte les monstres émergeant de ce donjon. Certains sont attiré par l’endroit ; beaucoup semblent avoir des nids dans le donjon. Mais il y a aussi des pièges et des défenses magiques. Jusqu’à récemment, ma Reine désirait sécuriser le donjon pour elle, pour que notre Colonie puisse s’emparer des récompenses qu’il contenait. Cependant, cela à prouver être impossible et elle a donc décidé d’ouvrir le donjon dans l’espoir que des aventuriers puissent éliminer certains pièges… »

***


Erin sourit en regardant la pièce. Il y avait des Antiniums qui mangeaient, des Drakéides, des Gnolls… Son auberge était complète ! Et tout le monde semblait heureux.

Enfin, la vérité était que les Antiniums n’avaient pas d’expression et que Lyon prenait une teinte verte dès qu’elle les voyait dévorer les insectes, tout comme les Drakéides et les Gnolls, mais le point était qu’elle avait de la clientèle !

Et pour couronner le tout, Krsha entra après qu’une famille de Drakéide est quitté l’auberge en ayant payé Lyonette.

« Oh, salut Krshia ! Je suis heureux que tu es pu venir ! Brunkr ne vient pas ? »

Krshia lui offrit un bref sourire.

« Il est en train de soigner la morsure que la jeune Mrsha lui a donnée. Je crois qu’il a peur de toi, oui ? »

Erin rit. Au fond d’elle, elle était heureuse que Brunkr n’était pas avec Krshia. Il était une sacrée andouille. Du coin de l’œil, Erin vit Ryoka et Klbkch se tourner dans leurs sièges. Krsha hocha gravement la tête et fit un léger sourire alors que Mrsha s’avancer vers elle en battant la queue.

« Te voir est une bonne chose, Erin Solstice. Et toi aussi, jeune Mrsha, oui ? »

Elle se baissa et caressa délicatement la tête de la Gnoll. Mrsha renifla dans la direction de Krshia et Krshia renifla en retour. Puis elle regarda Erin.

« Cela fait trop longtemps depuis ma dernière visite. J’aimerais manger ici, à moins que cela ne soit pas possible ? »

« Oh, non, non. Entre ? À moins que… »

Erin regarda la pièce, soudainement dos au mur, et vit Lyonette. La fille s’était figée contre un mur, les yeux écarquillés en regardant Krshia. La Gnolle renifla.

« Je ne serais pas dérangé par la voleuse, non. Et j’aimerai m’asseoir avec Ryoka Griffin et Klbkch s’ils me le permettent. »

« D’accord. »

Ryoka se leva et Klbkch fit de la place pour que Krshia puisse s’asseoir à leur table. Les deux semblaient avoir l’intention, mais Erin semblait juste heureuse de pouvoir prendre la commande de Krshia, des entrecôte enrobées au miel, avant d’aller dans la cuisine.

Elle était tellement occupée ! Lyon et Toren étaient en train de remplir des verres et de servir à manger, mais Erin continuait de cuisiner des plats. Cela ne la dérangeait pas, mais ce fut un plaisir de pouvoir s’asseoir après quelque temps et jouer une partie ou deux contre Bird et les autres Ouvriers. Elle gagna, bien sûr ; mes les parties étaient amusante, surtout quand elle joua sans regarder les échiquiers.

L’échiquier fantomatique appelait Erin, et après quelque temps elle joua une partie avec son adversaire mystère. Il ou elle semblait toujours être éveillé ; une fois qu’Erin bougeait une pièce elle recevait la réponse dans l’heure au plus tard, et ils jouaient le plus longtemps possible. Elle se demandait encore qui était de l’autre côté.

Mrsha erra dans la pièce alors que Selys mangea et rit avec des Drakéides qu’elle connaissait la jeune Gnolle regardant les échiquiers, et après avoir surmonté sa peur des Ouvriers Antiniums, renifla leurs abeilles, essaya de manger une pièce d’échec, et se posa sur les genoux d’Erin, épuisée.

« Oh oh. Quelqu’un doit aller se coucher. »

Erin porta Mrsha à l’étage et l’installa dans un petit lit qu’elle avait fait dans la chambre de Ryoka. La Gnolle se roula en boule dans ses couvertures et Erin eut mal au cœur durant un instant.

Ce n’était pas la place pour une jeune Gnolle, qu’importe ce que Ryoka pensait. Elle devait trouver une maison pour Mrsha, peut-être avec Krshia ou une autre famille Gnolle. Si seulement cette andouille de Brunkr n’était pas là, et si Mrsha n’avait pas ce pelage blanc. C’était malchanceux. Son pelage était… Magnifique.

« Peut-être avec un pot de peinture. »

Erin murmura doucement les mots alors qu’elle ferma la porte et descendit les escaliers sur la pointe des pieds. Elle entra dans la salle commune avec un grand sourire, juste à temps pour entendre Ryoka prononcer une insulte. Et Erin était contente que Mrsha ne soit pas là pour entendre ce genre de langage.

***


«Putain »

Je sais que ce n’est pas original. Je sais qu’il y a des milliers d’autres insultes et mots que je pourrais utiliser pour exprimer mon agacement. Mais il y a quelque chose de simple à propos de ce mot. Et je suis agacé, donc je ne suis pas d’humeur à l’insulte poétique.

« Je suis désolé, Ryoka Griffin. »

Krshia s’assit à la table et me regarde gravement par-dessus son entrecôte. Elle lève délicatement un morceau et mâche la viande tendre. Je regarde les restes de mon second hamburger et je fronce les sourcils.

« Tu es certaine que ce n’est pas suffisant ? Absolument certaine ? »

La Gnolle haussa ses larges études.

« Ce cadeau à de la valeur. Mais ce n’est pas assez, oui ? Ce que tu offres est un secret, un qui pourra changer le monde. Mais il le changera trop lentement, et c’est… »

Elle hésite. Krshia tape ses griffes sur la table, pensive.

« Pardonne-moi. Je ne connais pas le mot. Ce n’est pas assez. »

« Inadéquat ? »

« Hrm. Oui. C’est inadéquat par rapport à ce qui dois être rapporté au rassemblement des tribus. C’est un cadeau avec de la valeur, mais gagné trop facilement. »

« Je ne suis pas certain de comprendre le sens de cette phrase, Krshia Silverfang. »

Klbkch s’adresse à Krshia et elle hoche la tête dans sa direction. Ils sont très polis envers l’un l’autre. J’ai l’impression qu’il y a un respect mutuel, mais ils ne semblent pas apprécier la compagnie de l’autre.

« Il est difficile de l’expliquer au non-Gnolls. Je vais faire de mon mieux. »

Elle dépose l’os, complètement nettoyé de la moindre miette de viande, et bois une gorgée de sa bière. Je me masse les tempes et écoute.

« Chaque tribu sait que le rassemblement se produit chaque décennie. Et donc chaque tribu travaille dans le but de ramener quelque chose qui fera avancer l’espèce Gnolle, oui ? Certaines tribus amassent de la richesse à partager ; mais c’est un moyen facile de faire les choses. D’autre amasse de la nourriture ou des armes, ma tribu a reçu un set d’arme Naine au dernier rassemblement. La tribu collecte ce genre d’arme pour chaque tribu s’est élevé dans la hiérarchie. »

« Et ta tribu voulait rassembler des livres de sorts. »

Je comprends cette partie. Krsha fronce les sourcils et souffle longuement.

« Oui. C’était supposé être un secret, mais il est difficile de cacher des choses en Liscor. Dans tous les cas, cela aurait été un grand cadeau, un digne de reconnaissance parmi les tribus. »

« Et pourtant, cette information que Ryoka vient de partager à le potentiel de changer l’intégralité de ta race, n’est-ce pas ? »

Krshia hocha de nouveau la tête.

« C’est le cas. Mais il y a deux raisons pour lesquelles ce n’est pas suffisant. La première, c’est que ce n’est pas un bon secret à avoir, oui ? Cela pose de nombreux problèmes. »

« Comme ? »

« Mrr. Quand je pense à ce que tu as dit, cela veut dire que pour gagner un meilleur niveau, l’un ne doit prendre qu’une seule classe. Cela est… Problématique. Si l’un ne doit prendre qu’une seule classe, cela veut dire que les Gnolls doivent choisir une classe dès le plus jeune âge sans jamais en changer. Cela compliquera la vie dans les tribus. »

Je suppose que je vois le problème. Les tribus Gnolles sont très terre-à-terre ; tout le monde contribue vers l’amélioration de la tribu. Quelqu’un peut être un chasseur lors d’une journée, mais un cuisinier lors de la seconde. Si tout le monde n’a qu’une seule classe, alors cela veut dire que tout le monde est un spécialiste. Et, pour cité Robert A. Heinlein, la spécialisation est pour les insectes.

« Je vois le problème. »

« Et ce n’est pas tout. Le second problème est que le choix de la classe devra être fait très jeune, à peine plus grand que des chiots, oui ? »

Krshia semblait troubler. Elle secoua la tête.

« Forcer nos jeunes à faire ce qu’ils ne veulent pas faire, ce n’est pas ce que moi ou une tribu veut. Et pourtant, cela sera nécessaire. Nous devrions décider du destin de la future génération. Et cela est… Troublant. »

« Oh. »

Oh. Oh. Je comprends. Klbkch semble confus, mais c’est un propos du libre-arbitre. Gnolls déteste probablement forcer leurs enfants à faire quelque chose ; c’est une question de choix. Forcer quelqu’un dans une carrière peut marcher en Chine avec une mer tyrannique, mais cela n’arrivera pas chez des parents Gnolls.

Eh bien, merde.

« Je vois le problème, Krshia. Mais cette information peut quand même aider dans tous les cas. Même si tu ne décides pas de choisir l’unique classe de tes enfants, au moins les Gnolls seront au courant de ce qui se passe. »

Elle hocha la tête.

« Cela est vrai, et même avec ces problèmes, c’est un important cadeau. Un secret du monde. Il faudra que toutes les tribus décident si ce savoir doit être partagé ou doit rester secret. »

« Seul Selys connait le secret, donc vous avez une chance que cela ne se sache pas. Est-ce que tous les Gnolls seraient aussi, hum, discret à ce sujet ? »

« Si cela est décidé, ils ne trahiront pas le pacte. »

Hmm. C’est beaucoup de confiance. Je secoue la tête.

« D’accord, quelle est la seconde raison pour laquelle mon secret n’est pas suffisant ? »

« C’est trop peu. C’est trop peu pour un travail de dix ans. Je suis désolé. »

Krshia pose ses mains sur la table. Elle nous regarde, moi et Klbkch.

« C’est un secret important, mais toi et Klbkch l’avait découvert en quelques jours, oui ? Les autres tribus ont travaillé durant une décennie pour rapporter ce qui a le plus de valeur. Comment est-ce la Chef de ma tribu peut lever la tête avec fierté si elle n’a qu’un petit secret à offrir ? »

Quand elle le dit comme ça… Je regarde Klbkch. Bordel. J’avais vraiment pensé que nous avions résolu le problème.

« Je comprends. Je…. Je vais trouver autre chose, d’accord ? »

Krshia hocha gravement la tête.

« Le fait que tu es fait une découverte aussi importante aidera, Ryoka Griffin. Je partagerai ce que tu m’as dit avec les Gnolls de la ville. Cela leur fera plaisir et fera qu’ils resteront obéissants. Pour l’instant. »

Et c’est ainsi que le secret se propage. Qu’importe ce que Krshia dit, j’ai l’impression que dans une année, tout le monde sera au courant de cette particularité du système. Tant pis. Je vais prendre le moindre avantage que je peux me procurer. J’ai aussi besoin d’en parler à Erin. Mais…

Je met la tête entre mes mains alors que Krshia et Klbkch me regarde. Bon sang. Je pensais vraiment l’avoir cette fois. Mais je n’avais rien résolu.

Qu’est-ce que je vais faire ? Je pense à Teriarch, et je sais que je vais bientôt devoir partir. Mais Mrsha est toujours là, et les espions de Magnolia sont tout autour de cet endroit et il y a des gens de mon monde dans sa maison…

Qu’est-ce que je vais faire ?

***

Ryoka semblait avoir une longue conversation avec Krshia et Klbkch, donc Erin les laissa tranquille. Elle était occupée à jouer aux échecs, nettoyer des assiettes, parler à des clients…

« Aha! Je vois que ce tonneau n’est pas protégé ! Je déclare qu’il est à nous ! »

« Une tournée ! Offerte par la maison ! »


… Et repousser les Fées de Givre.

« Elles ne sont pas gratuites ! Arrêtez, bande de petits voleurs ! »

Erin hurla en poursuivant les Fées de Givre. Elles rirent en descendant avec des chopes dans leurs mains, elles devaient être incroyablement fortes pour porter des choses aussi lourdes aussi facilement.

Des échiquiers, des fées alcoolisées, de l’argent à récupérer… Erin continua de courir jusqu’à avoir mal au pied et jusqu’à ce que minuit passe. Et ce fut après cela que son dernier client quitta l’auberge.

Bird s’en alla avec Klbkch et les autres Ouvriers alors qu’Erin leur souhaita une bonne nuit, ou un bon matin. Krshia était déjà parti, et Ryoka était assise à l’une des tables, la tête entre ses mains.

« Hey Ryoka. Je vais fermer, d’accord ? »

L’autre fille hocha silencieusement la tête, et Erin ferma son auberge. Ryoka semblait stresser, mais Erin se sentait complète en se roulant en boule dans son coin de la cuisine. Elle avait fait un beau boulot aujourd’hui, et avait trouvé beaucoup de trucs cools avec lesquels elle voulait expérimenter demain.


[Aubergiste Niveau 26]


Et pour une fois, il semblait que le monde était d’accord avec elle.

***

Le lendemain, Erin se réveilla de bonne heure car elle devait aller aux toilettes. Elle tituba, se cognant à des casseroles et manquant de faire tomber la jarre de neige du Golem de Neige, avant de finalement atteindre les toilettes. Elle s’assit, tremblante, et fit son affaire, avant de retourner dans l’auberge en essayant de se rendormir.

Le seul problème était que le froid avait eut l’effet d’une tasse de café, et qu’importe à quel point Erin se tournait et se retournait, elle n’arrivait pas à se rendormir. Elle se leva, malgré le fait qu’elle n’avait pas eut que deux heures de sommeil au total.

« Mrshbvg ? »

Lyonette cligna des yeux en regardant Erin alors qu’elle descendit les escaliers, de bonne heure, et trouva que le petit-déjeuner était déjà fait. Erin regarda son assiette et fronça les sourcils alors que Lyonette ouvrit la bouche.

« J’ai encore gagné un niveau dans cette classe de… [Servante]. »

« Je suis content pour toi. »

« Et j’ai gagné une Compétence ! [Cuisine élémentaire] ! »

So ton suggérait que cela était outrageant au lieu d’être une bonne chose. Erin regarda Lyonette avec méfiance depuis sa table alors que Toren entra dans l’auberge. Elle lui avait dit de revenir au matin.

« C’est un outrage ! Pourquoi aurais-je besoin de cette Compétence ! »

« … Pour cuire des trucs ? »

Erin mit sa tête entre ses mains. Elle soupira alors qu’elle rajoute du délicieux miel sur ses délicieuses crêpes. Au moins ça, c’était toujours bon.

« Franchement, Lyon. Cela m’aiderait si tu pouvais cuisiner. Et tu pourrais faire tourner l’auberge quand je ne suis pas là. »

La fille s’arrêta avant de manger un gros morceau de crêpes.

« Je pourrai ? »

« Oui ? Non ? Peut-être ? Je vais sortir et aller chercher des abeilles. C’est ce que je vais faire. Les Antinium les aiment. »

Erin soupira dans son repas et regarda Toren.

« Hey. Toi. »

Il se retourna et la regarda. Il semblait presque… Agacé, ou angoissé. Il continuait de bouger sur place, comme s’il était ennuyé. Mais Erin était trop fatigué ou agacé pour s’en soucier.

« Prépare le traîneau. Et prends quelques jarres. Nous retournons explorer. »

Il la regarda, et puis tapa du pied en passant la porte, ne prenant même pas la peine de fermer la porte derrière lui jusqu’à ce qu’Erin le rappelle. Lyonette regarda le squelette et puis Erin.

« Moi ? Tu veux dire, je serais à la tête de l’auberge ? »

« Pas à la tête. Mais tu serais, heu, une aubergiste temporaire. Cela serait ton château, et tu serais comme la princ… »

Erin mordit sa langue. Lyonette la regarda.

« Ahahaha. Je veux dire, heu, Oui ! Comme une princesse dans son château, sauf que….Non. Ouais. »

Elle regarda autour d’elle, paniqué ? Ryoka et Mrsha étaient toujours en train de dormir, mais elle savait que la jeune Gnolle allait bientôt se lever, et donc, Ryoka allait suivre.

« Je, heu, vais chercher d’autres abeilles avec Toren. Je reviens bientôt, tiens l’auberge en mon absence. Il y a plein de crêpes et si quelqu’un arrive, tu peux leur servir des hamburgers. Je t’ai montré comment les faire, et [Cuisine Élémentaire] fera le reste. À plus ! »

Elle s’enfuit de l’auberge avant qu’elle ne puisse dire quelque chose. Dehors, Toren se tint à côté du traîneau. Il n’était pas en train de porter les rênes avec les grelots. Erin fronça les sourcils.

« Allez, met le harnais, Toren ! Nous n’avons pas toute la journée. »

Et bientôt, elle était dans le traîneau et Toren était en train de le tirer. Erin lui dit d’aller vers la cave des abeilles. Elle le sentit distinctement hésité, mais ils arrivèrent à la cave.

« Okay, voilà le plan. »

Erin s’agenouilla dans la neige alors que Toren la regarda. Elle avait choisi un endroit éloigné de la cave avec beaucoup de neige pour se cacher. Elle le pointa du doigt.

« Tu vas dans la cave avec deux jarres à la fois. Essaye d’avoir le plus de miel possible et le plus d’abeilles possibles. En fait, prends quatre jarres, d’accord ? Je veux deux jarres de miel et des rayons de miel, et deux jarres d’abeilles. »

En y réfléchissant, elle aurait pu lui dire de tout faire tout seul, mais il y avait quelque chose de satisfaisant dans le fait d’être ici pour faire le travail. En quelque sorte. Erin se cacha dans la neige et regarda Toren courir et finir lever dans le ciel et brisé par les abeilles. Mais il revint avec plein de miel et beaucoup d’abeilles.

« Beau boulot, Toren ! »

Elle le dit en l’aidant à se reformer. Le squelette regarda Erin alors qu’elle souleva la jarre qu’il avait remplie d’abeille vivante. Certaines étaient encore en train de bourdonner contre le couvercle.

« Flippant. D’accord, ensuite il nous faut des champignons, d’accord ? »

Erin avait la vague idée qu’elle pouvait nourrir les Fée de Givre, mais elle voulait juste faire des réserves avant de retourner dans l’auberge. C’était à peine le début du matin, elle avait encore du temps.

Le traîneau était très confortable alors qu’Erin remonta dedans. Elle avait ajouté une couverture et un oreiller hier, et maintenant elle s’installait confortablement, laissant les jarres d’abeilles mortes le plus loin possible alors que Toren commença à tirer le traîneau.

Oui, c’était la belle vie. Être une [Aubergiste] était compliquée quand il fallait faire toute la cuisine, mais Lyonette était désormais capable de l’aider et que Toren allait continuer de l’aider.

Le paysage passa sous le regard lourd d’Erin alors qu’elle changea de position dans le traîneau. Il était tellement confortable. Et il y avait quelque chose d’hypnotique dans cette manière de voyager. C’était comme être sur un ferry, mais avec de la neige à la place de l’eau. Et Erin dormait toujours lors des voyages en voiture.

Elle bailla. Elle était tellement fatigué. Une sieste ne pouvait pas faire de mal, pas vrai ? Erin leva la voix, fatiguée.

« Hey Toren, dit moi quand est-ce qu’on arrive à la prochaine cave, d’accord ? Je vais faire un petit somme. »

La tête du squelette tourna sur ses épaules alors qu’il la regarda en silence. Erin fit un signe de la main.

« Ne cogne rien et ne tombe pas dans un trou, d’accord ? »

Elle ferma les yeux et bailla de nouveau. C’était tellement plaisant, chevauchant le traîneau. Oui, il faisait froid, mais elle avait plusieurs couches de vêtement, et il n’y avait pas de bosses sur le chemin pour la réveiller.

Erin commença à somnoler. Et en quelques instants elle commença à doucement ronfler dans l’air frais.

***

Quand Toren entendit les mots d’Erin, il ne voulait pas en croire ses oreilles. Certes, il n’avait pas d’oreilles. Donc il n’arrivait pas à en croire les trous qui lui servait d’oreille.

Quand il se retourna et la vit allongé sur le traîneau avec ses yeux fermé, il ne voulait pas y croire. Quand elle commença à ronfler, il commença le croire, et cela l’énerva énormément.

Elle était en train de dormir ! L’émotion que Toren ressentit n’était pas que de la colère, c’est de l’indignation. Elle était en train de dormir, et il… Il était en train de tirer ce stupide traîneau !

Le sentiment s’amplifia et se battit pour dominance dans le torse du squelette alors qu’il continua d’avancer. Il n’était pas fatigué, pas physiquement, mais une partie de lui était malade et fatigué à l’idée de continuer de tirer Erin sur ses inutiles courses. Il ne voulait pas se faire casser une nouvelle fois par les abeilles, et il trouvait que rassembler ces champignons était… Fastidieux.

Et puis il y avait le son. Ce terrible, interminable son.

Ting. Ting-ting.

Les cloches du traîneau continuaient de sonner. Elles étaient le truc le plus agaçant qu’il avait entendu depuis sa création. Elles sonnaient avec le harnais. Sur sa chaîne. Elles étaient un bruit capable de rendre n’importe quelle créature folle.

Ting ting ting.

Il était en colère. Non ; il était furieux. Toren était contrarié par tous les ordres venant de la bouche d’Erin. Les interminables sorties en traîneaux ou il avait été forcé de remonter la pente pour porter des Drakéides et des Gnolls avaient été une torture, la goutte d’eau.

Toren commença à lutter contre les ordres d’Erin. Elle lui avait donné des ordres, mais il n’était pas les bons. Non, pire encore, ils étaient inacceptables.

Une partie de lui lui disait d’obéir. C’était son devoir, ce pourquoi il avait été créé. Mais, non, il ne voulait pas faire ça ! Toren voulait être libre, libre de se battre et de tuer et…

Ting. Tingting.

Il détestait ça. Il détestait les ordres, il détestait tirer ce stupide véhicule. Toren voulait prendre son épée et réduire le traîneau en miette. Ou, ou il pouvait l’utiliser sur Erin pour…

Non. Il ne pouvait pas le faire. La magie l’empêchait encore de faire ça. Mais il commençait à ressentir les limitations de son âme. Oui, il devait obéir aux ordres. Mais il pouvait mal les interpréter. Il pouvait agir lentement. Il pouvait…

Qu’est-ce qu’elle avait dit ? Qu’elle voulait qu’il lui dise quand est-ce qu’ils allaient atteindre la prochaine cave. Et elle voulait qu’il tire le traineau. Toren pensa à ces mots. Erin voulait dire autre chose quand elle avait prononcé ces mots, bien sûr, mais la manière dont elle les avait prononcé lui laissait de la marge de manœuvre.

Mais qu’est-ce qu’il voulait faire ? Toren regarda Erin. Elle était sa Maîtresse. Mais elle n’était pas digne de ce titre. Il voulait…

Ting. Ting ting.

Il voulait être libre. Il voulait prendre sa liberté, même si cela voulait dire qu’il devait se débarrasser d’Erin. Il ne pouvait pas la blesser, mais il y avait d’autres moyens de se débarrasser d’ordre inconvénient, n’est-ce pas ?

Mais qu’est-ce qu’il pouvait faire ? Toren lutta contre lui-même. Il voulait être libre. Mais il avait des ordres. Mais il voulait être libre. Et pourtant, est-ce qu’il…

Tin…

Snap.


Toren entendit le bruit de câble se rompant dans son esprit et dans réalité. Il regarda les clochettes dans ses mains. Jamais. Plus jamais. Il ne sera plus jamais un esclave. Il allait être libre.

Qu’importe ce qu’il allait devoir faire.

Lentement, le squelette changea sa trajectoire. Il lança un regard à Erin et vit qu’elle était profondément endormie. Il commença à courir vers le nord, loin de Liscor, loin de l’auberge, le plus vite possible. Il avait un plan.

Le traîneau continua vers le nord, s’éloignant de l’auberge et des montagnes. Il allait clairement dans la mauvaise direction, mais qui serait dehors sitôt le matin pour le voir ? Et qui allait y prêter attention ?

Deux Gobelins s’assirent au sommet d’une colline. L’un d’entre eux soupira en réajustant son arbalète. Elle voulait manger à l’auberge, mais elle avait été banni pour des raisons qui n’étaient pas sa faute, même si elle pouvait les comprendre. L’autre Gobelin s’ennuyait. Mais ses yeux étaient fins, il vit le squelette, et vit le traîneau changer de direction.

Le Gobelin vit tout cela. Et il sourit. Mais il ne dit rien à l’autre Gobeline.

Lentement, le traîneau disparu derrière une colline. Garen sourit pour lui-même, et se demanda quand est-ce que Loks allait retourner dans sa tribu. Elle avait encore beaucoup à apprendre, et cet endroit relaxant qui avait cette étrange [Aubergiste] n’était pas l’endroit ou elle devait être. Elle devait être forte, solide. Elle devait mener des tribus. Elle pouvait devenir une Seigneuresse des Gobelins, il le savait. Et moins il y avait d’humain agaçant pour la ralentir, mieux cela sera.

***

Toren se réveilla lentement. Elle avait froid, et était engourdie, et elle ne bougeait plus. Ce fut quand elle réalisa qu’elle s’était arrêtée. Le soleil était éblouissant, et Erin avait l’impression qu’elle avait fait une bonne sieste.

« Toren ? »

Elle cligna des yeux, regarda le ciel, et laissa échapper un cri de surprise. Le soleil était haut dans le ciel ! Elle avait dû dormir pendant des heures !

« Toren ! Pourquoi est-ce tu ne m’as pas réveillé ? »

Erin hurla en se relevant, cherchant son squelette. Mais elle resta sans réponse. Alors qu’elle regarda autour d’elle, Erin réalisa que quelque chose n’allait vraiment pas.

Le traîneau se tenait au milieu de nulle part, entouré par la neige. C’était normal. Mais le paysage autour d’elle ne l’était pas. Erin regarda autour d’elle. Attends une seconde, où étaient les montagnes. Liscor était entouré de montagne, mais elle ne pouvait pas en voir. À l’exception des petites montagnes qui se trouvaient là…bas…

Son estomac se serra. Erin regarda à sa gauche. Il y avait des arbres. Une forêt. Il n’y avait pas de forêt près de Liscor, sauf pour celle des arbres explosifs sur une colline. Et pourquoi est-ce que le sol si plat ?

« Toren ? Où sommes-nous ? »

Erin regarda autour d’elle, paniqué, mais son squelette avait disparu. Elle prit quelques grandes inspirations. Réfléchis. Qu’est-ce qu’elle avait ?

Elle avait : Une jarre d’abeille morte, deux jarres de miel, un oreiller, une couverture et un traîneau. Oh, et sa fildèle poêle à frire qu’elle gardait en cas de danger. Et sa bourse ? Peut-être ?

Ce qu’elle n’avait pas était Toren, et l’idée de où il était, ou de l’argent.

« Toren ? Hey, Toren. »

Erin leva la voix avec espoir. Peut-être que son squelette était proche, et qu’il ne l’avait pas entendu. Ou peut-être… Peut-être qu’il s’était perdu en essayant de trouver une cave,e t qu’il s’était éloigné pour faire du repérage. C’était ça, pas vrai ?

« … Toren ? »

Il allait bientôt apparaître. Bientôt. Erin leva les voix.

« Toren ! Ou est-tu ? »

Pas de réponse. Le froid mordant souffla autour d’elle, et Erin se sentit très seule. Elle regarda les terres sauvages l’entourant. Et c’est là qu’elle remarqua le loup mort.

C’était juste un loup. Non pas un Loup Carnassier ; c’était plus petit, avec une fourrure grise, et avait été brutalement décapité. Sa tête gisait dans la neige, regardant Erin. Elle lui rendit son regard, trop choqué pour trouver ses mots. Et elle réalisa qu’elle était seule. Perdue et seule.

« Oh oh. »

***

Ryoka se réveilla lentement quand elle sentit quelque chose lui lécher le visage. Elle repoussa la chose velue et ignora ses complaintes quand elle toucha le sol. Deux secondes plus tard, Ryoka se réveilla rapidement quand Mrsha percuta son estomac.

Bon sang, Mrsha ! »

La Gnolle courut hors de la pièce, apeurée, et Ryoka se débattit pour sortir de son lit, se libérant des couvertures. Elle descendit les escaliers pour trouver Mrsha se cacher derrière Lyonette. La fille regarda Ryoka avec un air de reproche alors que Mrsha trembla derrière elle.

Ryoka se frotta le visage. Splendide. Elle avait déjà foutu le bazar en moins de cinq minutes après s’être réveillé.

« Je suis désolé, Mrsha. Je ne voulais pas crier. Mais… Ne me frappe pas dans l’estomac, d’accord ? »

Elle frotta son estomac et s’assit sur le sol. Lentement, Mrsha s’approcha et fit un câlin à Ryoka. Parfois elle se frotta et léchait, et parfois elle était vraiment une enfant.

« Où est Erin ? »

Ryoka posa la question après avoir mangé quelques crêpes. Mrsha avait éparpillé du miel partout sur son visage et était occupé à se nettoyer. Lyonette haussa les épaules.

« Elle a pris cet horrible squelette pour sortir en traîneau. Elle dit qu’elle va chercher d’autres abeilles. »

« Super. »

Ryoka soupira, mais mangea ses crêpes et se demanda quand Erin allait revenir. Elle avait beaucoup à discuté avec Erin.

Selys passa dans la matinée, principalement pour dire bonjour à Mrsha et manger quelques crêpes. Il n’y en avait pas assez, mais à la grande surprise de tous, Lyonette en fin de nouveau. L’autre fille fut hautaine en le faisant, mais elle nourrit Mrsha sous la table en pensant que Ryoka ne s’en rendrait pas compte.

Ryoka attendit une autre heure, discutant avec Selys sur comment prendre soin de Mrsha et en jouant avec la petite Gnolle. Elle n’avait pas la moindre idée de comment jouer avec des enfants, mais Selys connaissait beaucoup de jeu, dont le jeu de main, même si les paroles étaient différentes.

Le temps passa. Ryoka sortit pour savoir si elle pouvait trouver Erin chevaucher son traîneau. Elle termina à aller en ville, et Selys l’accompagna, cette fois pour que Mrsha puisse prendre un bain. La Gnolle commençait à sentir.

Ryoka rencontra un Drakéide s’appelant Olesm sur le chemin. il était en train de chercher Erin, et il semblait dépresser quand elle lui dit qu’elle ne l’avait pas vu de la journée. Il décida de rester dans l’auberge et Ryoka alla discuter avec Klbkch.

Elle découvrit qu’il était très occupé en tant que garde., donc Ryoka monta les murs de Liscor pour essayer de trouver Erin. Elle ne la vit pas, ni le traîneau.

Après un déjeuner en ville et midi passé, Ryoka commençait à s’inquiéter. Elle discuta avec Krshia et retourna dans l’auberge pour parler à Lyonette et le Drakéide nommé Olesm. Ils n’avaient pas vu Erin de la journée.

Cette fois Ryoka allait directement voir Klbkch et lui demanda si sa Colonie savait ou elle était. Il lui dit que les Tympans ne pouvait pas détecter Erin, et qu’Erin n’avait pas été repérable depuis qu’elle avait quitté son auberge le matin.

Il n’y avait pas de signe d’Erin proche de la cave aux abeilles en suivant les directions de Lyonette, même si la neige avait été bougé. Ryoka retourna à l’auberge et s’inquiéta.

Quand le soir arriva, Krshia, Klbkch, et tous les amis d’Erin allait Olesm à Selys étaient à la recherche d’Erin. Lyonette jura qu’elle ne savait rien d’autre, mais les traces du traîneau d’Erin avaient été croisé trop de fois pouvoir être suivies.

Pour une fois, les omniprésentes Fées de Givre étaient introuvables et Krshia dit qu’elle les avait repérés vers le sud en train de rependre plus de neige. Ryoka s’assit dans l’auberge, inquiété, jusqu’à ce qu’elle se souvient d’Halrac.

Le rang-Or [Scout] était de mauvaise humeur comme s’il n’appréciait pas d’avoir été dérangé dans sa discussion avec Bird à propos d’un projet de fouille, mais quand Ryoka lui dit qu’Erin avait disparu il accepta aussitôt de la rechercher.

Le [Scout] suivi les trace d’Erin jusqu’à la cave aux abeilles, puis il trouva d’autre trace qui partaient de la cave pour aller au nord. Les traces continuaient, encore et encore, et les yeux fins d’Halrac virent que les traces continuaient sur des kilomètres vers le nord.

Ryoka retourna à l’auberge et fit passer le mot. Elle écouta les amis d’Erin discuter et débattre, et tenta de réfléchir à une raison pour laquelle Erin aurait continué. Elle pensa aux dangereuses abeilles, aux monstres… Même si Halrac n’avait pas trouvé de trace. Et puis au squelette. Elle pensa à Toren, et pensa à une histoire comme celle de Frankenstein.

La nuit fut très longue pour Ryoka. Lyonette fit à manger, légèrement trop cuit, pour Mrsha et Selys, et Ryoka parla quelques instants avec Krshia et Selys en faisant des plans. Elle donna à la Drakéide et à la Gnolle ses pièces d’or et répéta trois fois à Mrsha ce qu’elle allait faire.

Le lendemain matin, Ryoka quitta l’auberge de bonne heure, laissant derrière elle Lyonette, et Mrsha avec Selys. Elle courut vers le nord, cherchant le traîneau, et posant des questions aux voyageurs pour savoir s’ils avaient vu une fille ou un squelette. Mais elle n’apprit rien. Et ne trouva rien.

Alors que Ryoka continua de courir, l’idée qu’un Dragon pouvait scruter les gens en sachant leur nom vient à son esprit. Et elle courut un peu plus rapidement après cela.

Et bien plus loin, un [Chevalier Squelette] poignarda à mort deux voyageurs sur la rouge. Il prit leur pièce dans le vague espoir qu’ils puissent être utile, et continua de marcher. Il allait retourner à Liscor, vers le donjon ou il allait pouvoir gagner des niveaux. Ses yeux violets s’illuminèrent et il sourit.

Il était toujours souriant, mais cette fois c’était parce qu’il était heureux, tellement heureux.

Du sang goutta de ses doigts, coula le long de son armure cabossée et sur la neige. Le squelette laissa une piste sanglante en continuant sa marche. Enfin. Il continua de penser à ce mot.

Enfin.

Il était libre. Et quand il aurait atteint un plus haut niveau… Juste un peu plus haut…

Il serait libre pour l’éternité.

 
EllieVia
   
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2.44 - Première Partie
Traduit par EllieVia

Le continent d’Izril avait été transformé par l’hiver. Les neiges froides avaient enseveli les collines verdoyantes et leur faune, et le monde était devenu blanc et glacé.  Et dans la région juste au nord des célèbres Hautes Passes et des montagnes abruptes, le monde était tombé dans la désolation.

Un grand champ avait été recouvert de neige, et c’était là que les vents soufflaient sans merci. Les bourrasques glacées rendaient le froid mordant encore plus dangereux pour le voyageur coincé dehors sans protection.

Des paillettes de neige tombèrent de la canopée d’une forêt au loin et tourbillonnèrent dans les airs. Elles volèrent dans le vent, des dagues de glace qui fondait avant de geler de nouveau sur la peau nue. Le champ était silencieux. C’était un pays des merveilles plongé dans un hiver glacial ; un lieu que nulles habitations, nul village n’était venu perturber.

Mais une silhouette solitaire traversait le paysage figé. Une Humaine trébucha et se fraya lentement un passage dans la neige, tirant un véhicule semblable à un traîneau derrière elle. L’air froid essayait de la mordre à travers ses vêtements, et l’isolation lancinante aurait sans doute rendu n’importe quelle mortelle folle au bout de quelques jours.

Comme Erin était dehors depuis moins de trois heures, elle était encore en forme. Et elle ne se déplaçait pas vraiment dans un silence las. Elle chantait.

À cause de mon squelette, je ne peux retrouver mon chemin

Voilà pourquoi j’erre sans fin !

Il fait tellement froid, que je pourrais mourir gelée

C’est pourquoi je ne peux pas me reposer !

Bad dum bum bump bum.

Je crois que je suis complètement paumée. Mon traineau est tout gelé.

Je, euh, je suis très, très énervée.

Crétin de Toren !


Erin ne se sentait pas vraiment si mal pour le moment. Certes, elle était perdue, abandonnée par son squelette, et elle n’avait aucune idée d’où elle se trouvait, mais elle avait un air entraînant dans la tête et elle se concentrait là-dessus.

Sa chanson était dépourvue d’enjolivements comme une véritable mélodie, ou un sens du rythme ; aucun accompagnement mis à part le bruit du traîneau qui glissait derrière elle dans la neige. Elle était entièrement a capella, ce qui entraînait parfois des paroles intéressantes.

Où que j’aille, tout reste semblable !

Je crois que c’est Toren le coupable ?

J’ai vraiment envie de manger, mais je n’ai que du miel et des abeilles décédées,

J’aimerais tellement avoir un peu de….
aaaaah ! Des loups !”


Elle repéra par hasard la première silhouette grise en train de s’avancer lentement vers elle dans la neige ; elle tourna la tête et vit le loup, à environ quatre mètres de distance. Erin cessa de chanter et poussa un cri lorsque le loup se redressa pour hurler. D’autres loups se mirent à hurler autour d’Erin, et elle réalisa que son chant - et le loup que Toren avait peut-être tué - avaient attiré une meute.

“Reculez ! Reculez !”, hurla Erin sur les loups qui s’étaient mis à l’encercler. Là encore, il ne s’agissait pas de Loups Carnassiers, mais ils restaient gros et effrayants aux yeux d’Erin, qui n’avait vu de loups qu’au zoo, sur National Geographic et Planète Terre.

Et à présent ils étaient là, plus gros que…

L’un d’eux fonça dans la neige et bondit sur Erin. Elle cria, mais n’essaya pas de l’esquiver ou de se protéger le visage. Elle serra plutôt le poing.

[Attaque du Minotaure] !”

Son poing cueillit le loup dans l’estomac. L’animal émit un grognement sifflant, s’envolant s’étaler dans la neige sous le coup d’Erin. Un autre loup bondit et Erin l’esquiva avant de lui donner un coup de pied en pleine tête. Elle portait des bottes d’hiver, et le loup glapit puis s’écarta d’un bond.

“Prends ça !”

Elle leur cria dessus puis recula précipitamment pour se mettre dos au traîneau. Les loups chargèrent de nouveau, mais Erin était prête. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, mais ce n’était pas pire que les morts-vivants. Les loups n’étaient pas aussi dangereux que Scruta, ni aussi nombreux que les Gobelins…

Erin mit une baffe à un loup et le força à reculer. Mais ils étaient effrayants, et ils avaient des crocs ! Ils mordirent deux fois dans ses vêtements, mais sans atteindre sa peau. Elle donna un coup de poing à un autre loup. Ce dernier s’écroula au sol un instant avant de se lever et de s’enfuir à toute allure.

“Oui, voilà ! Vous voulez tâter de ça ?”

La jeune femme hurla et agitant les bras pour essayer d’apparaître plus grosse. Leur faire peur. Faire autant de bruit que possible. Elle vit les loups hésiter et continua de hurler. Elle n’allait pas mourir ici, pas sous l’assaut de loups.



***

La meute de loup était affamée, et c’était la raison pour laquelle elle avait décidé d’attaquer la créature bipède à l’odeur si étrange. D’ordinaire, les loups évitaient ce genre de créatures et s’en prenaient à des proies plus familières, mais les neiges de l’hiver s’étaient épaissies davantage qu’à l’accoutumée dernièrement, et le gibier s’était fait rare. Ils avaient repéré un groupe de Corus migrant au sud plus tôt dans la semaine, mais aucune ne traînait la patte, et les biches étaient beaucoup trop dangereuses pour qu’une meute de loup les attaquent à moins d’être désespérée.

Ils avaient donc pris l’Humaine en étau, usant de furtivité pour l’approcher. Mais elle avait repéré l’un d’entre eux et ils l’avaient donc attaquée.

Il s’était agi d’une erreur. La créature était chétive, mais elle cognait et frappait les loups comme un arbre en train de tomber. Les adultes ne parvenaient pas à la mordre, qu’importe la manière dont ils lui sautaient dessus. Et la femelle refusait de s’enfuir en courant.

Était-elle bien une proie ? Les loups s’étaient dit que oui, mais ils étaient rapidement en train de changer d’opinion. La créature criait et faisait mine d’être effrayée, mais elle était forte, et elle n’avait pas l’odeur de peur d’une proie. Puis Erin attrapa au vol un loup qui lui bondissait dessus et le jeta sur les autres.

C’en fut trop pour les loups. Ils battirent en retraite devant les cris de la femelle qui leur jetait de la neige et donna une baffe à un jeune loup et réfléchirent à leurs options. Ils auraient pu rester dans le coin, à distance, pour l’observer et voir si elle faiblissait, mais ils levèrent la truffe et sentirent un danger. Ils firent demi-tour et s’enfuirent. Ils avaient beau avoir faim, ils n’allaient pas essayer de se frotter à ce genre de problème.

L’étrange créature à deux pattes resta sur place en poussant des cris de joie. Elle ne vit le grizzly en colère émerger de sa caverne que lorsqu’il fut presque sur elle.



***

Oh mon Dieu ! Un ours ! Un ours ! ”, hurla Erin en poussant son traîneau dans la neige. Elle ne savait pas pourquoi elle l’avait pris avec elle, mais elle n’avait pas pensé à tout simplement s’enfuir en courant.

Cela n’aurait pas aidé, de toute façon. L’ours galopait à grand bruit dans la neige, soulevant d’imposants geysers de neige et rugissant en fonçant sur Erin. Elle hurla de nouveau.

“M’approche pas ! M’approche pas ! M’APPROCHE PAS !”

Elle avait déclenché sa [Voix de Stentor] par accident. L’ours hésita et Erin leva les poings, désespérée. Il dévia de sa course, l’esquiva et finit par s’arrêter pour dévisager Erin. Elle soutint son regard.

L’ours était en colère - elle l’avait peut-être sorti de son hibernation. Erin n’avait peut-être jamais rencontré de loups, mais elle connaissait les règles de sécurité avec les ours. Il y en avait dans le Michigan et elle savait que… c’était quoi, déjà ?

Ne pas laisser de nourriture à l’extérieur, ne pas s’interposer entre une ourse et ses petits… rester calme si l’on aperçoit un ours au loin… mais que faire face à un ours en rogne en train de charger ?

Erin n’en avait aucune idée, mais l’ours était en train de s’énerver de nouveau. Il essaya de charger. Erin lui hurla dessus.

“VA-T’EN.”

Cette fois-ci, l’ours réagit clairement au son de sa voix. Il se recroquevilla légèrement et Erin comprit qu’il n’aimait pas le bruit.

“T’aimes pas ça ? Alors que dis-tu de ça ?”

Elle prit une grande inspiration, puis se lâcha.

“AAAAAAAAAAAAAAAAA…”


***

À trois cents mètres, un [Chasseur] baissa son arc et leva les yeux. L’oiseau qu’il traquait s’envola - comme tous les oiseaux de la forêt. Ils s’envolèrent dans les airs, paniqués, il visa et décocha sa flèche. Il manqua son coup. Le [Chasseur] poussa un juron, puis regarda autour de lui.

“Par les Dragons, c’est quoi ce bruit ?”

On aurait dit quelqu’un qui criait, incroyablement fort, et de très loin. L’homme à l’arc - Jerad Riels - hésita, mais finit par courir dans la forêt, sans se soucier de la neige qui craquait sous ses bottes. Il se déplaçait d’ordinaire le plus furtivement possible pour éviter d’alerter sa proie ou d’attirer des prédateurs dangereux, mais ce bruit faisait fuir tous les animaux.

Il sortit en courant de la forêt et vit un ours. Jerad connaissait cet ours. C’était un mâle agressif et il s’était tenu très loin de sa caverne le temps de son hibernation. Mais là, l’ours rentrait le plus vite possible en direction de son antre. Il fuyait, oui, fuyait devant… une fille ?

Jerad plissa les yeux. Il ne possédait pas de Compétence capable d’améliorer sa vision, mais il avait toujours eu une bonne vue. Il écarquilla les yeux en voyant une jeune femme debout devant une espèce de traîneau. Elle n’avait pas de cheval, mais l’animal s’était peut-être enfui. C’était elle, la source des cris au volume insupportable.

"AAAAAAAAAAAAAAAAAA... oh, salut, toi !”

L’homme mûr frotta ses oreilles, sonné. La jeune femme lui sourit. Elle portait de vêtements d’hiver, et son traîneau avait l’air d’avoir été bricolé à la va-vite. Il y avait plusieurs jarres à l’arrière, et Jerad écarquilla les yeux en s’apercevant que l’une d’elles était remplie d’Abeilles Brûlecendres.

“Oh, salut. Je suis perdue. Mon squelette s’est enfui. Est-ce que tu pourrais m’aider ?”

Jerad regarda fixement Erin.

“Quoi ?”

“J’ai dit que mon squelette s’était enfui.”

Ses oreilles tintaient encore. Jerad les frotta. Il aurait juré qu’elle avait dit quelque chose au sujet d’un squelette ?

“Qu’avez-vous dit ?”

“Quoi ?”

Quoi ?


***


Environ deux milles au sud-ouest, les Gobelins marquèrent une pause en entendant un cri ténu qui finit par s’éteindre au bout de quelques minutes. Leurs oreilles sensibles tressaillirent et ils se dévisagèrent, mais ils reprirent leur route lorsque leur leader Hobgobelin grogna avec irritation.

Ils étaient treize Gobelins au total, et pas des Gobelins ordinaires, avec ça. Chacun avait plus de dix niveaux dans une classe de combat, et ils étaient tous vêtus d’armures et munis d’épées qui n’étaient ni rouillées, ni cassées. Ils faisaient partie de la Tribu du Croc Rouge, et ils étaient en mission d’assassinat.

Les douze Gobelins et le Hobgobelin qui marchaient dans la neige n’avait qu’une seule tâche à accomplir : tuer l’[Aubergiste]. Tuer la fille et ne pas le dire à la Cheftaine. Chacun d’entre eux avait reçu cette mission en secret par Garen Rougecroc en personne, et ils avaient donc avancé sans relâche dans la neige, guettant le moindre signe de cette Humaine.

Au bout d’un moment, les Gobelins s’arrêtèrent pour faire une courte pause. Ils reniflèrent l’air, étudièrent les traces dans la neige. Puis ils se regardèrent. Aucun ne parla, mais ils pensaient tous la même chose :

Quelle [Aubergiste] ? Quelle fille ? À quoi ressemblait-elle ? Où était-elle ? Était-elle forte ? Avait-elle bon goût ?

Au bout d’un moment, le Hobgobelin se gratta le dos et pointa une direction aléatoire. Les Gobelins se dirigèrent par là. Garen leur avait dit que la fille était partie au nord, mais aucun d’entre eux ne possédait de classe de traque, et ils avaient donc perdu les traces du traîneau dans la neige près d’une heure auparavant.

Les Gobelins poursuivirent leur marche. C’était une bande dangereuse, armée jusqu’aux dents. Chargés d’une mission.

Après encore quatre heures de marche dans un cercle sans but, l’un des Gobelins songea que peut-être que le cri et la fille étaient reliés. Ils revinrent au pas de course là d’où étaient provenus les cris, mais le temps qu’ils arrivent, la personne qui avait émis le son avait disparu depuis longtemps.

Les Gobelins haussèrent les épaules et continuèrent de chercher. Garen Rougecroc avait beau avoir choisi certains de ses meilleurs guerriers, aucun d’entre eux n’était particulièrement intelligent. Même pour des Gobelins.

***


Les Drakéides avaient pris l’habitude de ses moquer des [Gardes] Humains et des forces de l’ordre locales dans les cités Humaines. Une blague Drakéide populaire consistait à comparer les milices et les gardes des villes Humaines à des Gnolls rasés inefficaces - une blague qui supporte mal la traduction et reste considérée comme extrêmement offensante à la fois envers les Humains et les Gnolls.

Toutefois, il était universellement admis que si l’on voulait se débarrasser d’un monstre ou appréhender un criminel dans une ville Humaine, il fallait embaucher un aventurier. La garde locale était peut-être capable d’arrêter de vulgaires voleurs, mais la différence de qualité entre les soldats employés par les Drakéides et les Humains était grande.

Dans les cités Drakéides telles que Liscor, [Garde] était un poste prestigieux auquel était associée un excellent salaire et un niveau de compétence tout aussi élevé. Dans les villes Humaines, toutefois, ceux qui possédaient beaucoup de niveaux devenaient invariablement des mercenaires, des aventuriers, ou des gardes personnels. Par conséquent, les gardes aux portes des villes telles que Celum s’ennuyaient et ne cherchaient pas le conflit dans la plupart des cas, comme leur boulot consistait la plupart du temps à faire cesser les rixes de taverne et prévenir les vols et les agressions plutôt qu’à repousser des attaques de monstres.

Mais ils faisaient tout de même leur boulot, et tout garde aimait voir des choses intéressantes, et c’était la raison pour laquelle ils avaient arrêté la jeune femme qui essayait de pousser son traîneau en ville.

“Excusez-moi, Mademoiselle, mais vous ne pouvez pas apporter ça en ville.”

Erin repoussa une mèche de cheveux de son visage et essuya un peu de sueur sur son front. Malgré le froid, ses efforts l’avaient réchauffée. Elle avait poussé le traîneau sur des milles et des milles sur la route après que le gentil [Chasseur] l’y ait accompagnée.

“Aw. Vraiment ?”

“Vous n’avez pas de cheval, et ce truc a l’air de pouvoir se retrouver coincé dans les pavés.”

Ils avaient probablement raison. Erin soupira et regarda les alentours. Tout l’étonnait. Par exemple, cette ville avait des remparts bas. Ils ne faisaient que six mètres de haut, et le trafic de la ville était régulier. Et tout le monde était Humain !

Erin avait eu une… réaction lorsqu’elle s’était mise à croiser des gens sur la route. Elle s’était mise à serrer des mains et à dire bonjour à tout le monde. Ils l’avaient tous regardé comme si elle était folle, surtout lorsqu’elle leur avait expliqué qu’elle voyageait seule. Elle n’avait même pas mentionné son squelette disparu ; cela ne lui avait pas paru sage.

Il y avait un joli espace couvert de neige à gauche des portes de la ville. Erin le pointa du doigt.

“Est-ce que je peux laisser mon traîneau ici ?”

Les gardes échangèrent des regards et haussèrent les épaules. Erin poussa son traîneau et s’essuya de nouveau le front. À présent qu’elle n’était plus dans le siège conducteur, elle se sentait un peu coupable de l’avoir fait tirer par Toren un peu partout. Mais pourquoi s’était-il enfui ? Erin n’aimait pas envisager le pire, mais…

Elle envisageait le pire. Toren s’était enfui comme… comme un chien errant ? Un chien errant mort-vivant avec une armure, une épée et des yeux qui jetaient des sorts de terreur. Elle était un tout petit peu inquiète, mais il fallait pour le moment qu’elle rentre à la maison.

“Dites-moi, est-ce que vous savez à quelle distance nous sommes de Liscor ?”

Le [Garde] dévisagea Erin qui rapportait les trois énormes jarres avec elle. Elle avait dû faire un baluchon avec sa couverture, et les jarres s’entrechoquaient. Elle espérait vraiment qu’elles n’allaient pas se casser.

“Liscor ? Est-ce que vous êtes une [Marchande] de là-bas ?”

“Quoi ? Non. Je suis [Aubergiste] et je me suis perdue.”

Il la regarda fixement. Il avait une moustache frisée qui ne méritait pas tout à fait ce nom et des cheveux bruns. Il avait l’air d’avoir froid dans son armure. Il regardait également Erin avec des yeux emplis de scepticisme. Erin cligna des yeux.

“Quoi ? C’est vrai. Je me suis perdue.”

“Liscor est à plus de cent milles au sud d’ici. Comment avez-vous réussi à venir jusqu’ici sans le savoir ?”

Quoi ? Cent milles !?

Erin porta ses mains sur sa tête. Comment allait-elle rentrer ? Elle n’allait pas faire toute cette route à pieds ! Et elle n’avait pas Toren !

Le garde contempla fixement Erin qui gémissait à voix haute. Puis il regarda son baluchon de fortune et ses jarres qui s’entrechoquaient. Elles étaient lourdes, de toute évidence, et tiraient sur le tissu.

“Qu’est-ce qu’il y a dans ces jarres ?”

“Quoi, ça ? Du miel, et, euh, des trucs associés au miel.”

L’homme à la moustache pleine de frisettes fronça les sourcils.

“Il faut que j’inspecte ces pots. Il y a une taxe pour apporter des marchandises en ville.”

“Aw. Vraiment ?”

À ce stade, le reste des gardes aux portes de la ville s’étaient mis à laisser rentrer des gens à l’intérieur. Erin était une attraction que les passants regardaient en entrant. Elle soupira et le garde hocha la tête.

Avec réticence, elle plongea la main dans sa sacoche et en sortit prudemment une jarre de miel. Tout le monde se retourna pour regarder fixement la substance dorée. La mâchoire de Frisettes se décrocha.

“Est-ce que c’est… où as-tu trouvé ça ?”

“Huh ? D’une ruche ? Vous savez, les abeilles ?”

L’une des gardes armées qui suivaient une caravane explosa de rire. Frisettes la fusilla du regard lorsqu’elle passa la porte puis scruta le visage d’Erin. Mais elle se contenta de le regarder avec des yeux ronds, l’image même de l’innocence. Il soupira, les joues rouges.

“Est-ce que tous ces jarres contiennent du miel ? Il y a une taxe là-dessus - il faut payer une belle somme d’argent.”

Le visage d’Erin se décomposa. Elle plongea la main dans son sac et en retira lentement une jarre d’abeilles mortes.

“Est-ce qu’elles comptent ?”

Le garde s’était retourné pour faire un doigt d’honneur à son camarade en train de pouffer de rire devant les portes. Il se retourna et vit une Abeille Brûlecendres de la taille de sa tête écrasée contre la paroi d’une jarre en verre.

Il hurla et porta la main à sa ceinture pour essayer d’attraper son épée. L’autre garde eut un mouvement de recul, puis rit encore plus fort en voyant la jarre.

“Comment as-tu eu celles-là ?”

“Je les ai attrapées. En quelque sorte.”

C’était difficile à expliquer sans mentionner Toren, et encore plus en le mentionnant. Finalement, Erin abandonna l’idée.

“Écoutez, j’ai des abeilles. Et du miel ! Et je dois trouver un moyen de rentrer à Liscor. Donc… est-ce que je peux entrer acheter un cheval ou autre ?”

Frisettes n’avait pas l’air de passer une bonne journée. Il respirait fort, et il avait dit à Erin de remettre la jarre d’abeilles dans son baluchon. Il s’éclaircit la gorge.

“J’imagine que vous pourriez acheter une caravane ou un cheval. Mais les caravanes sont lentes et un bon cheval vous coûterait au minimum trente pièces d’or. Je doute que vous puissiez faire beaucoup de chemin dans toute cette neige, de toute façon. Même sur votre… traîneau.”

Le visage d’Erin se décomposa. Elle se gratta la tête. Elle avait un peu d’argent, mais elle ne voulait vraiment pas acheter un cheval, principalement parce qu’elle ne savait pas monter et qu’elle ne savait pas comment le faire aller où elle voulait. Bon. Il fallait commencer par le début.

“D’accord. Hum, est-ce que je peux entrer, maintenant ?”

“Il faut que vous payiez une taxe d’import. Amenez les jarres ici, s’il vous plaît.

Frisettes conduisit Erin à un petit stand dans la loge à côté des portes. À sa grande surprise, elle vit qu’ils possédaient une collection de balances à deux plateaux, d’appareils de mesures primitifs…  ils étaient en train de faire passer chaque objet d’un wagon de marchandise dessus, et un autre garde était en train de tapoter des zones du wagon comme pour trouver des compartiments cachés.

Ils durent utiliser une grosse balance pour ses pots. Erin causa un sacré remue-ménage lorsqu’elle ressortit le miel - et Frisettes pesa sa jarre. Il utilisa des pierres colorées pour mettre les plateaux à l’équilibre et il marmotta tout seul lorsqu’il mesura la jarre avec une corde à nœuds.

Puis il demanda à Erin de poser la jarre d’abeilles sur la balance. Elle s’exécuta, ignorant les réactions autour d’elles. Frisettes mesura rapidement le pot, et fut pris d’un accès de panique lorsque l’une des abeilles tressauta derrière le verre.

“Elles sont vivantes ?”

Erin tapota l’abeille avec curiosité. Elle agitait ses palpes dans sa direction.

“Bizarre. Je sais que j’ai bien refermé le pot, mais j’imagine qu’il leur reste encore un peu d’air. Huh. Cela doit faire, disons, dix heures. J’ai fait une longue sieste.”

Le pauvre garde mesura rapidement la jarre sans toucher le verre. Lorsqu’il eut terminé, il griffonna quelque chose sur un morceau de papier et dit à Erin combien cela lui coûterait de faire entrer ses pots dans la ville.

“Quatre pièces d’argent par jarre de mielle et sept pour la jarre de…”

Frisettes frissonna.

“D’abeilles.”

“C’est beaucoup ! Et pourquoi est-ce que les abeilles me coûteraient plus cher que le miel ?”

“Elles vous rapporteront plus si vous les vendez à n’importe quel marchand, je pense. Et les [Alchimistes] paient des fortunes pour les morceaux de monstres.”

“Vraiment ? Hum…”

Elle aurait probablement besoin d’un peu d’argent pour rentrer. Davantage que ce qu’elle avait sur elle, dans tous les cas. Erin plongea les mains dans ses poches.

“Où est ma bourse ? Oh oh. Est-ce que je l’ai prise avec moi ?”

Frisettes la dévisagea avec une expression douloureuse pendant qu’Erin fouillait toutes les poches de ses nombreuses épaisseurs de vêtements.

“Des sous ? Des sous, des sous… aha !”

Elle sortit sa bourse et étala quelques pièces dans sa paume d’un air triomphant. Là encore, les gardes la regardèrent avec des yeux ronds lorsqu’ils aperçurent les pièces d’or qu’Erin avait gagnées pendant ses bonnes journées d’aubergiste.

“Combien de pièces d’argent est-ce que je… ? Oh, attendez, je vais vous en donner une. Tiens !”

Erin tendit une pièce d’or à Frisettes. Il la prit en la regardant fixement ranger le reste de ses pièces dans sa bourse. Il dut tester la pièce en y pratiquant une encoche avec sa dague pour s’assurer qu’elle était vraie. L’or attira plus d’un regard, et le [Garde] dut fouiller dans sa propre bourse pour lui rendre sa monnaie.

“Voilà. Et voilà votre reçu d’entrée signé. Présentez-le si on vous le demande.”

Erin attrapa avec maladresse le morceau de papier tamponné. Elle sourit au garde.

“Merci ! Est-ce que vous pouvez me dire où trouver un [Alchimiste] ?”

“Descendez la rue principale et prenez à gauche lorsque vous verrez la Guilde des Aventuriers. Il y a beaucoup d’échoppes dans cette rue.”

“Merci !”

“Ah, avant que vous ne partiez…”

Frisettes toussota, et Erin se retourna. Les gardes et lui - hommes comme femmes - la dévisageaient.

“Vous avez dit venir de Liscor ? Et vous êtes [Aubergiste] ?”

“Tout juste !”

“Mais… il n’y a que des Drakéides et des Gnolls, là-bas. J’ai entendu parler d’un nouveau donjon… est-ce que vous êtes également aventurière ?”

Erin fronça les sourcils.

“Non… j’ai une auberge. Elle s’appelle ‘L’Auberge Vagabonde’.”

“Ah. Parce qu’elle vagabonde par magie ?”

“Non. C’est, disons, une espèce de blague. Et j’ai trouvé l’auberge par hasard en… vagabondant. Vous voyez l’idée ?”

Erin essaya d’expliquer. Elle finit par abandonner.

“Bref, je la dirige, mais je suis sortie faire, euh, un tour, et je me suis perdue. Je me suis donc retrouvée ici et à présent, je dois rentrer. Avec un cheval ou un truc du genre.”

“Je vois ?”

“Yeah ! Bref, dans tous les cas, merci pour votre aide !”

Erin sourit à la cantonade. Elle agita la main et sortit de la loge. Les [Gardes], plusieurs hommes et deux femmes, se dévisagèrent. Frisettes gratta sa moustache peu fournie.

“C’est quoi, la blague ?”

 
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2.44 - Deuxième Partie
Traduit par EllieVia

***


Celum était incroyable. On aurait dit une véritable ville médiévale, avec des tonnes de charrettes roulant cahin-caha sur les pavés, des gens habillés avec des vêtements épais, et des vendeurs à la criée. Liscor avait des éléments semblables, mais les Drakéides et les Gnolls étaient différentes et Liscor n’avait pas du tout le même flux de visiteurs. Erin parcourut les rues, émerveillée.

“Wow. Et ils sont tous Humains !”

C’était quelque chose qui ne pouvait que l’étonner dans ce monde. Et pourtant, presque tous ceux qui passaient devant Erin étaient Humains, et… blancs. Ils avaient tout un panel de peaux pâles, et une grande partie avaient l’air Européens. Erin trouva cela un peu étrange, mais elle se demandait déjà si elle pouvait patienter ici une journée avant de rentrer à son auberge.

Cela faisait si longtemps - elle voulait juste discuter avec d’autres gens. Mais les jarres de verre étaient lourdes et elles menaçaient à tout moment de tomber de sa couverture-baluchon. Erin se résolut donc à commencer par les vendre. Elle pourrait probablement vendre le miel à peu près n’importe où, mais elle devait trouver un [Alchimiste] pour les abeilles.

Que lui avait dit Frisettes ? Quelque chose à gauche de la Guilde des Aventuriers ? Erin fronça les sourcils. Elle essaya de se frayer un chemin dans la foule, mais elle ne put pas faire plus de huit pas avant de rencontrer une difficulté.

Plus exactement, la foule. Elle n’avait rencontré beaucoup de difficultés là-dessus à Liscor, mais Celum était pleine d’embouteillages de gens à pieds et de wagons qui passaient à côté. Personne ne voulait se faire écraser le pied par une roue de charrette, et même les chevaux n’appréciaient guère de devoir se frayer un passage dans la foule. Erin fit par conséquent bousculer et dut avancer très lentement.

Elle avait peur que les pots de verre tombent de son baluchon. Erin fronça les sourcils et se demanda si elle devait essayer de se trouve run autre chemin lorsque quelqu’un lui tira son haut.

“Hey, Miss, je peux vous emmener voir un [Alchimiste] !”

Erin baissa les yeux et vit un jeune garçon lui adresser un sourire berchu. Elle lui rendit son sourire.

“Salut, toi ! Comment tu t’appelles ?”

Le jeune garçon ne pouvait pas être âgé de plus de treize ans. Il était toutefois maigre pour son âge, et il avait l’air sous-alimenté. Mais il lui adressa un sourire tellement charmant qu’Erin l’apprécia aussitôt.

“Je suis Grev, Miss. Et vous avez besoin d’aller voir un [Alchimiste] pour vendre vos abeilles, pas vrai ?”

“Comment sais-tu que j’ai des abeilles ?”

Erin était surprise, mais le garçon se contenta de hausser les épaules.

“J’attends à la loge de l’entrée. Je suis un guide local ; je peux vous mener là où vous avez besoin d’aller sans avoir à attendre dans les embouteillages !”

Cela lui semblait être une bonne idée. Erin regarda le flot de gens - et les lourdes charrettes et les crottins de chevaux - et sourit à Grev.

“Eh bien,  si tu connais le chemin, j’imagine que je pourrai te payer un petit quelque chose. Disons une pièce d’argent ?”

“Je le ferais pour la moitié, mais si vous le proposez…”

La mâchoire de Grev se décrocha lorsqu’Erin posa une pièce d’argent dans sa main. Il leva les yeux vers elle, et Erin lui sourit.

“Allez, passe devant ! Et tu pourras me faire visiter, après ? Je n’ai jamais été à Celum.”

Son enthousiasme sincère et la confiance qu’elle lui accordait faillirent presque faire changer le garçon d’avis. Mais il finit par remettre son [Faux Sourire] sur son visage et pointa une autre rue du doigt.

“Bien sûr ! Par là, Miss. Je connais un raccourci.”

Erin suivit Grev avec joie. Elle descendit dans des petites rues à l’écart de la route principale, regardant autour d’elle d’un air joyeux. Son sourire était large, et il ne se figea que légèrement lorsqu’il la mena dans une ruelle. Lorsqu’elle vit les trois hommes en habits sombres, son sourire n’était plus éclatant, mais restait résolument accroché à son visage. Lorsqu’ils sortirent leurs épées et leurs dagues de leurs fourreaux, son sourire disparut.



***

“Hey, attends une seconde. Tu m’as piégée !”

Erin fusilla Grev du regard, mais le garçon se précipita en avant et passa sous le bras de l’un des hommes. Il tendit une main et l’homme y lâcha quelques pièces d’argent. Il s’arrêta et hésita toutefois, regardant Erin par-dessus son épaule. Il s’adressa à l’homme à l’épée.

“Ne lui faites pas de mal ! Son argent est dans une bourse.”

L’homme vêtu d’une cape et d’un capuchon poussa un juron et frappa Grev.

“Dégage, morveux.”

Grev s’enfuit, jetant un dernier regard à Erin. Elle dévisagea les hommes qui lui faisaient face - deux devant et l’un derrière elle - et qui commençaient lentement à s’approcher d’elle. Elle n’était pas certaine de devoir être effrayée ou non, mais Erin était résolument contente. Elle fusilla les hommes du regard en faisant glisser les jarres sur le côté d’un geste protecteur. Le couvercle fermé de la jarre d’abeilles effleura son doigt et elle examina ses options. Elle avait laissé sa poêle dans le traîneau, et ils étaient armés. Que devait-elle faire ?

“Donnes-nous ton argent et tes pots et nous ne te ferons aucun mal.”

L’homme de tête était celui à l’épée. Erin y jeta un œil et il lui sourit, dévoilant ses dents pourries. Il avait une voix grave et rauque, même si on aurait dit qu’il le faisait exprès. L’homme à ses côtés était plus petit, et il souriait d’un air déplaisant en observant Erin d’une manière qui lui déplut fortement.

“Crie et ce sera très rapide. Mais si tu ne bouges pas, cela ne fera pas… trop mal.”

Erin regarda par-dessus son épaule. L’autre homme se rapprochait lui aussi. Ils n’avaient pas peur d’elle.

“Non. Allez-vous-en et je ne vous ferai pas de mal.”

Les agresseurs éclatèrent de rire. L’homme de tête avança d’un pas.

“Ne rends pas les choses plus diff…”

Erin lui donna un coup de poing. Elle s’était rendu compte qu’elle n’avait pas besoin de crier pour utiliser ses Compétences, mais ça défoulait.

“[Attaque du Minotaure] !”

Son poing cueillit l’homme par surprise. Erin sentit quelque chose s’écraser avec un bruit horrible lorsqu’elle lui cogna le nez, et il s’étala par terre en hurlant. L’autre homme cligna des yeux, mais il tenta de taillader Erin.

“Aah !”

Elle recula et il la manqua de quelques centimètres. Calruz lui avait enseigné à se battre contre quelqu’un d’armé, toutefois, et elle le laissa donc tenter de l’atteindre à nouveau avant de lui donner un coup de pied dans l’entrejambe. Il poussa un juron et Erin lui assena un coup de poing en pleine figure. Sa tête partit en arrière et il recula.

Un bras énorme encercla la gorge d’Erin. Elle tenta de respirer et de donner des coups de pieds, mais le troisième homme la souleva, essayant de l’étrangler. Erin attrapa désespérément son bras. Il avait des muscles épais, et elle avait déjà besoin de reprendre son souffle. Elle le sentit lever sa dague de son autre main.

Erin attrapa dans un geste désespéré la main de l’agresseur. Il était fort - plus fort qu’elle, même avec  [Force Mineure]. Mais elle ne pouvait pas le faire lâcher prise avec cet angle-là. Elle attrapa sa main, puis tâta son pouce. Erin l’attrapa et le tordit en arrière jusqu’à ce qu’il se brise.

Il hurla et la lâcha. Erin prit une vive inspiration, puis plongea lorsqu’il tenta de la poignarder. Elle lui donna un coup de pied à l’estomac et se tordit sur sa gauche lorsqu’il essaya de lui transpercer le ventre.

C’était comme lorsque Calruz l’avait faite se battre contre Toren. C’était dangereux et mortel - mais Erin savait se battre ! Elle pouvait le faire ! Elle n’aimait juste pas ça.

Elle écrasa le pied de l’homme et lui donna un coup dans la trachée lorsqu’il poussa un cri de douleur. Il émit un bruit ressemblant à un gargouillis puis s’effondra.

“Sale pute.”

L’homme à l’épée se relevait. Son nez était écrasé et sa voix était devenue nasillarde à présent, mais il avait le meurtre au fond des yeux. Erin recula lentement, et son pied toucha la jarre de verre remplie d’abeille tandis que l’homme avançait dans la ruelle, l’épée au clair.

“Je vais te réduire en lambeaux.”

“Non, pas du tout.”

Erin plongea et ouvrit le couvercle de la jarre. L’homme s’arrêta et regarda les pots d’un air soupçonneux. Il plongea la main à sa ceinture et en sortit une dague.

“N’essaie même pas.”

“Ah ouais ? Va-t’en et je ne serai pas obligée de te faire du mal.”

Erin serra la chose dans sa main, accroupie près de ses pots. L’homme hésita.

“Je vais…”

Abeille dans ta gueule !

Erin jeta l’abeille morte au visage de l’homme en bondissant sur le côté. Il jeta la dague, mais elle manqua Erin qui roula sur le côté et s’écrasa sur contre le mur de la ruelle. Puis l’agresseur hurla lorsque le [Lancer Infaillible] d’Erin mit une abeille à proximité très intime de son visage.

“Prends ça !”

Erin se précipita sur l’homme qui arrachait l’abeille morte de son visage. Elle lui donna un coup de poing en pleine poitrine et sentit quelque chose craquer. Il lâcha son épée, et elle écrasa son poing sur sa figure. Il s’écroula et ne se releva pas.

Respirant lourdement, Erin recula en titubant, et contempla ses trois agresseurs. Ils étaient à terre et elle était en vie. Yeah. En vie.

Quelque chose brûlait. Erin regarda son bras et vit une entaille profonde qu’elle ne se souvenait pas avoir reçue. Et elle avait mal aux côtes, aussi. Quelque chose l’avait coupée là aussi ! Mais à part ça, elle n’était pas blessée.

“Oh wow. Oh non. Oh…”

Erin eut besoin de s’asseoir une seconde. L’abeille morte était par terre, donc Erin la jeta de nouveau dans la jarre et referma le couvercle. Quelques abeilles s’agitaient devant ce regain d’oxygène. Elle regarda l’un des hommes dont le nez écrasé saignait et essaya de reprendre son souffle.

Elle n’avait jamais été attaquée dans le Michigan. Elle n’avait jamais vraiment été dans une bagarre. Bien sûr, elle avait beaucoup combattu des morts-vivants et des monstres, donc elle n’avait pas été terrifiée, mais tout de même… il y avait quelque chose d’effrayant lorsque des gens essayaient de lui faire du mal.

Erin soupira et se releva. Elle s’approcha de ses jarres et entendit une exclamation derrière elle. Elle fit volte-face et vit une petite silhouette se lever et se précipiter vers l’entrée de la ruelle.

“Hey ! Toi ! Ne bouge plus ou je tire ! Je veux dire, je lance !”

Grev se figea, et Erin baissa la jarre de verre qu’elle tenait entre ses mains. Elle regarda fixement le jeune garçon.

“Toi ! Hey, viens ici, espèce de petit crétin !”

Lentement, le jeune garçon se retourna et s’avança vers Erin. Son visage était presque blanc et il tremblait.

“Je ne voulais pas le faire ! Ils m’ont forcé, je le jure ! Ils allaient tuer ma sœur si je ne le faisais pas, miss !”

Quoi ? C’est tellement affr… pourquoi est-ce qu’ils te donnaient de l’argent, alors ?”

Erin fronça les sourcils. Le visage de Grev devint un ton plus pâle.

“Je… je… me tuez pas, s’il vous plaît !”

La jeune femme réfléchit à tout cela un instant. Elle songea à la journée qu’elle venait de passer - pendant laquelle elle avait dormi la majeure partie du temps, à la trahison de Toren, à son entrée dans la ville, au moment où elle avait failli mourir et son agression horrible qui avait été la pire expérience de la journée et au rôle de Grev dans tout cela. Elle hocha la tête et serra le poing.

Prends ça !

Grev hurla. Erin le cogna sur la tête, fort, mais sans user de toute sa force. Il glapit, et essaya de s’enfuit. Erin le rattrapa par sa tunique sale et il cria de peur en essayant de se protéger le visage.

S’il vous plaît...”

“Je ne vais plus te faire de mal.”

Le visage de Grev s’illumina instantanément.

“Vraiment ?”

Erin essaya de prendre une expression effrayante. Elle dévisagea Grev, essayant de prendre un air menaçant.

“Si tu fais quelque chose pour moi.”

“Qu… quoi ?”

Erin pointa du doigt les agresseurs inconscients. L’un d’eux gémissait, et elle se demanda si elle devait faire quelque chose comme leur donner des coups de pieds ou s’asseoir sur eux. Elle devait au moins ramasser toutes les armes qu’ils avaient faites tomber.

“Tu vas aller me chercher la Garde, et je vais m’asseoir ici.”

Grev hocha la tête avec enthousiasme. Erin faillit le laisser partir, mais une pensée l’en empêcha. Il allait probablement se contenter de s’enfuit, n’est-ce pas ? Elle regarda les pots par terre et eut une idée. Le visage déjà blanc de Grev devint d’une pâleur spectrale lorsqu’elle leva l’une des abeilles mortes pour la lui montrer.

“Tu vas aller chercher la Garde, compris ? Si non, je vais prendre cette abeille et te l’enfoncer…”

Erin hésita. Elle regarda l’horrible cadavre d’insecte et le visage pâle de Grev.

“... quelque part d’affreux. Va ! Cours !”

Il se mit à courir comme si les abeilles étaient à ses trousses. Erin baissa les yeux sur l’abeille. À présent qu’elle y réfléchissait, elles étaient très utiles. Puis l’une des abeilles essaya de sortir du pot et Erin referma violemment le couvercle, lui coupant deux pattes au passage.

“Oups. Désolée !”


***


Frisettes avait l’air d’essayer d’arracher son début de moustache de son visage. L’expression incrédule peinte sur le visage était celle qu’Erin était injustement en train d’associer à son caractère de manière générale. Elle avait l’air d’apparaître à chaque fois qu’elle expliquait quelque chose.

“Donc, vous avez battu trois agresseurs - dont l’un était un ancien Aventurier Bronze - à mains nues.”

Erin acquiesça. Elle regarda avec intérêt l’escadron de gardes forcer les hommes à se lever en étouffant toutes leurs protestations avec des coups précis et efficaces sur des zones sensibles.

“Mais vous ne possédez pas d’autres classes de combat mis à part, ah, deux niveaux en [Guerrière].”

Grev tremblait dans la rue. L’une des gardes le tenait à l’œil, et il avait l’air terrifié lorsqu’il regardait Erin. Qu’allaient-ils faire de lui ? Elle hocha vaguement la tête.

“Mais j’ai quelques Compétences, en revanche.”

“Je vois. Et vous les avez tous battus sans vous faire blesser ?”

“Eh bien, j’avais quelques entailles mais la potion de soin les a guéries.”

Frisettes s’éclaircit de nouveau la gorge.

“Je vois. Eh bien, ah, Miss Solstice…”

“Appelle-moi Erin !”

Elle lui adressa un sourire éclatant. Frisettes rougit légèrement.

“Hum… Erin. Eh bien, je suis navré que tu aies rencontré les pires personnes de notre ville si tôt. Mais tu as rendu un service à tout le monde en éliminant cette menace. J’aimerais te donner leur équipement, même si nous allons de toute évidence confisquer leurs armes et leurs armures. Mais je peux te donner quelques pièces et les quelques objets qu’ils avaient sur eux.”

Il offrit à Erin une petite bourse dans laquelle il avait ajouté deux pièces d’argent et quatre de bronze, puis trois bouteilles de ce qu’Erin pensait être des potions de soin. Elle les regarda d’un air confus.

“Donc tu me donnes toutes leurs affaires ? Parce que je les ai battus ?3

Frisettes acquiesça. Erin réfléchit.

“Okay.”

“Eh bien en ce cas, nous allons te laisser y aller. Je crois que je vais t’escorter chez l’[Alchimiste] moi-même, au cas où il y ait d’autres… attaques. Quant à toi…”

Il se retourna et Grev s’enfuit à toutes jambes. Il fit deux pas avant que la femme en armure l’attrape et le traîne durement jusqu’à eux. Son visage était un masque de terreur.

“Nous verrons si tes parents peuvent payer l’amende pour tes crimes. Sinon, ce sera le fouet, garçon.”

“Quoi ?”, demanda Erin. Grev devint blanc et se mit à pleurer. Frisettes se tourna vers elle.

“Désolé, Miss Erin, mais c’est la seule façon de gérer ce genre de gosses.”

“Je l’ai déjà frappé. Ce n’est pas une punition suffisante ?”

Elle se sentait coupable de l’avouer, mais Frisettes hésita.

“Il mérite le fouet, Miss. Impossible de déterminer le nombre de gens qu’il a fait assassiner ou voler.”

“Certes. Eh bien hum… eh bien, si je disais que je lui pardonne ?”

Les deux gardes regardèrent Erin avec des yeux ronds. Elle contemplait Grev. Il la regardait comme si elle était son dernier espoir. Il cligna des yeux et d’autres larmes coulèrent. Elle n’était pas certaine qu’il ait vraiment compris la leçon, mais elle ne voulait pas qu’il soit fouetté.

“Si tu veux abandonner les charges…”

Frisettes discuta à voix basse avec sa collègue puis se retourna vers Erin.

“Tu es sûre ? Il est tout aussi coupable que ces autres hommes, je te l’assure.”

“Eh bien, s’il le refait, je lui enfoncerai une ab… je ne le lui pardonnerai pas. Ça te va ?”

Erin croisa les bras et essaya de prendre un air imposant. Frisettes et la garde avaient l’air sceptiques, mais il finit par hocher la tête.

“Eh bien, garçon, on dirait que tu t’en tires bien, grâce à Miss Erin.”

Grev parut soulagé, mais il pâlit de nouveau lorsque Frisettes posa sa main sur son épée.

“Écoute-moi bien toutefois. Je connais ton visage, et si j’entends dire que tu voles ou que tu commets n’importe quel autre crime… ce ne sera pas le fouet, la prochaine fois. Nous t’exilerons de la ville. Compris ?”

Le visage du garçon redevint pâle. Il balbutia.

“O...oui.”

“Alors dégage.”

Grev s’enfuit, se retournant une dernière fois pour regarder Erin. Elle le regarda partir, et eut envie de lui faire un petit signe de la main. C’était un sale gosse, mais il restait un gosse. Qui avait essayé de la faire tuer, certes.

Au bout d’un moment, Frisettes s’éclaircit la gorge.

“Qui veux-tu voir, Miss Erin ? Je connais trois [Alchimistes] réputés en ville. Est-ce que tu as une préférence ou un nom ?”

Erin se gratta la tête.

“Huh, disons celui qui est le plus susceptible de m’acheter une jarre d’abeilles ? Je veux dire, est-ce qu’ils ont seulement besoin d’abeilles ?”

“La Tissée, peut-être.”, marmonna la garde à Frisettes, et il grimaça.

“C’est vrai. Cette cinglée achèterait… c’est Octavia qu’il vous faut, Mi… Erin.”

“Cool. Tu connais la route ?”

“Je vais t’emmener. Ce n’est qu’à quelques minutes de marche.”

“Vraiment ? Merci !”

Erin se mit à marcher à côté de l’homme, puis elle marqua une pause et se retourna vers le reste des gardes. Elle leur sourit, ignorant délibérément les coups de pied dans le ventre qu’ils donnaient à l’homme à l’épée.

“Merci pour votre aide !”

Les gardes levèrent la tête, surpris, et l’homme à terre cracha un peu de sang et dit quelque chose qu’elle n’entendit pas lorsqu’il se prit un autre coup de pied. Tout le monde regarda Erin partir avec le garde. Puis les membres de la Garde de la Ville de Celum pour discuter tandis que les trois agresseurs étaient transportés ailleurs.

“Une [Aubergiste] a battu trois hommes dans une embuscade ? Tu es sûre que c’est ce qu’elle a dit ?”

“Certaine. Et elle vient de Liscor ? Si c’est à ça que ressemblent les [Aubergistes] là-bas, je me demande quel genre de crimes ils ont dans les villes Drakéides ?”

“L’Auberge Vagabonde ? Je ne comprends toujours pas la blague.”



***



La balade fut plaisante, car elle ne se fit pas agresser ou horriblement attaquer lorsque Frisette la guida dans les rues de la ville. Ils allèrent d’ailleurs plus vite ; le [Garde] n’avait pas peur de crier pour faire s’écarter les gens, et lorsqu’ils atteignirent la petite rue aux fenêtres barricadées, ils avaient bien papoté.

“Donc vous autres n’êtes jamais venus à Liscor ? Vraiment ?”

Frisettes toussota en s’arrêtant devant l’échoppe. Erin leva les yeux et lut le panneau.

Tissémixe. Potions, toniques, herbes.

C’était un nom cool, décida Erin. Elle ne savait pas comment cela s’appliquait à l’[Alchimie], mais peut-être que les alchimistes faisaient des fils magiques ? Il faudrait qu’elle demande.

L’homme à côté d’elle toussa, et Erin se retourna et écouta attentivement. Il était plutôt sympa quand on prenait le temps de le connaître, même s’il était terrifié par les insectes et que cogner des gosses ne lui posait pas de problèmes.

“Je ne suis pas vraiment un voyageur, pour dire la vérité. Et même les marchands ne se rendent que rarement si loin au sud. Il n’y a pas beaucoup de profit à traiter avec des non-Humains. J’imagine qu’il y a dix ans, nous faisions plus affaires, mais ça, c’était avant la Seconde Guerre Antiniume avec le Nécromancien, avant qu’ils décident d’ouvrir leurs portes à ces insectes.”

Il frissonna. Frisettes - qui s’appelait en réalité Wesle - arborait une haine profonde envers les Antiniums que la plupart des humains partageaient. Elle ne fit pas de commentaire, mais sourit de nouveau en regardant l’échoppe de l’[Alchimiste]. Une odeur horrible émanait de l’intérieur.

“Eh bien, merci de m’avoir amené jusqu’ici, Fris… Wesle.”

Il rougit de nouveau et se caressa furieusement la moustache.

“Tout le plaisir était pour moi, Miss Erin. Et si tu as de nouveau besoin d’autre, je suis certain que je serai ravi de t’aider.”

Erin hocha la tête et lui sourit une dernière fois avant de pousser la porte de l’échoppe. Elle avança prudemment dans la salle sombre, s’attendant à voir un laboratoire de savant fou.

Elle ne fut pas déçue. Il y avait un peu plus d’utilité et un peu moins de folie chez certains des instruments de verre posés sur les paillasses - Ryoka aurait reconnu les versions médiévales de becs Bunsen et d’éprouvettes - mais les liquides lumineux posés sur les étagères, les ingrédients pendus à des crochets et l’ambiance tamisée éclairée uniquement par la lumière magique des potions donnèrent tout de même légèrement envie de faire pipi à Erin. D’angoisse et d’excitation.

La seule chose qu’il manquait, c’était cette ‘Octavia’, que Frisettes n’avait pas l’air de vraiment apprécier. Il l’avait traitée de radine et de folle, ce qui lui paraissait dur.

“Bonjour ? Il y a quelqu’un ?”

Erin avança prudemment dans l’échoppe. Elle était d’un calme inquiétant. Où était la commerçante, l’alchimiste ? Était-elle sortie ? Si oui, pourquoi la porte était-elle ouv…

Un visage brun et une queue de cheval tressée apparurent dans le champ de vision d’Erin. Octavia surgit de derrière le comptoir, un morceau de plante à la main. On aurait dit aux yeux d’Erin que la fille était sortie de nulle part.

“Bienvenue à Tissémixe !”

Erin hurla.

Gyaaaaaaah…

“Est-ce que ce sont des Abeilles Brûlecendres ?”

Erin cligna des yeux et s’interrompit à mi-hurlement lorsque la jarre pleine d’abeilles lui fut ôtée des mains. Octavia souleva la jarre, soufflant sur le verre et l’essuyant pour le nettoyer.

“Voyons voir… des abeilles soldates, et des ouvrières… toutes intactes ! Et vivantes ? Comment as-tu trouvé… non, je peux me servir de ça…”

Erin cligna des yeux devant la fille à la peau sombre. Son esprit essayait encore de rattraper ce que venait de dire Octavia. La fille parlait à toute allure.

“Tu dis que ce sont des Abeilles Brûlecendres ? Pourquoi les appelle-t-on comme ça ?”

Octavia s’affaira autour d’Erin et posa la jarre sur une grosse balance. Elle ne cessa de parler ce faisant, et lorsqu’Erin fut face à son dos, le choc de leur rencontre s’estompa, et elle remarqua d’étranges coutures autour des épaules et du cou d’Octavia, coutures rendues d’autant plus visibles par son débardeur.

“Hmm… voyons voir. Il y en a vraiment pas mal. Et elles sont grosses, aussi ; intactes. Oui, je peux te faire un super prix. Disons que je te donne cinq pièces d’or la jarre, et je rajoute deux de mes potions de stamina maison. C’est une excellente affaire et je rajoute une réduction de 15% sur n’importe lequel de tes achats. Qu’en penses-tu ? De plus, je peux te faire une super affaire sur le miel !”

Erin cligna des yeux. Elle leva la main.

“Hum. Je n’ai pas besoin de potions.”

“Tu en es sûre ? Si tu n’as pas besoin de potions de stamina, pourquoi pas une potion de soin ? Tout le monde a besoin de ça, même lorsqu’on a le boulot le plus sûr au monde. Écoute… j’ai quelques potions de basse efficacité juste là, parfaites pour les égratignures occasionnelles ou les bleus. Je te les échange pour… disons la moitié du poids de cette jarre ? Tu peux te refaire le prix du marché de tes abeilles voire doubler ou tripler le prix avec un peu d’huile de coude au marché, facile.”

Erin hésita de nouveau. Une partie d’elle voulait dire ‘oui’, mais elle n’était pas vraiment sûre de savoir ce qu’on lui offrait.

“Ça a l’air bien, en effet. Mais non merci. Pourquoi les appelle-t-on des Abeilles Brûlecendres ?”

“Une cliente difficile, hein ?”

Octavia n’avait pas l’air d’être entièrement avec Erin. Elle se mit à parler de plus en plus vite en sortant des potions de ses étagères.

“Je ne suis pas complètement au top niveau finances, mais que dirais-tu de quelques-unes de mes dernières inventions ? Je les appelle les potions au poivre. Quelques gouttes dans l’œil et ton ennemi devient aveugle. Elles vont cartonner, j’en suis sûre, et je te les cèderais pour pratiquement rien - j’allais les utiliser pour remplir une commande, mais je peux en faire d’autres et j’ajoute aussi quelques potions de mana et de stamina - un set complet. Même si tu n’en as pas besoin, elles vaudront une fortune, qu’en dis-tu ?”

“O…”

Erin se mordit la langue. Elle voulait ces potions, à présent. Elle pourrait les vendre dans son auberge ! Mais elle avait davantage besoin d’argent en ce moment. Elle s’éclaircit la gorge, mal à l’aise.

“Je ne fais pas vraiment de sport. Et je ne me bats pas, donc meh. Les abeilles ? Pourquoi les appelle-t-on comme ça ?”

“Les abeilles ?”

Pour la première fois, Octavia marqua une pause, et regarda Erin d’un drôle d’air.

“Quoi, les abeilles ? Tu veux faire un échange ? Je te débarrasserai de quelques spécimens si tu veux bien faire un échange. Ou...”

Erin haussa la voix et interrompit la jeune femme.

“Les Abeilles Brûlecendres. Pourquoi les appelle-t-on comme ça ?”

Là encore, Octavia cligna des yeux. Puis elle se frappa le front.

“Les abeilles ! Bien sûr. Eh bien, les Abeilles Brûlecendres - excellente qualité et parfaitement intacte sauf ces deux-là, d’ailleurs, il faudra que tu me dises quel aventurier les as ramassées - sont connues pour leur capacité à résister à la chaleur, et la façon dont elles peuvent démarrer des feux lorsqu’elles se rassemblent. Pas tant que ça en hiver, mais au printemps, fais attention ! Elles ont déjà brûlé des forêts entières et elles sont plutôt dangereuses, ce qui en fait des grosses cibles pour les aventuriers. Par conséquent, j’en vois rarement autant au même endroit, mais là encore, je veux bien faire n’importe quel échange si tu v…”

“Est-ce que leur miel possède des propriétés particulières ?”

“Leur miel ?”

Octavia écarquilla les yeux en voyant la jarre pleine qu’Erin avait sortie de son sac. Elle disparut avant même qu’Erin ait réussi à cligner des yeux.

“Du miel d’Abeille Brûlecendre ? Eh bien, ce n’est pas le meilleur réactif, mais je le vois bien agir comme une base puissante bien que bien sûr ce ne soit pas confirmé comme il n’y a pas vraiment de raison d’utiliser ça alors que c’est si cher… j’imagine que je pourrais te proposer une excellente affaire immédiatement sans que tu n’aies besoin d’aller chercher un marchand. Dis-moi ton prix et je ferai en sorte que tu obtiennes la meilleure affaire tout de suite. D’ailleurs, laisse-moi t’apporter un siège.”

La fille aux coutures essaya à la fois d’empêcher Erin de partir ou de récupérer ses jarres tout en cherchant un endroit pour qu’elle s’asseye. Erin était pour sa part tellement médusée et confuse qu’elle finit par s’asseoir sur un tabouret tandis qu’Octavia essayait de lui proposer un nouveau marché.

“D’accord, tu as clairement de la bonne marchandise et je serais ravie de t’en débarrasser. Je t’offre donc immédiatement mon meilleur produit, qui est une potion de vitesse de haute qualité que je viens de développer. Elle a quelques effets secondaires mineurs, mais je pense que tu seras d’accord pour dire que le compromis vaut le coup pour la rapidité qu’elle confère.”

Elle attrapa une étrange potion - jaune avec des paillettes bleues tourbillonnantes - et la colla sur le visage d’Erin. Le ballet de couleurs était hypnotisant et Octavia poursuivit sans reprendre son souffle.

“Je pense que tu remarqueras le mélange ici et les réactifs témoins non absorbés. C’est une potion rare - n’importe quel aventurier Argent en voudrait une. Je peux te donner ça et la moitié de mon stock de…”

“Nah, je n’en veux pas. Hey, est-ce que tu crois que ces abeilles sont magiques, ou est-ce que c’est juste une particularité biologique qui les rend si grosses ?”

Octavia marqua de nouveau une pause. Erin la regarda d’un air innocent et se mit à poser toutes les questions auxquelles elle avait réfléchi.

“Tu vois, je ne m’y connais vraiment pas en abeilles… mais je me suis dit qu’on pouvait utiliser le miel et peut-être quelques potions de mana pour faire quelque chose de cool. D’ailleurs, je voulais juste savoir su les potions de mana rendaient la nourriture… magique. Parce que et si on les ajoutait à de l’alcool ? Est-ce que ça fait simplement de l’alcool au mana ? Ou est-ce qu’il se passe quelque chose d’autre ? Est-ce qu’on peut ajouter des potions à des trucs magiques pour en renforcer les effets ?”

“Hum… eh bien c’est une question très intéressante. Je vais devoir émettre des hypothèses…”

Octavia hésita. Elle regarda Erin.

“On parle de quel type d’ingrédient, là ? Une espèce d’excrétion magique ?”

Erin secoua la tête.

“Non, j’ai des fleurs de fées, vois-tu. Lorsque j’en rajoute dans de la bière, cela crée ces espèces d’hallucinations bizarres, parfois… si j’en rajoute trop, on voir des choses.”

“Des fleurs de fées ?”

La manière dont les yeux de la fille se mirent à pétiller fut déconcertante. En un instant, Octavia se retrouva à faire les cent pas autour d’Erin, en parlant à toute vitesse.

“Je suis tellement désolée, l’erreur est pour moi. Je n’avais pas compris que tu étais une [Alchimiste] toi aussi… eh bien, je n’ai jamais entendu parler de ‘fleurs de fées’, mais j’imagine que les termes ne sont pas les mêmes d’un endroit à l’autre… est-ce que ce sont des espèces de champignons ? Bien sûr, j’adorerais discuter de leurs effets, mais si nous parlons expérimentations alors que suis sure que nous pouvons trouver un accord.”

Elle courut pratiquement jusqu’à ses étagères et se mit à en sortir des ingrédients. Erin regarda fixement ce qui ressemblait à une langue de vache flottant dans un liquide vert et une poignée de feuilles violettes pendant qu’Octavia tentait sans relâche de conclure un marché, qu’importe le marché.

“J’ai une belle collection d’ingrédients rares et je serais ravie de t’assister. D’où viens-tu ? Esthelm ? Galles ? Plus loin que ça ? Je suis honorée que tu aies choisi mon échoppe en premier - je ne suis peut-être pas l’[Alchimiste] la plus haut niveau de la région, mais crois-moi, mes expériences ont déjà mené à plusieurs nouvelles innovations. J’ai trouvé une merveilleuse nouvelle manière de faire des sacs à fumée, et tu ne vas pas croire ce que j’ai réussi à développer pour l’autodéfense. Certes, la Garde m’a interdit d’utiliser la potion puante en ville mais… quel type d’alchimie as-tu dit que tu pratiquais ?”

“Huh.”

Erin avait mal au cerveau. Mais Octavia la regardait avec une telle intensité qu’Erin chercha une réponse.

“Je ne suis pas une [Alchimiste].”

“Oh, alors tu n’es qu’une amatrice intéressée ? Aventurière ? Marchande ? Si tu cherches quelqu’un pour faire des expérimentations, tu es venue au bon endroit.”

“Je, euh, ne suis rien de tout cela. Et je ne veux pas faire de potions. Je veux faire de la nourriture. Je suis [Aubergiste].”

“Eh bien, je crois que nous pouvons nous associer pour faire des choses grandioses, toutes les deux. Je pense qu’une petite avance de ta part aiderait si nous utilisons mon laboratoire, et bien sûr, si tu as d’autres ingrédients, je serais ravie de payer un Coursier de Ville pour les importer…”

Octavia s’interrompit. Elle marqua une pause, puis tourna lentement la tête pour dévisager Erin, le premier moment non hyperactif qu’Erin l’avait vue avoir.

“Qu’est-ce que tu viens de dire ?”

Note d’EllieVia : Mille excuses pour le chapitre manquant mercredi dernier, j’étais en plein déménagement et ça a été mouvementé ! Bonne lecture Smile
 
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2.45 - Première Partie
Traduit par EllieVia

Pendant qu’Erin Solstice s’asseyait dans une pièce chaleureuse au sein de la ville de Celum en compagnie de l’[Alchimiste] répondant au nom d’Octavia, une autre fille courait dans la neige, loin au sud. Elle courait depuis longtemps - bien avant le réveil d’Erin, en réalité, mais elle courait avec un abandon sauvage.

La plupart des coursiers conservaient leur énergie ; ils gardaient un rythme mesuré et réfléchissaient aux distances qu’ils s’apprêtaient à parcourir, faisaient attention, restaient prudents. Ils traitaient leurs corps comme des ressources finies. Mais Ryoka Griffin courait comme si les dix minutes suivantes n’existeraient pas, sans parler de demain. Elle ne pensait à rien d’autre qu’à la foulée suivante ; ses pieds ensanglantés brûlaient la neige tandis qu’elle courait vers le nord sur la route glacée provenant de Liscor.

Elle avait déjà connu la douleur. Elle l’avait sentie dans son cœur, dans ses membres fragiles et lors de milliers de courses et de compétitions et de blessures. Mais à présent, l’agonie qui serrait son cœur réduisait au silence le tonnerre pressant et mordant dans ses jambes et sa poitrine. Elle devait poursuivre sa course. Elle devait arriver à temps.

Elle courut vers le nord, la respiration hachée. Elle ignora le groupe de Gobelins qui la repérèrent et la poursuivirent pendant quelques foulées. Elle ignora les gens sur la route ; les marchands et même les groupes d’aventuriers qui la hélèrent. Elle courut, avec un seul objectif en tête.

Éviter d’arriver trop tard.


***

Plus jamais. Je le jure. Plus jamais, je l’ai juré.

Encore et encore, j’ai redit les mêmes choses, fait les mêmes promesses. Mes vœux brisés jonchent mon passé, et les morts me griffent les talons. J’ai l’impression de marcher en rond ; de répéter la même histoire à l’infini.

Je ne peux m’en libérer. Je ne peux l’arrêter. Je me fais des amis puis je les perds. Non ; jusqu’alors, je n’avais pas d’amis. J’étais seule, à enfoncer le clou dans ma peau, à attendre que ma peau s’infecte et pourrisse. Je me jetais tête baissée dans les défis et envoyait tout valser au vent parce qu’il n’y avait rien qui vaille la peine de s’y accrocher.

Ou du moins, dans ma tête. Mais lorsque j’ai fini par lever les yeux et voir ce qui valait la peine de s’accrocher, cela m’a filé entre les doigts comme la lumière des étoiles devant la lumière crue de la vérité.

J’ai couru pour mes amis et n’ai retrouvé que du sang et des os. Des piles de chiffons ensanglantés dans les ténèbres. Des souvenirs dans les ombres. On dirait à peine qu’ils sont partis. L’absence d’au revoir me hante.

Je suis tombée et la Tribu des Lances de Pierre m’a soulevée hors du froid. Ils m’ont tendu la main - la patte - et allumé un feu pour éloigner le froid. Ils sont morts face au destin et aux monstres, se sont battus seuls contre une horde menée par le Gobelin aux yeux vides.

Et une dernière fois, oui, une dernière fois, je cours. De l’avant, pour sauver une amie qui a créé un endroit où vivre dans un monde rempli de monstres et de magie. Elle a bâti un endroit où garder mon cœur, et j’ai mené la mort à sa porte.

Est-ce mon destin ? Est-ce le prix que je paie ? Ce serait le destin le plus cruel qui soit. Si la destinée pouvait lire mon esprit, elle saurait que punir les autres pour mes transgressions serait ce qui me ferait le plus mal. Si c’est le cas, pourquoi ne devrais-je pas courir loin, très loin et trouver un lieu où je serais seule à jamais ?

J’ai tenté de le faire une fois. Mais ceux qui m’aimaient m’ont trouvée. Je l’ai tenté une deuxième fois, et ils m’ont ramenée. Était-ce vraiment de l’amour, ou juste le besoin d’accomplir leur devoir de parents et de gardiens dans une société prompte à juger ?

J’aurais dû le leur demander, même s’il avait fallu entendre des mensonges en réponse.

….

Il ne me reste qu’une carte à jouer. Ma main est presque vide. J’avais cru avoir une main pleine de cartes, mais chacune s’est envolée dans un ciel empli de regrets.  Parfois, la nuit, je me retrouve au sommet d’une colline où s’entassent des os jaunâtres et je me demande qui m’enterrera dans la terre sombre à ma mort.

J’en fais des cauchemars. Pas de mourir ; cela ne m’est jamais arrivé. Mais à présent, j’ai peur de survivre à tous ceux qui m’entourent.

Mes doigts me font mal. Mes poumons me font mal. Mes pieds…

À un moment donné, je crois que j’ai décidé que les bottes que j’avais me ralentissaient trop. Je les ai jetées avec mon manteau, mon bonnet et tout le reste à peu près au même moment. Je cours dans la neige. Mes pieds brûlent de froid ; une douleur terrible semblable à des aiguilles dans ma peau qui tend vers l’engourdissement. L’engelure guette, une sombre petite créature tenant serré l’oubli entre ses griffes.

Je m’en fous. Je cours, aussi vite que je le peux. Je ne me souviens même plus depuis combien de temps. Je savais qu’il fallait que je me rende immédiatement chez Teriarch ; mais il me faudra encore une journée au moins de course pour y arriver.

Trop lente. Je vais peut-être mourir avant de l’atteindre. Tant de choses peuvent arriver. Mais il faut que je coure le plus vite possible.

Si Erin est morte, alors je suis vraiment perdue.

Comment puis-je être sûre qu’elle a vraiment des ennuis ? Je n’en sais rien. Elle a pu vagabonder et ne pas rentrer immédiatement.

Elle est peut-être morte.

Il peut y avoir mille et une raisons et aucune à la fois. Mais en y réfléchissant, la terreur me saisit. Quand ai-je jamais… ? Je n’ai jamais eu aussi peur. De rien. Mais l’idée de perdre quelqu’un d’autre me fait encore accélérer le rythme.

Courir seule dans la neige, passer en coup de vent devant les gens sur la route qui me dévisagent, surpris. Courir, courir.

Mais elles me suivent malgré tout. J’imagine donc que je ne suis pas seule.


“Est-ce qu’elle essaie d’aller vite ?”

“Je crois que oui ! Mais elle est si lente, n’est-ce pas, mes sœurs ?”

“Oui, si lente ! Lente comme la sève qui goutte et la glace qui fond.”





Je serre les dents. Mais elles sont avec moi, comme toujours. Je tourne la tête à gauche et vois une fée voler paresseusement à mes côtés. Elle se moque de moi.



“Et ça souffle, et ça souffle. Tu crois que ça t’aide ?”



“Où. Est. Erin ?”

La fée me dévisage. Je soutiens son regard. Pour une fois, c’est une compétition que je ne peux pas gagner. Au bout de quelques secondes, je regarde de nouveau la route, juste à temps pour éviter une grosse pierre.



“Humaine. Ne nous as-tu donc pas entendues la dernière centaine de fois où nous te l’avons dit ? Nous n’interférons pas dans les affaires mortelles.”




“Menteuse.”

La fée fait un salto et me dévisage.




“Mmh. Certes. Mais nous ne brisons pas si aisément nos vœux.”






“Vous les avez brisés une fois pour Mrsha et moi. Dites-moi simplement si Erin va bien.”






Et pourquoi ferions-nous cela ?“”






Ne craque pas. Ne crie pas. Je prends une grande inspiration et sens le goût du sang lorsque l’air glacé s’engouffre dans mes poumons.

“Vous vous en fichez ? Elle vous a fait à manger. Elle vous aime.”




“Elle reste une mortelle. Une parmi un nombre incalculable. Pourquoi aurait-elle la moindre importance ?”





“Elle m’importe, à moi.”




“Et alors ?”






C’en est trop. Je m’arrête dans la neige, ralentissant en essayant de ne pas tomber lorsque je me mets à déraper. Je regarde mes pieds dans la neige et remarque à présent que j’ai laissé une trace derrière moi. Je lève un pied et vois de la chair rose et rouge. Du sang se met à couler des coupures blanc-rouge sur mes pieds, mais lentement. Le froid rend même une hémorragie compliquée.






“Ooh, elle saigne !”





Quelques fées qui volettent autour de moi se rapprochent. J’essaie de les chasser, mais elles se contentent de voler autour de ma jambe en me faisant des grimaces. Je les dévisage.

“Aidez-moi. Si vous ne voulez pas m’aider à trouver Erin, aidez-moi à atteindre plus rapidement ma destination. Je sais que vous en êtes capables.”

Je me souviens encore du vent autour de moi, du froid au creux de mes os, et de la sensation… de voler. La nuit où j’ai traversé l’armée Gobeline en courant pour nous mettre en sécurité grâce aux fées - quelle distance avais-je alors parcourue ? Chaque pas me donnait l’impression de courir dans l’éternité. Le monde autour de moi paraissait figé et j’avais eu le sentiment de comprendre la course comme je ne l’avais jamais comprise auparavant.

J’ai besoin de la même chose à présent. Erin est peut-être blessée, trahie par son maudit squelette. Ou peut-être qu’il n’a pas été de taille face à un monstre qui l’a tuée. Ou peut-être a-t-elle eu un accident de traîneau…

Erin gît à terre. Le sang qui coule de sa tête rougit la neige. Elle cherche son squelette du regard, et l’appelle. J’entends un grondement, puis un Loup Carnassier s’approche d’elle. Il la renifle puis la mord, engouffrant sa tête dans son énorme gueule. Bien qu’étouffé, j’entends un cri…


Je frissonne. Mes rêves ressemblaient à cela cette nuit. Je ne cesse de voir…

Il faut que je coure plus vite. Je regarde les fées. Elles flottent autour de moi, me regardant avec un mélange de scepticisme et d’incrédulité. L’une d’elle se rapproche de mon visage.



“Tu quémandes une faveur sans rien à nous offrir en échange ? Nay, tu nous supplie d’altérer la destinée ? N’as-tu donc aucune honte ?”



“Je ne connais plus la honte.”

Je croise fermement son regard. La fée secoue la tête.




“Rien n’est gratuit. Nous ne sommes pas des dieux ! Ce destin qui t’effraie, il est de ton devoir de le changer, mortelle.”




“Mon nom est Ryoka Griffin.”

Elle me regarde bizarrement.




“Poussière que cela.”


:
“Elle vous a nourries. Elle a bâti son auberge avec du cuivre pour vous faire plaisir ! Elle est la seule putain de personne dans ce monde qui vaille la peine d’être sauvée ! N’en avez-vous donc rien à foutre ?”

Je leur hurle dessus. Les fées flottent dans l’air glacé, et je le sens devenir encore plus froid. Je ne sens plus vraiment mes pieds. Mais je ne détourne pas le regard.

Cette fois-ci, le timbre aigu a disparu. La voix qui surgit du corps de diamant étincelant est plus grave, et elle résonne. Quelque chose d’autre a pris la parole. Ou peut-être s’agit-il de la véritable forme de la fée qui ni moi, ni Erin ne pouvons voir.





“Nous nous en soucions. Prends garde à ce que tu dis, mortelle. Nous nous en soucions. Nous nous en soucions comme de la pluie qui tombe et un nouveau bourgeon. Nous nous soucions de la brûlure du feu et des petits êtres pris dans les orages et les crocs. Nous nous soucions de la terre qui disparaît et du soupir de la brise à l’agonie. Nous nous en soucions.”

“Donc arrête de poser la question !







Une boule de neige m’atteint en pleine figure. Elle contient des morceaux de glace qui me coupent et me brûlent. J’essuie la neige et sens mon sang couler. Autour de moi, les fées flottent. Observent.

“Je sais qu’il y a des règles. Je sais que la destinée nous fait payer chacun de nos actes. Mais si telle est la nature du monde, pourquoi ne pas tricher ? Pourquoi ne pas… enfreindre les règles et agir sans se soucier des conséquences ? Je parie que vous en êtes capables.”

Regards méprisants. L’une des fées se rapproche de moi. Je crois que je la reconnais. Je crois que c’est à elle que je parle le plus souvent. Elle ressemble aux autres, mais…

Elle me tape sur le nez et tout devient glacé pendant un instant. Je titube en arrière et plaque mes mains sur mon visage. Elle secoue la tête.





“Tu ne connais vraiment rien, pas vrai ? N’as-tu jamais songé que nous avons nous aussi des ennemis ? N’as-tu jamais pensé que les règles existaient pour une bonne raison ? Tu n’imaginerais même pas en rêve la nature de ceux qui osent prendre les fées comme ennemies.”





“Et alors ?”

La fée cligne des yeux. Je tente de l’écarter de mon chemin et elle passe par-dessus ma main avec paresse. Elle n’a pas l’air offensée. Je souffle bruyamment par la bouche ; mon nez est tout engourdi.

“Quel est l’intérêt des règles si on ne peut rien faire ? Si… si votre version de la morale ne considère pas que les humains sont importants, alors elle est mal foutue. Si c’est ce que vous pensez vraiment, vous pouvez toutes aller en enfer en ce qui me concerne.”

Je lève mon majeur et fais un doigt d’honneur à toutes les fées autour de moi. Elles me dévisagent.

“Ça importe. Le présent importe. Si nous sommes tellement insignifiants et que vous ne pouvez rien faire, alors pourquoi me suivez-vous ?”

Les fées échangent un regard. Puis quatre autres descendent à la hauteur de la première fée. Elles prennent toutes la parole en même temps.

“Parce qu’on s’ennuie.”

“Parce que tu défie le destin.”

“Parce qu’il y a un grain de sable.”

“Parce que tu es prête à défier les Dieux.”

“Parce qu’on le peut.”








Je les dévisage.

“Alors aidez-moi. Vous ne pouvez pas vous contenter de regarde. Il y a un prix à payer, même pour l’audience.”

L’une des fées cligne des yeux. Les autres se grattent la tête.






“Vraiment ?”






Mon cœur bat de nouveau dans ma poitrine. Je l’entends, mais mon esprit va à toute allure. Je cherche des branches auxquelles me raccrocher.

“Bien sûr qu’il y en a un. L’audience n’est jamais silencieuse. Elle s’étonne, encourage ou hue les acteurs. Et parfois, elle aide. Parfois, elle change le cours de l’histoire.”





“Mmh. C’est vrai. Elle dit la vérité !”




Déclare l’une des fées. Les autres la frappent, et elle pousse un cri de douleur. La deuxième fée me fusille du regard.




“Tu as déjà demandé beaucoup. Beaucoup trop ! Si nous faisons tout à ta place, quel est ton rôle ?”




Elle a raison. Je la contemple. J’ai beaucoup demandé leur aide. J’aurais dû me charger de tout toute seule.

Sans un mot, je me remets à courir. Quelque chose hurle dans mon corps, et je jurerais sentir des choses se briser... se relâcher avec un claquement sec dans mes jambes. Mais je continue tout de même de courir.

Plus vite. Il faut que je coure…

Une fée vole à mes côtés. La même qu’avant. Elle me regarde.




“Tu es vraiment lente, tu sais.”





“Je sais.”

Je ferme les yeux. C’était la seule chose dont j’étais fière. Mais c’est vrai.

“Je sais.”

Un peu plus vite. J’active mes bras, et mes pieds poussent sur le sol. Je ne les sens pas vraiment. Mais quelle importance ?

C’est peut-être ma dernière chance.



Erin recule face à un squelette armé d’une épée. Il lui sourit, ses orbites vides s’éclairant d’une lueur de vie violette. Elle lève les bras, mais il la transperce. Des bulles de sang moussent autour de sa bouche et elle attrape le squelette. Il retire l’épée et des morceaux d’elle ressortent avec. Il lève lentement la lame dégoulinante et…


Plus vite. Je halète, je pleure, je coure. Pour une fois, s’il vous plaît. S’il vous plaît, Dieu, ou quiconque m’écoute. Laissez-moi seulement sauver une personne de plus.

Je l’ai fait une fois. Mrsha. J’ai payé un prix. Je le referais. Qu’importe ce qu’il me faut abandonner. Des Fées et des Dragons. Immortels. Je leur offre ce qu’il faudra.

Mais comment ? Je connais quelqu’un capable de la trouver. Mais comment puis-je le convaincre de m’aider ?

C’est comme si une part de moi hurlait, courait avec un millier d’émotions dans mon cœur. Mais l’autre part de moi reste assise en silence, et écoute le bruit du vent. Cette autre Ryoka en moi réfléchit. Même si je parviens à atteindre Teriarch à temps, comment le convaincre ?

Il est fier. C’est un Dragon. Je ne suis rien. Il peut effacer mes souvenirs ou me tuer en un instant. Que pourrais-je lui offrir ?

Réfléchis. Dragons. Vieux. Immortels. Hors du temps. Fierté ?

Non. Avidité ? Sagesse ? Le désir des immortels, c’est… que peut désirer un Dragon ? Des vierges sur des pieux ? Des steaks de vache ? De l’argent ? Des artefacts magiques ?

C’est impossible. Mais il faut que je trouve quelque chose. Quelque chose qui tenterait même un Dragon ?

Quelque chose d’ancien. Les jeux les plus anciens. Quelque chose hors du temps. La fierté. Défier le Dragon. Sacrifier, prendre des risques. Une épée magique.

Je… vieux. Il est vieux. Et fier ? Oui. Il y a quelque chose, là.

Attends. Fierté. Épée magique. Magie ? Magie… les jeux les plus anciens ?

Attends.

Je crois que je sais ce qu’il faut que je fasse. Si je peux lui demander ça… c’était comment, déjà ? Une maison rouge. Posséder des chats ? Des poissons ?

Essaie de te souvenir. Cours de cryptologie. Collège. Il y a tellement longtemps. je peux les reconstruire. Réfléchis.

Mon esprit est embrumé. Je suis si fatiguée. Depuis combien de temps est-ce que je cours ? Où sont passées mes chaussures ? Je me sens engourdie. C’est mauvais signe. Mais je cours toujours. On dirait que cela fait plus d’une journée. Ou peut-être quelques heures ?

Cela n’a pas d’importance. Je sens le vent glacé toucher mes moignons à moitié guéris. J’ai déjà perdu quelque chose. Je n’ai pas perdu assez. Je donnerai le reste si cela signifie que je n’arriverai pas trop tard, pour une fois.

Il faut que j’arrive à temps.

Il fait tellement froid.






***





Loin au-dessus de la fille, les fées volent dans le ciel glacé. Elles la regardent en contrebas et réfléchissent à ce qu’elle leur a dit. Elles débattent dans un langage qu’aucun Humain ne pourrais jamais comprendre, et pensent à ce qui pourrait se passer, ce qui pourrait être.

Un vent léger se lève. Il pousse la fille, même si elle ne le sent pas. Ce n’est pas un vent qui touche la peau. Il la fait courir loin à travers la neige, et pourtant, d’une certaine façon, son chemin est moins long qu’avant. Elle parcoure la même distance, de la même manière, et pourtant le vent la fait arriver un peu plus vite que si elle avait couru seule. Voilà tout.

Les fées volent derrière elle, savourant la brise. Puis elles volent un peu plus haut, et l’une d’elles prend la parole. Elle déclame quelques vers au monde, aux autres, d’une voix haute et claire.





“Nous la voyons si souvent d’en haut qu’elle est comme la pluie

La chose dont rêvent les rois mais que possèdent les héros ;

Une fin ou le commencement de ces contes, en lesquels les mortels voient une malédiction.

Le droit de naissance de la tragédie ; une lueur d’espoir dans les ténèbres.

Comme les brins d’herbes écrasés par des pieds insouciants

Ainsi s’effondreront et se briseront

Les écheveaux des destins tissés

Sur cette terre.

Et pourtant, pour celle-là, l’étoile brille plus fort que jamais,

À la lueur des braises et à l’instant où le marteau s’abat.

Elle épellera son destin, à cette misérable enfant

Qui jouerait aux dés sur la table des mondes face aux Dieux.

Mais vite, poursuivons notre vol !

Pour témoigner des prémices d’une amitié.

Et faire jaillir de nouveau les plus anciennes histoires.

Oyez ! Car nous déclarons ainsi ces mots immortels.”








Le reste des fées se dévisagèrent. L’une d’entre elles prit la parole.




“Seigneur, que les êtres mortels peuvent être stupides !”




Elles s’envolèrent derrière Ryoka. Et en quelques temps, quelques heures, juste à temps, elle atteignit les Hautes Passes.




***




”Teriarch !”, cria la fille.

Le Dragon l’observa par magie, d’un œil entrouvert au strict minimum. Ses sorts l’avaient sortis de son sommeil, et à présent il contemplait la fille qui courait dans le chemin mortellement dangereux qui sinuait entre les montagnes.

En criant.

Il avait cru qu’elle était au moins partiellement intelligente. Ne savait-elle pas ce qu’elle pouvait attirer en criant ? Elle n’était même pas en train d’utiliser son atroce potion, cette fois-ci. Déjà les loups la suivaient, et les chèvres avaient commencé à descendre. Encore quelques foulées et elle réveillerait des créatures bien plus ténébreuses avec tout ce bruit.

Il soupira. Il n’était pas d’humeur à traiter avec des Humains aujourd’hui. Il s’était déjà fait harceler par les messages de Reinhart. Il voulait simplement dormir. Mais il avait envoyé quelque chose avec celle-là, n’est-ce pas ? Quelque chose d’important ?

Oh, oui, la lettre. Il y réfléchit un instant. Était-elle arrivée ? Teriarch songea à Perril Chandler. Oui, le mage causait des soucis, mais la lettre était une chose importante. Il lui fallait savoir si elle était bien arrivée.

Le Dragon grommela, mais la fille était en train de tituber. Et ces satanées fées étaient aussi avec elle. Mais il n’avait pas le choix.

Il s’étira, dit un mot. Un homme apparut dans la pièce ; une expression irritée sur le visage. Teriarch se concentra, et l’homme fit quelques pas. Là. Il paraissait normal, n’est-ce pas ? Teriarch eut une idée et regarda le mur de la caverne.

Ah oui. L’ombre. Il agita sa queue et son ombre disparut. Cela devrait suffire.

Il se retourna de nouveau pour regarder son image des hautes passes. Il ne pouvait pas se concentrer sur la fille ; son maudit nom ne marchait toujours pas. Mais il pouvait tout de même l’observer depuis le ciel. Il dit un autre mot. La fille du sort disparut, et elle se retrouva devant lui.

Elle tituba ; regarda autour d’elle, sous le choc. Les fées étaient déjà en train de l’assaillir de mots dans leurs petites voix aigues qui lui faisaient mal aux oreilles. Teriarch grommela et dit un autre mot. Les immortelles voletantes ne se figèrent pas, mais la fille, si. C’était déjà ça.

Teriarch s’éclaircit la gorge. Sous lui, la copie magique fit de même. Il vit sa représentation Humaine lever la main pour jeter le prochain sort.

Il lui suffisait de dire quelques mots. Teriarch ne savait pas comment s’appelait le sort dans le système magique utilisé par les Humains. [Grand Geis] était probablement suffisamment similaire ; il doutait que la fille croise un jour un mage capable de jeter le même sort.

Le Dragon prit une inspiration. Il lui suffisait de dire ces mots. Ensuite, il pourrait lui poser toutes les questions qu’il souhaitait. Elle serait incapable de rejeter sa magie s’il usait de davantage de force. Il lui suffisait de faire cela.

Mais le Dragon sentit alors le sang. L’odeur était tellement ténue, au début, presque masquée par l’odeur des fae et de la neige et de la sueur et de la glace. Et il avait l’habitude de sentir l’odeur du sang émaner des choses dans les Hautes Passes. Mais ce sang était frais, et proche.

Teriarch contempla la fille. Du sang s’accumulait autour de ses pieds, ruisselant dans la chaleur de sa caverne. Il coulait de ses pieds, mais il ne voyait aucune blessure sur son corps. Il regarda fixement ses pieds.

Deux mots. il lui suffisait de les dire. Mais Teriarch hésita, et c’est ce qui fit la différence. C’était un détail tellement infime. Mais cela voulait dire…

Cela voulait tout dire.







***






“Tes pieds.”

Je dévisage le vieil homme, incapable de bouger. Je me jette à corps perdu contre le sort qui me retiens, j’essaie de bouger n’importe lequel de mes muscles. Bon sang, je relâcherais même mes intestins si cela me permettait d’attirer son attention. Mais le sort d’immobilisation gèle même ces muscles-là.

Je ne peux pas le laisser me renvoyer. Il faut que je résiste à tout ce qu’il me fait. Je dois résister. Ne te déconcentre pas. N’abandonne pas. Ne…

“Qu’est-il arrivé à tes pieds ?”

Je cligne des yeux. Je peux de nouveau bouger. Je baisse les yeux sur mes pieds et vois le sang.

“Oh.”

Il y en a beaucoup. Il tache le marbre parfait et luxueux du sol. Je lève le pied et le regarde, lentement.

Détruit. La chair a été arrachée. Je regarde fixement les plantes de mes pieds et essaie de me souvenir à quoi elles étaient censées ressembler. Mes pieds ont toujours été couverts de cals, et Maman disait toujours qu’ils étaient affreusement laids. Mais à présent…

“Hah.”

Ce n’est pas exactement un rire. Je me contente de regarder ce qui avait été mes plantes de pieds avant de hausser les épaules. Je me tourne vers Teriarch. Le vieil homme contemple mes pieds. Son air hautain a disparu.

“C’est sans importance.”

Il me dévisage d’un air surpris. Je me contente de soutenir son regard. Ils n’ont vraiment pas d’importance. Pas en ce moment. Mais il secoue la tête.

“Suffit. [Réparer].”

Il pointe mes pieds du doigt, et je sens une décharge électrique me parcourir l’échine. On dirait qu’une lumière vive traverse mon corps. Si la lumière pouvait être une sensation…

Soudain, le terrible engourdissement dans mes pieds et mes jambes disparait. Je sens la douleur, puis plus rien. J’agite mes orteils, comme j’en suis capable à présent que la sensation a disparu.

Je cligne des yeux. Deux fois. Mes orteils pataugent dans le sang autour de mes pieds. Teriarch dit un mot, et le sang se met à ruisseler.

Je me retourne et vois le sang ruisseler au loin, en direction de l’entrée de la caverne. Une fée éclate de rire et le prend en chasse.

“Là. Je te prie de ne plus faire de trace… de ne plus saigner dans mon domaine.”

Cette fois-ci, je regarde Teriarch et réalise à quel point j’étais gelée et épuisée. À présent, j’ai l’impression de réfléchir à toute allure. Non… cela fait des années que je ne me suis pas sentie aussi bien. Quel genre de magie est-ce donc là ?

Non. Concentre-toi. Devant moi se tient un Dragon. Souviens-t ’en.

Mais à présent que je suis devant lui, le vieil homme paraît bien plus réel que mes croyances sur les Dragons. Sa simple vue entame ma confiance en mes souvenirs. Je m’en souviens clairement mais il est…

Il est beau, okay ? Genre, vraiment beau*.

* Comme le genre de personne qu’on aimerait pouvoir être. Comme un modèle, quelqu’un à imiter. Même s’il s’agit d’une illusion, c’est de l’art à part entière. Il me fait me souvenir de mes imperfections.

Mais il faut que je me concentre. Erin.

Penser à elle était le choc dont j’avais besoin. Je cligne des yeux et serre les dents tellement fort que mes gencives me font mal. Teriarch me contemple en silence pendant quelques instants. Par où commencer ?

“Eh bien, je dois te féliciter pour ta ponctualité, j’imagine. Tu as mis plus de temps que ce que j’avais espéré, mais tu es clairement dévouée à tes devoirs.”

Je le regarde fixement. Quoi ? De quoi parle…

Oh. C’est vrai. La lettre. Je m’en souvenais à peine.

Le Teriarch humain pousse un soupir. Il agite une main et un sac apparaît. Des pièces d’or apparaissent dans les airs et tombent à l’intérieur. Beaucoup de pièces pour un si petit sac*.

*Un sac sans fond ? Non… concentre-toi. Pourquoi est-ce que je me sens si… si distraite ? J’étais… est-ce que j’étais déprimée ? Est-ce que ce sort vient de normaliser la chimie de mon cerveau ou quelque chose dans le genre ? Concentre-toi, Ryoka**.

**Mais j’ai envie de sourire. J’ai envie de rire. Qu’est-ce que… je me sens tellement bien. Qu’est-ce que c’est ? Je le prends, qu’importe ce que c’est. Je peux le faire.

Le vieil homme agite la main et le sac flotte jusqu’à moi. Il me regarde droit dans les yeux, et ses yeux hétérochromatiques sont hypnotisants.

“Dis la vérité… messagère.”

Est-ce qu’il vient d’oublier mon nom ? Teriarch s’éclaircit la gorge.

“Je suppose que tu as accompli ma quête et livré l’anneau et la lettre à Perril Chandler ?”

“En effet.”

Il hoche la tête.

“A-t-il répondu quoi que ce soit ? J’en doute, mais l’homme peut me surprendre.”

“Non. Il… a lu la lettre et dit qu’il s’agissait d’un cadeau approprié.”

Tout en créant une monstruosité horrifiante au-dessus de ma tête. Ne mentionne pas ça ! Dis simplement la vérité. Mais une demi-vérité. Ouais.

Teriarch paraît vaguement satisfait. Il hoche la tête, puis agite ses doigts.

“Eh bien, cela a nécessité un peu de réflexion. Et avec ça, je devrais être tranquille pour encore un siècle… bon sang, et Reinhart ? Hmm…”

À moins que Magnolia ne soit plus vieille que je ne le croyais, Teriarch est vraiment du genre à prévoir les choses à l’avance, bien plus que les humains. Et il est diablement optimiste, aussi, à moins que les humains d’ici ne vivent plus longtemps que ceux de notre monde.

Mais alors, le vieil homme qui fait mine d’être un mage se tourne vers moi, et ma colonne vertébrale se redresse. Ce n’est pas un sort, je suis juste tendue. Il faut que je parle. J’ouvre la bouche, mais le sac vole alors jusqu’à moi. Je l’attrape par réflexe.

“Là. Huit cents pièces d’or, comme promis. Je pense qu’elles te seront bien utiles. À présent, je vais te renvoyer dans ta ville, ou ton taudis, ou bien où tu voudras.”

Il agite la main puis hésite.

“Ah. [Ouvrir Portail] ?”

Est-ce qu’il vient juste de faire de la magie sans jeter de sort ? La magie miroitante des particules d’or qui se sont mises à tourbillonner autour de moi a commencé avant qu’il ne prononce ces mots. Mais cela n’a pas d’importance.

“Attendez !”

Il paraît irrité.

“Qu’y a-t-il, encore ? Je ne renégocierai pas…”

Est-ce que c’est vraiment le moment ? Non, pas le temps d’hésiter. Je pointe Teriarch du doigt, droit sur sa poitrine.

“Vous… vous êtes un Dragon, n’est-ce pas.”

Il se fige. L’air se fige. Pendant un bref instant, le monde plonge dans le sil…



“Ooh ! Elle l’a dit !”

“Chut ! Silence !





Les voix viennent d’au-dessus de nos têtes. Je n’y prête pas vraiment d’attention, toutefois. Et, apparemment, Teriarch non plus. Il me dévisage. Enfin, il s’éclaircit la gorge.

“Un Dragon ? Quoi ? Tu dois être… Je ne suis pas un Dragon. Tu dois te tromper.”

Bon sang… il est nul en mensonges ! Je le dévisage. Il soutient mon regard.

“Ne me mentez pas. Je sais que vous êtes un Dragon.”

“Je ne suis pas un Dragon. Tu te trompes. Je suis, euh, un [Archimage]. Tu as dû confondre ma noblesse pour celle d’un Dragon…  je ne sais comment.”

“Je sais que vous m’avez jeté une espèce de sort mémoriel. Il s’est brisé et je me suis souvenue. Vous. Êtes. Un. Dragon.”

Le vieil homme fronce ses sourcils blancs.

“C’est impossible ! Aucune Humaine ne serait capable de… attends une minute. Est-ce que Magnolia s’en est mêlée ? Est-ce que c’est encore une de ses… blagues ?”

“Un Courrier possédait une puissante amulette. Elle a brisé l’enchantement que vous m’aviez jeté.”

“Un Courrier ? L’un d’entre eux possédait… mais mes sorts… est-ce que c’était une magie appliquée directement, ou une espèce de sort scellé non renouvelable ? J’imagine qu’il est possible que ma magie ait été être compromise par un sort entrelacé…”

Le vieil homme se met à marmonner. Là encore, je suis un peu décontenancée. Il a l’air grognon, à présent, ce qui ne fait pas très Dragon. Mais quelques secondes plus tard, le vieil homme se tourne vers moi. Merde. Il va me…

“Bref, dans tous les cas, tu te trompes. Je ne suis pas un Dragon. Je suis juste un…”

Teriarch écarquille les yeux lorsque mon poing vient s’écraser sur son nez parfait. C’était un sacré bon coup de poing ; je me suis avancée d’un pas pour lui asséner mon meilleur crochet. De la main gauche. Ma droite n’a pas récupéré ses doigts malgré le sort.

Je dois bien admettre que même si une partie de moi s’en veut de cogner quelqu’un qui semble avoir quatre fois mon âge, j’adore la sensation. Rajoutez-le sur ma tombe*.

*Ryoka Griffin, 1995 - 2017. ”N’a jamais su quand il fallait la fermer. A également cogné un Dragon.”

Le vieil homme recule en chancelant. Je cligne des yeux. Quoi ? Il lève une main à son nez et regarde le sang qui coule d’une de ses narines.

Oh non. Oh merde. Je n’ai pas… c’est un humain ? Mais j’avais cru…

“Hmf. Les Humains sont tellement violents.”

Puis le vieil homme qui me fait face vacille, puis disparaît. Le sang, l’odeur de son corps, même son aura, la sensation ténue que quelqu’un se tient là, tout disparaît en un instant.

Puis je vois le Dragon.

Il n’y a pas d’autre mots. C’est un Dragon. Que puis-je dire de plus ? Et pourtant, et pourtant… que ces mots sont insuffisants pour le décrire.

Un Dragon. Un wyrm. Un être d’écailles et de feu. Une créature immortelle ou du moins, ancienne dans la plupart des mythes. C’est un gros lézard avec des ailes, quand on y pense. Mais le voir en chair et en os n’a rien à voir avec cette simple description.

Le Dragon se prélasse dans la caverne caverneuse, un endroit où l’on pourrait facilement faire tenir un hangar d’aviation militaire, et donne tout de même l’impression d’être à l’étroit. Il s’étire, sa queue serpentine s’enroulant autour de quelques artefacts magiques empilés dans sa chambre. Il ne dort pas sur une montagne d’or à la mode Smaug - il est simplement allongé par terre, usant ses serres en guise d’oreiller.

Oui, il ressemble plus à un dragon décrit par la culture occidentale qu’orientale. Mais au lieu de cornes, il arbore une énorme crinière qui ressemble à du bronze fondu transformé on ne sait comment en crin vivant.

Oh, oui. Ses écailles sont couleur bronze. Un bronze profond - et que l’on soit clair, lorsque je parle de bronze, je ne parle pas de la couleur à laquelle les gens l’associent. Je parle de la couleur du bronze lorsqu’il a été parfaitement travaillé :

Doré.

Cette lumière. Oh, cette lumière. Le soleil lui-même pâlit devant cette couleur. La lumière ténue de la caverne se reflète sur ses écailles, conférant une étrange lueur à la grotte. Il brille à la lumière, et sa crinière est aussi lumineuse que le reste de son corps.

Et à présent, le Dragon - Teriarch lève la tête. Lorsque je l’ai vu pour la première fois, on aurait presque dit qu’il dormait, mais il se redresse à présent, et écarte légèrement ses ailes. Je recule d’un pas et lève la tête haut, très haut, et croise des yeux vairons qui me transperce jusqu’au cœur.

Voici le Dragon. Voici la véritable nature de Teriarch, que je peux enfin contempler. Il dépasse encore l’entendement. Nous possédons tellement de mots, mais lequel pourrait vraiment décrire ce que je vois ?

Serpent. Wyrm. Drake. Arach. Naga. Ormr. Tann…

Attends une seconde, j’ai déjà fait ça avant.

Je me libère du sortilège. Je l’ai déjà fait. Oui, j’ai déjà vu Teriarch. Et je pourrais le contempler à jamais, mais je n’ai pas le temps pour ça. Je m’éclaircis la gorge.

“Euh…”

"Humaine.”

Le mot fait vibrer mes os. La voix de Teriarch - sa véritable voix, fait trembler mon âme. Vous vous souvenez de cette histoire de relâchement d’intestins ? Je suis à un doigt de mettre cette menace en pratique.

Teriarch baisse sa gigantesque tête et il se retrouve soudain à six mètres de moi. Six mètres, mais sa tête… je suis figée sur place, comme une souris devant un chat. Ou à une souris devant un Boeing 747 embaumant le soufre. Lorsqu’il ouvre la gueule, une odeur de feu emplit mes narines.

“Ainsi donc, tu as découvert ma véritable forme. J’imagine qu’il me faut te féliciter. Mais sache ceci : tu as fait une erreur en n’emportant pas ce secret dans ta tombe. Je ne sais pas quel maigre trésor tu t’imaginais obtenir, mais sache que je ne me séparerai pas de la moindre fraction de ma richesse. Si tu es avisée, tu…”

“Je ne veux pas de trésor.”

Il marque une pause. J’emporterai avec moi l’image d’un Dragon décontenancé.

“Comment ?”

“Je ne veux pas de trésor. Je ne suis pas venue tenter de vous extorquer quelque chose. Je n’ai aucun désir de dire à qui que ce soit que vous êtes un Dragon.”

Silence. Les yeux gigantesques passent sur moi comme des feux de projecteurs.

“Oh.”

Il cligne des yeux. Bien qu’anodin, cela reste un geste terrifiant sur un être aussi gargantuesque

“Alors pourquoi es-tu venue ?”

Reste calme. Garde la tête froide. Il a beau être un Dragon, il reste Hu… ce n’est qu’un mort… il est, euh, probablement sur la même longueur d’onde émotionnelle que moi. En tout cas, cela semble être le cas depuis le début.

Je m’éclaircis nerveusement la gorge.

“J’ai… besoin d’aide.”

“Comment ?”

Un œil me dévisage. J’ai la bouche aussi sèche que le Sahara pendant une vague de chaleur, mais je reprends tout de même la parole.

“Mon amie a disparu. J’ai besoin de votre aide pour la retrouver. J’ai besoin de votre magie. Je vous demande - humblement - votre aide.”

Un long regard. Le Dragon se contente de me dévisager. Je veux dire, Teriarch se contente de me dévisager. Est-ce que c’est un truc de lézards ? Mon dos est déjà en nage, mais il détourne les yeux. Teriarch lève les yeux au plafond puis se met à marmonner dans sa barbe.

“D’abord Reinhart, et maintenant une Courrier lambda. Est-ce que j’ai vraiment l’air d’avoir le temps de… ?”

Il marmonne, mais venant d’un dragon, ses mots me sont clairement audibles. Teriarch paraît s’en rendre compte, parce qu’il se tait et me fusille du regard.

Il a l’air… grognon. L’énorme Dragon exhale un panache de fumée en me dévisageant.

“Pourquoi devrais-je gaspiller mes vastes pouvoirs pour toi ?”

Okay. C’est le moment d’avancer des arguments convaincants. Que je n’ai pas préparés. Devant un Dragon.

Je déglutis.

“Magnolia Reinhart connaît mon amie. Si Erin Solstice meurt, elle sera mécontente.”

Je ne peux dire que la vérité. Ou peut-être qu’il le sent? Est-ce qu’il m’a jeté un sort ? Mais c’est un peu vrai, non ? Erin en avait parlé. Ce n’est pas un mensonge, pas un mensonge, pas un mensonge…

Teriarch me dévisage.

“Et alors ? Les Humains ne sont jamais contents.”

Est-ce qu’il bluffe ? Prends-le au mot.

“Oh vraiment ?”

J’essaie de lui sourire, mais mes lèvres fonctionnent à peine. J’ai l’impression d’avoir fait une tête vraiment stupide, mais je poursuis.

“C’est une perspective intéressante. Souhaitez-vous que l’on discute avec Magnolia Reinhart pour lui expliquer que vous saviez qu’Erin allait mourir et que vous n’avez rien fait ? Je suis sûre qu’elle serait ravie.”

Sa paupière s’agite d’un tic. J’ai touché une corde sensible, ou du moins je n’étais pas loin.

“Reinhart n’a pas le pouvoir de me commander.”

Là, on dirait vraiment qu’il boude ! Je prends une grande inspiration. Le flatter. Les Dragons. La fierté. Tout ça.

“Je ne voulais pas vous offenser. C’est juste que mon amie est vraiment importante pour moi, et je sais qu’elle est également importante pour… Magnolia Reinhart. J’ai besoin de votre aide. Je ferais n’importe quoi pour cela.”

“Huh. Et que pourrais-tu bien m’apporter ?”

Teriarch recule et regarde quelque-chose au-dessus de moi. Quelque chose au plafond. Je lève aussi les yeux.

Oh merde. Les Fées de Givre volent au plafond en riant, puis elles poussent des cris aigus en s’apercevant que Teriarch les regarde. Elles n’ont pas du tout l’air intimidées, mais le Dragon a l’air en rogne.

“Hrm. Voyons voir. Tu viens ici, accompagnée de ces vermines, tu saignes deux fois dans ma caverne, me fais subir l’odeur de cette potion pestilentielle, m’extorque plus d’argent que tes services ne le valent, puis exige mon aide après avoir insinué que Reinhart me mène peut-être à la baguette ?”

Oh oh. Lorsqu’il le dit comme ça… oui, j’aurais peut-être dû y réfléchir à deux fois.

Et pour aggraver les chose, les fées ont l’air d’avoir compris qu’il faisait référence à elles. Quelques-unes tournent autour de la tête de Teriarch en poussant des cris perçants.




“Des vermines ! Ce ne sont pas nous, les vermines, espèce de sac d’écailles !”

“Nous n’avons pas peur de toi, vieux fou !”

“Exactement ! L’autre jour, nous avons massacré une nuée d’abeilles !”





”Disparaissez.”

Ce n’est qu’un mot, mais les fées s’enfuient à tire d’aile, paniquée. D’accord, la chaîne d’autorité locale a été établie. Je déglutis, et Teriarch baisse les yeux sur moi.

“Je sais que c’est présomptueux, mais…”

”Non.”

Le mot me fait chanceler. Mais je tiens bon. Non pas pour défendre ma propre dignité ; je crois que je me suis un peu fait dessus, là. Mais Erin…

“D’accord. Pas de faveur. Mais j’ai quand même besoin de votre aide.”

“Vraiment ?”

Il est en colère, à présent. Teriarch se lève pour la première fois depuis le début et bordel de merde qu’il est gigantesque. Il avance d’un pas vers moi et je tressaille. Il baisse encore sa tête jusqu’à ce que je puisse regarder droit dans ses naseaux. On dirait l’entrée d’un canon.

“Et pourquoi devrais-je m’empêcher d’effacer ton petit esprit et de te chasser de ma caverne où tu seras mise en pièces, Humaine ?”

Oui, il est en colère. Je déglutis, mais je n’ai plus de salive.

“Je… je vous défie, Teriarch. Je vous défie à un concours d’énigmes.”

Il cligne des yeux. Au-dessus de ma tête, les fées clignent des yeux. Je vois presque ses méninges s’activer.

Comment ?

C’était une idée stupide. Le genre d’idée stupide qui n’a pu me venir qu’en courant à toute vitesse dans la neige et le froid. Mais c’est tout ce que j’ai.

“Vous m’avez entendue. J’ai dit que je vous défiais. À un jeu. D’énigmes. C’est la coutume, non ?”

“Vraiment ?”






“Oui, vraiment !!”

“Le jeu ! Elle l’a défié à l’ancien jeu !”






Les fées crient en jubilant au-dessus de nos têtes. Teriarch et moi levons tous les deux les yeux.

“Vous… vous n’en avez jamais entendu parler ? Euh, des énigmes ? Vous ne… vous ne faites pas ça ?”

Teriarch prend l’air vexé.

“Eh bien, je suppose que j’ai déjà apprécié une ou deux énigmes. Mais est-ce que tu es en train d’insinuer que certains jouent à ce jeu de manière à obtenir des… faveurs ?”

“Oui… ?”

Je ne devrais vraiment pas tirer toutes mes idées du Hobbit. Teriarch se contente de me contempler quelques secondes. J’essaie de lui expliquer;

“Euh, eh bien, je croyais qu’il s’agissait d’un jeu sacré que pas même les monstres les plus horrifiants n’oseraient bafouer. Vous pourriez… euh, vous en servir pour parier sur des choses comme de la vie, des anneaux magiques… c’est un concours…”

“Je sais comment marchent les jeux.”

Je me tais. Teriarch me regarde fixement, puis jette un regard en coin aux fées au-dessus de nous. Puis il se rassied.

“Des énigmes ? Un jeu ? Que c’est… intrigant.”

Oh, calme-toi, mon cœur qui tambourine. Sérieusement, calme-toi. Je crois que je n’ai jamais été plus proche de l’arrêt cardiaque qu’en ce moment. Mais Teriarch me regarde alors, et je n’ai plus besoin de m’inquiéter de l’arrêt cardiaque. Il vient d’arriver.

“Mais pourquoi devrais-je perdre mon temps à jouer à un jeu auquel je suis sûr de gagner ?”

Bonne question. Excellente, même. Est-ce que j’ai une réponse ? Je bafouille.

“Eh bien… parce que c’est un défi.”

“Et alors ?”

Il a l’air perplexe. Et je finis par être un peu agacée. Ma bouche s’ouvre, et prend la place de mon cerveau qui cherche encore une réponse.

“Et alors ? Es-tu un Dragon, ou un lézard qui se cache sous un tas de pierre ? C’est un défi, imbécile. Qu’est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ?”

Teriarch me regarde, bouche-bée. Les fées me regardent, bouches-bées. Ma bouche continue sa tirade en fourrant mon cerveau sur la banquette arrière.

“Es-tu donc aussi bête que tu en as l’air ? Un défi n’est pas censé t’apporter quoi que ce soit. C’est une attaque contre ton autorité ! Si tu crois qu’il est si facile de me battre, pourquoi ne pas le prouver au lieu d’agir comme un lâche et de gagner du temps ? Monte-moi de quoi tu es capable !”

Je pointe Teriarch du doigt. Ses yeux se fixent sur mon index. Au-dessus de ma tête, j’entends des vivats. Je vois des dents massives être dénudées dans un rictus, puis j’entends des voix, à la limite de mon champ audible.







“Elle ose ! Elle ose !”

“Pleure ‘ravage !’ et laisse échapper les chiens de guerre !”

“C’est le moment ! C’est imminent !”





J’entends quelque chose, ou… sens quelque chose au-dessus de ma tête ? Même Teriarch lève les yeux.

“Qu’est-ce qu’elles… ?”

Puis quelque chose me frappe, et je me sens… différente. Mais je ne peux pas comprendre ce que j’ai fait.  Les fées, peut-être ? Mais Teriarch me regarde de nouveau, plein de rage.

Je croise le regard du Dragon, et incline la tête. Il faut que je le dise correctement. Je n’aurai droit qu’à un essai.



“Saches à présent que je ne cherche qu’à me racheter !

Ô clément Dragon, écoute ma supplique.

Apaise ton courroux, car en cette heure critique,

Je t‘implore de relever le défi qui t’a été lancé.”



Attends, j’ai dit quoi là ?

 
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2.45 - Deuxième Partie
Traduit par EllieVia

***

Ô gracieux lecteurs, permettez-nous de planter le décor et de vous arracher de soupirs et des mots tels que vous n’en avez jamais vus. Les fées dansent et rient et rêvent au-dessus de cette caverne, dans laquelle attend un Dragon, dans laquelle une Humaine défie le destin. Seuls ces mots et ces intrigues peuvent enflammer leurs pensées.

Et elles se rassemblent alors, et restent attentives ; ce défi mènera-t-il Ryoka au triomphe ou sonnera-t-il son glas funèbre?

Le Dragon rit et son souffle luit d’un éclat soufré. Certain qu’il l’emportera aisément sur l’Humaine. Il la nargue et persifle ; elle reste ferme. Déterminée à piéger ce wyrm archaïque.



“Ton jeu d’énigmes insulte jusqu’à mon nom,

Je suis Teriarch ; de quel droit oses-tu me faire perdre mon temps ?”

“Je l’ose par amitié, orgueil et autres qualités ;

Je vous défie à un jeu antique pour lequel on pariait autrefois des anneaux enchantés.

Un loisir drôle et audacieux ; un jeu d’esprit et d’ingéniosité.

À moins qu’il ne vous en manque la volonté ?”



Le Dragon cligne des yeux et les fées acclament la pique. Cela fait si longtemps qu’elles n’avaient vu une mortelle ainsi dépourvue de crainte.




“Hrm. Eh bien, j’imagine que je pourrais accéder à ta demande

- comprends bien que ce n’est point parce que tu me le quémandes.

Mais tout jeu mérite d’être testé.

Si je l’emporte, que vais-je gagner ?

Tu n’as rien à m’offrir - toi, la va-nu-pieds.”



Elle s’adresse alors à lui, impétueuse et téméraire ; à aucun moment l’idée de ne pas vieillir ne l’effraie



“J’offre ma vie, pour te servir jusqu’au jour où je serai vieille et blême.”



“Un sortilège en ferait de même.”


“Mon âme ?”


“Quel besoin ais-je d’une âme, moi, un Dragon, Seigneur des flammes ?”


Elle réfléchit alors avec ferveur, sachant qu’elle ne peut plus faire d’erreur.



“J’offre alors ce que tu ne connais pas, le secret de mon nom,

La seule chose que je puisse t’offrir qui soit pour toi une révélation.”



Un silence s’ensuit et l’assemblée des fées attend. Impatiente de savoir le destin de cette amusante Humaine, si plein de rebondissements.



Puis la mâchoire s’ouvre et une voix profonde retentit. Les mots d’un être ni faible, ni petit.




“Très bien j’accepte ton pari. Mais prends garde…
voulez-vous bien cesser, bande d’abruties ?”




***



Je vois Teriarch lever la tête au plafond, et mon corps me jette à terre une seconde avant qu’il ne crache le feu. J’entends des cris et les fées se mettent à voleter de partout, paniquées. Sont-elles mortes ? Non… juste enflammées. Au sens littéral du terme.

La Dragon pousse un grognement offusqué. De la fumée et de l’eau tombent du plafond en cascade tout autour de moi. Je me relève, tremblant légèrement tandis que les fées se cachent dans un coin de la caverne, derrière quelques objets précieux, en lançant des insultes.





“Imbécile balourd !”

“Gueule puante ! Crétin de serpent à pattes !”

“Espèce de vieux plein de graisse !”







Vermines !”, meugle Teriarch, et les fées se dispersent de nouveau. Il pousse un grognement amusé et les fusille du regard lorsqu’elles décident de se cacher derrière moi.

Je chancelle. Et porte une main sur ma tête. Et une sur mon estomac pour ne pas vomir. Que s’est-il passé ?

“Que diable…”

J’étais en train de faire des rimes ? Pourquoi est-ce que j’ai dit… tout paraissait si naturel…

“Elles se font une idée étrange de tout ce qui est dramatique.”

Teriarch fusille les fées du regard et un nombre incalculable d’aiguilles de glace gèlent mon haut sur mon dos. Mais il a repris un ton badin.

“Elles altèrent le sens de… eh bien, j’imagine que tu dirais la perception de la réalité. C’est vraiment fatigant au bout d’un moment. Tout de même, il est rare qu’elles le fassent.”

“Oh.”

Mes jambes tremblent. Teriarch cligne des yeux. Sa colère… a disparu. Il se contente de me regarder, à présent.

“Curieux. Ce fut une journée bien étrange.”

C’est lui qui me dit ça ? Je savais que j’allais devoir faire face à un dragon à un moment ou à un autre, mais…

“Eh bien, j’ai accepté ton jeu d’une manière ou d’une autre, donc commençons.”

“Quoi ?”

Attends, juste comme ça ? Mais Teriarch est en train de bouger. Est-ce qu’il… s’assied ? Non ; il ne peut pas vraiment faire ça. Ou s’il le faisait, ce serait vraiment gênant. Il s’allonge comme un chat, en pointant sa tête sur moi.

“Un jeu d’énigmes, c’est bien ça ? J’ai encore des doutes concernant ton intellect. Tu ne peux clairement pas être si intelligente que ça si tu penses avoir des chances de gagner.”

“Et tu n’as pas l’air si malin que ça étant donné que tu ne cesses de dire que tu vas gagner sans en avoir la moindre preuve. Veux-tu bien la fermer et me poser une question ? Ou alors je commence et…”

Ma main vient couper la parole à ma bouche incroyablement suicidaire, étouffant le reste de ma phrase. J’entends les fées s’esclaffer et pousser des exclamations dans mon dos.

Pendant une longue minute, Teriarch me dévisage et j’imagine ce qu’il pourrait arriver s’il crachait ne serait-ce qu’une fraction des flammes qu’il a jetées aux fées. Voyons voir. La mort serait instantanée, sauf si la température des flammes n’était pas si élevée que ça, auquel cas mes yeux fondraient et je mourrais dans une agonie douloureuse lorsque chaque partie de mon corps prendrait feu ou s’évaporerait, tout simplement…

“Très bien. Comme tu veux.”

Le Dragon grogne d’un air amusé et la fumée me fait tousser. Il fronce les sourcils puis roule ses énormes yeux pour les lever au plafond.

“Alors, voici une question à laquelle la moitié des Humains ne savent pas répondre. Réponds en dix secondes ou j’efface ta mémoire.”

Merde. Je crois que je l’ai énervé.

Teriarch marque une pause. Attends un instant, il n’a vraiment pas préparé son énigme ? Sa bouche bouge comme s’il réfléchissait. Est-ce qu’il est vraiment en train de… ?

“Je suis ce qui érode les montagnes et abat même les plus grandes constructions. Les rois ne peuvent m’ignorer, et pourtant toute chose se nourrit de moi avant que je ne les dévore lorsque vient…”

“Le temps.”

Le Dragon marque une pause. Il fixe un œil sur moi.

“Quoi ?”

Je tremble, mais là encore, ma bouche va plus vite que mon cerveau. Je ne suis qu’instinct, en ce moment, et j’ai juste sorti la réponse tout de go.

“La réponse, c’est le temps.”

Déjà, il ne connaît pas le jeu des énigmes, puis il m’en sort une du Hobbit ? Bon sang, je suis contente d’avoir vu le film cet été. Mais est-ce que c’est vraiment une énigme normale ? Elle est tellement… facile.

Teriarch a l’air décontenancé. Il souffle, et le vent qui sort de ses naseaux me fait presque perdre l’équilibre.

“Je vois que tu connaissais déjà cette énigme. Eh bien, elle est simple. Pose ton énigme, alors.”






“Ooh ! Est-ce qu’elle va poser son énigme ?”

“Que c’est excitant !”

“La dernière énigme était vraiment nulle.”






Okay, ignore la galerie des badaudes perchées sur tes épaules et ta tête. Teriarch a un regard noir, dirigé sur elles ou sur moi, je ne sais pas. Je déglutis. Tout va tellement vite. Mais c’est le moment. Il veut une énigme ? J’en ai une juste pour lui. Albert Einstein, ce n’est pas le moment de me laisser tomber.

“Ahem. Euh, un village possède cinq maisons. Chacune est peinte d’une couleur différente, et dans chacune d’elle vit une espèce différente. Les cinq personnes qui vivent dans chaque maison mangent chacune un type de nourriture différent, pratiquent des genres de magies différents, et possèdent un animal différent.”

Le silence s’installe sur mes épaules. Je suis consciente de tous les petits yeux en train de me dévisager, et des deux yeux énormes posés sur moi. Teriarch s’éclaircit la gorge.

“Est-ce que cette énigme est terminée… ?”




“Le Drakéide vit dans une maison magenta.

Le demi-Elfe a des Araignées Cuirassées de compagnie.

L’Humain pratique la Cryomancie.

La maison violette est à côté et à gauche de la maison puce.

Le propriétaire de la maison violette pratique la Nécromancie.

La personne qui mange les âmes monte des Griffons.

Le propriétaire de la maison fulveuse mange des abeilles.

La personne qui vit dans la maison centrale pratique la Chronomancie.

L’Antinium vit dans la première maison.

La personne qui mange de l’herbe vit à côté de celle qui possède des Loups Carnassiers.

Le propriétaire qui élève des champignons parlants vit à côté de celui qui mange les abeilles.

L’être qui mange des pancakes étudie la Pyromancie.

Le Gnoll mange des bagels.

L’Antinium vit à côté de la maison couleur ébène.

Celui qui mange de l’herbe vit à côté de celui qui fait de l’Aéromancie.

La question est la suivante : qui possède le Ver des Cryptes ?”



Et au moment où je termine mon riff désespéré sur une question injuste classique, je réalise enfin à quel point cela a l’air stupide. Ce n’est pas une énigme juste. Il vient juste de m’en poser une sur le temps, bon sang ! Pourquoi donc ai-je cru… ?

Je… je vais mourir, tout de suite.

Je regarde à ma droite. Les fées - toutes les fées - sont en train de me regarder d’un air incrédule. Je les entends murmurer.








“Est-ce que c’est une énigme humaine ? ?”

“Je ne la comprends pas.”

“Quel Ver des Cryptes ? Elle n’en a jamais parlé avant !”

“Ça veut dire quoi, fulveuse ?”






Je tente de regarder Teriarch. Ce sera peut-être la dernière chose que je verrai, après tout. Il est simplement en train de me dévisager. Est-ce qu’il est en train de se demander comment me cuire vivante ? Ou est-ce qu’il réfléchit réellement à la réponse ? Non, impossible. Ce n’est pas si simple. Il lui faudrait du papier et un crayon.? Bon sang, ça m’a pris un temps fou à…

“Hmm. Le… Gnoll. Oui, le Gnoll.”

Mon cœur s’arrête de battre dans ma poitrine. Oui, pendant un instant, mon cœur s’est littéralement arrêté de battre. Le choc qui vient de me frapper est presque tangible. Comment…

Teriarch me sourit. Ses dents pourraient tout aussi bien être mes pierres tombales.

“C’était une question intrigante. Tu as fait de ton mieux ?”

Les petites bouches des fées s’ouvrent toutes en même temps sous le choc. Moi ? Je commence à paniquer.

Oh non. Il est intelligent. Pas juste intelligent ; c’est un génie. C’est évident. Teriarch lève une serre ; ses yeux semblent s’être illuminés, et il a l’air plus animé.

“Eh bien, il apparaît que nous avons tous deux répondu correctement à une question. Et tu as l’air de connaître des énigmes intéressantes que je n’avais jamais entendues. Bon, quelle va être la suivante ? Hmm. Hmm… je connais naturellement un certain nombre d’énigmes, mais si tu connais les réponses, il faut que je trouve… voyons voir…”

Et : merde. Il est compétitif, avec ça.

Je prends quelques grandes inspirations pendant que Teriarch marmonne dans sa barbe comme un moteur d’avion prêt à décoller. Calme-toi.

Un discours d’encouragement. Il me faut un discours d’encouragement. Allez, disons que mon cerveau me donne des conseils, parce que j’en ai besoin.

Respire lentement. Concentre-toi. Tu ne t’attendais pas à ce qu’il trouve celle-ci, mais tu as d’autres questions à lui poser. Il te faut juste te concentrer. Tu as un avantage, Ryoka. Et c’est que bien que ce monde possède des magies incroyables, des Dragons anciens, et des gens qui peuvent atteindre des pouvoirs dépassant les limites mortelles… leurs énigmes restent pourries.

“Hmm. Je l’ai !”

Le son de la voix de Teriarch enflamme mes nerfs. Il lève la tête et me dévisage d’un air triomphant.

“Humaine, voici une énigme qui devant laquelle ceux de ton espèce sont restés perplexes pendant plus d’un siècle quand ton peuple était encore jeune. Lors d’un voyage, tu tombes à la croisée des chemins, mais devant toi se dressent deux gardiens, un par chemin.”

Quoi ? Non. Il ne va pas me demander… vraiment ? Je retiens ma respiration et Teriarch reprend la parole.

“Voici l’enchantement qui t’a été jeté : tu ne peux différencier aucune des deux routes, et pourtant l’une mène à la sécurité, l’autre au danger. Une fois que tu auras commencé à marcher sur un chemin, tu ne pourras pas faire demi-tour. Les deux gardiens répondront à une question, mais tu ne peux la poser qu’à l’un d’entre eux. Et l’un dira toujours la vérité, et l’autre des mensonges. Quelle question poses-tu pour prendre le chemin qui te mènera en sécurité ?”

Okay, les énigmes de ce monde craignent, c’est officiel. Ou peut-être que c’est l’époque. Ou juste le Dragon. Est-ce qu’il vient de dire que cette question a laissé l’Humanité perplexe pendant cent ans ? Eh bien, s’il s’agit ici des premières énigmes…

Teriarch me sourit d’un air triomphant. Les fées murmurent entre elles, clairement impressionnées.

“Je vais te laisser un peu de temps pour réfléchir.”

“Je n’en ai pas besoin.”

Il cligne des yeux.

“Comment ? Mais… ah, alors quelle question poses-tu à ces gardiens que tu ne peux pas différencier ?”

Je hausse les épaules.

“Je donnerais un coup de poing à celui de gauche et lui demanderait si ça fait mal.”

Un nouveau silence. Puis j’entends l’une des fées pouffer. Elles se mettent à rire et Teriarch me fusille du regard.

“Ce n’est pas une réponse appropriée.”

“Tu veux une réponse appropriée ? D’accord.”

Je fronce les sourcils.

“Voici la question que je poserais au gardien : “Quel chemin me montrerait l’autre gardien si je lui demandais lequel me mènerait en sécurité ?” Et ensuite, je prendrais le chemin opposé à celui que le gardien me montrerait.”

“Comment as-tu su ?”

“La logique.”

Et j’avais déjà résolu ce puzzle au collège. Je n’avais pas trouvé tout de suite au début, mais hey, personne n’est obligé de le savoir. Teriarch me regarde fixement.

“Eh bien, je vois que tu possèdes un peu d’intelligence, après tout.”

“C’est bon de savoir que tu n’es pas aveugle. À mon tour.”

Le Dragon s’étouffe à moitié, et je réfléchis à toute vitesse. D’accord, Einstein n’a pas marché ? Pas grave, j’ai…

J’ai, euh…

Je…

Je n’ai pas le temps de réfléchir à une autre énigme ! Et je ne me souviens pas de beaucoup ! Ce n’était pas mon truc à l’école. Je ne suis restée que deux mois dans ce club ! Je pensais vraiment qu’Einstein allait l’avoir, mais, attends, et celui des fronts bleus ?

Ouaip.

Je lève les yeux sur Teriarch.

“Écoute bien. Cent… non, dix mille personnes sont enfermées dans une pièce. Chaque personne a une couleur peinte sur la tête, mais il n’y a pas de miroir et personne n’a le droit de parler, à cause d’un enchantement. Tous les jours, la porte s’ouvre et quiconque possède un front bleu aura le droit de sortir.”

Je marque une pause. Teriarch fronce les sourcils et bouge les lèvres. Les fées me regardent d’un œil vitreux.

“La magie qui ensorcèle ces dix mille personnes les empêche de sortir à moins qu’ils ne soient absolument certaines d’avoir un front bleu. Dans cette pièce, il y a 2 459 personnes avec du bleu sur le front, 98 personnes avec du rouge, 12 avec du blanc, 4 421 sans peinture, et enfin, 3 010 personnes avec des fronts vert émeraude. Quinze personnes n’ont pas de nez, et une personne souffre d’incontinence urinaire. Au moins une personne a un front bleu, et les gens le savent. Quel jour la dernière personne avec du bleu sur le front sortira-t-elle ?”

Là encore, le silence s’installe. Mais cette fois-ci, Teriarch a l’air intrigué. Il tourne la tête et se met à marmonner. Pendant ce temps, mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je bondis lorsque quelqu’un me donne une claque sur l’oreille.

Quoi ?

La fée me fusille du regard.






“Ce ne sont pas de vraies énigmes ! Quel genre de ruse est-ce là ?”





“Ce sont des énigmes ! Des énigmes logiques !”




“Elles sont débiles !”





Toutes les fées se mettent à piailler leur accord. Je les balaye d’un revers de la main et l’une d’elles me mord. J’essaie de ne pas hurler de douleur lorsque Teriarch se tourne de nouveau vers moi.

“Toutes les personnes avec le front bleu seront partie le deux-mille quatre-cents cinquantième jour.”

Oh…

Je m’assieds, alors. Teriarch me regarde glisser lentement au sol d’un petit air supérieur. Il ressemble presque à un chat souriant ; comme Garfield. Mais je suis juste emplie de désespoir. Il ne paraît même pas le remarquer. Sa queue tressaille, renverse quelque chose qui vole en éclats au sol lorsqu’il reprend la parole.

“C’est mon tour, j’imagine. Hrmf. Bon, quelle énigme te proposer ? Toutes les énigmes réellement difficiles sont imprononçables dans ta langue. Tu ne parlerais pas la langue magique, par hasard ?”

“... Non.”

Il réfléchit et je contemple mes mains. À quoi est-ce que je pensais, bon sang ?

“Ah. Alors, voici une simple question, Humaine. J’ai… cinq mille huit cent onze poires en ma possession. Je, euh, il faut que je les paie, mais chaque poire fait huit pièces d’argent. Combien dois-je payer pour…”

“Quarante-six mille quatre cent quatre-vingt-huit pièces d’argent.”

Je sais que tout le monde me dévisage, mais je m’en fiche. D’accord, j’ai répondu à cette question, mais quelle énigme puis-je lui poser dont il ne trouvera pas la réponse ? Réfléchis. Je ne connais pas tant d’énigmes que ça, et il a l’air de connaitre toutes les vieilles. Une énigme injuste ? Celle du Chapelier Fou… Mais non, il va demander la réponse !

J’ai besoin d’une question à laquelle même quelqu’un d’intelligent comme lui ne peut répondre. Une question qui défie toute logique, ou… ou…

Et pourquoi pas… c’est ma dernière chance.

Teriarch me contemple. Je lève les yeux, et réalise que je n’ai pas écouté sa question.

“Quoi ?”

“Comment as-tu trouvé la réponse à ça ? Ce n’était pas une énigme.”

“Ce n’étaient que des maths.”






“Aha !”





Une fée s’envole de mon épaule. Elle nous fusille tous les deux du regard.








“Ce jeu est injuste ! Vous trichez tous les deux ! Nous exigeons une autre partie ! Nous voulons… ”





Teriarch souffle. C’est pour lui l’équivalent d’un souffle doux, mais il manque de peux me faire tomber en arrière et les fées sont arrachées de mes épaules. Il secoue la tête.

“Il suffit. À présent, pose-moi une autre énigme. Et qu’elle soit bonne !”

Il a l’air content. Mais mon cœur a plongé au fond de ma poitrine. C’est l’heure de tricher. C’est tout ce qu’il me reste.

“Très bien.”

Je le regarde. Pourquoi fallait-il qu’il soit puissant et intelligent ? C’est presque injuste. Mais une partie de moi ne peut s’empêcher de l’admirer. Il a résolu l’énigme d’Einstein en un battement de cœur, et celle des fronts bleus presque aussi rapidement. Il est…

“Voici mon énigme. Cette déclaration est faute. Ce que je viens de dire était-il correct ou incorrect ?”

Le Dragon me regarde d’un drôle d’air. J’attends le moment où il va me traiter de tricheuse, et j’entends quelqu’un crier avec indignation de l’autre bout de la caverne. Puis… il éclate de rire.

“Hah ! Ce vieux paradoxe- ? C’est facile. La réponse est...”

Mes oreilles tintent lorsqu’il prononce le mot suivant. Je plaque mes mains contre elles. Teriarch me regarde en clignant des yeux.

“Ah. J’oublie que les Humains ne peuvent comprendre cette langue. Mes excuses.”

“C’était quoi,  ça ?”

Il me sourit. D’un sourire de Dragon.

“La réponse à ta question. Ce qui est rendu faut en étant vrai à l’infini. Les Elfes ont trouvé le mot ; ça leur avait mis énormément de temps à trouver, à l’époque.”

Bien sûr. Je ferme les yeux. Ce n’est pas que la terre s’ouvre sous moi, non, c’est différent. Je me sens fatiguée. Fatiguée, et frustrée, et impuissante.

C’est terminé.

Au-dessus de moi, le Dragon parle d’un air surexcité, plus vite qu’avant, sa voix profonde et tonnante remplacée par le ton de la conversation.

“Eh bien, j’imagine que c’est mon tour, alors. Que c’est intrigant. Je… hmm. Quelle était cette vieille énigme sur le sable ? Ah, je crois que je l’ai...”

“C’est sans importance.”

“Je te demande pardon ?”

Je me rassieds. Je vois à travers ma vue brouillée que Teriarch a l’air perplexe. Je hausse la voix, en essayant de ne pas m’étouffer.

“J’abandonne. J’ai perdu.”








Quoi ?

“C’est n’importe quoi ! N’IMPORTE QUOI !”

“Où sont les énigmes ! Les jeux de ruse et de talent ?”

“Il ne devrait pas en être ainsi ! Avons-nous…”





”SORTEZ DE MA CAVERNE !”







“Aaah ! Fuyez !”


Je vois des silhouettes s’enfuir à toute allure, volant hors de la caverne. Et j’entends des murmures. J’y prête à peine attention.





“Cette partie était stupide ! Ce n’était ni bien, ni correct ! C’était… est-ce que nous avons perdu notre temps ?”

“Est-ce qu’elle a tort ? Est-ce qu’on a… ?”







Même elles pensent que j’ai échoué. Les fées s’en vont et je ne peux plus rien voir, à présent. Tout est sous l’eau.

Je pleure. Je pleure, vraiment. Je m’assieds par terre et essaie d’essuyer mes larmes. J’étais tellement sûre. Non… je n’étais pas sûre, je croyais que c’était débile mais je ne voyais que ça.

“Je ne peux pas te battre. Je ne peux même pas essayer de te battre.”

Qu’importe l’énigme que je lui lancerai, il la résoudra. Il connaît la réponse à un paradoxe. Je n’ai aucune chance, si ?

J’ai essayé d’utiliser mon cerveau. J’aurais dû me contenter de le supplier. Je me penche et m’incline devant Teriarch. Il me regarde en silence.

“Je ne peux gagner. Juste… s’il vous plaît. J’ai une amie. Je ne sais pas où elle est. Je ferai n’importe quoi, mais s’il vous plaît, s’il vous plaît, aidez-la.”

C’est tout ce qu’il me restait. Ma fierté. Je l’abandonne enfin. Je pensais avoir tellement de choses. Autrefois, je pensais être meilleure que ça. Mais ce n’est pas le cas.

Je ne suis pas plus forte que qui que ce soit. Calruz et Gerial et les Cornes d’Hammerad m’ont rendue plus humble. Je ne suis pas la plus rapide, non plus ; Val m’a facilement distancée. Je ne suis pas plus courageuse qu’Erin, ni plus intelligente que Teriarch. Je suis juste…

Faible. Et ordinaire. Et très petite.

Et désespérée.

Je suis prostrée au sol, et pleure comme une enfant. Et j’attends que tout soit fini. J’attends de me faire écraser comme un insecte dans une trainée sanglante, ou de me faire effacer la mémoire et envoyer ailleurs pour mourir. Mais rien de tout cela n’advient.

J’entends l’air se déplacer, et un ouragan qui ressemble à un soupir. Puis je sens quelque chose me toucher.

Une serre gigantesque me relève doucement. Je me retrouve de nouveau assise, puis une énorme tête descend en sinuant à mon niveau. Une voix s’élève.

“Assieds-toi. Essuie-toi le visage. Comment as-tu dit que ton amie s’appelait ?”

J’écarquille les yeux. Mais l’œil qui me contemple n’est pas en colère, et la voix est douce. Je lève les yeux, et Teriarch souffle un panache de fumée en l’air.

“Je… suppose que je pourrais prendre le temps de faire un petit sort. Scruter n’est pas difficile, et il est relativement facile de faire un sort de téléportation si besoin. J’ai seulement besoin de son nom.”

“Erin. Erin Solstice.”, lui réponds-je dans un murmure. Teriarch marmonne le nom, puis trace quelque chose dans les airs. Je vois quelque chose miroiter devant moi, et il le renifle. Il regarde quelque chose qui scintille. Son œil s’écarquille.

“Oh.”

Il me regarde fixement. Je lui rends son regard, mon cœur tambourinant dans ma poitrine. Mais le Dragon hausse alors les épaules. Il me regarde d’un drôle d’air, puis reprend la parole.

“Le sort va prendre quelques minutes pour s’activer. Mais il trouvera ton amie, à moins qu’elle ne soit aussi étrange que toi. Je t’accorde l’hospitalité dans mon foyer, Ryoka Griffin. Tu peux attendre ici jusqu’à ce que ce soit terminé. Et tu pourrais peut-être me donner une énigme en attendant.”

Je le regarde fixement. C’est un Dragon, un être immortel. Mais lorsqu’il baisse la tête, il a l’air un peu plus Humain, un peu plus comme moi. Il y a quelque chose dans son regard qui me fait penser qu’il est incommensurablement âgé, et insondable. Mais j’aperçois alors un peu de gentillesse.

Comme un vieil homme qui essuierait les larmes d’une enfant. Je prends une grande inspiration, puis exhale.

Puis je me redresse.

“Eh bien. Je connais d’autres énigmes, en effet.”

“Excellent. Raconte-m’en une.”

“As-tu déjà entendu parler des Enigma ?”

“Des quoi ?”

“Des codes.”

Ses yeux miroitent.

“Je connais de nombreux codes.”

“Alors résous celui-ci. L’énigme est la suivante :

Le plus noble nom gisant sur la page de l’Allégorie,

La main qui traça l’inexorable rage…”


Et je vois le sourire d’un Dragon.

Je souris aussi.




 
EllieVia
   
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SO3 - Du Temps de Wistram, Partie 1
Première Partie
Traduit par EllieVia

”Vous avez été admise à l’Académie de Wistram. Présentez-vous aux quais du Port Sud, Belan, Terandria dans deux semaines à compter d’aujourd’hui. Ne soyez pas en retard.”

Ceria Springwalker se souvenait encore des mots que lui avait dit son examinateur. Et elle était à présent assise sur les quais incrustés de sels du Port Sud, au sein de la cité de Belan, l’une des villes portuaires australes du continent de Terandria. Elle n’était pas en retard.

Mais tout de même, la demie-Elfe ne pouvait s’empêcher de regarder nerveusement autour d’elle de temps en temps. Elle n’avait aucune idée de ce à quoi elle devait s’attendre, elle savait juste qu’elle avait attendu ce jour pendant plus de quarante ans et elle était terrifiée à l’idée de commettre une erreur.

Elle avait 58 ans, et bien que cela représente un nombre d’années respectable pour une Humaine, Ceria était encore considérée comme une jeune adulte par ceux de son peuple. Mais elle restait tout de même suffisamment vieille pour être indépendante et personne ne l’avait donc accompagnée pour lui dire au revoir le jour de son départ.

Ce n’était pas le cas du reste des individus rassemblés sur les quais. C’était un assortiment étrange. Des citoyens ordinaires, habillés de manière respectable, côtoyaient des hommes et des femmes vêtus d’habits luxueux qui puaient presque l’aristocratie.  D’ailleurs, aucun groupe ne se mélangeait vraiment - d’ordinaire, un serviteur bien habillé faisait office de barrage.

Mais c’était là que riches et pauvres étaient venus, sans distinction, faire leurs adieux à leur famille et leurs amis. C’était ce jour de l’année où l’île de Wistram ouvrait ses portes et acceptait de nouveaux étudiants.

Ceria avait les mains moites. Elle les essuya sur son pantalon en espérant que personne ne le remarquerait. Elle attirait déjà l’attention. Il était rare qu’un futur étudiant ne soit pas accompagné, surtout lorsque l’on connaissait les frais d’entrée à l’académie.

Vingt pièces d’or. C’était le prix à payer pour suivre un mois de cours à l’Académie de Wistram. La somme était ridicule, et Ceria avait passé la majeure partie de la dernière décennie à économiser de quoi la payer. Mais cela en avait valu la peine. En vaudrait la peine.

Elle savait que les autres familles ne pouvaient probablement pas se permettre de payer autant. Les nobles et les marchands, oui, mais les autres avaient probablement dû vendre des trésors familiaux ou contracter des prêts exorbitants pour pouvoir rembourser les frais. Mais tant qu’on possédait de l’argent, n’importe qui pouvait être admis à Wistram.

N’importe qui, à condition d’avoir de la magie.

Ceria avait prouvé ses capacités en montrant à l’examinateur quelques sorts qu’elle avait appris en autodidacte. [Aiguille de Roche], [Jet de Flammes] - et, bien sûr, le sort qui lui avait sauvé la vie à de nombreuses reprises. [Caméléon].

Ce n’étaient pas des sorts d’Échelon très élevé. À vrai dire, ces sorts n’excédaient pas l’Échelon 2. Mais ils restaient puissants, venus de la part de quelqu’un qui n’avait jamais eu le luxe de posséder un grimoire, et ceci, ajouté aux frais d’entrée exorbitants, lui avait permis de s’assurer une place sur le bateau.

C’était un grand vaisseau, la Voyageuse Errante. Les deux voiles gigantesques étaient ferlées et le bateau flottait à son poste d’amarrage. Ceria avait remarqué que les marins et le [Capitaine] s’activaient sur le bateau, elle prévoyait donc qu’ils ne tarderaient pas à lever l’ancre.

“Est-ce qu’ils sont sur le point de lever les voiles ?”

Les oreilles pointues de Ceria se dressèrent lorsqu’elle entendit un jeune homme - non, un garçon, plutôt - parler d’un ton surexcité à ses parents. Lui et sa famille étaient venus faire leurs adieux à une femme - une fille de marchands, à son allure - et ils scrutaient le bateau avec enthousiasme. Le jeune garçon tira plus fort sur la main de sa mère.

“Est-ce que je peux y aller, moi aussi ? Comment vont-ils se rendre là-bas ? Est-ce que le bateau est magique lui aussi ?”

“Chut. Laisse ta sœur faire ses adieux tranquillement. Et qui sait si le bateau est magique ? Lorsqu’on est [Mage], j’imagine qu’on s’attend à ce que toutes les choses extraordinaires soient possibles.”

À ces mots, Ceria ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, bien qu’elle se détournât avant afin que personne ne la remarque. Des bateaux magiques ? Peut-être s’ils étaient enchantés, mais elle doutait vraiment fort que ce soit le cas de celui-ci. La famille semblait croire qu’il s’agissait d’un bateau spécial, mais il avait l’air tout à fait ordinaire aux yeux de Ceria.

Après tout, tous les étudiants du monde entier allaient entamer leur voyage pour Wistram aujourd’hui. Plutôt que de se réserver une flotte à eux, les mages avaient sans doute considéré qu’il était plus simple d’embaucher des capitaines pour transporter les étudiants pour eux.

Et comme si ses pensées l’avaient fait venir, le [Capitaine] avança soudain à grands pas sur la passerelle en s’adressant à eux d’une voix de stentor.

“La Voyageuse Errante est prête à partir ! Tous les élèves doivent monter un par un. Donnez-moi votre nom et je vous rayerai de la liste !”

Les gens attroupés sur les quais commencèrent à s’agiter. Plusieurs jeunes hommes et femmes se précipitèrent vers la passerelle, comme si être derniers voulait dire qu’ils ne seraient plus admis à bord. Ceria vit des familles échanger des au-revoirs à la va-vite et se leva.

Une longue file s’étendait déjà sur les quais lorsqu’elle rejoignit la queue. Elle ne vit que des Humains. Ceria prit sa place en silence derrière un jeune homme vêtu de vêtements luxueux et essayant d’ignorer les regards que lui adressaient les autres.

La queue avançait lentement, mais Ceria tua le temps en songeant à ce qu’il allait se passer ensuite. Le voyage en bateau allait prendre plusieurs jours, si le temps restait au beau fixe. Et lorsqu’ils atteindraient l’île, elle devrait probablement patienter le temps de la présentation de l’école. Ensuite, elle aurait juste un peu plus d’un mois pour faire ses preuves et être acceptée comme élève à part entière…

Ou renvoyée chez elle.

Suivante !

Ceria avança et réalisa qu’elle était debout devant l’entrée du bateau. Le Capitaine regardait Ceria du haut de la passerelle. Ses yeux passèrent rapidement sur ses oreilles, mais il ne fit pas de commentaires.

“Ton nom ?”

“Ceria Springwalker.”

“Oui, je vois ton nom sur la liste. Va te trouver une place dessous. Pas d’embrouilles et pas de magie tant que tu seras sur mon bateau.”

Est-ce que cette dernière phrase lui était adressée à elle en particulier ? Mais Ceria se souvenait vaguement que d’autres y avaient eu droit eux aussi. Elle hocha la tête et mit le pied sur le pont du bateau. Il ne lui fallut quelques secondes pour s’habituer au doux roulis.

Ceria regarda autour d’elle et vit que quelques nouveaux élèves marchaient en titubant, ce qui amusait fort les marins qui les observaient. Elle regarda par-dessus son épaule et vit qu’il ne restait plus qu’une dizaine de personnes dans la queue. Le Capitaine faisait lentement glisser son doigt sur la liste en regardant fixement le jeune homme maigrichon vêtu de loques qui lui faisait face.

Une liste ? Est-ce qu’il n’avait rien d’autre que des noms de gens écrits sur un bout de papier ? Et si Ceria avait prétendu être quelqu’un d’autre ? Était-il donc si facile que ça de voler une place sur le bateau ?

La plupart des [Capitaines] savaient bien lire, mais Ceria était surprise qu’on puisse utiliser un système aussi peu fiable. Puis, lorsqu’elle passa devant le Capitaine, elle s’aperçut qu’il tenait un morceau de papier avec son visage imprimé dessus. L’image était tellement réaliste que Ceria faillit pousser une exclamation, mais lorsque le Capitaine descendit son doigt sur la liste, le papier changea, et afficha le visage du prochain étudiant en train d’essayer de monter à bord.

De la magie.

Elle sourit et descendit dans les cales. L’obscurité soudaine était brutale, mais de la lumière passait à travers les hublots. Et lorsque la vue de Ceria se fut accoutumée, elle vit que ce bateau était bien équipé pour transporter autant de monde. Au lieu des hamacs de marins, de petites couchettes avaient été montées avec des oreillers et des couvertures pour qu’il soit plus facile de dormir sur le bois dur des cales.

La plupart des nouveaux élèves s’étaient agglomérés autour du centre et avaient déjà choisi leur place. Ceria chercha un endroit à l’écart. Son arrivée n’était pas passée inaperçue, toutefois, et les jeunes hommes et femmes enthousiastes se retournèrent pour la regarder.

C’est à ce moment-là que commencèrent les murmures. Ceria s’y était attendue, mais son estomac se serra tout de même. Les gens qui l’avaient remarquée la pointèrent du doigt en poussant des exclamations, puis se mirent à discuter entre eux.

“Hey. Est-ce que c’est… ?”

“Non. Sérieux ?”

“Je crois que oui. L’une d’eux.”

“Ugh. Ils ont admis ça à Wistram ?”

“Une demie-Elfe.”

Le mot avait été prononcé comme une malédiction. Ceria ignora les voix et laissa tomber ses possessions dans un coin du bateau. La jeune femme qui avait choisi une place à trois couchettes d’écart la contempla avec dégoût et se déplaça. Ceria regarda à travers un hublot, en s’efforçant de garder une expression calme et neutre.

Demie-Elfe. C’était ce qu’elle était, et c’était aussi la raison pour laquelle les Humains se méfiaient d’elle. La réputation des demi-Elfes était bien connue sur Terandria. Ils étaient indignes de confiance, des voleurs, des criminels et des bandits, dans le meilleur des cas. Ils mentaient, jetaient des sorts délétères, s’en prenaient aux bonnes gens innocentes et volaient les enfants dans leurs berceaux la nuit.

En vérité, tout le monde savait que cette dernière affirmation était fausse. La plupart des demi-Elfes ne voulaient surtout pas croiser d’Humains, et personne ne voulait élever un mioche puant d’Humains. Les demi-Elfes restaient dans leurs propres communautés, en marge de la société, et étaient tolérés parce qu’ils étaient utiles et que quelques demi-Elfes avaient des Compétences de valeur ou de hauts niveaux. Mais ils n’étaient pas aimés.

Sur ce continent, du moins. Ceria soupira et les murmures finirent par s’éteindre. Terandria n’était pas tendre envers la plupart des espèces non-humaines, sur un continent où la population était pour la majeure partie Humaine. Peut-être que d’autres continents - Izril ou Baleros - étaient peut-être différents, là où les Humains ne représentaient qu’une espèce parmi d’autres.

Mais apparemment, bien que ces Humains soient prêts à abandonner leur foyer et leurs familles derrière eux pour aller apprendre la magie, ils emportaient tout de même leurs haines avec eux. Ceria espérait simplement que Wistram serait plus ouverte d’esprit vis-à-vis d’elle.

C’était tellement dur de dissimuler le fait qu’on était un demi-Elfe, de toute manière. Ceria savait que son teint surnaturel l’empêchait de passer inaperçue, et de toute manière, elle avait les oreilles pointues. C’était presque aussi gênant que d’avoir une cicatrice sur le front qui te faisait sortir du lot, et cela l’avait déjà faite se faire ostraciser par le reste du groupe.

“Ah, bonjour ? Est-ce que cette place est prise ?”

Surprise, Ceria leva les yeux. Elle avait déjà commencé à arranger son petit sac de manière à pouvoir dormir en le mettant derrière son dos au cas où quelqu’un essayerait de le lui voler. Elle leva les yeux et vit le visage d’un jeune homme, un sourire nerveux, et une tignasse brune. C’est surtout le sourire qui surprit le plus Ceria.

“Est-ce que cette place est prise ?”, répéta le jeune homme. “Je ne crois pas que ce soit le cas, mais je préfère vérifier avant de poser mes affaires.”

Ceria cligna des yeux avant de retrouver l’usage de sa voix.

“Quoi ? Non, elle est libre. Mais, euh, tu… “

Trop tard. Le jeune homme avait déjà lâché son sac à dos par terre. Ceria regarda ses affaires d’un air sceptique. Elle avait cru n’avoir pris avec elle que le strict minimum, mais ce jeune homme n’avait que quelques changes, une petite barre de savon pour la lessive, une brosse à dents, et…

Une rapière.

Ceria cligna des yeux. Elle était recouverte d’un long fourreau de cuir, mais elle était certaine qu’il s’agissait d’une rapière, à cause de la forme de sa garde et de la poignée qui dépassait au sommet. Elle n’avait jamais vu de guerrier se servir d’une rapière - c’était l’arme des [Lords] et de l’aristocratie. Que faisait un garçon comme celui-ci avec une telle arme ?

Et c’était un garçon. Oh, il avait peut-être seize ou dix-sept ans, mais aux yeux de Ceria, ce jeune homme et la plupart des passagers sous le pont étaient des enfants. Il n’y avait que quelques hommes et femmes parmi les élèves et ils restaient entre eux.

“Tu es sûr de vouloir dormir ici ?”

Ceria avait dû hausser la voix pour se faire entendre. Tous les élèves étaient à présent sous le pont, et leurs voix s’ajoutait au brouhaha des cris des marins au-dessus de leurs têtes et des craquements du bateau.

Le jeune homme parut surpris qu’elle lui adresse la parole. Il faillit lâcher sa rapière et écarta une mèche de devant ses yeux.

“Eh bien, oui, je veux dire, je te présente mes excuses si je t’ai dérangée. C’est seulement que j’ai vu que cette place était libre et que je me suis dit que je pouvais la prendre. Si tu veux que je te laisse tranquille, je peux…”

Il regarda autour de lui d’un air éperdu, mais presque tous les autres lits étaient pris.

“Arrête. Je veux dire, ça te va de m’avoir pour voisine ?”

“Toi ? Pourquoi est-ce que je…”

Le jeune homme écarquilla les yeux en voyant le visage de Ceria et il vit ses oreilles. Elle soupira intérieurement et attendit son exclamation de dégoût.

“Est-ce que tu es une demi-Elfe ? Bon sang, je n’ai jamais… est-ce que je peux te serrer la main ? Je n’ai jamais rencontré de membre de ton peuple. Je suis enchanté de faire ta connaissance ! Je m’appelle Pisces !”
Ceria cligna des yeux devant la main tendue qui lui faisait face. Elle la prit d’un air incertain et sentit qu’on lui serrait brièvement la main.

“Je m’appelle, euh, Ceria. Ceria Springwalker.”

Pisces lui adressa un grand sourire et s’assit à côté d’elle. Lorsque le bateau leva l’ancre, il se mit à discuter, et Ceria, presque inconsciemment, se mit à lui répondre.

“Je dois bien avouer que j’ai été alarmé en voyant que la foule était majoritairement Humaine. Je croyais que toutes les espèces partaient étudier à Wistram, mais j’imagine que ceux qui partent de Terandria sont principalement des Humains, tu ne crois pas ?”

“Hum. Oui. J’imagine.”

“Est-ce que tu vas essayer d’étudier la magie à Wistram, ou est-ce que tu es dans un autre domaine ? L’alchimie, peut-être ?”

“Euh, non. Je veux avancer dans ma classe de [Mage].”

Wistram ne faisait pas qu’éduquer les [Mages], même s’ils constituaient la plus grosse proportion de leurs diplômés. Un bon nombre d’étudiants finissaient par se spécialiser dans des classes associées comme [Alchimistes] ou même [Forgerons] - tant que cela impliquait de la magie, tout était acceptable. Mais Ceria voulait seulement devenir plus forte. Augmenter sa magie, gagner en puissance pour pouvoir…

“J’ai appris plusieurs sorts, mais je ne suis qu’un [Mage] de Niveau 14 pour le moment. On m’a dit que c’était plutôt élevé étant donné que la plupart des étudiants n’y connaissent rien à la magie, mais j’espère m’améliorer abondamment pendant mon séjour ici. Je me concentre sur la magie élémentaire de base et quelques magies de renforcement mineures en ce moment, mais je veux étudier tous les champs de magie possible. Et toi ?”

“Moi ? Je suis juste… je connais beaucoup de sorts d’attaque, c’est tout. Je me concentre principalement sur les sorts de terre et de feu. C’est ma spécialité.”

“Vraiment ? Tu es une aventurière, alors ? Tu utilises la magie en combat ?”

Pisces avait l’air impressionné. Ceria roula les épaules et acquiesça.

“Je suis une aventurière rang Bronze. Je pensais être en mesure de gagner de l’argent si je réussissais à apprendre des sorts plus puissants à Wistram.”

Si elle n’était pas acceptée en tant qu’élève, elle pourrait au moins essayer d’apprendre un ou deux sorts d’Échelon 3. Au moins, de cette façon, elle n’aurait pas gaspillé son argent pour rien. Pisces acquiesça avec énergie et le bateau se mit à valser de haut en bas. Il ne parut même pas remarquer le balancement qui donnait légèrement la nausée à Ceria et avait déjà fait vomir l’un des Humains.

Ils continuèrent tous deux de parler et le Capitaine apparut sous le pont pour annoncer que le voyage durerait deux jours si le temps restait au beau fixe. Apparemment, ils avaient trouvé un courant rapide et la météo était bonne. Il expliqua aux Humains et à Ceria qu’ils auraient trois bons repas par jour et que s’ils montaient sur le pont, il leur faudrait éviter de traîner dans les pattes des marins. Puis il repartit.

Ceria n’avait aucune envie d’aller à l’étage, mais elle remarqua plusieurs personnes enthousiastes à l’idée de regarder l’océan. Un jeune homme - un fils de noble vêtu de vêtements luxueux et même d’une baguette dont elle doutait fort qu’il maîtrise l’usage - était déjà à la tête d’un petit groupe d’adolescents qui montaient les escaliers.

“Alors, pourquoi as-tu décidé d’aller à Wistram ? J’ai entendu dire que tous les demi-Elfes sont bien plus talentueux que les Humains en termes de magie.”

La demi-Elfe haussa les épaules, mal à l’aise.

“Ce n’est qu’à moitié vrai. Les demi-Elfes sont doués pour la magie - nos corps en possèdent davantage - mais nous n’apprenons pas les sorts plus vite pour autant.”

Bien sûr, c’était tout à leur avantage de suggérer que les demi-Elfes étaient plus puissants que ce qu’ils ne l’étaient réellement. Ceria savait toutefois qu’elle n’était encore qu’une mage amatrice. Elle était à peine assez forte pour tuer quelques monstres de bas étage avec ses sorts. Elle était encore loin du rang Argent.

“Alors tu veux améliorer ta magie ? Je peux respecter ça. Je trouve personnellement que la magie est tellement excitante, pas toi ?”

Ceria sourit brièvement.

“J’imagine que oui. Mais je veux pouvoir me défendre. Avec mes sorts, je ne peux rien faire d’autre que fuir face à un monstre vraiment dangereux.”

“Je ne me suis jamais battu contre un monstre.”, déclara Pisces en s’adossant à la paroi du bateau avec Ceria. Elle jeta un regard en coin à sa rapière. Elle était presque cachée sous son couchage et Pisces n’en avait pas parlé. Il ne lui avait pas dit non plus d’où il venait. Ils mâchonnaient les biscuits de mer et la morue salée qui constituaient leur dîner. À la grande surprise de Ceria, leur repas avait même inclus du fromage et du beurre pour leur pain. Ce n’était pas un festin, mais c’était bien meilleur que les collations rustiques auxquelles elle s’était attendue.

“Combien de monstres as-tu tués ? Une centaine ? Ou est-ce que les aventuriers Bronze ne viennent qu’en renforts aux aventuriers plus puissants ?”

Ceria toussota pour dissimuler son embarras.

“J’ai, eu, tué quelques monstres toute seule. Mais on travaille surtout en équipe.”

Elle avait combattu quelques Gobelins et éliminé un sacré nombre de rats, mais elle pouvait compter les véritables monstres qu’elle avait tués sur les doigts d’une main.

Bien sûr, cela la plaçait tout de même bien au-dessus des autres nouveaux élèves en termes de capacités.

“Extraordinaire. Bon, je sais que nous ne pouvons pas pratiquer la magie tant que nous sommes à bord du navire, mais est-ce que cela te dérangerait que je te pose quelques questions sur l’efficacité de certains sorts en combat ? Je n’en connais que quelques-uns comme [Vent Glacé], mais je me demandais…”

Pisces s’interrompit et Ceria leva les yeux lorsqu’ils remarquèrent que quelques personnes s’approchaient d’eux.

“Eh bien, j’avais entendu dire que Wistram acceptait tout le monde, mais je pensais qu’ils évitaient tout de même les monstres et la vermine.”

Un jeune homme, suivi d’un troupeau d’adolescents, s’approcha d’eux. Ceria avait appris à reconnaître les préludes du harcèlement. Il baissa le nez sur Ceria et Pisces.

“Je suis Charles de Trevalier, l’héritier de ma famille. Vous feriez bien de vous adresser à moi avec le respect qui m’est dû.”

Il portait des vêtements luxueux assortis à ses manières, et il avait même une épée courte attachée à sa ceinture. Elle paraissait purement ornementale, mais Charles posa une main dessus comme s’il n’aimerait rien de plus que de pouvoir la sortir de son fourreau au besoin.

Ceria haussa un sourcil. Charles ne l’intimidait pas, même si elle ne l’aimait pas d’office. De plus, à moins qu’il n’ait un bon nombre de niveaux dans une classe de combat - ce dont elle doutait fort - elle pouvait lui enfoncer une [Aiguille de Roche] dans l’œil avant même qu’il ne puisse sortir son épée de son fourreau.

Ce qui rendait ses paroles un peu plus faciles à écouter.

“Toi - celui qui a été suffisamment stupide pour fraterniser avec la demi-Elfe. Tu ferais bien de te tenir éloigné de ce genre de créatures.”

Pisces regarda Charles en clignant des yeux et fronça les sourcils.

“Je mesurerai sa valeur indépendamment des opinions extérieures, merci. De plus, je ne comprends pas la raison pour laquelle tu as considéré qu’il était nécessaire de venir jusqu’à nous pour insulter Miss Springwalker droit dans les yeux.”

Sa diction était plus raffinée que celle de Charles. Ceria vit que cela avait pris le jeune lord par surprise, et elle le vit réfléchir à sa prochaine phrase.

“Fais-tu partie de la petite noblesse ? Ou es-tu un citoyen ordinaire autodidacte ? Dans tous les cas, il faudrait être idiot pour ne pas savoir à quel point les espèces inférieures sont traîtres et indignes de confiance.”

Les espèces inférieures. Ceria serra les dents. Charles parlait d’elle comme si elle n’était pas là. Pisces jeta un regard en coin à Ceria et pinça les lèvres.

“Je pense que tu devrais t’en aller. Si ton objectif était de me faire me retirer, tu as échoué. Je te prie de ne plus venir nous déranger.”

“Ingrat !”, s’exclama l’un des jeunes hommes debout derrière Charles. Il s’avança, posant lui aussi une main sur son épée. Comment se faisait-il qu’autant d’élèves étaient armés ? Ne savaient-ils donc pas qu’ils venaient ici pour devenir mages ?

Le jeune homme fusilla Ceria et Pisces du regard. Il sortit légèrement son épée de son fourreau pour qu’ils puissent apercevoir la coûteuse lame d’acier.

“Tu oses insulter un membre de la haute noblesse ? Je devrais avoir ta tête pour cet affront.”

Charles fit un sourire narquois et Ceria jura intérieurement. Elle ne connaissait pas les innombrables maisons aristocratiques du continent, mais cela expliquait pourquoi Charles était déjà entouré d’une bande de sycophantes. Sa famille était sans aucun doute aussi riche que puissante ; ses compagnons devaient déjà avoir commencé à lui lécher les bottes.

Elle s’attendait à ce que Pisces lâche l’affaire ou essaie d’apaiser sa colère, mais au lieu de cela, il se leva. Sa rapière était entre ses mains.

“Je ne crois pas que nous ayons fait quoi que ce soit qui mérite ce genre de menace. Ceci est un lieu pour les mages, pas pour les barbares armés de bâtons métalliques.”

Le jeune homme rougit. Il sortit son épée de son fourreau - maladroitement, remarqua Ceria. Il tint l’épée levée devant Pisces d’une poigne incertaine.

Mais cela suffit à réduire au silence le reste des élèves réunis sous le pont. Une arme au clair restait dangereuse, et l’épée que tenait le jeune homme pouvait tuer, qu’importe à que point il était inexpérimenté. Ceria serra le poing. Elle sentit la magie envahir sa main. Elle ne voulait pas lancer de sort et prendre le risque de se faire jeter hors du bateau, mais si c’était ça ou risquer que Pisces se fasse blesser...

Il n’y eut nul besoin d’en arriver là. Pisces recula d’un pas et sortit sa rapière de son fourreau - beaucoup plus vite que le jeune homme et avec beaucoup plus de fioritures. Charles et ses sbires reculèrent à la vue de la rapière, et l’incertitude étincela dans les yeux du jeune homme à l’épée.*

“Si j’étais vous, je reconsidérerais toute tentative d’attaque contre nos personnes. Je vous prie d’observer la lame. J’ai des niveaux dans la classe d’[Escrimeur] et je n’hésiterai pas à me défendre.”

Les personnes autour de Charles reculèrent. Il avait la main posée sur son épée, mais il n’était clairement pas prêt à faire face à des violences réelles. Il regarda le garçon à l’épée et se lécha les lèvres avant de faire face à Pisces.

“Imbécile. Timor du Habrington est un guerrier expérimenté qui pourrait te découper en rondelles. Il a beaucoup de niveaux dans la classe de [Guerrier].”

Timor acquiesça, mais ses yeux étaient rivés sur la rapière de Pisces. Il n’avait pas le port d’un guerrier.

“Baisse ton arme, pouilleux.”

“Pas avant que tu n’aies baissé la tienne.”

“Je suis[Guerrier] et [Lord] !”

Sa voix tremblait. Pisces soupira. Il plongea la main dans sa poche.

“Si vous ne souhaitez pas changer d’avis - alors écoutez bien.”

Il sortit quelque chose de sa poche. Une cloche argentée. Elle sonna, une note pure et aiguë. Une fois, deux fois.

Timor pâlit. Il bondit en arrière comme si le jeune homme l’avait frappé. Il rentra dans Charles et ils faillirent tous deux tomber à la renverse.

“Reste où tu es ! Nous sommes armés ! Charles et moi pouvons t’affronter, qu’importe ton rang !”

Pisces tenait sa rapière calmement et se tenait de profil par rapport au duo. Charles sortit son épée de son fourreau et lui fit face d’un air incertain. Tout cela était allé beaucoup plus loin que Ceria ne l’avait voulu. Elle ne savait pas vraiment ce que signifiait la cloche, mais elle ne pouvait pas laisser les choses continuer comme ça. Elle se leva.

“Allez-vous-en. Nous sommes tous sur un bateau qui fait cap sur Wistram. Si vous lancez une bagarre, vous vous ferez débarquer, si le Capitaine ne vous tue pas de ses mains. Et s’il ne le fait pas… c’est moi qui le ferai.”

Elle leva les doigts et se concentra. Des flammes surgirent de sa peau et dansèrent dans sa main. Charles et ses acolytes reculèrent tandis que le reste des élèves murmurèrent en la pointant du doigt;

“Nous avons de la magie, nous aussi !”

Quelques autres personnes levèrent les mains et produisirent des étincelles ou des flammes du bout des doigts. Aucunes n’étaient aussi vives que celles de Ceria. Elle tint sa main enflammée levée vers Charles jusqu’à entendre des bruits de pas.

Qu’êtes-vous en train de fabriquer sur mon navire ?
Les flammes autour de la main de Ceria s’éteignirent lorsqu’elle vit le [Capitaine] dévaler les escaliers en vociférant sur les élèves, deux marins musculeux derrière lui. En un instant, tout le monde fut séparé et il se mit à hurler à la fois sur Ceria, Pisces, Charles et Timor, sans se soucier des geignements des deux derniers.

“Je devrais tous vous jeter par-dessus bord ! Vous deux, vous avez de la chance que nous soyons loin du port, ou je vous débarquerais et au diable la liste ! Toi, garçon, range ça avant que je ne jette cette lame dans la mer !”, hurla le Capitaine à l’attention de Ceria et Pisces. Ce dernier rangea son épée.

“Nous ne faisions que nous défendre.”, protesta Pisces, mais le Capitaine était trop furieux pour lui prêter attention. Il fusilla Ceria du regard.

“Pas de magie sur mon navire ! Si tu jettes un autre sort, je te jetterai moi-même par-dessus bord ! Et vous deux, si vous cherchez de nouveau les ennuis ou que vous sortez vos épées, je vous taillerai en pièces, lords ou pas !”

Il ignora les bruits outragés des deux garçons et remonta les escaliers en trombes. Charles et Timor hésitèrent mais ils s’éloignèrent d’un pas raide, non sans leur jeter un regard noir au passage.

Ceria se rassit dans un soupir, le cœur battant.

“Cela aurait pu se terminer bien plus mal.”

“Ou bien mieux. Il m’a menacé de jeter ma lame !”, grommela Pisces en se rasseyant à côté de Ceria. Il fusillait toujours Charles et Timor du regard. Ces derniers avaient rejoint le reste des élèves et riaient aux éclats sans regarder Pisces et Ceria.

“En même temps, tu menaçais deux de ses passagers.”

“Seulement parce qu’ils avaient sorti leur acier devant nous !”

Pisces était indigné. Ceria soupira.

“Si tu ne leur avais pas tenu tête, ils nous auraient bien vite laissés tranquilles. Fais-moi confiance, j’ai l’habitude.”

Le jeune homme jeta un regard en coin à Ceria.

“Je n’avais pas l’impression que c’était juste, voilà tout. Nous espérons tous devenir mages, de vrais mages, je veux dire. Si nous ne pouvons pas nous traiter avec la courtoisie la plus élémentaire, nous ne valons pas mieux que les imbéciles ignorants, malgré tous nos pouvoirs.”

Ceria lui sourit. Cela la surprit davantage que cela ne surprit Pisces. Elle était là, en train de se lier d’amitié avec un Humain. Il lui rendit son sourire.

“Eh bien, j’ai adoré voir leurs têtes lorsque tu leur as fait face. Merci.”

Pisces rougit et agita la main.

“Ce n’était rien.”

Ceria sourit de nouveau. Elle pointa la poche de Pisces du doigt.

“Que signifie la cloche ? Ils ont vite fait machine arrière en la voyant.”

Il avait encore les joues très rouges, mais Pisces secoua la tête, et cacha la rapière sous son couchage.

“C’est un symbole utilisé par les duellistes. Cela signifie que j’ai atteint un niveau reconnu parmi ceux qui pratiquent le même art.”

“Oh.”

Il était évident qu’il voulait garder le secret, donc Ceria laissa tomber. Pisces marmonna dans sa barbe en réorganisant sa couchette.

“J’abhorre les nobles arrogants et leurs semblables. Je croyais m’en débarrasser, mais j’imagine que même à Wistram, la richesse parle.”

“Nous verrons si c’est toujours le cas à l’académie.”

“On m’a dit qu’il n’y a presque rien sur l’île à part l’Académie de Wistram et une jetée. Je me demande s’ils importent tout ? Comment font-ils pour se nourrir ?”

“Ils font sans doute pousser ce dont ils ont besoin par magie. D’une manière ou d’une autre.”

“Tout de même. Combien crois-tu qu’il y aura de nouveaux élèves comme nous ?”

“Sais pas.”

“Et combien réussiront l’examen ?”

Ceria resta silencieuse. L’examen. Il hantait ses pensées comme un spectre vague et terrifiant.

Il était vrai que quiconque possédant un peu de talent et suffisamment d’argent pouvait se rendre à Wistram. Mais y rester était beaucoup plus compliqué.

Le prix à payer était de vingt pièces d’or, mais cela ne permettait aux élèves que d’étudier un mois à Wistram. On leur apprendrait des sorts de base et ils pourraient faire le tour de l’île, mais une fois ce mois-là passé, il leur faudrait prouver leur valeur… ou rentrer chez eux.

Vivre à Wistram sans être un mage auquel l’académie avait accordé une bourse était extraordinairement cher. Les élèves devaient payer des centaines de pièces d’or pour étudier là-bas, ce qui était pourquoi la plupart de ceux qui allaient à Wistram espéraient réussir l’examen et rester gratuitement.

L’Académie de Wistram était toujours à la recherche de mages talentueux, ce qui était la raison pour laquelle l’examen était prévu pour que les élèves puissent faire la démonstration de leurs talents. Quiconque possédant suffisamment de niveaux ou, encore mieux, un sort ou une Compétence unique, aurait le droit de rester étudier. C’était ce que Ceria et Pisces souhaitaient tous deux : réussir l’examen et devenir des élèves à part entière.

Mais ni Pisces, ni Ceria n’avaient la moindre idée de ce en quoi l’examen consisterait, ni ce qu’ils apprendraient entre-temps. Ils ne savaient même pas à quoi ressemblait Wistram ; l’île était au beau milieu de l’océan, et les visiteurs étaient naturellement rares.

La lumière traversant les hublots finit par disparaître presque complètement, et Ceria ferma celui qui était le plus proche de Pisces et elle pour qu’ils puissent dormir. Il leur restait encore un peu plus d’une journée de voyage, et elle voulait garder ses forces.

Elle dormit d’un sommeil profond, jusqu’à ce que l’orage se déclenche et que la pluie se mette à tambouriner sur le pont.



***


C’était une tempête de mer, un tourbillon horrifiant qui ne surgissait qu’au milieu de l’océan.? De gigantesques vagues se fracassèrent contre la Voyageuse Errante qui voguait à travers les nuages noirs et la pluie diluvienne. Le vent menaçait de faire s’envoler les marins qui se précipitaient pour ferler les voiles et obéir aux ordres du Capitaine tandis que ce dernier combattait les vagues à la proue de son navire.

Sous le pont, les élèves terrifiés se serraient les uns contre les autres, écoutant le fracas de vagues et discutant à voix basses. Ceria s’assit avec Pisces, regardant par la fenêtre le bateau se soulever, puis redescendre avec une force à vous retourner l’estomac.

“Tu es sûre que ce bateau peut survivre à cette tempête ?”, hurla Pisces à l’oreille de Ceria. Il tenait ses affaires serrées contre lui en regardant l’eau derrière le hublot.

“Je n’en sais rien !”, répondit Ceria en criant. Elle tapota la fenêtre.

“C’est du verre. Le navire doit être récent, donc il devrait tenir !”

“Il a intérêt ! Je ne sais pas nager !”

Quoi ?”

L’idée qu’on puisse ne pas savoir nager époustoufla Ceria, jusqu’à ce qu’elle se souvienne que la plupart des Humains de Terandria vivaient à l’intérieur des terres et ne voyaient jamais de grandes étendues d’eau. Non pas que cela ait la moindre importance. Ceria avait largement eu le temps d’apprendre à nager pendant ses cinquante ans de vie, mais elle était certaine qu’elle ne tiendrait pas dis minutes dans les eaux couvertes d’écume.

“Ça va aller !”

Puis, comme pour se moquer d’elle, Ceria entendit la trappe qui menait au pont s’ouvrir en claquant. Un marin descendit les marches d’un pas lourd pendant que le vent et l’eau s’engouffraient à l’intérieur. Il hurla.

“Serpent de Mer à tribord ! Restez sous le pont !”

Les gens de la cale se mirent à hurler. Le ventre de Ceria se serra de peur, mais le marin se précipita vers elle. Il ignora le bateau qui tanguait et lui saisit le bras.

“Toi ! La demi-Elfe ! Tu as des sorts pour combattre le serpent ?”

Ceria le regarda fixement, la bouche ouverte !

“Pas de quoi combattre un Serpent de Mer !”

Les monstres gigantesques de l’océan étaient bien plus terrifiants que ceux sur terre, ou du moins en termes de taille. Un Serpent de Mer faisait deux fois la longueur d’un vaisseau de guerre - en moyenne. Les plus gros spécimens pouvaient s’attaquer à des flottes entières. Les [Aiguilles de Pierre] de Ceria leur feraient l’effet d’un petit crachat.

“Très bien. Reste ici et prie pour qu’il se lasse ! Le Capitaine a utilisé un parchemin pour demander de l’aide à Wistram - peut-être que ces maudits mages réussiront à faire quelque chose de là-bas :”

Le marin remonta les marches au pas de course. Pisces tourna son visage blanc vers Ceria. Elle était déjà   de nouveau en train de contempler la mer en furie.

“Là. Le voilà !”

Au loin, Ceria vit une forme ondulante fendre les eaux. Le Serpent de Mer jaillit tête la première de l’eau, et Ceria n’eut que le temps d’apercevoir sa mâchoire gigantesque et ses yeux brûlants avant qu’il ne replonge. Ses anneaux reptiliens suivirent sa tête et le cœur de Ceria se serra dans sa poitrine lorsqu’elle comprit que la créature était quatre fois plus longue que la Voyageuse Errante.

“Est-ce qu’il nous voit ?”

Pisces agrippa l’épaule de Ceria. Malgré la peur et la panique, son contact révulsa Ceria. Elle regarda fixement sa main et résista à l’envie d’y planter un couteau. C’était un Humain - non, c’était Pisces et il était terrifié. Elle lui fit lâcher prise et secoua la tête.

“Pas encore ! Mais il a l’air d’être en train de chasser !”

C’était vrai. Le Serpent de Mer était en quête de proie, plongeant dans les vagues comme s’il ne les remarquait pas. Il avait l’air de chercher quelque chose. Il plongea, puis Ceria poussa un cri lorsqu’il remonta, un poisson se débattant entre ses crocs. Le poisson devait être énorme, lui aussi, parce qu’elle le voyait clairement malgré la distance. Il n’était qu’à peine plus gros que la gueule du Serpent de Mer, mais cela signifiait qu’il faisait déjà au moins six mètres de long.

Le serpent secoua sa proie puis disparut de nouveau. Ceria pria pour qu’il soit parti, mais alors sa tête ressortit de l’eau et il planta son regard droit sur le navire.

Quelqu’un hurla. Le Serpent de Mer plongea vers eux, puis Ceria vit une énorme gueule armée de dents s’élever au-dessus de leur vaisseau.

Elle entendit des cris au-dessus de leurs têtes, et vit quelque chose qui ressemblait à des flèches s’écraser sur les écailles du serpent. Deux harpons volèrent dans la pluie diluvienne, mais ils ne s’enfoncèrent que de manière superficielle dans les écailles de la créature, sans même la faire saigner.

Tout autour de Ceria et Pisces, les gens hurlaient et pleuraient. Elle se contentait de regarder par le hublot. Pisces marmonnait dans sa barbe, la main serrée sur sa rapière.

“... injuste. Je ne voulais qu’une chance. Est-ce qu’il faut vraiment que ça se termine ainsi ? Même pas de corps à utiliser... rien d’assez gros…”

“Qu’est-ce que c’est ?”, marmonna Ceria à voix basse. Le serpent rugissait au-dessus de leurs têtes, un cri strident et alien qui ressemblait à la mort. Pisces leva les yeux.

“Quoi ?”

“Il y a quelque chose dehors. Dans la tempête. C’est…”

Un éclair illumina le ciel. Le monde devint blanc pendant une milliseconde avant que Ceria et Pisces ne sentent le tonnerre qui venait de dévier la course du navire vibrer dans leurs os.

Boum. On aurait plus dit une sensation qu’un son. Ceria tomba à la renverse et Pisces amortit sa chute. Elle se remit debout, ignorant les cris autour d’elle, et vit le Serpent de Mer se tordre de douleur.

“L’éclair l’a frappé !”

En effet, une partie des écailles près du cou de la bête étaient noircies et arrachées, exposant une chair rouge et du sang qui colorait l’eau. Le serpent se tordit et ouvrit la gueule en direction du bateau, mais l’éclair le frappa de nouveau.

Cette fois-ci, le rugissement de l’éclair qui frappa le serpent coïncida avec la lumière, et Ceria se retrouva aveuglée par la vision d’un éclair d’énergie frappant le Serpent de Mer. Elle fut projetée en arrière par l’onde de choc. Pisces l’aida à se relever en regardant dehors.

“Il a l’air blessé ! L’éclair l’a blessé !”

Ceria se releva lentement. Elle s’accroupit, faisant de son mieux pour ne pas tomber à la renverse et lui répondit en hurlant.

“Ce n’est pas un éclair. C’est un sort !”

Quoi ?

“Là !”

La demi-Elfe pointa du doigt, et Pisces poussa une exclamation. Dans le ciel, loin au-dessus de leurs têtes, les deux mages apercevaient une petite silhouette flottant dans la tempête. La seule raison pour laquelle ils parvenaient à la distinguer était que l’air qui l’entourait était parcouru d’éclairs et que son corps était parcouru de courants électriques.

“Une mage ? De Wistram ?”

C’était obligé. Ceria regarda Pisces et vit que son visage s’était illuminé du même espoir qui emplissait sa poitrine. Mais son cœur se serra alors.

“Ils n’ont envoyé qu’une personne ?”

En effet, il semblait que c’était le cas. La petite silhouette était seule et elle - oui, c’était bien une femme - flottait haut dans les airs, face au navire. Mais elle restait tristement petite par rapport à son adversaire, et à présent, le Serpent de Mer l’avait vue, lui aussi. Il rugit et jaillit de la mer, claquant des mâchoires dans sa direction.

La femme vola en arrière, et Ceria sentit le serpent heurter la surface de l’océan, manquant sa cible de quelques mètres seulement. La vague qui en résulta transforma la mer et le ciel en un chaos confus et de l’eau retomba autour du bateau, mais elle leva alors les yeux et vit la mage, esquivant les mâchoires du serpent qui la poursuivait.

“Regarde-le ! Il ne peut pas la rattraper !”

Pisces regardait à travers un autre hublot tandis que la femme fendait l’air, le serpent se propulsant à sa suite sans relâche. Il ne pouvait pas aisément l’atteindre lorsqu’elle volait, et à chaque fois qu’il bondissait hors de l’eau, elle tourbillonnait hors de portée. C’était une danse sauvage et démente, où la mort guettait, mais la mage tournait autour du serpent comme si elle s’amusait.

Le serpent se détendit comme un ressort et la femme l’esquiva juste à temps. Elle vola juste à côté du bateau où se trouvait Ceria et la demi-Elfe aperçut brièvement son visage. Elle recula d’un pas.

“Qu’est-ce qu’il y a ?”

Pisces dévisageait Ceria. Elle regarda fixement la mage qui s’était enfin arrêtée, flottant juste devant le navire, face au serpent. Elle avait levé la main et le serpent fondait sur elle, inarrêtable. Il allait heurter le bateau, mais de l’électricité crépitait de nouveau autour de la femme.

“Elle… rit.”

Ceria ne voyait que son dos à présent, mais elle savait ce qu’elle avait vu. La femme leva calmement la main lorsque le serpent s’approcha, comme si elle avait tout le temps du monde devant elle. Ceria entendit un cri par-dessus la tempête, et la mage jeta un sort.

La foudre jaillit de sa paume, un éclair scintillant d’électricité pure. Ceria vit les images rémanentes après qu’il eut frappé le serpent de mer une fois, deux fois, trois fois, puis avec tellement d’éclairs que le monde entier devint blanc.

Ceria se couvrit les yeux lorsque l’explosion fit tanguer le bateau. Elle tomba à la renverse et Pisces la rattrapa. Lorsqu’elle se releva et regarda par la fenêtre, la femme avait disparu. Le corps du serpent de mer flottait, le ventre hors de l’eau, fumant, sous la pluie qui bombardait le cadavre gigantesque.

“Dieux morts !”

Le serpent était mort. Très mort. Sa tête était presque entièrement noircie, et il ne restait qu’un moignon là où s’étaient trouvées les mâchoires béantes. Ceria et Pisces entendirent des cris de joie à l’étage, et le navire se remit en route.

“Elle l’a tué ! Juste comme ça ! Elle ne faisait que s’amuser avec le serpent jusqu’à maintenant !”, hurla Pisces pour se faire entendre par-dessus les bruits de la tempête qui continuait de faire rage autour du bateau. Ceria regarda Pisces. Ses yeux brillaient d’excitation. Elle savait qu’elle-même affichait un sourire gigantesque sur le visage, mais elle ne pouvait s’en empêcher.

Presque tous les autres candidats hurlaient ou étaient encore mués dans un silence choqué. Mais la demi-Elfe et le jeune homme s’assirent côte-à-côte, regardant l’énorme bête par la fenêtre. Elle avait paru tellement incroyable, tellement impossible à vaincre. Même un navire rempli de marins entraînés n’avait rien pu contre elle, mais une simple mage l’avait tuée en quelques minutes.

Par magie.

Le bateau fit de nouveau une embardée et Ceria entendit un bruit d'éclaboussures indiquant que l’un des élèves avait de nouveau perdu son déjeuner. Elle vit quelque chose au loin sur la gauche du bateau - une silhouette sombre qui saillait de la mer. Puis le bateau tourna dans cette direction et continua d’avancer.

C’est alors que l’orage se tut. D’un seul coup, le bateau cessa de tanguer en pénétrant dans des eaux d’un calme surnaturel. Le vent et la pluie qui faisaient rage au cœur de la tempête parurent rencontrer un mur, que le bateau traversa, voguant sous un ciel clair et sur des eaux d’un bleu vert qui scintillait à la lumière.

La mâchoire de Ceria se décrocha. La Voyageuse Errante pénétra dans l’œil de l’ouragan, une bulle magique à l’intérieur de laquelle le mauvais temps cessait. Les eaux étaient soudain lisses, puis le navire tourna de nouveau et Ceria la vit clairement pour la première fois de sa vie.

Wistram. L’Île des Mages.

Le grand château se dressait au sommet d’une falaise - non, disons plutôt qu’il était bâti à l’intérieur même de l’île. Les hautes falaises rocheuses se muaient en pierre grise et Ceria s’aperçut que le château ressemblait plutôt à une citadelle, où plusieurs bâtiments étaient interconnectés, reliés par un mur épais et des ponts qui s’élevaient dans le ciel.

Les flèches et les bâtiments s’élevaient dans les airs, impossiblement haut. Ceria n’avait jamais vu de structures aussi hautes - elle aurait d’ailleurs parié que c’était impossible, et, d’un point du vue architectural, c’était sans doute le cas. Des dômes ronds et ventrus étaient posés au sommet de flèches étroites et des ailes entières du château se dressaient au-dessus de la mer sans supports apparents;

C’était forcément de la magie, et en effet, Ceria apercevait les lumières qui miroitaient dans les airs, et les runes brillantes visibles à l’œil nu qui flottaient autour de certaines fenêtres, et d’autres sortilèges encore. Une des tours paraissait entourée de flammes, et une autre partie du château était gelée, les fenêtres et une partie du mur couverts de vignes rampantes.

Ceria sentit le navire ralentir, puis aperçut les quais. Ils se dirigeaient vers un gigantesque quai de pierre blanc. Il y avait déjà deux navires amarrés au port, et un autre se rapprochait, ayant lui aussi clairement subi l’orage. Le mat de ce navire était brisé, mais Ceria vit que des gens étaient montés sur le pont et contemplaient Wistram.

Lentement, très lentement, le navire s’arrêta et les marins se mirent à l’amarrer à quai. Le Capitaine criait aux élèves de rassembler leurs affaires. Presque engourdis, les futurs étudiants se mirent à ramasser leurs affaires et sortir en file indienne du bateau.

Ceria retint son souffle à l’instant où elle vit le château dans sa totalité. De grands escaliers s’étiraient encore et encore jusqu’à la porte de métal à double battants, et le château se dressait plus haut encore, brillant d’une lumière magique même en plein jour.

Pisces vint se placer à côté de Ceria, tout aussi fasciné qu’elle. Ils passèrent devant le Capitaine, et Ceria ne se souvint qu’à ce moment-là de le remercier de les avoir amenés à bon port sains et saufs.

“Ne me remercie pas. J’ai été payé pour ce voyage, même si celui-ci valait à peine l’or que j’en ai tiré. Ce Serpent de Mer aurait fendu mon navire en deux et nous aurait tous mis en pièces si les mages n’étaient pas venus à notre rescousse.”

Le Capitaine secoua la tête en regardant le deuxième navire entrer à quai. Ceria hésita.

“Est-ce que vous savez de quelle mage il s’agissait ? Celle qui a tué le serpent ?”

“Cela ne peut être qu’une personne. C’était Archimage Amerys. L’une des Sept du Roi de la Destruction.”

Pisces resta bouche-bée. Le Capitaine secoua la tête.

“C’était un coup de chance qu’on ait eu l’une des Archimages assez près et volontaire pour nous aider. Et même alors, c’est un signe pour vous autres qui voulez devenir mages. Bon signe ou mauvais signe ? Qui sait. Allez, filez, et bonne chance.”

Il se détourna, et les deux mages échangèrent un regard. Il se dépêchèrent de rejoindre le reste des élèves qui montaient les escaliers menant aux portes de Wistram. Elles étaient en train de s’ouvrir lentement, et des gens descendaient pour les accueillir.

C’est ainsi qu’ils pénétrèrent à l’Académie de Wistram. Aux yeux des nouveaux élèves, rien ne pourrait surpasser leur premier voyage éprouvant à travers la tempête, mais ils réalisèrent rapidement qu’ils n’avaient eu qu’un bref aperçu des véritables mystères nichés dans l’ancienne citadelle.
 
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SO3 - Du Temps de Wistram, Partie 1
Deuxième Partie
Traduit par EllieVia
***


La première chose que Ceria remarqua lorsqu’elle pénétra dans l’enceinte des gigantesques murs de Wistram, c’est que le château était bel et bien gigantesque. D’ailleurs, le mot gigantesque était en lui-même trop petit pour Wistram. Il se serait perdu dans le hall d’entrée, et c’était déjà un endroit suffisamment grand pour accueillir aisément tout un village.

“Ça n’avait pas l’air si grand que ça vu de l’extérieur.”

“Ça doit être de la magie ! Une espèce de magie spatiale ou… ou nous avons été téléportés !”

Pisces contempla le hall gigantesque tandis que Ceria avisait les lumières flottant haut, haut au-dessus de leurs têtes. De nombreux étages surplombaient les élèves qui se rassemblaient au centre de l’immense pièce, et Ceria pouvoir apercevoir des gens sur les passerelles connectant les différents étages au-dessus de leurs têtes.

“Chancre. C’est de la pierre, là-haut ! Ils ont bâti des ponts à l’intérieur d’une pièce ! Cet endroit doit être énorme !”

“En effet. Wistram est bien plus vaste que ce qu’il apparaît vu de l’extérieur. Les mages ont bâti jusque haut dans les airs et dans les profondeurs de l’île. Il vous faudra du temps pour cesser de vous perdre, et même alors, vous feriez bien de vous cantonner aux zones principales.”

Ceria et Pisces se retournèrent, et virent un homme haut de taille qui les regardait de toute sa hauteur. Il n’était vêtu que d’un t-shirt, probablement parce que sa moitié inférieure n’avait pas besoin de vêtements. C’était un Centaure, et il fit un grand sourire devant leurs mines étonnées.

“C’est toujours la même chose. Les nouveaux élèves lèvent la tête et ne nous remarquent même pas. Nous pourrions vous voler tout ce que vous possédez et vous seriez encore en train de contempler les lieux. Non pas que ce serait très gentil de vous accueillir comme ça après le voyage que vous avez eu, n’est-ce pas ?”

“Vous avez vu le Serpent de Mer ?”, s’exclama Pisces d’un air excité, et le Centaure éclata de rire.

“Toute l’académie l’a vu. Nous avons fait des paris pour savoir si Amerys arriverait à temps pour vous sauver. Mais vous vous en êtes tous sortis, ce dont je suis heureux. Je m’appelle Calvaron, jeune mage. Je suis un étudiant à part entière de Wistram, et c’est moi qui vais vous faire visiter les lieux.”

Le mage Centaure serra la main de Ceria et Pisces d’une poigne de fer, puis haussa la voix.

“Futurs étudiants, par ici ! Votre groupe va me suivre pour aller poser vos affaires. Dépêchez-vous, les Humains ! Le prochain groupe va bientôt arriver !”

Les têtes se tournèrent. Ceria fut ravie de voir que Charles et son groupe d’amis hésitèrent visiblement à suivre lorsqu’ils s’aperçurent que leur guide était un Centaure, mais Calvaron ignora leurs regards. Il se mit à trotter en direction de l’un des larges couloirs en parlant d’une voix forte.

“Félicitations d’avoir survécu à votre voyage ! Peu de gens ont la chance de faire la rencontre d’un Serpent de Mer et d’en ressortir vivant. Mais vous verrez que la vie à Wistram est tout aussi excitante - si vous restez, je veux dire. Nous allons vous garder un mois, puis l’examen déterminera si vous pouvez rester ou partir. À moins que vous ne puissiez payer votre séjour, je veux dire. J’espère voir au moins quelques-uns d’entre vous après cela.”

Ceria dut presser le pas pour rester derrière le Centaure. Il marchait vite, et elle vit que le visage de Pisces était rouge, tant il devait faire d’efforts pour jongler avec ses affaires tout en soutenant la cadence. Il avait posé son sac en entrant, et il essayait de le remettre sur son dos en courant à moitié derrière eux.

“Excusez-moi, Calvaron, est-ce que vous pourriez ralentir ?”

“Comment ? Oh, excuse-moi.”

Calvaron jeta un regard par-dessus son épaule et vit que les Humains peinaient à tenir le rythme. Il s’arrêta et Pisces jeta un regard reconnaissant à Ceria lorsqu’il parvint enfin à remettre son sac sur ses épaules.

“J’oublie à quel point vous êtes lents. Mais si vous ne parvenez pas à tenir le rythme à Wistram, autant vous en aller tout de suite. Là encore, d’autres mages peuvent avoir des avis différents. Allez, les lambins ! On y est presque !”, beugla-t-il à l’attention des quelques élèves à la traîne, puis il les conduisit dans une grande pièce. Ceria se figea à l’instant où elle y pénétra et Pisces lui rentra dedans. Elle regarda fixement le visage gravé d’un Golem haut de deux mètres.

C’était forcément un Golem. Ceria ne connaissait qu’un seul type de monstre ayant une peau de pierre, et aucune Gargouille n’était sculptée en forme de belle femme vêtue d’habits. Puis le Golem avança, et Ceria poussa une exclamation étouffée en voyant sa robe onduler au rythme de ses mouvements, comme si la roche était véritablement du tissu.

“Salutations, jeune mage. Je suppose que tu es l’une des nouvelles élèves ?”

“Je… je…”

“C’est bien ça, Cognita.”, intervint Calvaron tandis que le reste des Humains entraient dans la pièce en arborant des expressions similaires. Cognita, la gigantesque Golem, salua chacun d’un gracieux hochement de tête jusqu’à ce que tout le monde fût entré, puis elle prit la parole. Sa voix était plus profonde qu’une voix ordinaire, et possédait un poids qui capta même l’attention de Charles et Timor qui l’écoutèrent avec une profonde concentration.

“Je suis Cognita. Je suis un Golem Sculpté, ou plutôt, une Cariatide Sageroche construite pour superviser Wistram et ses mages. Mes pairs et moi-même entretenons et préservons ce bâtiment et serons à votre service pendant toute la durée de votre séjour. Dans quelques instants, vous serez menés à vos chambres, mais avant cela, je dois vous énoncer les règles de Wistram.”

Elle baissa le regard d’émeraude empreint de sérieux pour le plonger tour à tour dans les yeux de chaque élève.

“Premièrement. Vous ne devez jamais vous aventurer dans les étages les plus hauts ou les plus bas du château non accompagnés et même alors, seulement pour une excellente raison. Les dangers sont nombreux à Wistram, car nombreuses sont les anciennes magies, les sortilèges et les créatures appelées ici à ne jamais avoir été détruites. De plus, les enchantements qui maintiennent cette citadelle intacte peuvent parfois s’effilocher. Deuxièmement. Certains Golems ont été faits comme moi, mais la plupart sont dépourvus de toute forme d’intelligence et se contentent d’obéir aux ordres. Ne les attaquez pas ni ne leur faites obstacles d’une quelconque manière que ce soit ou ils pourraient réagir de manière imprévisible. Troisièmement. Quiconque souhaite pratiquer des magies de zone doit tout d’abord me consulter ou consulter un mage expérimenté. Des résultats imprévisibles peuvent survenir si un sort affecte une large zone de l’académie à la fois. Est-ce que c’est compris ?”

Elle contempla les élèves puis hocha la tête.

“C’est tout. Suivez-moi, et je vous guiderai à vos chambres et vous donnerai vos clefs.”

Elle passa la porte et Calvaron indiqua à tout le monde de la suivre. Ceria, Pisces, et Calvaron se glissèrent à l’arrière du groupe d’élèves qui faisaient la queue pour sortir de la pièce.

“Je suis surprise qu’elle ne nous ait pas donné d’autres règles. Comme, disons, ne tuez pas d’autres élèves ou ne volez pas.”, murmura Ceria à Pisces. Calvaron éclata de rire en l’entendant.

“Ce sont aussi des règles de Wistram, mais Cognita a été créé à une ère différente. Elle ne se soucie de vous que si vous étudiez la magie, et elle ne vous dit ces règles que pour vous éviter de mourir par accident. Nous vous dirons le reste des règles plus tard.”

“Calvaron. Est-ce que tu comptes emmener ces élèves au réfectoire maintenant ou plus tard ?”

Cognita s’était arrêtée devant une porte. Calvaron acquiesça.

“Posez vos affaires et prenez un moment pour vous détendre. Dans quinze minutes, je vous emmènerai tous au réfectoire pour manger.”

La procession reprit sa marche, et Cognita mena chacun des élèves devant une porte où elle leur remit une clef, ou une pierre, ou se contenta parfois de murmurer quelque chose à leur oreille. Ceria était perplexe, mais il ne resta bientôt plus que Pisces et elle.

“Cette chambre sera la tienne, Ceria Springwalker. Voici la clef du verrou. Il peut être crocheté, donc fais attention.”

Cognita tendit à Ceria une clef de fer. Puis elle se tourna vers Pisces;

“La porte de ta chambre est ensorcelée. Dis ton nom dans la serrure et elle s’ouvrira pour toi seul. Fais attention à ne pas enfermer un compagnon à l’intérieur.”

Elle se détourna, et s’en alla. Médusée, Ceria regarda Pisces qui s’avança vers sa porte et lui parla. La porte s’ouvrit à la volée et Pisces regarda à l’intérieur en cillant.

“Pourquoi est-ce que les verrous sont différents ? Et pourquoi est-ce que les chambres sont différentes ?”

Ceria s’aperçut que sa chambre était vaste et spacieuse, munie d’un vieux lit à baldaquin, d’un miroir et d’une commode. Pisces avait une chambre beaucoup plus petite, mais pour une raison inconnue, elle était munie d’un balcon qui s’étendait à l’extérieur. Ceria et lui se tournèrent vers Calvaron qui se contenta de hausser les épaules.

“Beaucoup de gens ont travaillé pour bâtir Wistram, et chaque personne avait son propre style. Certaines portes ont des verrous, tandis que d’autres utilisent de la magie ou une pierre comme clef. Tu as eu de la chance, Pisces ; c’est plutôt sympa d’avoir un balcon. J’imagine que tu pourrais échanger la tienne si tu voulais.”

“Je pense que mon logement va me plaire. Ah, est-ce que tu as parlé de nourriture disponible ?”

Calvaron éclata de rire pendant que Ceria jetait ses affaires sur le lit et tournait la clef dans la serrure.

“En effet, il y a à manger. Laissez-moi rassembler le reste de votre groupe et nous mangerons. Personne ne peut apprendre la magie le ventre vide, pas vrai ?”




***



Ceria et Pisces levèrent les yeux en arrivant dans la grande salle de Wistram, se tordant le cou pour apercevoir le plafond.

“Est-ce que ces lampes de mages sont permanentes, ou est-ce qu’il ne s’agit que d’enchantements temporaires ?”

Calvaron leva les yeux. Il était assis à une table avec les deux mages, croquant son repas principalement constitué de carottes, mais qui contenait tout de même pas mal de bœuf. Il enfourna un morceau de carotte dans sa bouche et répondit d’un air pensif.

“Je n’ai jamais vraiment demandé. J’imagine que c’est comme un grand nombre des lumières du château. On peut les allumer et les éteindre, mais l’enchantement demeure. Bon, et il y a aussi les globes de lumières que la plupart des mages jettent en l’air quand il fait trop sombre et laissent sur place pendant quelques heures.”

“Ou quelques jours.”

Ceria se retourna. En face d’eux se trouvait une femme à la peau sombre vêtue d’une armure. Ce qui la différenciait du reste des gens, c’était que sa tête et ladite armure n’étaient pas rattachées. Elle se nourrissait de pudding sa tête qu’elle avait posée sur la table. Calvaron avait l’air parfaitement à l’aise avec ça, mais ni Pisces, ni Ceria n’avait jamais vu de Dullahan en chair et en os par le passé. Elle s’appelait Béatrice, et c’était à peu près la troisième phrase qu’elle avait décrochée depuis le début du repas à par “Salut” et “Ravie de vous rencontrer.”

Ceria observa le reste de la vaste pièce où elle était assise en coupant son steak. La grande salle était remplie de longues tables - et de plus petites. Comme dans la majeure partie du château, tous les meubles étaient apparemment utilisés, et c’est ainsi qu’elle s’était retrouvée assise avec Pisces et Calvaron à une table basse sur des canapés, plutôt que sur l’une des chaises placées devant les longues tables où la plupart des élèves mangeaient.

C’était probablement parce que la table basse permettait à Calvaron de poser les genoux par terre en mangeant. Ceria n’arrivait tout de même toujours pas à se concentrer sur son repas. Les orbes flottantes de lumières multicolores, les tables où s’entassaient toutes sortes de plats - et surtout les groupes en train de papoter, bavarder, et rire, constituer de toutes sortes d’espèces à chaque table, tout l’écrasait. Elle était entourée de mages, et toutes les deux secondes, Ceria voyait quelqu’un jeter un sort ou illustrer un argument par un enchantement.

“Arrête de fixer les gens, Springwalker. Cette assiette ne va pas se manger toute seule et si tu veux du rab, il va falloir que tu manges vite.”

Ceria cligna des yeux en se tournant vers Calvaron, puis réalisa que son steak refroidissait. Elle ajouta un peu de beurre, le regarda fondre, puis se mit à dévorer sa viande.

Pisces était déjà en train de manger comme s’il était affamée. Ni lui, ni Ceria n’avait les meilleurs manières à tables, mais Calvaron et Béatrice ne parurent pas le remarquer.

“D’où vient toute la nourriture ? Pas de la magie, sûrement.”

“Hah ! Tu crois qu’elle apparaît juste de nulle part ?”

Calvaron avait l’air extrêmement amusé. Il pointa le doigt sur le côté, en direction de la longue table où se tenait le buffet où ils étaient tous allés chercher leur repas.

“Les Golems et les [Chefs] font la majeure partie de la cuisine. Wistram embauche les meilleurs, et ce que nous ne mangeons pas est conservé pour un autre jour.”

“Ça doit être pratique d’avoir un tas de golems pour faire la plupart des travaux manuels et bosser ici. Je ne sais pas comment vous faites pour vous entretenir aussi facilement avec eux, cependant.”

Calvaron haussa les épaules. Il était passé juste devant les deux énormes Golems de Pierre qui les avaient croisés en marchant d’un pas pesant alors que Ceria et le reste des élèves s’en était tenus le plus éloignés possible.

“On s’habitue relativement vite quand on reste ici. Béatrice détestait toutes les armures enchantées qui se baladaient dans le coin, au début. Pendant deux ans, elle n’arrêtait pas de les appeler en croyant que c’étaient d’autres Dullahans.”

Il éclata de rire et Béatrice arrêta de se nourrir suffisamment longtemps pour froncer les sourcils. Pisces regarda autour de lui.

“J’apprécie le fait que nous soyons nourris immédiatement après notre arrivée, mais vous êtes certains qu’il n’y a pas de discours de bienvenue ? Pas de présentation ?”

“Tu en veux une ?”

Calvaron attendit que Pisces secoue la tête.

“La plupart des mages ne se soucient pas des nouveaux élèves. Il n’y a que les Expansionnistes et les Revivalistes qui s’intéressent au fait de garder un système en place, même si toutes les factions contribuent d’ordinaire d’une manière ou d’une autre.”

“Les Expansionnistes ? Les Revivalistes ?”

Pisces et Ceria échangèrent un regard .Calvaron hocha la tête.

“Vous en entendrez davantage parler bien assez tôt. Mais Wistram n’est pas un endroit vraiment uni. Ce que vous apprendrez rapidement, c’est qu’il y a des factions, ici. Les mages décident soit de se regrouper, soit de rester solitaires, selon leurs personnalités.”

Ceria en fut surprise.

“Alors, il n’y a pas de cérémonie formelle où nous choisissons où nous voulons aller ? Je croyais que nous serions assignés à un groupe ou… à une faction, ce genre de choses.”

Calvaron pouffa de rire dans son plat et même la tête de Béatrice se fendit d’un sourire.

“Ne sois pas bête. Qui serait assez stupide pour annoncer son camp publiquement ? Sans parler du fait qu’on ne peut pas se contenter de mettre les gens dans des groupes comme ça.”

Il pouffa et pointa les nouveaux élèves du doigt.

“Si tu es maline, tu choisiras avec sagesse et ne diras à personne si tu rejoins une faction. Attention, le mot circulera bien assez vite, mais au moins, comme ça, tu as une chance. Et j’espère que tu vendras ta loyauté avec sagesse. Un mage doit être fort pour survivre seul à Wistram, mais c’est mieux que de devenir esclave.”

Il pointa un petit groupe de mages assis seuls au bout de la salle du doigt. Leurs robes étaient clairement magiques, et l’un d’entre eux haussait la voix en pointant du doigt une illustration qu’il avait faite apparaître dans les airs.

“Vous voyez ces types ? Ce sont des Isolationnistes. Ils aimeraient bien qu’on arrête d’accueillir de nouveaux mages à Wistram, et que les mages aspirants se fraient un chemin jusqu’ici. Cela trierait ceux qui ne sont pas sérieux, certes, mais imaginez les pertes économiques !”

Béatrice fronça les sourcils.

“C’est stupide. Ça gaspille de l’argent.”

Calvaron leva les yeux au ciel.

“Béatrice est une Revivaliste. Elle appartient à la faction qui pense que nous devrions ouvrir grand nos portes et inaugurer une nouvelle ère de la magie, comme lors des siècles précédents.”

“Et toi ? Tu appartiens à quel groupe ?”

Le Centaure sourit.

“Je ne suis d’aucune faction, du moins pour le moment. Je rejoindrai probablement une faction ou une autre, mais je ne suis pas encore assez important pour qu’ils commencent à me mettre la pression. Et toi, Pisces ? Tu préférerais être Isolationniste ou Revivaliste, si tu en avais l’occasion ?”

Pisces hocha la tête en réfléchissant.

“Eh bien, je reste encore peu informé sur toutes les nuances de cette discussion, mais j’imagine que je me positionnerais en tant que…”

Ceria lui donna un coup de pied sous la table. Il glapit et elle le fusilla du regard. Calvaron éclata de nouveau de rire.

“Tu apprends vite, pas vrai ?”

Elle était en train de se dire qu’elle allait demander à Calvaron davantage d’informations sur les différentes factions de Wistram lorsqu’elle entendit un bruit. Elle tourna la tête et regarda fixement l’une des entrées de la grande salle. Un jeune homme à la robe en désordre entra en trombe dans la grande salle en hurlant.

Des goules ! Elles envahissent les couloirs ouest !”

Pendant un instant, un silence choqué s’installa, puis tous les nouveaux élèves se mirent à hurler. Le jeune homme se précipita dans la salle, puis Ceria les vit.

Des goules. Elles jaillirent du corridor, leurs corps morts bondissant en avant avec une force et une agilité incroyables. Leurs yeux brûlaient d’une lumière impie.

Elle ne s’arrêta même pas pour réfléchir. Ceria se leva et pointa son doigt sur les Goules. Sans baguette, elle ne pouvait pas jeter de magie très puissante, mais elle avait perfectionné ce sort jusqu’à ce qu’il soit aussi mortel qu’une flèche.

“[Aiguille de Pierre] !”

Un morceau de pierre déchiqueté jaillit de ses doigts et cueillit une Goule en pleine poitrine. Elle trébucha, mais poursuivit sa course. Le cœur de Ceria se serra. Les Goules étaient bien plus dangereuses que les Zombies, et elles approchaient tellement vite ! Elles seraient sur les nouveaux élèves avant qu’ils ne puissent s’enfuir.

“Arrêtez de crier. [Lance de Glace].”

Quelqu’un avait parlé dans le dos de Ceria. Elle tourna la tête juste à temps pour voir un énorme bloc de glace sculpté en forme de pointe passer devant elle. Le souffle lui souleva les cheveux et Ceria se retourna et vit que la Goule qu’elle avait touchée et trois autres avaient été réduites en bouillie par le sort.

“[Faucille Silencieuse] !”

Un autre mage de l’autre côté de la salle pointa le doigt sans même se lever. Une des goules fut coupée en petits morceaux par des faux transparentes et une autre perdit ses jambes.

“[Canon de Terre] !”

“[Flèche Invisible] !”

“[Sol Glissant].”

Tout autour de Ceria, des mages pointèrent le doigt ou agitèrent leurs baguettes ou utilisèrent leurs bâtons pour jeter des sorts. Les Goules se désintégrèrent pratiquement devant la masse des sorts combinées jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un sol complètement ruiné tandis que les sorts de glace et de feu produisaient de la vapeur et que des substances collantes et glissantes se mélangeaient au sol ou commençaient à se dissiper.

Calvaron éclata de rire en faisant se rasseoir Ceria.

“Joli sort, la nouvelle. Mais laisse les mages plus vieux s’occuper du combat, d’accord ? On peut se débrouiller.”

“C’est normal ? Les Goules ?”

Pisces pointa du doigt les restes des Goules - une unique mains et quelques taches sur le sol de pierre. Un Golem était déjà penché sur les dégâts avec une serpillière et un seau à la main.

La Centaure et la Dullahan haussèrent tous deux les épaules.

“C’est inhabituel que les monstres arrivent jusqu’au réfectoire, mais les accidents, ça arrive. Je me demande comment les morts-vivants sont arrivés jusqu’ici ? Un sort de téléportation qui a mal tourné ?”

“Des cadavres ?”

Béatrice se gratta la tête. C’était plutôt un massage étant donné qu’elle pouvait gratter tous les endroits facilement. Elle pointa du doigt le mage affolé qui était entré en courant dans la salle.

“Probablement une expérience avec quelques cadavres. Trop de magie. Ça a dû les ranimer.”

“Ça doit être ça. Je demanderai plus tard. Bref, dans tous les cas, gardez bien ça en tête, vous deux. Si vous voulez rester à Wistram, vous devez être parés à tout. Les Serpents de Mer sont le cadet de vos soucis ici. Est-ce que vous pensez pouvoir gérer ?”

Il regarda Ceria et Pisces droit dans les yeux. Elle hésita, mais finit par acquiescer avec conviction.

“Je reste.”

Pisces hocha la tête. Il avala une énorme bouchée et s’essuya la bouche avec une serviette.

“Moi aussi !”

“C’est ce qu’ils disent tous.”

Calvaron et Béatrice rirent, même si elle se contenta de pouffer. Puis son expression redevint sérieuse.

“Malheureusement, j’ai de mauvaises nouvelles à vous annoncer, vous deux. Cette année, il y a presque deux fois plus d’aspirant que d’habitude. J’ai bien peur qu’à moins que vous ne soyez au-dessus du Niveau 20 ou que nous n’ayez une espèce de nouveau sort ou un talent, il va être difficile de réussir l’examen.”

Il marqua une pause pendant que les deux nouveaux élèves échangeaient un regard consterné.

“Enfin, à moins que vous n’ayez un mentor pour vous sponsoriser.”

“Un mentor ?”

“Un mage de haut niveau.”, traduisit Béatrice. Calvaron hocha la tête en croquant dans une autre carotte.

“Quelqu’un qui se portera garant de vos capacités. Cela vous permettrait de faire sauter l’examen.”

Ceria regarda Calvaron d’un air méfiant.

“J’imagine que tu ne voudras pas… ?”

“Désolé, je n’ai pas l’influence nécessaire pour aider qui que ce soit. Nous sommes tous des mages novices, ici. Seuls l’un des professeurs ou des mages les plus vieux peuvent faire ça, et ils n’interfèrent d’ordinaire pas avec l’examen. De plus, une bonne partie de ceux à qui on a donné des enseignements cette année ne sont pas ravis. »

“Comme Illphres. Elle est en colère.”

“Qui ?”

“La mage qui a jeté le sort de [Lance de Glace]. C’est elle, là-bas.”

Ceria se retourna et vit une femme d’âge mûr vêtue d’une robe assise à la même table que le groupe que Calvaron avait identifié comme était les Isolationnistes. Elle fronçait les sourcils pendant qu’un autre mage parlait. Calvaron baissa la voix.

“Elle va vous apprendre un peu de magie élémentaire. Mais, ah, elle a… un tempérament. Elle reste l’une des meilleures [Cryomanciennes] de l’académie, en revanche.”

“Est-ce qu’une [Cryomancienne] est identique à une [Mage de Glace] ?”

“Deux noms différents. Parfois avec des spécialisations différentes, mais ce sont souvent les mêmes.”

“Oh.”

Ceria ne pouvait détacher son regard d’Illphres. Elle avait jeté un sort d’Échelon 4 - [Lance de Glace] - en quelques secondes, sans même utiliser de baguette ! La magie de glace n’était pas la spécialité de Ceria, mais elle restait impressionnée par le sort.

Mais apparemment, tout le monde ne partageait pas son opinion. Réagissant aux paroles de l’un des mages, Illphres dit quelque chose d’un air énervé, ce qui lui valut un sarcasme et un geste dédaigneux de la main de la part du mage bavard. Ceria vit Illphres lever la main puis le mage qui parlait se retrouva soulevé de terre par une explosion de neige.

Il s’envola, et se fracassa dans une autre table. Ceria grimaça en voyant le mage s’écraser sur les assiettes et les verres et envoyer valser les gens qui étaient assis devant. Une femme essuya calmement la nourriture de son visage, et le cœur de Ceria rata un battement lorsqu’elle reconnut Amerys, la mage qui avait tué le Serpent de Mer.

Amerys regarda Illphres à l’autre bout de la pièce et leva un doigt. Ceria se baissa vivement et l’éclair explosa contre le mur de glace qu’Illphres venait de dresser, envoyant des fragments de glaces dans les airs semblables à de la grêle.

De nouveaux cris s’élevèrent lorsque les Isolationniste bondirent sur leurs pieds. Amerys eut un sourire narquois et les mages autour d’elle se mirent à lancer des sorts. Ceria regarda le combat se déclencher entre les mages de la salle et d’autres les rejoignirent. Elle entendait des cris, aussi, de la part d’autres groupes de mages qui se contentaient de se défendre ou de rester hors de portée du conflit.

“À couvert !”

“Merde ! C’est encore Amerys et Illphres !”

“Attention ! Tu as failli renverser mon assiette !”

“Que quelqu’un lève un bouclier magique avant que ces élèves ne se fassent tuer !”

Calvaron pouffa de rire et Béatrice leva une barrière magique qui intercepta un éclair. Il jeta un regard à Ceria et Pisces qui regardaient fixement la guerre magique qui venait de se déclencher entre les mages.

“Ne vous inquiétez pas. Il est rare qu’il y ait des morts. Ils sont juste en désaccord ; je doute qu’ils aient seulement réalisé que vous arriviez aujourd’hui. Ne les dérangez juste pas lorsqu’ils travaillent, ne vagabondez pas dans les zones reculées de l’île, demandez de l’aide, ne choisissez pas tout de suite votre camp, et ne vous retrouvez jamais dans les pattes des Golems.”

Il marqua une pause et se gratta la tête pendant que l’un des mages jetait un jet de bulles violettes de sa baguette qui immobilisa toute une table d’élèves.

“Autres choses qu’ils devraient savoir, Béatrice ?”

Elle haussa les épaules.

“Ne mourrez pas. Et bienvenue à Wistram.”

 
Maroti
   
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2.46 Partie 1
Traduit par Maroti

Je m’assois sur le sol et j’éclate de rire. De manière hystérique. Je n’aurai jamais pensé être hystérique un jour, mais je suppose qu’il y a un début à tout.

Récapitulons. Je suis assise sur le sol au centre d’une caverne remplie de trésors magiques. Le sol est fait de marbre lisse ; des lumières magiques sont en train d’éclairer la pièce. De précieux trésors sont éparpillés au sol, délaissés, et un Dragon allongé sur une moitié de la caverne me regarde avec incertitude.

Pour faire court, tout se passait comme je l’avais imaginé. Je pense que j’ai la larme à l’œil, mais je n’arrive pas à m’arrêter de ricaner comme une demeurée pour les essuyer.

Erin va bien. Bien sûr qu’elle va bien. Pourquoi est-ce qu’elle n’irait pas bien. J’ai couru jusqu’ici, désespéré, et elle allait bien durant tout ce temps. Elle était joyeusement en train de discuter avec Octavia dans l’image que Teriarch m’avait montrée, et elles semblaient passer un bon moment. Octavia semblait s’amuser, au moins.

Elle avait rencontré Octavia. À Celum. Je ne savais pas comment elle était arrivée là, mais Toren avait dû la tirer aussi loin. Je ne sais pas comment.

Cela n’avait pas d’importance. Vraiment pas. Maintenant que je savais qu’elle allait bien, c’était comme si un nuage s’était levé de mon esprit. Je peux penser clairement, juste assez pour réaliser à quel point j’avais été stupide.

‘Hic Sunt Dracones'. Des dragons reposent ici. Enfin, un dragon dans ce cas. Teriarch. Il me regarde avec une expression perplexe sur son immense visage. Cela me donne envie de rire de plus belle.

Comment est-ce que j’en suis arrivé là ?

« Humaine. »

Sa voix grave est impossible à ignorer, mais il doit la lever pour parler au-dessus de mon rire. Teriarch fronce les sourcils en me regardant.

« Non. Ryoka Griffin, c’est cela ? Es-tu bien portante ? »

« Je… Je vais bien. »

Je ne vais pas bien. Le rire veut se changer en larme, et j’ai envie de vomir.

J’ai encore foutu le bordel dans ma vie, pas vrai ? Tout comme le dernier monde, je suppose qu’il est impossible de se changer même avec une seconde chance.

Je suis un peu fatigué. Mais quand je lève la tête, même la tristesse de mon cœur s’allégea.

Après tout, je suis en train de regarder un Dragon.

Un Dragon.

Il vit dans sa cave, luisant comme de l’or vivant. Ses écailles sont brillantes, et elles reflètent la lumière sur les murs au moindre mouvement. Il est un Dragon. Teriarch est un Dragon.

Ils sont réels

Il éclaircit délicatement sa gorge, et je m’essuie le visage. Bien, bien, je vais bien. Je ne peux pas gâcher ce moment. Enfin, pas continuer de la gâcher.

« Désolé. Je, heu, suis désolé pour ça.

Il agite une griffe dans ma direction.

« Cela n’a pas d’importance. Je suis soulagé de te voir aussi… Décomplexé. J’ai cru comprendre que tu étais bien inquiète pour ton amie. »

Est-ce que c’est une manière polie de me dire qu’il est content que je ne sois pas folle ? Pendant une seconde, je suis tenté de lui faire croire que j’ai un problème mental. Je me demande comment il gérerait ça ?

Il me soignerait probablement. Est-ce que tu peux soigner les blessures mentales avec de la magie ? Qu’est-ce qui se passerait si tu étais né avec un problème chimique dans ton cerveau, par exemple ? Est-ce qu’un sort de [Reconstitution] serait inutile ?

Teriarch continue de m’observer alors que la quasi-scientifique en moi se pose ces questions, je m’éclaircis aussi la gorge.

« Je suis désolé pour ça. Les derniers jours ont été difficiles. »

« Je vois. Mes condoléances. »

Il tousse. Je tape le marbre du bout de mon pied.

Oh mon dieu. Je suis là, en train de parler à un Dragon, et j’ai du mal à faire la conversation. Tout comme lui !

Souviens-toi, il est une personne normale. Souviens-toi de ça. Il est juste un Dragon, un être immortel, pas un mammifère, pas quelqu’un qui a grandit confiné par les normes de la société ou les standards moraux, bon sang, nous ne sommes même pas du même genre…

« Oui, ça a été difficile. »

Quelqu’un me lance quelque chose. Mais Teriarch ne fait que hocher la tête et lever les yeux vers le plafond.

« J’ai remarqué que ces pestes te suivaient. Elles ont l’habitude de gâcher la journée de quelqu’un tant que cela les intéresse. »

« Des pestes ? Tu veux dire les Fées de Givres ? »

« Oui. J’étais fort intrigué. Comment peux-tu les voir ? Leur magie est habituellement impénétrable même pour les plus accomplis des mages, à moins qu’ils ne savent ce qu’ils doivent chercher. »

Hum. C’est une très bonne question. Je comptais creuser la question, mais je n’ai jamais trouvé le temps. J’hésite.

« Je ne sais vraiment pas. »

« Ah. D’accord. Je vois. »

Il me lance un regard dédaigneux. Et quand un Dragon le fait, tu te sens vraiment minuscule*. Il se gratte la mâchoire. Il était intéressé quand je lui posais des énigmes, mais je suppose qu’il pense que je suis toujours une idiote.


*Sérieusement. Il a la taille d’un avion de ligne. Pas un 747… Plutôt comme un airbus A380. Bordel, qu’est-ce qui se passerait s’il atterrissait sur un avion ? Il pouvait probablement détruire des avions en les poussant du ciel.

Je serre les dents, et maîtrise mon ton. D’accord, Dragon ou non, je n’aime pas être sous-estimé.

« J’allais dire que je n’en étais pas certaine, mais je pense que cela est lié au fait que je viens d’un autre monde. Quelque chose dans la balance chimique de mon cerveau, ou ce que je mangeais couplé au fait que je viens d’une autre planète, cela peut m’aider à percer leur illusion. Cela pourrait être l’un de ces facteurs. »

Le Dragon s’arrête et me regarde.

« Oui, bien sûr. Ah… Certes, ton origine peut être une raison, mais la magie des fées prend en compte plusieurs mondes. Il doit y avoir une autre raison ; leur magie est généralement brisée par une satisfaisante règle. »

« Une idée de ce que cela peut-être ? »

« Pas en tant que tel. Mais je dois te féliciter sur ton opinion considérée. Il est rare que je rencontre un Humain aussi… Réfléchis. »

« Tu veux dire que c’est plaisant de rencontrer quelqu’un qui n’est pas un idiot. Et ce n’était pas une ‘opinion considérée’. C’est une conclusion logique qui prend plus d’effort à dire qu’à trouver. »

Je lèche mes lèvres dans le silence qui suit. Merde. Je viens de le refaire.

Mais au lieu de m’avaler en une bouchée, Teriarch me regarde et hoche la tête.

« Cela est vrai. Je dois m’excuser. Il est rare que je rencontre un mortel qui est digne de mon temps. Bien sûr, la différence entre nos niveaux de compréhension est si grande que ce genre de maladresse se doit d’arriver. »

Est-ce qu’un Dragon vient de s’excuser ? Certes, c’était une demi-excuse, mais… Je réfléchirai à cela plus tard. Pour l’instant la partie intelligente de mon cerveau qui semblait s’être endormie venait de se réveiller pour taper mon lobe central. J’ai peut-être merdé en venant ici, et avec les énigmes, mais j’ai une opportunité, pas vrai ?

Après tout, je parle à un Dragon. Et j’ai soudainement des questions. Des millions de questions.

Je tousse délicatement. Teriarch me regarde, fronçant les sourcils comme s’il essayait de savoir ce qu’il allait faire de moi. Je devais faire en sorte qu’il m’ait à la bonne, ou du moins, essayer d’obtenir quelques réponses.

« Teriarch. »

Il baisse les yeux vers moi. J’hésite, avant de lui faire une rapide révérence. Le visage du Dragon ne change pas d’expression.

« Qu’y a-t-il ? »

« Merci de m’avoir aidé à localiser mon ami, même si tu es celui qui a gagné notre jeu d’énigmes. »

« Cela n’a pas d’importance. »

Le Dragon fait un mouvement dédaigneux de la griffe, un geste presque humain. Il semble presque embarrassé, mais il lève la tête.

« Ah, oui, j’ai gagné, n’est-ce pas ? Et il est désormais temps que je clame mon prix. Dis-moi, Humaine. Comment es-tu parvenu à éviter mes scrutations pendant tout ce temps ? »

Il baisse la tête et me regarde avec impatience, et je fais un pas en arrière de manière involontaire. J’avais presque oublié que je lui avais promis cela. C’est presque inconséquent, mais…

« Mon nom. Tu n’utilisais pas mon vrai nom quand tu essayais de me scruter. »

« Comment ? »

Il fronce les sourcils en me regardant.

« Cela ne devrait pas être le cas. Je t’ai questionné sous un sortilège de vérité. Cela aurait dû être impossible de mentir sur ton nom. »

« Oui, mais mon nom… Mon véritable nom est Ryoka Griffin. Je ne t’ai pas menti. Mais ‘Ryoka’ est une traduction. J’ai été nommé dans un langage différent. »

A ma grande surprise, Teriarch semble surpris par cette révélation. Il commence à grommeler en levant la tête.

« C’est tout ? Cela n’est véritablement pas… Une technicité mineure comme cela ne fait pas partie… Un design de sort inférieur. J’aurai dû utiliser… Un autre langage ? Mais maintenant tous les gens parlent… Ah. Bien sûr. Tu viens d’un autre monde, après tout. J’aurai dû prendre cela en compte lors de mes calculs. »

Maintenant que j’y pense… Teriarch ne semble même pas troubler d’apprendre que je viens d’un autre monde.

« Tu savais qui j’étais avant de venir, n’est-ce pas ? Lady Magnolia te l’a dit. »

« En effet. »

Teriarch est toujours en train de froncer les sourcils en regardant en l’air. Il se murmure, et cette fois je ne comprends pas du tout ses mots. Ses yeux semblent briller d’une lumière qui n’est pas là, et je sens les poils de ma nuque se hérisser. Est-ce qu’il essaye de changer le sort ? Ou de me scruter ?

« Comment est-ce que tu la connais ? »

« Cela ne te concerne pas. »

Teriarch me regarde ma manière dédaigneuse. Je trésaille légèrement. Je déteste quand les gens me disent ce genre de chose.

« Oh vraiment ? Je dirais que me scruter sans permission est une violation de ma vie privée. Et Magnolia qui envoie des [Assassins] après moi et interfère constamment dans ma vie ? Cela semble me concerner. »

Une pause. Le Dragon me regarde. Et je sens un peu de trépidation alors que je réalise sur qui je viens de m’énerver. Mais sa voix est calme et silencieuse, sans la moindre trace de colère.

« Elle te parlera en temps et en heure. Si tu as des questions, je suggère que tu en parles avec elle. Il m’arrive d’aider occasionnellement, mais ses affaires sont les siennes. Je ne divulguerai pas ses secrets. »

Il détourne les yeux et je respire de nouveau. D’accord, il en gentil, en quelque sorte. Mais… Il reste toujours un Dragon.

Il regarde de nouveau l’image miroitante flottant dans l’air et je réalise qu’Erin et Octavia sont toujours en train de flotter. C’est… Légèrement perturbant de penser au fait qu’il puisse observer n’importe qui quand il le veut. Big Brother n’est rien comparé à un Dragon magique.

Mais Erin ne va pas aux toilettes ou fait quelque chose de privée. Elle est toujours dans la boutique d’Octavia, en un seul morceau et avec tous ses membres. Je regarde ma main droite. Bordel, elle n’est même pas blessée.

Elle semble être heureuse. Je ne sais pas ce qui s’est produit, mais il semblerait qu’Octavia compte se faire quelques pièces d’or et qu’Erin en train de regarder les étagères en touchant à tout. Bon sang, est-ce qu’Octavia est en train d’essayer d’arnaquer Erin ? Elle parle vite, contrairement à Erin. Si elle essaye de l’arnaquer je vais lui botter son cul ficelé.

Teriarch indique l’image.

« Je vais te téléporter à ton amie, après t’avoir effacé la mémoire, bien sûr. »

« Quoi ? Tu vas m’effacer la mémoire ? »

Le Dragon à capté la totalité de mon attention. Il se gratte le côté de la tête et me répond de manière nonchalant.

« Bien sûr. Je ne peux pas avoir quelqu’un se souvenir de notre rencontre. Ne crains rien ; je suis parfaitement capable d’effacer qu’une partie de tes souvenirs. Tu te retrouveras devant la boutique de ton amie avec le vague souvenir d’avoir fait le chemin pour t’y rendre. »

Cela ne semble pas bon. Sauf pour le voyage gratuit. Mais le reste ? Non.

Pense. J’ouvre mes mains en grand pour supplier. Je dois le convaincre de ne pas faire ça.

« Oh puissant Teriarch… »

Je m’arrête. Nah, je ne peux pas faire ça.

« … Écoute, n’efface pas ma mémoire. Je ne dirais rien de ce que j’ai vu. »

Il lève un sourcil dans ma direction. Et oui, les Dragons ont des sourcils. C’est plus comme une protubérance osseuse dans leurs têtes, mais cela donne le même effet.

« J’ai déjà entendu cette phrase d’innombrable fois. Et cela se termine toujours par moi répandant la mort et le feu sur les armées venant me terrasser. »

Il me regarde avec des yeux qui rendraient un basilic fier.

« Pourquoi devrais-je te faire confiance ? »

« De plus, je suis déjà parvenu à trouver qui tu étais. Si je voulais exposer ton secret je l’aurais déjà fait. Et qu’est-ce qui te fait dire que je ne me suis pas laissé des messages disant que j’ai effacé ma mémoire ? »

Note à moi-même : Faire ça la prochaine fois. Au moins Klbkch le sait.

Mais Teriarch ne semble pas être impressionné.

« Dans ce cas, je vais simplement te contrôler avec un sort et te faire effacer toutes les notes que tu t’es laissé et tuer toutes les personnes à qui tu as divulgué mon existence, avant de te trancher la gorge. Est-ce que cela semble plus adéquat ? »

Je croise les bras.

« Ça ne marchera pas. Même si tu arrives à supprimer tous mes plans de secours, les fées me le diront de nouveau. »

Le Dragon s’arrête. Il regarde vers l’entrée de sa cave, presque avec incertitude.

« Elles ne le feront pas. Elles ne choisissent pas de camp. »

« Mais elle sont agaçantes. »

Et je parie qu’elle adorerait faire ça, si cela passait dans leurs petites têtes. Mais l’argument semble marcher. Teriarch fronce les sourcils.

« Je pourrais simplement lancer un sort qui te forcera à ne jamais divulguer mes secrets. Où t’empêcher de parler. Ce que je suis en train de considérer à l’instant. »

Aha. Il ne faut pas chercher le Dragon, Ryoka.

La ferme, Ryoka. Je hausse les épaules dans sa direction.

« Tu peux le faire. Mais cela me semble être une solution particulièrement brusque et simpliste pour un Dragon. »

Il s’arrête.

« Pourquoi cela ? »

« Eh bien, n’es-tu pas un Dragon ? Une créature de légende et de mythe avec une intelligence et une sagesse dépassant le plus grand des mortels ? »

« Mm. Cela est vrai. »

Teriarch sourit. Voyons voir. Les Dragons sont orgueilleux, et aiment bien être flattés, autant continuer.

« Pourquoi tu ne voudrais pas que le monde connaisse ta nature ? J’ai entendu parler des Dragons qui avaient donné conseil au roi-philosophe d’un âge perdu. Pourquoi ne pas répandre la vérité jusqu’au confins du monde ? »

Il fronce les sourcils.

« Cela à tendance à attirer des aventuriers bruyants avec des épées tournant autour de ma cave. Et, éventuellement, des armées, donc cela n’est pas une bonne idée. »

« Alors, une poignée de personnes uniquement ? Lady Magnolia connaît ton existence. N’est-ce pas bénéfique d’avoir une poignée d’être avec qui discuter, des gens qui peuvent t’aider ? »

« Peut-être… Mais je n’ai nullement besoin d’aide. »

« Je viens de livrer une lettre de ta part. »

« Lentement, et cela m’a fortement coûté. Tu as dû revenir pour me demander les directions. »

Teriarch souffle et le vent secoue mes cheveux. Sentir son haleine est comme mettre sa tête à côté d’une fournaise à charbon et d’inhaler.

« S’il avait été adressé à une autre personne, je n’aurais pas eu de problème à utiliser la magie pour transmettre mon message. De plus, je peux voler. »

Il ouvre ses ailes, et je regarde l’épaisse membrane connectant ses ailes. Intéressant. Elles sont définitivement proportionnelles à sa masse, mais il doit y’avoir une forme de magie l’aidant ou sinon il ne décollera jamais du sol à la force de ses muscles. Je hausse les épaules et regarde de nouveau vers l’image d’Erin et Octavia.

Qu’est-ce qu’elles sont en train de faire ? Et jette des trucs dans une… Casserole ? Oui, elle a une casserole mise sur le feu et elle verse une potion dedans, et plusieurs carottes. Octavia semble être en train de s’étouffer. Qu’est-ce qu’elles sont en train de faire ?

Concentre-toi sur le Dragon agacé.

« D’accord. Alors si c’est le cas, qu’est-ce qui se passera si tu dois envoyer une autre lettre à Az’kerash ? Et mes capacités ne sont pas limitées à la course. Je connais plusieurs énigmes qui t’ont intrigué. »

Il grogne et change sa position de manière inconfortable sur le sol de marbre.

« Tu n’es nullement un puit de connaissance. Où est-ce que tu prétends connaître tous les secrets de ton monde ? »

« Pas tous, mais j’en connais beaucoup. »

« Oh, vraiment ? »

Le scepticisme dans sa voix me fait froncer les sourcils.

« J’ai une excellente mémoire et j’étais considéré une excellente élève dans mon monde. Je connais plus de choses sur les mathématiques, la biologie et le fonctionnement du monde que la majorité des gens de mon âge. »

Cela est la vérité, même si la partie ‘d’excellente élève’ est un peu poussée. Mais Teriarch semble déterminer à être obstiné. Il roule ses yeux vers le plafond avant de faire sortir sa langue comme un serpent avant de trouver quelque chose à dire.

« Ah, mais Reinhart a acquis plusieurs enfants comme toi. Ils viennent tous de ton monde ; qu’est-ce qui m’arrête de les questionner ? »

Cette fois je ricane bruyamment. Teriarch semble plus surpris que courroucer.

« Qu’y a-t-il ? »

« Tu penses que tu peux obtenir de bonnes informations de la part de lycéen ? S’ils savent le dixième de ce que je sais, je mangerai une des servantes de Magnolia. »

Là ! Je le vois de nouveau sourire.

« Tu es fière. »

« Pourquoi ne devrais-je pas l’être ? »

Il me sourit en attendant mon ton provocateur.

« La fierté est quelque chose que toutes personnes pensantes ont. Mais elle peut être la vérité ou une illusion ? La tienne se brisera-t-elle si je la teste ? »

Il agita une aile de manière dédaigneuse.

« Dans tous les cas, ton savoir peut-être utile, mais quel sera son intérêt ? Je ne suis pas un Elfe ou un Gnome qui est constamment intrigué par de nouvelles découvertes. Je connais les secrets de la magie et de la véritable nature de ce monde. Je connais les noms des anciens secrets et des trésors ensevelis depuis des millénaires. Les tempêtes et les flammes sont sous mon commandement. Que puisses-tu m’offrir que je ne possède pas ? »

« Des pastilles pour l’haleine ? »

Le Dragon écarquille les yeux. Je lui fais un grand sourire légèrement dérangé. Je ne peux pas m’en empêcher. Il est compétitif et je dois le faire tomber de son piédestal.

« Tu es peut-être un grand et puissant Dragon, mais j’ai vu des choses aussi incroyables que toi. Dis-moi, a quelle vitesse peux-tu voler ? Est-ce que tu peux passer le mur du son ? Jusqu’à quelle altitude ? Est-ce que tu peux voler jusqu’à la lune ? Les Humains ont déjà fait cela ; si nous pouvons le faire, est-ce que cela ne nous rend pas supérieures d’une certaine manière ? »

Je lui fais un sourire, mais à ma grande surprise, Teriarch me rend mon sourire. Ce qui fait que je n’ai plus du tout envie de sourire.

« Je n’ai jamais volé jusqu’à la lune, mais je peux briser l’air. Et vous n’êtes pas la seule espèce à atteindre de telles hauteurs. Les Gnomes et les Elfes ont mis le pied sur les lunes jumelles dans le ciel. »

« Pardon ? »

Impossible. Mais Teriarch me fait de nouveau un regard suffisant. C’est impossible, mais après tout… Nous l’avions fait, pas vrai ? Si tu avais les bonnes connaissances et les sorts…

« Alors je suppose que cela veut dire que les Humains, les Elfes et les Gnomes sont supérieurs aux dragons sur certains point, pas vrai ? »

Cette fois le regard de Teriarch est accompagné d’un battement d’aile. L’air me fait tituber. Je reprends mes appuis et je le vois sourire.

« Mes excuses. Mais je crois que cette conversation commence à tourner en rond. Je ne m’engage pas dans d’inutiles débats qui n’ont pas de but. »

« Chochotte. »

« Est-ce que tu viens de dire quelque chose ? »

Je regarde Teriarch et vois qu’il montre un tout petit peu les dents.

« Rien du tout. »

« En effet. Et notre… Débat provient d’un seul point. Tu ne souhaites pas que j’efface ta mémoire. Je souhaite le faire. Et je suis cela avec l’autorité de décider. »

C’est la vérité, pas vrai ? Je me mords la lèvre, mais je ne peux rien lui dire là-dessus. Je soupire à la place.

« Tu as raison là-dessus. »

Teriarch s’arrête alors qu’il se redresse, me toisant.

« C’est tout ? Pas de plaidoirie ? Pas de supplication ? »

« Ce n’est pas mon truc. Je ne peux pas t’arrêter si c’est vraiment ce que tu veux. Je pense simplement que c’est dommage, c’est tout. »

« Tous les êtres veulent connaître tout ce qu’il y a à savoir. Tu ne perdra pas grand-chose, Ryoka Griffin. Une poignée d’instants. »

Il parle un mot et je sens mes os trembler. Je le regarde. Il baisse les yeux pour croiser mon regard, comme un dieu ancien. Et parce que je ne peux laisser personne avoir le dernier mot, je parle.

« Pas grand-chose ? Vraiment ? Quelques instants valent bien plus que cela. Un instant est suffisant pour mourir. Les quelques peuvent devenir… Un tout. Plus que ça. ’ Voir le monde en un grain de sable, un ciel en une fleur des champs, retenir l’infini dans la paume des mains et l’éternité dans une heure.’ »

Je vois le Dragon écarquillé les yeux. Oui, je n’arrive pas à m’y faire. C’est un Dragon. Donc je continue de parler. Un peu de vérité avant l’oubli.

« Aujourd’hui j’ai rencontré un Dragon. Toi. Et c’était incroyable. Indescriptible. Je ne suis pas un poète, et je n’arrive pas à trouver les mots pour décrire la magnitude de ce que je viens d’apercevoir. Je pense que c’est simplement dommage que je vais oublier quelque chose d’aussi intemporel que cela. En vérité, j’ai du mal à croire qu’il existe un sort qui pourra effacer ce type de rencontre de mon esprit. Donc si tu vas le faire, fais-le. Fais-le, si tu peux vraiment me retirer ce moment sans me changer. »

Je lève les yeux et le regarde, essayant de mémoriser le moindre détail de son visage, chaque seconde. Mais Teriarch hésite.

« Est-ce que ses mots étaient les tiens, Humaine ? »

« Non. Un poète les à écrit. Un poète Humain. »

« Je vois. Mais ce que tu viens de dire à mon sujet… Me-trouves-tu vraiment aussi magnifique ? »

« Oui. Est-ce que ce monde ne possède pas d’histoire sur les Dragons ? C’est le cas du mien. Tu… Ton peuple est l’une des images les plus iconiques de mon monde. Quand ils pensent à la fantasy… Aux épées, aux sortilèges et à l’aventure, ils pensent aux Dragons. »

Ces deux yeux m’observent. Je tremble. Pourquoi est-ce que j’ai l’impression qu’il regarde dans mon âme ? Peut-être que c’est la différence d’âge entre nous.

Mais je ne suis pas en train de mentir. Pour une fois, je dis la vérité. Les compliments et de la flatterie sont mélangés, oui, mais c’est la vérité. Je peux me rappeler lire sur les dragons quand j’étais petite. Je peux me rappeler l’admiration que j’éprouvais en les imaginant. Et la réalité ne m’a pas déçue.

« J’ai grandi en lisant des histoires de dragons protégeant leurs trésors, ou affronter des chevaliers. Un dragon. Est-il terrifiant ? Oui. Dangereux ? Oui, mais pour tous les Humains de mon monde, quand nous rêvons de magie, nous pensons à vous. »

« Vraiment ? Réellement ? »

C’est comme s’il était soudainement pendu à mes lèvres. Et je réalise quelque chose : peut-être qu’il a envie de savoir qu’il a de l’importance, tout comme moi.

Je hoche la tête. Mon cœur bat la chamade.

« Nous vous connaissons, même au travers des histoires. Souviens-toi de cela, Teriarch. »

Pendant une seconde, j’ai l’impression qu’il va quand même lancer le sort. Mais le Dragon ne le fait pas. Il ferme les yeux.

« Des mythes. Des légendes. C’est ce que ma race est devenue. Mais si je te laisse la mémoire… »

« Si tu le fais, je ne le dirai à personne. Je le promets. »

Un autre regard. Plus long cette fois. Puis Teriarch se tourne vers l’image d’Octavia et Erin flottant et réalise que quelque chose est en train de se produire. Les deux sont en train de courir en cercle et j’étais certaine qu’on avait pu entendre leur cri s’il y avait eu de l’audio. Un épais nuage violet est en train de se déverser de la casserole. Et quelque chose est en train de fondre à travers la casserole alors qu’Octavia lance une potion blanche et que quelque chose explose en nuage de fumée blanche.

Une potion neutralisante. Au moins cette [Alchimiste] connaît les plus basiques des mesures de protections. Elles auraient dû mélanger les carottes avec un agent froid, même de la glace aurait été suffisante, avant d’ajouter les Cornes de Corusdeer. Bien sûr, elles ont besoin de quelque chose de plus épais. De la farine, peut-être. »

Teriarch murmure quelque chose alors qu’il manipule l’image et la rapproche de moi. Je regarde la casserole.

« Est-ce que tu as observé ce qu’elles faisaient ? »

« Bien sûr. Nous Dragons sommes capable de faire cela. Cela est trivial comparé à volé et cracher du feu. »

Il sourit, et soudainement, Teriarch semble… Fatigué. Je lève les yeux et sens qu’il est soudainement ancien. Ou qu’il agit comme quelque chose d’ancien.

« Je vais t’envoyer chez tes amis. Avec la mémoire intacte. »

« Vraiment ? »

Je n’arrive pas à le croire. Je n’aurai pas changé d’avis avec mes faibles arguments. Mais Teriarch hoche la tête. Il semble tellement vieux. Est-ce que c’était quelque chose que j’ai dit ?

« Je vais te renvoyer. Ne bouge pas, et tout se passera bien. Je vais vérifier l’altitude cette fois. »

Il sourit. Et quelque chose à son sujet m’agace un peu. Il est d’abord intimidant, puis épuisé. Je veux… J’ai l’envie de dire quelque chose. Et je me tiens au centre d’une cave rempli de trésors.

Je me tourne et regarde les milliers de trésors. Un véritable trésor de Dragon. Et le Dragon en personne, murmurant d’une voix grave. Cela ne peut pas se finir comme ça. Je dois faire quelque chose. Je…

J’ai une idée folle, du niveau d’Erin. Je regarde Teriarch.

« Ahem. Avant que je parte, est-ce que je peux, heu, t’intéresser dans un marché ? »

Il ouvre un œil et fronce les sourcils.

« Je me concentre. Les sorts de téléportation ne sont pas faciles même pour moi. Quel est ton marché ? »

Comment est-ce qu’Erin le présenterait ? Je vais faire de mon mieux.

« Est-ce tu serais… Intéressé de donner un artefact magique au… Heu… FSG ? »

« Le FSG ? »

« Le Fond de Secours pour Gnolls. »

C’est tellement débile. C’est parfait. Erin dirait exactement ça ! Teriarch me lance un regard sans émotion. »

« Laisse-moi t’expliquer. Je, heu, suis en train d’essayer d’aider une tribu Gnolle. »


 
Maroti
   
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2.46 Partie 2
Traduit par Maroti

J’essaye de l’expliquer du mieux que je peux la situation dans laquelle Erin et moi sommes. La tribu du Krshia, la tribu des Crocs d’Argent, et comment ils ont perdu leurs livres de sorts qu’ils avaient essayé d’amener pour présenter aux autres tribus. Teriarch hoche la tête.

« Je connais cette tradition Gnolle. Elle est utile, bien sûr, ils avaient l’habitude de se rencontrer une fois tous les cent ans, puis tous les cinquante ans. Puis cela devint vingt, mais je suppose que les tribus doivent rester connectées de nos jours. »

Il prend une inspiration ; il ne semble pas apprécier les traditions, je suppose.

« Mais pourquoi cela devrait m’intéresser ? »

« … Tu as beaucoup d’artefacts magique. Est-ce que tu pourrais considérer en donner un à la tribu des Crocs d’Argent ? Un livre de sort, par exemple ? »

Il me regarde. Oui. C’est une idée à la Erin. Mais elle pouvait le vendre de manière plausible. Do…

« Pourquoi est-ce que je considérerais quelque chose d’aussi… Ridicule ? Pourquoi est-ce que je donnerais quelque chose gratuitement ? »

« Ah, mais ça ne sera pas gratuitement. »

« Continue. »

Oui, continue, Ryoka. Dis-lui pourquoi ce n’est pas gratuit*.

*La ferme, moi.

« Alors, considérons les bénéfiques. Une tribu Gnolle te sera endettée. Il sera clair qu’ils te devront à toi, le grand [Archimage] Teriarch, une dette. »

« Une tribu Gnolle m’apportera peu de chose. »

« Oui… Mais ton nom sera vénéré parmi leur tribu. Tu auras un peu d’immortalité parmi eux. Enfin, un peu plus. Tu seras le guide de leur tribu. »

« Hmm. Intriguant. »

Teriarch semble apprécier l’idée d’être honoré. Puis il fronce les sourcils.

« Mais pourquoi un livre de sort ? Je ne savais pas que les Gnolls étaient intéressées dans la magie des mages. Leurs chamans ont une bonne connaissance de la magie shamanique. »

« Je… Je pense que c’est une expérience. »

Un autre froncement de sourcil.

« Une expérience ? »

Teriarch semble très confus alors que je lui explique la rancœur entre les Gnolls et Wistram.

« Pourquoi seraient-ils incapables d’apprendre de la magie ? Les mages de Wistram ne sont pas des imbéciles, du moins, ils ne l’étaient pas il y a deux cents ans. Pourquoi est-ce qu’ils renverraient l’apprenti qui leur a été envoyé ? »

Je regarde Teriarch. Est-ce qu’il vient de dire que… ?

« Attends… Tu veux dire que les Gnolls peuvent apprendre la magie ? Mais les mages pensent que ce n’était pas possible. »

Le Dragon secoue la tête, exaspéré.

« Bien sûr que les Gnolls peuvent apprendre la magie. Certaines races ont une facilité, mais ils ne sont pas dénués de talents magiques ou sont incapables de réfléchir comme les Antiniums. Pourquoi est-ce que Wistram… ? C’est étrange, très étrange. »

Oh woah. Encore un secret pour Krshia. Mon cœur bat la chamade.

« Cela serait un grand don pour la tribu des Crocs d’Argent. Donc si tu leur donnais des livres de sort, disons… Cinquante et… »

«Cinquante livres de sort ? »

Teriarch se redresse et me regarde.

« Non. Absolument pas. »

« Pourquoi ? »

J’ouvre mes mains, légèrement outré. Je regarde autour de la caverne et je pointe une bibliothèque du doigt.

« Ici ! Ne sont-ils pas tous des livres magiques ? Tu as au moins trois bibliothèques dans ce coin. Cinquante livres de sorts, voir juste dix serait… »

« Non. Cela n’est pas envisageable. »

« Pourquoi pas ? »

« Car ils m’appartiennent. »

Le ton de Teriarch est aussi sec que le regard qu’il me lance. Sa queue bouge et s’enroule autour de la bibliothèque que j’ai pointée du doigt, comme s’il avait peur que je m’en empare et que je cours avec.

« Oh allez. Ne sois pas avare. »

« Cela m’appartient. Je ne donnerai pas la collection que j’ai accumulée pour rien. »

Super. La seule chose que les histoires avaient bon était que les dragons étaient avides et possessifs. Je soupire et passe la main dans mes cheveux.

« Alors… Et si tu copiais un livre de sort ? Est-ce que tu peux le faire ? Avec de la magie, je veux dire. »

« Bien sûr que je peux copier un livre de sort. Je peux en écrire autant que je veux. Mais le processus demande plusieurs ingrédients coûteux et du temps que je ne gâcherai pas. »

Teriarch secoue la tête dans ma direction. Mais je continue.

« Un livre de sort. Juste un ? »

Je pense que Krshia en à au moins besoin d’un, probablement dix. Je pourrais en acheter un autre avec l’argent que je toucherai, selon Ceria, mais si je peux en avoir un autre…

« J’ai de nombreux en ma possession, certains sont utiles même pour le plus incapable des lanceurs de sorts. Mais je ne me séparerais pas d’eux. »

« Pourquoi pas ? Tu n’en as pas besoin. Et tu as clairement plus de trésors dont tu as besoin. Pourquoi ne pas les donner ? »

« Car ils m’appartiennent. »

La même réponse. Les yeux de Teriarch brillent. Sa tête s’abaisse vers moi et je tremble alors qu’il me regarde avec ses yeux héliotrope. De l’avarice. D’accord, donc il est un vieil homme qui aime collectionner les choses. Capiche.

« Les Gnolls ont besoin d’un livre de sort, Teriarch. N'as-tu pas quelques livres… Inférieurs dont tu peux te séparer ? »

« Aucun de mes livres de ma collection sont inférieurs. »

« Bon sang. Donc ils ont tous des sorts de haut-échelons ? »

Teriarch semble confus.

« Haut Échelon... ? Oh, votre petit système d’organisation de la magie. Non ; au contraire. Nombres de mes livres contiennent des sorts de bas niveau. Mais ils sont de meilleures qualités en termes de contenu et d’accessibilité pour ceux qui les étudie. »

Je ne comprends qu’une partie de ce qu’il dit. Teriarch remarque mon incompréhension et soupire.

« Je suppose que les Gnolls en savent aussi peu que toi. En vérité, le cadeau des Crocs d’Argent aurait déjà été problématique. S’ils ont véritablement acheté plus de quarante livres de sorts, j’imagine qu’il devait y avoir une certaine redondance pour les sorts les plus communs. Cependant, s’ils étaient assez fragiles pour être détruits en un simple sort, ils devaient plutôt être des références personnelles plutôt que de véritable tome d’instruction. »

Si mes oreilles pouvaient se dresser comme celle de Mrsha…

« Des tomes ? Tu veux dire différents types de livres de sorts ? »

Teriarch me lance un regard et j’essaye de faire l’innocente. De jouer l’idiote. Enfin peut-être pas l’idiote, mais l’étudiante naïve. Il semble apprécier le son de sa voix.

« Bien sûr. N’as-tu pas entendu… Certes, tu n’es pas une mage. Tous les livres de sorts ne sont pas forcément des répertoires de sorts. Certains sont écrit de manière à apprendre la magie à ceux qui ont des difficultés. Laisse-moi te faire une démonstration. »

Il se tourne et s’abaisse au niveau de la bibliothèque que sa queue entoure. Je ne sais pas comment il arrive à lire les petites lettres de là ou il se tient, mais un livre lévite de la bibliothèque et vole vers moi.

Il est immense. J’ai presque un mouvement de recul alors qu’un tome faisant à moitié ma taille et aussi large que moi flotte devant mon visage. Il donne l’impression d’être l’ancêtre de tous les livres, et la couverture est recouverte de lanière de cuir rouge cerné d’or et de ce qui semble être des pierres précieuses fondues qui forme des mots que je n’arrive pas à lire.

« Admire. Une première édition du tome de Rihal. Vieux de trois cents ans et en parfaite condition. »

« Comment est-ce que je lève ce truc ? Est-ce que les gens de Rihal étaient des géants ? »

« Non. C’est un tome magique. Un enfant peut le soulever. »

Le livre tombe soudainement. Je l’attrape et perds mon équilibre quand je découvre que l’immense livre pèse moins qu’un caillou. Il tient da ma main, et je le regarde bouche bée. Teriarch sourit, et le livre recommence à flotter.

« Cela est un véritable livre de magie. C’est un moyen d’apprendre, et non une simple liste. Observe. »

Il ouvre le livre, et je me retrouve à regarder à une page recouverte d’étranges symboles qui semblent bouger ou… Ou qui ont plus de deux ou trois dimensions malgré le fait qu’ils soient écrits.

Cela ressemble au livre de sort de Ceria, au moins dans le fait que c’est de la magie qui est écrite. Mais contrairement à ses sorts, ces symboles ont l’air différents. Ils couvrent la page, et j’ai la distincte impression qu’ils sont connectés. Je passe les pages, notant une certaine continuité parmi les étranges symboles.

Il n’y a rien que je ne puisse pas traduire en anglais ou dans un autre langage que je connais, mais le peu de magie que Ceria m’a enseigné me permet de dire que je peux toujours lire… Quelque chose. Est-ce un sort sur le livre ? Non. C’est… Cela ne ressemble pas à un sort que Ceria m’a montré. À la place, les non-mots luisant de magie semblent presque être…

Bien sûr, le feu est primitif. Bien sûr. Pourquoi. Pourquoi n’ai-je pas compris cela ? Si la chaleur et le froid sont une dualité, alors le feu représente la chaleur tout comme la glace représente le froid. La science dirait que le feu est complexe, mais dans sa nature, le feu est simple. Il dévore.

Et donc, contrairement au sort de [Lumière], j’ai besoin d’offrir une source au feu pour lancer un sort de flamme. La lumière est tellement éthérée qu’elle peut être facilement modelée par la magie ; mais le feu demande du carburant. Donc concentre ton mana sur un doigt, et embrase-le. Laisse ton esprit être l’étincelle et continue de le nourrir, laisse le grandir et grandir…


Des explications.

Je cligne des yeux. Et regarde la flamme brillante dansant au bout de mon doigt. Je prends une inspiration, surprise, et elle s’éteint. De la fumée s’évapore au-dessus de mon doigt.

Teriarch rit. Je le regarde, incrédule.

« Le livre vient de m’expliquer comment lancer le sort… Je l’ai appris en un instant ! »

Je sais désormais comment lancer ce sort ! Non, plus que ça ! Je sais comment la magie de feu marche, du moins au niveau le plus basique. Le sort que j’ai lancé n’est même pas un sort, juste de la théorie appliquée. Si je l’utilisais pour un véritable sort…

Teriarch regarde ma stupéfaction avec suffisance.

« L’art de l’apprentissage magique a été perdu pour beaucoup. Je suspecte que les écoles magiques formalisées comme Wistram et celles des nations ayant duré plusieurs siècles, Terandria par exemple, ont des méthodes comparables. Mais ce livre était une cristallisation des six cents ans de connaissance de L’imperium de Rihal. C’est un livre que les apprentis et novices étudierons, bien sûr. »

Je suis à moitié en train de l’écouter. C’était magique. C’était de la magie. Et ce n’était qu’un sort. J’avais presque laissé tomber l’apprentissage de la magie comme Ceria le faisait car cela semblait dépendant sur les niveaux, mais cela… C’était comme apprendre de la science, ou des math. C’était logique. Cela avait du sens.

« Tu l’as appris rapidement. Certains élèves prennent plusieurs essais avant d’apprendre le plus simple des tours de passe-passe. Mais, après tout, ton espèce à toujours eut une affinité avec le feu. »

Un manuel d’apprentissage. Non pas des notes ou une collection de sorts, mais un livre d’apprentissage pour lancer des sorts*.

*Je le veux. Est-ce que je peux donner autres choses aux Gnolls ? Ou est-ce que je peux le copier sur mon Iphone… Bon sang, ça ne va pas marcher. Je dois le lire en premier. Je dois l’avoir. D’une quelconque manière.

« Eh bien. Je dirais que ce livre de sort serait un excellent cadeau pour la tribu des Crocs d’Argent. Pourquoi ne p… »

« Je t’ai déjà répondu et je te réponds encore : non. »

Je serre les dents. J’ai besoin de ce livre.

« Est-ce que tu accepteras un échange ? Savoir pour savoir ? Ou autre chose ? »

« Tu n’as rien à m’offrir. »

Le livre flotte de nouveau vers la librairie alors que Teriarch sourit de nouveau. Il voulait juste montrer sa collection. Mais j’ai… Je mets la main dans ma poche avec réluctance. L’heure de jouer une carte.

« Accepterais-tu ceci ? »

Teriarch cligne des yeux en regardant mon Iphone.

« Qu’est-ce que cela ? Un morceau de métal ? Non… Il contient de l’énergie. »

J’appuie sur le bouton d’allumage de mon Iphone et l’écran s’allume ? Plutôt que d’avoir un mouvement de surprise comme je l’espérais, Teriarch regarde l’Iphone et écoute mon explication.

« Ah. Un objet contenant des informations. J’ai déjà vu des versions magiques de cet objet. Ils étaient toujours trop petits pour moi quand les Gnomes les faisait. »

« Celle-là est unique, et encore plus rare car seuls les gens de mon monde peuvent l’avoir. »

« Hmmm. Mais elle ne contient pas de magie.

« Oui. Et alors ? C’est plus rare que ton livre de sort. »

« Hmf. Ce n’est qu’une petite chose de métal. »

Comment est-ce qu’un Dragon peut-être aussi intelligent et aussi dédaigneux à la fois ? C’est encore de l’arrogance. Je garde le contrôle de ma voix.

« Il peut faire bien plus que de la lumière. Il peut jouer de la musique. »

Les yeux de Teriarch s’écarquillent quand j’appuie sur le bouton ‘aléatoire’ et je commence à jouer de la musique. Non pas à cause de la capacité à jouer de la musique.

« Je n’ai jamais entendu cette mélodie. »

Mon Iphone est en train de jouer ‘Les 5 secrets de Beethoven’, une musique que j’ai trouvé sur une chaine Youtube et à laquelle j’ai été accro il y a quelques années. C’est une version remasterisé contenant des éléments des quatre mouvements de la 5eme Symphonie de Beethoven. C’est une mélodie complexe utilisant les instruments d’une manière que même un Dragon ne pouvait connaître.

Je souris. La musique est l’une des rares choses dans laquelle mon monde est meilleur. Le génie est du génie, qu’importe l’origine. Je me demande ce que les fées penseraient de cette mélodie.

« As-tu d’autres chansons sur cet objet ? »

« Des milliers. »

« Je vois. Alors cela est pratique ? Je crois que je vais l’étudier. »

« Attends. Quoi ? »

Avant que je puisse réagir, Teriarch tend ses griffes vers moi. Elles sont terriblement rapides pour quelque chose d’aussi gigantesque. Il prend un morceau de mon Iphone. Je hurle alors que l’écran s’éteint et que la musique se coupe subitement.

« Salaud ! Qu’est-ce que tu… »

Teriarch m’ignore. Il tape l’Iphone dans mes mains avec sa griffe. Il est aussitôt réparé. Puis le Dragon tousse.

« Ahem. [Réparation]. »

Il recommence. Je suis certaine qu’il n’a pas besoin de prononcer le sort pour les utiliser. Est-ce que cela veut dire que ce n’est pas nécessaire ou que la magie draconique marche différent de celle des autres espèces ?

Je suis toujours choqué. Je touche mon Iphone, et il s’allume sans problèmes. Bordel, il est sur la même chanson ! Mais je réalise que Teriarch tient toujours le morceau qu’il a arraché. Il le jette en l’air et prononce un autre mot.

« [Reconstruction]. »

Le morceau de silicone arraché s’envole, et un Iphone retombe. Teriarch le fait léviter devant moi, et je regarde le second Iphone fonctionnel.

« Cela a prit bien plus d’énergie que ce dont à quoi je m’attendais. Mais comme tu peux le voir, un objet sans magie peut facilement être répliqué. Donc il n’est pas aussi précieux que tu le penses. »

L’iphone lévite de nouveau et Teriarch l’inspecte.

« Je vais devoir utiliser ma forme Humaine pour l’étudier. Ah, cela voudra peut-être l’effort. »

Rends-moi-ça ! »

Je hurle sur le Dragon, pour la première fois essaye de sauter pour lui arracher des griffes. Il l’éloigne et me regarde avec curiosité.

« Arrête de hurler, jeune Griffin. Ton objet est toujours intact, n’est-ce pas ? Je garderai cette copie. »

« Tu ne peux pas faire ça ! C’est du vol ! Ce n’est pas légal ! »

« Pourquoi pas ? Cela ne t’a coûté ni ton temps, ni ta possession. Je l’ai simplement copié. »

« Mais… Tu… »

Il parle par-dessus mes balbutiements.

« De plus, il n’y a aucune loi contre ce genre de chose. Je suis dans le droit. »

Restes calme Ryoka. Résiste à la tentation de frapper le D…

Je donne un coup de pied dans la jambe de Teriarch. Pivot, balancé sur un pied, side kick. J’ai l’impression d’avoir frappé un mur. Le Dragon fronce les sourcils en me regardant.

« Arrête ça. »

Je lève les yeux vers lui. D’accord, la violence ne va pas marcher. Je vais pour la réponse rationnelle à la place.

« Tu ne peux pas me prendre mon Iphone sans rien me donner en retour. C’est du vol. »

« Comme je viens de le dire, je n’ai rien volé. Tu as toujours ce que tu avais avant ton arrivé ici. »

« Mais tu m’as volé des informations ! Des idées ! De la propriété intellectuelle ! Le vol reste du vol même si tu utilises de la magie pour restaurer ce qui a été pris. Où est-ce que les Dragons sont au-dessus de la moralité de nous, les êtres inférieurs ? »

Il fronce les sourcils en me regardant. Mais je peux voir que j’ai touché un sujet sensible. Il me lance un regard en coin, et son ton s’adoucit.

« Cette petite chose ne peut pas avoir tant de donnée dessus. Surement… »

« Il possède 32 gigabytes de donnée ! Tu pourrais sauvegarder plus de cent mille livres* dessus ! »

*Est-ce que j’ai raison ? Si tu assumes que chaque livre… Oh et puis merde, j’ai raison ! »

Teriarch cligne des yeux, puis regarde mon Iphone.

« Autant ? Mais les Gnomes ne pouvaient… Ahem. »

Il tousse.

« J’admets que cet objet est intéressant. Donc je vais peut-être te payer quelques centaines de pièces d’or. Est-ce que cela te convient ? »

Je le fusille du regard.

« Donne-moi ce livre et nous sommes quittes. »

« Quoi ? Mais c’est une édi… »

« Tu as copié mon Iphone. Tu t’es emparé de ma possession en premier, donc si tu veux la garder, tu me donneras le livre. »

Peut-être que c’est le ton de ma voix, mais Teriarch s’énerve. Il me toise, grognant. Son haleine chaude est comme une fournaise sur mon visage.

« C’est ma magie qui vient de le récréer, petite. N’essaye pas de négocier a… »

« Es-tu un voleur, ‘oh grand Dragon’ ? Es-tu une brute et un voyou qui vole au gens qui ne peuvent pas résister ? »

« Je n’ai jamais dit que… »

« Tais-toi ! »

Je tremble. Je pointe le tome du doigt.

« Donne-moi ça. Donne-le-moi et je m’assurerai que la tribu des Crocs d’argent honorera ton nom, et tu peux avoir un Iphone valant plus que la moitié de ta collection de livres poussiéreux. Mais refuse et je m’en vais avec deux Iphone. »

« Je ne crains pas des menaces d’extorsion, gamine. Je pourrais effacer ta mémoire, tu sais. Ou te réduire en cendre. »

Teriarch ouvre la bouche et je vois une lueur au fond de sa gorge. J’essaye de ne pas avaler ma salive quand je croise son regard.

« Tu pourrais. Mais toi et moi saurons alors que tu es un voleur. Pour le restant de l’éternité. »

Pendant deux longues minutes nous ne détournons pas le regard. Je sens la sueur couler dans mon dos et j’ai les yeux qui pique, mais je n’ose pas cligner des yeux. Puis, il détourne le regard.

« Hah. »

Il ricane. L’intensité de la confrontation disparaît d’un coup. Je regarde le Dragon ricaner, puis commence à rire de vive voix ; un son qui fait vibrer ses écailles.

« Tu es vraiment une Humaine intéressante. Je comprends pourquoi Reinhart est fasciné par toi. »

Je reprends lentement ma respiration. Et je me retrouve à m’asseoir. Teriarch me voit et ricane de plus belle.

« Encore plus d’intensité et tu te serais fait dessus comme tu l’as déjà fait il y a bien longtemps. Ou était-ce sa servante ? Ah, cela n’a pas d’importance. »

Il continue de rire. Moi ? j’essaye de ne pas redevenir un bordel incohérent. Je regarde l’image d’Octavia et d’Erin pour reprendre mes esprits. Oh ? Maintenant elles essayent d’éteindre un feu. Un feu noir qui semble cracher des glaires de magma dans son magasin. Et maintenant une potion vient de bouillir et d’exploser. Bien, bien.

« L’arrogance et la témérité de… Mais c’est pour cela que… Cela fait combien de temps ? À part Reinhart, bien sûr. Mais même elle n’oserait pas… Sauf cette fois… »

Il murmure et je prends mon courage à deux mains en le regardant.

« Alors ? »

Cela le fait revenir sur terre. Teriarch me regarde pendant un long moment, puis soupire.

« Accepterais-tu dix mille pièces d’or ? Vingt mille pièces d’or ? »

Vingt mi… Non, attends, les Gnolls avaient dépensé plus de cinquante mille pièces d’or, pas vrai ? Je regarde Teriarch, je pourrais peut-être faire grimper le prix, mais…

Nah, je veux ce livre de sort.

« Le livre, Teriarch. C’est ça ou rien. »

« Je… Hrgh. Fort bien. »

Teriarch semble vaciller, puis il prend une décision. Il fait léviter le livre hors de la bibliothèque et le dépose dans mes bras.

« Tiens. Prends-le. Nous avons un marché. Et je vais garder cela. »

Il garde l’Iphone dans ses griffes tel un trésor et je souris, de manière presque enfantine. Je l’ai fait !

Puis je réalise quelque chose.

« Comment est-ce que je vais le porter ? »

« Utilise le sac. »

Teriarch me répond de manière sèche en examinant délicatement l’Iphone. Il est en train de le renifler, et même de le lécher du bout de sa langue. Il me faut une seconde pour comprendre qu’il fait référence au sac qu’il m’a donné avec les pièces d'or. Je l’ouvre, et il s’ouvre en grand ou le tome rapetisse, parce qu’il est soudainement dans le sac.

« Un sac sans fond. »

« Oui, bien sûr. Pensais-tu vraiment que toutes les pièces d’or allaient miraculeusement dans un sac ? »

« Mais il ne vaut pas une fo… »

Je me mords la langue juste à temps. A cheval donné on ne regarde pas la bouche. Dans tous les cas Teriarch est trop occupé à observer sa dernière acquisition.

Huh. C’est incroyable comment il a réussi à récréer un second Iphone. Attends. S’il peut le faire, est-ce qu’il…

« Teriarch, est-ce que tu peux considérer dupliquer l’Iphone ? Pour mon amie ? »

« Qu’est-ce qui se passerait si nous pouvions nous appeler ? Bon sang, si je pouvais avoir plus de copie.

Teriarch s’arrête en m’entendant. Il me toise du regard, avant de tourner l’intégralité de son corps. Il abaisse sa tête au niveau de mon corps et prononce un mot.

« Non »

J’ai l’impression que mes tympans ont failli sortir de ma tête.

***

D’accord, les Dragons peuvent se séparer d’une fraction de leur trésorerie, avec beaucoup de réluctances, mais ils détestent l’idée que leur possession puisse être copiée. C’est ce que Teriarch m’expliqua une fois que mes oreilles aient terminé de sonner.

Il était temps de partir. Teriarch est en train de regarder le sac contenant le sort, et il semble de mauvaise humeur. Je pourrais croire qu’il soit fatigué, mais je pense que c’est parce qu’il vient de se séparer de son livre. Au moins il va me téléporter.

« Tiens-toi dans le cercle. Voilà. Ne bouge pas. »

Je me tiens immobile, même si je veux bouger et crier de joie. Je l’ai fait ! Je l’ai vraiment… Il y a tellement de choses que je veux dire et faire que j’ai du mal à me contrôler.

Il y a plein d’autre chose que je veux demander à Teriarch. Mais il semble assez agacé comme ça alors que je l’entends murmurer sur l’absence de coordonnées exacte et ne pas mettre ma forme corporelle à travers un mur. Beurk. Je pense au désartibulement d’Harry Potter et mes mouvements encore nerveux.

Teriarch fronce les sourcils en me regardant.

« Le sort est presque complet. Je te conseillerai de mieux te préparer, mais tu as clairement les capacités suffisantes si tu es parvenu à survivre jusqu’ici. Qu’est-il arrivé à tes doigts ? »

Il le remarque que maintenant ? Je regarde ma main droite.

« Je les ai perdus lors de la livraison.

« Ah. »

Le Dragon se fige et regarda ma main, à moitié en train de lancer le sort. Je hausse les épaules, essayant d’ignorer la sensation au creux de mon estomac.

« C’était ma faute. J’ai fait un pacte avec les fées. Pour sauver une vie, j’ai abandonné ça et une tribu de Gnolls donnèrent leurs vies. »

« Je vois. Je suis désolé. »

Teriarch hésite. Il ouvre sa massive mâchoire plusieurs fois avant de fermer la bouche, comme s’il voulait dire quelque chose. Il regarde quelque chose, mais il reste silencieux. Je souris à moitié.

« Tu sais, j’étais prête à donner mon bras pour aider mon amie, Erin. Je ne savais ce que j’allais devoir donner pour obtenir ton aide. »

Le Dragon secoue la tête, complètement confus.

« Un bras ? Qu’est-ce que je ferais avec un bras. »

« Je ne sais pas. Je pensais juste… Les fées m’ont toujours demandé un sacrifice en échange, quelque chose de précieux. Cela ne m’est jamais venu à l’esprit de demander ou… D’échanger. »

Teriarch ricane et agite une griffe devant mon visage. Pourquoi est-ce qu’un Dragon à des mimiques aussi humaines ? Peut-être qu’il les a appris en les observant ? Ou peut-être que… Ce sont les Humains qui ont appris ? »

« Tu passes trop de temps avec ces pestes. Leurs sens du devoir et leurs obligations… En effet, le prix d’une intervention est bien différent de toi ou moi. Je te conseille de d’éviter de demander de l’aide à moins que cela soit absolument nécessaire. »

Voilà pourquoi je ne devrais pas partir. Je lève les yeux vers Teriarch.

« Vraiment ? Elles sont vraiment si différentes que ça ? Je pensais que vous étiez proche car vous êtes immortels ? »

Le Dragon mord à l’hameçon. Il pouffe dans ma direction, et cette fois la fumée me fait tousser.

« Ah. Mes excuses. Mais ta comparaison est aussi humoristique qu’insultante. Je suis un Dragon, pas un être de la nature. Nous sommes immortels, cela est vrai, mais nos rôles sont grandement différents, tout comme nos compétences. Je suppose que tu sais que les fées ne sont pas de ce plan de l’existence ? »

« C’est le cas. »

« Elles voyagent entre les mondes, et elles ont une perception différente. Dans certains lieux, d’après ce que l’on me dit, la volonté du monde et le destin peuvent conspirer contre les interférences et punir ceux qui oseraient réaliser une telle folie. De la même manière, les Dieux gardent leurs domaines jalousement. Même les fées ne tenteraient pas la colère de tels êtres facilement. Donc, leurs règles et respectés et renforcées parmi leur peuple. »

Oh. Cela a du sens. J’essaye de faire mon regard d’étudiant engagé à Teriarch. Je ne suis pas doué, car je ne prêtais pas vraiment attention en classe si je connaissais le matériel, mais si Teriarch était mon professeur, et bien j’irai à tous ses cours.

« Leurs superstitions et lois internent sont faites pour protéger, mais peuvent parfois devenir redondantes. Dans ce monde, par exemple. Les Dieux sont morts. Ils ont plus d’autorité ici, d’où leur contrôle sur la météo. Dans tous les cas, je suspecte que les fées n’aiment pas l’attachement et les dettes, ce qui est pourquoi elles refusent d’aider. De plus, elles aiment les traditions, et demande un cadeau contre de l’aide. »

Un cadeau ? Est-ce que c’étaient mes doigts ? Ou… Non, c’était un échange. Mais leur donner un cadeau ? Un Iphone ?

« Mais assez parler des fées. Ne t’approche pas d’elles, ou pas, mais apporte mon cadeau aux Gnolls. Dis-leur que… C’est pour leur futur. »

Je regarde Teriarch. Il a de nouveau l’air fatigué. Il touche le cercle de téléportation à mes pieds et les symboles brillent.

« Je te souhaite bonne chance Ryoka Griffin, pour les égnimes et pour l’objet. Cela fait bien longtemps que je ne m’étais pas autant amusé au contact d’un mortel. »

Oh, c’est vraiment terminé. Je regarde ses deux magnifiques yeux et je sens un poids dans mon cœur.

« Est-ce que je dois vraiment partir ? Déjà ? »

« J’en ai bien peur. Je ne garde pas longtemps mes visiteurs. Et cet endroit est trop dangereux pour ce genre de visite occasionnel. »

Je cligne des yeux. Teriarch me regarde. Il a raison, bien sûr, mais je ne suis pas d’accord. Je braverai tous les périls pour pouvoir le revoir. Mais est-ce que je peux revenir ? Est-ce que j’ai la permission de revenir ? Est-ce que j’aurai cette chance ?

« Est-ce que tu penses avoir besoin d’une Coursière dans le futur ? Pour une autre livraison, peut-être ? »

Il rit doucement ; le vent faire bouger mes cheveux alors qu’il regarde sa caverne, vaste pour moi mais presque inadéquat pour lui.

« Je ne reçois pas les lettres comme toi, Humaine. Si Reinhart souhaite me parler, elle utilisera de la magie. Non ; j’en ai terminé avec toi. Réjouis-toi, Ryoka Griffin. Tu as vu un Dragon et survécus. »

Il me sourit, exposant des rangées de dents qui me font demander ce qui pourrait affronter un être de son espèce. Pas une armée, pas un tank… Bordel, même un Tyrannosaurus Rex se roulerait en boule à la vue de ces dents. Mais il semble bien plus gentil que lors de notre première rencontre.

« Pars. Et ne dit rien de cette rencontre. Hmm. Tu le feras peut-être. Mais j’ai envie de croire… Oui, j’ai envie de croire que je peux te faire confiance. »

« Je jure de ne rien dire. Tu es un… Mage que j’ai rencontré. Je garderais ma promesse, Teriarch. »

« Peut-être que tu le feras. »

Il baisse la tête et prononce un dernier mot alors que la lumière comme à luire à mes pieds.

« Huma… Ryoka. Même si cela était de la flatterie, je suis heureux de savoir que ton peuple continue de raconter des histoires de mon espèce. »

Je le regarde dans les yeux, la magie m’enveloppe. Est-ce que je dois partir ? J’ai l’impression d’être en sécurité ici. En sécurité et…

« Chaque mot était sincère. »

Un dernier sourire. J’ai vu un Dragon sourire.

« Adieu, Ryoka Griffin. Nous nous ne reverrons pas. »

Non. Mais je disparais avant de pouvoir répondre. La dernière chose que je vois est le sourire de Teriarch. Et puis…

***

Octavia jette une potion sur Erin. Elle était vide donc Erin n’avait qu’à esquiver une bouteille vide. Mais l’autre fille était la recherche d’autre munitions, et Erin avait déjà esquivé une chaise et des poids.

« Dehors ! »

« Je suis désolé ! Je ne savais pas que ça allait faire ça ! »

Erin dansa et évita alors qu’Octavia s’empara d’une bûche pour s’en servir de batte. La Tissée était en train d’essayer de frapper Erin alors qu’elles tournèrent autour du comptoir quand elle entendit un bruit de courant d’air.

Les deux jeunes femmes se retournèrent pour voir Ryoka apparaître à une vingtaine de centimètres du sol. La fille était figée sur place pendant une seconde jusqu’à ce que la magie l’entourant se dissipe. Puis Ryoka cligna des yeux, essaya de faire un pas, se cogna contre une poutre et tomba au sol.

« Mer… »

Elle atterrit au sol et s’agenouilla pour amortir sa chute. Elle ne trébucha pas. Erin et Octavia la regardèrent, impressionnées, avant de se rappeler d’être choqué.

« Ryoka ? »

« Comment est-ce que… »

Ryoka se leva lentement. Sa tête tournait, et elle avait légèrement envie de vomir. Elle regarda le magasin en pagaille, avec de la fumée dans l’air et des milliers d’horrible chose s’ajoutant au miasme suffocant. Elle regarda Erin, qui semblait gênée et avait les yeux écarquillés et Octavia, folle de rage. Elle hocha la tête et pointa la casserole utilisée plus tôt du doigt. Le liquide était toujours en train de buller dans le métal fondu.

« Hum, essaye de rafraîchir les carottes avec quelque chose avant d’ajouter les bois de Corusdeer. Et utilise aussi de la farine. »

Les deux filles se regardèrent, puis regardèrent Ryoka. Erin leva la main.

« Quel type de farine ? »



 
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2.47 - Première Partie
Traduit par EllieVia

Ryoka savait que son sens de la normalité avait changé. Ses réactions face à des choses telles que les monstres et la magie avaient été tempérées par ses expériences en ce monde, et elle pouvait à présent regarder des Gobelins et des sortilèges sans sourciller.

Et bien sûr, Erin et Octavia étaient toutes deux de jeunes femmes indépendantes qui avaient autant d’expérience, voire plus, que Ryoka. Mais il était tout de même légèrement inquiétant qu’Octavia soit la seule des deux à réagir normalement.

“Comment est-ce que tu… est-ce que c’était un sort de téléportation ?”

“Tu penses à quel type de farine, Ryoka ? La farine de gland, ou celle de blé ? Oh, et d’ailleurs, comment as-tu fait ça ?”

Ryoka avait envie de vomir. Elle avait la sensation que quelqu’un avait jeté un batteur électrique dans ses entrailles. Elle se souvenait que cela avait été pareil la dernière fois, même si à ce stade elle s’était retrouvée au-dessus des toits de Celum. Elle s’était davantage souciée de ne pas glisser du toit sur lequel elle avait atterri plutôt que de vomir.

L’odeur ne l’aidait pas. Octavia l’observait fixement, choquée, mais Erin s’était, à sa manière, adaptée à la situation en une fraction de seconde. Sa résilience mentale avait quelque chose d’admirable.

“C’était un sort, donc ? Oh, attends… tu as l’air sur le point de vomir. Tiens !”

Elle tendit un grand pot vide à Ryoka. On aurait dit le contenant d’élimination des déchets des réactions alchimiques ratées. La fille élancée repoussa le pot et prit quelques grandes inspirations.

“Je vais bien, Erin. Laisse-moi juste une minute. Je vais prendre l’air.”

Elle sortit en titubant de l’échoppe. Erin hésita, puis la suivit. Ryoka dut contourner deux chaises renversées et esquiver deux flaques de potions. Le magasin d’Octavia avait été saccagé. Que s’était-il donc passé ?

Oh, c’est vrai. Erin.

Il fallut un moment à Ryoka pour retrouver son sens interne de l’équilibre. Sa tête lui tournait encore un peu, mais lorsqu’elle se sentit prête à expliquer les choses sans vomir, elle leva la tête.

Erin était debout à côté d’elle et contemplait le ciel gris couvert de nuages. L’air d’hiver agitait sauvagement ses mèches de cheveux, mais elle ne paraissait pas le remarquer.

Elle souriait. Cela surprit tellement Ryoka qu’elle continua de la regarder fixement pendant quelques instants. Malgré le fait qu’elle se soit retrouvée catapultée dans une ville inconnue, et tout ce qu’elle avait présumablement vécu, Erin souriait toujours.

Ryoka toucha son propre visage. Elle ne souriait pas. Elle souriait rarement.

Erin lui décocha un petit sourire joyeux. Elle était clairement heureuse. Puis elle jeta ses bras autour de Ryoka.

“Hey !”

“Je suis tellement contente que tu m’aies trouvée ! J’étais tellement inquiète… mais tu es juste apparue comme ça, de nulle part ! Comment as-tu fait ça ? C’était de la magie ?”

“Non… enfin, un peu, si. J’étais avec un mage. J’ai rencontré un mage pendant une livraison, tu te souviens ? Teriarch ?”

“Tu parles du mage grincheux ? Il t’a téléportée ?”

Ryoka hésita.

“Oui. Il m’a aidée à te trouver et à te rejoindre. J’étais… inquiète. Mais on dirait que tout allait bien. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?”

“Je n’en sais rien ! Je faisais la sieste et Toren tirait mon chariot, et puis… paf ! Je me suis retrouvée au milieu de nulle part, entourée d’ours et de loups ! Enfin, juste un seul ours.”

Ryoka écouta les explications embrouillées d’Erin sur ce qu’il s’était passé. Elle secoua la tête.

“Tu as repoussé une meute de loups ? Et fait peur à un ours ?”

“Hum. Oui ?”

Ryoka aurait voulu ne pas la croire, ou du moins croire qu’Erin exagérait ou se vantait, mais il lui suffit de croiser son regard pour comprendre qu’elle disait la vérité. Cela faisait presque passer l’aventure de Ryoka pour banale.

Presque. Le Dragon et les énigmes éclipsaient tout de même le fait de combattre des loups à mains nues. Elle avait encore l’impression d’avoir vécu un rêve, alors même que cela ne faisait que quelques minutes qu’elle avait vécu les faits. Elle avait parlé à un Dragon. Un Dragon. Ils existaient bel et bien. Il existait bel et bien.

Ryoka soupira. Elle était de retour dans le monde réel. Elle devait se concentrer. Elle remarqua qu’Erin ne l’avait toujours pas relâchée et fronça les sourcils.

“Okay. Ça suffit. Lâche-moi.”

Elle se dégagea de l’étreinte d’Erin et cette dernière lui adressa un sourire éclatant.

“Je suis juste tellement heureuse que tu sois là ! Tu ne vas pas y croire quand je vais te dire qui je viens de rencontrer ! Cette fille, là - celle qui est énervée - elle s’appelle Octavia et c’est une [Alchimiste] ! Tu y crois, ça ? Et elle a plein de potions cools !”

“Je te crois. Je la connais, en fait.”

Ryoka se retourna vers l’échoppe. Octavia avait laissé les filles quelques instants pour essayer d’éponger un peu de potion par terre.

“Qu’est-ce qu’il s’est passé, bon sang ? J’ai vaguement vu ce que vous faisiez lorsque Teriarch vous a scrutées…”

“Whoa ! Il peut scruter les gens ?”

“... Mais je n’ai pas bien vu. Erin, qu’est-ce que tu fais ?”

“Viens, je vais te montrer !”

Erin entraîna Ryoka à sa suite et elles retournèrent dans l’échoppe. À l’instant où elles y pénétrèrent, les sinus de Ryoka furent de nouveau agressés par l’odeur nauséabonde qui se dégageait de la pièce. Son nez était déjà en train de s’engourdir.

“Non ! Non !  Dehors ! ”, hurla Octavia lorsqu’elle vit Erin entrer. À la grande surprise de Ryoka, elle pointa la serpillière sur Erin comme s’il s’était agi d’une lance pour essayer de forcer l’ [Aubergiste] à garder ses distances.

“Hey ! Attention, Octavia ! Je vais t’aider à nettoyer ! Aïe !”

Ryoka attrapa la serpillière et regarda fixement la fille de tissu cousu. Octavia avait l’air normale, si l’on exceptait l’allure Frankeinsteinesque que lui conféraient les coutures sur ses épaules et sur son cou. Elle apparaissait également curieusement à cran. Elle pointa Erin du doigt.

“Ryoka, tu connais cette fille ?”

“Salut, Octavia. Qu’est-ce qu’il se passe ?”

La fille à la peau sombre agita les mains et essaya de pousser Erin hors de son magasin.

“Fais quelque chose ! Cette imbécile folle furieuse va finir par toutes nous tuer  !”

“Oh, pitié ! Ce n’était qu’un… que deux accidents !”, protesta Erin, mais Octavia était de toute évidence bouleversée. Elle fusilla Erin du regard, les poings serrés.

“Tu as fondu un trou dans ma cuisine ! Et ensuite, tu as failli nous empoisonner toutes les deux !”

“Qu’est-ce qu’il s’est passé ?”

Ryoka s’interposa entre les deux filles. Elles tentèrent toutes deux de lui expliquer en même temps, en ponctuant leurs phrases de grands moulinets de bras et d’accusations.

“Je voulais juste faire quelques trucs magiques ! Comme à manger, ou une potion ! J’ai même donné une sacrée quantité d’or à Octavia pour qu’elle me file un coup de main !”

“Je croyais que tu voulais juste faire quelques expériences ! Je ne savais pas que tu étais aussi tarée !”

Octavia pointa un doigt tremblant en direction de la zone où l’odeur était la plus prégnante. Ryoka aperçut ce qui semblait être l’épicentre d’un désastre localisé ; un chaudron avait à moitié fondu, et un résidu violet épais s’était accroché à toutes les surfaces environnantes. L’[Alchimiste] se tourna vers Ryoka d’un air implorant.

“S’il te plaît, éloigne-là de mes ingrédients et de mes potions ! Elle n’arrête pas de les mélanger sans se soucier du danger !”

Les deux filles se tournèrent pour dévisager Erin, qui parut blessée.

“C’est pourtant bien comme ça que ça fonctionne, l’alchimie, pas vrai ? Il faut expérimenter pour…”

Non !

Octavia tira sur ses dreadlocks. Ryoka ne pouvait qu’être d’accord avec elle sur ce point.

“Erin, tu ne peux pas te contenter de mélanger des ingrédients et de potions comme ça. Si l’alchimie ressemble de près ou de loin à la science, il faut que tu documentes ton travail. Et tous ces trucs sont magiques. Il te faut des dispositifs de sécurité.”

“Quoi, sérieux ?”

“C’est ce que je t’ai dit !  Mais tu as créé un nuage empoisonné et fait fondre...”

“Octavia, ferme-là une seconde.”

Les deux filles se turent et regardèrent fixement Ryoka. Elle avait vaguement le sentiment d’être une institutrice en train de gérer deux morveuses. Mais Ryoka ne pouvait s’empêcher de sourire. Erin était saine et sauve, et elle avait même réussi à énerver Octavia. Et Ryoka avait un sac plein d’argent et un grimoire. Il fallait bien que quelque chose se passe mal à ce moment-là, non ?

“On va reprendre depuis le début. Octavia, je viens de terminer une livraison et je suis venue ici pour retrouver Erin.”

“Mais comment… je ne connais personne qui ne soit capable de jeter un sort de [Téléportation] qui sorte de nulle part comme ça. Est-ce qu’il y avait un cercle magique ? Personne ne peut juste claquer des doigts et… attends… cette livraison dans les Hautes Passes…”

“Secret professionnel, Octavia. Je ne peux rien te révéler.”

La tissée parut déçue. Mais elle écarquilla alors les yeux.

“Est-ce que c’est celui qui a fait la potion ? Est-ce que tu as une autre…”

Ryoka soupira.

“Ferme-là. S’il te plaît. Octavia, je te présente Erin. Une amie à moi. C’est une [Aubergiste] qui vient de Liscor, et qui est loin de chez elle.”

“Salut.”

“Et Erin, voici Octavia, une [Alchimiste] dont la langue trop pendue finira par lui jouer des tours. Elle essaie d’escroquer tous ceux qui la croisent, donc n’accepte aucun de ses marchés.”

“C’est…”

“À présent, expliquez-moi comment vous vous êtes rencontrées. Et ce qu’il s’est passé. Depuis le début.”

Les deux filles échangèrent un regard. Puis elles reprirent la parole pour lui raconter dans l’ordre ce qu’il s’était passé, et Ryoka put enfin suivre leurs péripéties.

Voici ce qu’il s’était passé : Erin, en arrivant dans cette ville, avait une jarre pleine d’abeilles et deux jarres de miel. Elle avait également émis le souhait de se débarrasser des jarres sus-citées, et était par conséquent partie chercher une [Alchimiste] à qui les vendre. Octavia, étant connue comme une [Alchimiste] très entreprenante (et agaçante) avait été plus que ravie de prendre la marchandise d’Erin, et son argent aussi, si possible.

Le rebondissement intéressant de cette histoire, c’est qu’Erin avait été plus que partante pour donner tout cela à Octavia, à la condition qu’elle l’aide à faire ses propres expériences. Octavia avait accepté avec joie, mais il s’était avéré que le style d’expérimentation d’Erin était complètement fou, et c’était un euphémisme.

“Elle a jeté deux potions dans la mixture. Juste comme ça.”

Octavia pointa un doigt tremblant là où s’était échappée la fumée empoisonnée. Elle avait été neutralisée par une espèce de poudre blanche, mais Ryoka et Erin se tenaient tout de même loin de la zone.

“Et c’était après qu’elle eut fait fondre mon meilleur chaudron en essayant de faire de la soupe avec des cornes de Corus en poudre !”

Erin haussa les épaules d’un air impuissant.

“Je pensais pouvoir créer quelque chose de bon et de chaud, tu vois ? Quelque chose de magique.”

“Je t’ai dit que ça ne pouvait pas marcher. Les cornes de Corus sont tellement chaudes qu’elles peuvent presque tout faire fondre. Les mettre sur le feu, c’est chercher à faire fondre sa cheminée. Et dans une soupe ? Tu pourrais faire fondre ton propre estomac !”

“Mais Ryoka a dit…”

“Erin, Octavia a raison sur ce point.”

“Quoi ?”

Erin regarda Ryoka qui secouait la tête. Cette dernière était mal à l’aise avec la description que lui avait faite Octavia des expérimentations d’Erin. Erin aurait facilement pu faire sauter tout le magasin d’Octavia ou se tuer en essayant ses propres mixtures.

“Je sais que tu es enthousiaste, mais tu devrais vraiment réfléchir à ce que tu veux faire avant d’expérimenter. Donne-toi un objectif, fais une hypothèse, et ensuite seulement, essaie de faire ton mélange d’ingrédients, d’accord ? Et vérifie les étapes avec Octavia avant.”

“Aw.”

Erin s’affaissa légèrement. Octavia eut l’air soulagée.

“Bien. À présent, j’imagine que tu vas payer pour réparer les dégâts. Je t’enverrai la facture - tu peux y aller, et…”

“Quoi ? Je ne vais pas partir maintenant. Je n’ai pas encore testé la moitié des trucs que je voulais essayer !”

L’[Alchimiste] se figea.

“Quoi ? Tu n’es pas sérieuse.”

Erin parut indignée. Elle attrapa sa bourse et la fit tinter devant les yeux d’Octavia.

“Je t’ai payée pour expérimenter, non ? D’accord, il y a eu des ratés, mais je peux encore essayer des trucs ! Tu as promis !”

Octavia s’étouffa à moitié et essaya de protester, mais Erin était déjà en train de chercher d’autres ingrédients et d’autres potions à mélanger et assembler.

Apparemment, ce marché-là s’était retournée contre la tissée de manière spectaculaire. Un tic agita les lèvres de Ryoka. Elle vit Erin inspecter une étagère de potions de mana. Octavia, outrée, tendit la main pour lui attraper l’épaule, mais Ryoka l’intercepta.

“N’essaie pas de l’arrêter. Erin se bat mieux que moi ; je l’ai vue tuer des zombies avec une poêle. Elle peut vaincre un Gnoll à mains nues.”

Tout cela était vrai, mais Erin rougit et Octavia hésita.

“Mais… enfin, je comprends bien qu’un marché est un marché, mais soyons raisonnable, Ryoka. Tu ne peux pas t’attendre à ce que je respecte ma part du marché maintenant, si ? Et les dégâts, et le coût de mes réactifs perdus ? Certes, je l’ai un peu compté dans le prix, mais je devrais être indemnisée pour les dégâts de mon laboratoire et mon traumatisme, vraiment. Tu ne peux pas vraiment justifier le fait de laisser Erin continuer comme si de rien n’était après tout ce qu’elle a fait, pas vrai ? Disons qu’on est quittes et j’ajouterai une… non, deux potions gratos, d’accord ?”

Ryoka vit le regard d’Erin les balayer pendant qu’Octavia la cajolait en plaidoyant. Elle haussa un sourcil.

“Combien t’a payée Erin, exactement, pour que tu la laisses utiliser ton laboratoire ?”

La tissée hésita.

“Hum…”

“Si c’est plus de dix pièces d’or, elle pourrait probablement payer toute cette étagère de potions. Je sais qu’elles ne sont pas de haute qualité. Et combien coûtent les carottes ? Quelques cornes de Corus ?”

“Eh bien… je veux dire… on ne peut pas réduire le coût des ingrédients de base à leur simple valeur pécuniaire, Ryoka ! Tu le sais bien. Toi et moi… nous sommes des femmes d’affaires. Tu sais qu’il y a le coût du transport, et les coûts d’obtention pour les aventuriers et en hiver, les prix montent à une vitesse ahurissante…”

Ryoka regarda Octavia droit dans les yeux jusqu’à ce qu’elle se taise. Elle se tourna vers Erin.

“Vas-y, Erin. Déchaîne-toi.”

Erin leur adressa un sourire solaire. Elle avait déjà une poignée de carottes dans une main et une autre corne de Corus. Octavia pâlit.

Arrête ! As-tu la moindre idée du prix de ces c…. non, pas celle-là ! C’est un ingrédient rare ! Je n’en ai qu… Ryoka, fais quelque chose ! Ryoka !




***




C’était vraiment amusant, l’alchimie. Erin ne voulait pas devenir [Alchimiste], et Ryoka lui avait dit qu’elle ne devrait pas accepter d’autre classe, de toute façon, mais elle adorait la sensation que lui procurait le fait de faire des expériences avec tout ce que possédait Octavia.

Certes, elle avait failli s’empoisonner à cause de cet affreux nuage, mais c’était une erreur. Ryoka était là, à présent, donc Erin faisait les choses pas à pas. Elle ne mettait même plus de potions dans sa mixture, à présent ; elle faisait quelque chose qu’elle avait toujours voulu essayer. Elle créait de la nourriture magique.

Lentement, Erin mélangea ce qu’il restait de poudre de corne de Corus dans la grande marmite de soupe qui bouillonnait sur le feu. Cette fois-ci, la poudre se dissout sans que toute la mixture ne chauffe à blanc et ne fasse fondre la marmite, et Erin considéra que c’était bon signe.

“Mmh. Ça sent bon, pas vrai, Ryoka ?”

“Mmh.”

La réponse provenait du bureau à quelques pas de là. Ryoka avait posé la tête sur le bureau, assise sur l’un des tabourets d’Octavia. Elle avait écarté tout le matériel d’alchimie pour pouvoir s’étaler sur la surface lisse.

Elle avait l’air fatiguée. Mais elle tenait compagnie à Erin pendant que cette dernière travaillait, et Erin était contente qu’elle soit là. Elle avait été surprise de voir Ryoka tomber du ciel. Est-ce que c’était de la magie ? Elle n’avait pas vraiment raconté ce qu’il s‘était passé à Erin, mais cela ne la dérangeait pas. Ryoka l’avait trouvée !

Avec précautions, Erin ajouta quelques feuilles de thym séché dans la soupe. Cela ne faisait pas partie de sa formule magique ; c’était juste pour le goût.

Octavia était partie sangloter quelque part, ou du moins c’était ce qu’Erin supposait. Elle s’était mise très en colère parce qu’Erin ne faisait pas assez attention, mais c’était bien à cela que servait l’[Instinct de Survie], pas vrai ? De plus, Erin n’avait rien détruit de plus après ces deux premières tentatives. Elle avait juste utilisé beaucoup d’affaires d’Octavia, voilà tout.

Et apparemment, cela en avait valu la peine. Erin prit une grande inspiration et inhala l’odeur de sa nouvelle soupe. La suggestion de Ryoka avait fonctionné.

“Voyons voir. Des carottes froides et de la gélatine, beaucoup de farine de blé, et moins de corne de Corus. Et j’ai lavé la corne, cette fois-ci !”

Erin n’était pas certaine que les ingrédients d’Octavia soient comestibles, mais la corne en poudre avait été lavée, et à présent, elle cuisait. Tout allait bien, n’est-ce pas ?

Ryoka ouvrit un œil et contempla la soupe bouillonnante.

“Pourquoi as-tu ajouté les herbes ? Ça ne risque pas de tout faire foirer ?”

“Non… je ne crois pas. Tu vois, si c’était une potion, il faudrait tout mettre tant que c’est chaud et je ne pourrais pas assaisonner. Mais ce n’est qu’un ingrédient normal, donc Octavia a dit que ça allait sans doute bien se passer.”

“Ah. Il n’y a pas de catalyseur, hein ?”

“Hum. Oui ? C’est juste de la nourriture, donc je ne fais pas vraiment de l’alchimie à proprement parler.”

“Ça m’a l’air bon. C’est normal que ça bouillonne comme ça ?”

Erin se tourna vers la marmite et poussa une exclamation. Les cornes de Corus avaient rendu la soupe extrêmement chaude. Mais la farine et l’épaisseur de la mixture diluaient la chaleur : elle se contentait de cuire à gros bouillons plutôt que de faire fondre la marmite. Elle remua la soupe, souffla dessus et ajouta de la farine et de l’eau sous les yeux de Ryoka.

“C’est un peu irréel de te voir ici, Erin.”

“Oui, je n’arrive pas à croire qu’il se soit déjà passé tout ça. Bizarre, pas vrai ? Je n’aurais jamais cru que je pourrais visiter une ville Humaine si facilement.”

“Moi non plus. Tu sais qu’il y a plus de cent milles d’ici à Liscor ?”

Quoi ?

“Tu as fait le trajet en une journée. Même si tu dormais, Toren devait être en forme pour courir si loin et si vite. Et tu dis que tu as dormi tout du long ?”

Erin se gratta la joue, mal à l’aise.

“Je, euh, je n’avais pas beaucoup dormi la nuit précédente, d’accord ? J’ai peut-être dormi longtemps.”

Ryoka soupira. Erin décida de se retourner et de regarder si sa soupe était redevenue plus maîtrisable.

“Ça va, Ryoka ? Tu n’as pas l’air en forme.”

Elle vit les deux épaules de l’Asiatique comateuse tressaillir.

“Je suis un peu fatiguée. La journée a été longue.”

“Je suis d’accord.”

Erin attrapa un bâtonnet et le leva dans les airs. Elle regarda d’un air méfiant la couche rose étalée à son extrémité, puis frissonna et le plongea dans la soupe, priant pour qu’elle n’en gâche pas le goût.

Octavia avait une façon intéressante de tester ses potions. Elle avait ce… truc. On aurait dit un morceau de peau sur un bâtonnet, pour dire la vérité. C’était dégueulasse, mais la baguette provenait d’une fiole avec des runes magiques dessus. D’après Octavia, elle imitait la peau humaine et d’autres fonctions physiologiques. Et elle était réactive, donc on pouvait voir ce qu’il arrivait à la peau ou à l’estomac si on les plongeait dans la potion. Si quoi que ce soit se mettait à brûler, à noircir, ou se mettait à mourir, c’était qu’il y avait un problème.

Les bâtonnets étaient chers, et Erin avait fait brûler les quatre derniers tests qu’elle avait utilisés dans sa soupe. Quelque chose dans la mixture faisait qu’elle était littéralement trop chaude pour être consommable, même lorsqu’Erin avait sorti la marmite du feu. Mais à présent, elle pensait avoir réussi.

“Oh, hey, regarde, Ryoka ! Cette fois-ci, elle ne brûle pas !”

Ryoka leva la tête à contrecœur et observa le test charnu dégoulinant qu’Erin avait sorti de la soupe.

“C’est dégoûtant. Rappelle-moi pourquoi tu voulais utiliser le laboratoire d’Octavia, Erin ?”

Erin hésita. Elle remua encore un peu la soupe puis la sortit du feu. Elle prit la parole en remplissant un bol de sa mixture d’un orange-jaune vif. Des morceaux de thym flottaient dedans, et la [Cuisine Avancée] d’Erin lui soufflait que le goût n’était probablement pas affreux. Mais le véritable test allait commencer lorsqu’elle verrait comment elle affectait quelqu’un.

“Je voulais faire quelque chose de magique .Quelque chose… d’utile. Quelque chose que personne ne peut voler et que je sois la seule à pouvoir faire, tu vois ? Peut-être même quelque chose qui puisse aider les gens - pas juste les nourrir. Comme la boisson de fleurs de fées.”

Elle tendit le bol à Ryoka.

“Tiens. Je crois que c’est bon. Tu veux tester ?”

Ryoka regarda fixement le bol de liquide fumant puis leva les yeux sur Erin.

“Pourquoi est-ce que tu ne l’essaies pas ? Ce n’est pas plutôt à toi de la goûter, comme tu en es la créatrice ?”

Erin hésita.

“Parce que… je n’ai pas envie.”

“Alors, pourquoi devrais-je essayer ce truc ?”

“Aw, s’il te plaît. C’est probablement inoffensif. Le test de chair n’a pas réagi.”

“Je ne trouve pas ça rassurant. Je pourrais tout de même m’intoxiquer ou faire une horrible réaction.”

“Mon [Instinct de Survie] ne se déclenche pas. Ce qui veut dire que c’est bon, je crois. Et Octavia a dit que les cornes de Corus ne sont pas toxiques. Juste… brûlantes.”

Ryoka regarda la soupe comme s’il s’était agi d’une bombe à retardement en train d’entamer lentement son décompte.

“Non.”

“Aw, allez, Ryoka, je te mets au défi de la manger.”

Erin poussa le bol sur la table. Ryoka le repoussa.

“J’ai dit non.”

“Je te mets doublement au défi.”

“Non.”

“Je te mets triplement au défi.”

“Erin…”

“Je te mets triplement doublement sacrément au défi.”

“Arrête.”

“Je te mets quadruplement sacr…”

“D’accord, très bien. Ferme-là. Je vais la goûter.”

Ryoka attrapa le bol et hésita en examinant la soupe. Elle plongea un doigt dans la soupe avec précautions puis leva les yeux sur Erin.

“Si je meurs…”

“Tu ne vas pas mourir. Goûte, c’est tout !”

Ryoka se tourna et pointa un mur du doigt.

“Les potions de soin sont là-bas.”

“Je sais.”

“Et la potion de neutralisation d’Octavia est ici. Elle annule la plupart des potions.”

“Ryoka, tout va bien se passer ! Goûte !”

Ryoka examina la potion, la renifla, soupira, puis en avala de mauvaise grâce une petite gorgée. Elle grimaça aussitôt.

“C’est brûlant !”

Elle se lécha les lèvres, réfléchit un instant, puis en avala un peu plus.

“C’est… plutôt bon, en fait.”

“Vraiment ?”

Erin lui décocha un sourire radieux. Ryoka hocha la tête en avalant le reste du bol.

“Pfiou. C’est chaud. Et ça...reste… chaud. Erin ? Qu’est-ce qu’il se passe ?”

Ryoka se tâta précautionneusement l’estomac et Erin essaya de lui expliquer.

“Les cornes de Corus brûlent longtemps. Je me suis dit… tu sais, comme c’est magique, je pourrais la mettre dans un plat pour réchauffer les gens. Parce que… il fait si froid.”

Ryoka réfléchit. Elle se tâta l’estomac puis haussa les épaules.

“Ce n’est pas douloureux. Et on dirait que la chaleur se répand. J’ai l’impression que je pourrais me balader dehors toute nue sans problème. Mais ce n’est pas désagréable...”

“S’il te plaît, ne te mets pas à poil.”

Les deux filles éclatèrent de rire. Puis Ryoka se tut. Elle contempla la marmite de soupe puis se tourna vers son amie.

“Erin. Est-ce que tu sais ce qu’il s’est passé ? Pourquoi as-tu disparu aussi soudainement ? Où est parti Toren ?”

Elle avait bien une idée, mais Erin ne voulait pas la dire à voix haute. Elle hocha lentement la tête et son sourire disparut.

“Je crois qu’il a fait quelque chose. Je crois que c’est lui qui m’a abandonnée au milieu de nulle part.”

Ryoka hocha la tête. Elle laissa quelques instants à Erin pour regarder le feu, puis elle posa sa deuxième question.

“... Tu vas faire quoi ?”

Erin haussa les épaules. Elle se sentait bizarre lorsqu’elle songeait à ce qu‘avait fait Toren. C’était une trahison. Elle ne savait ni pourquoi, ni comment… elle ne l’en avait même pas cru capable. Mais lorsqu’elle pensait à son squelette qui l’aurait délibérément abandonnée pour qu’elle se perde ou qu’elle meurt, son cœur se serrait. Elle répondit à voix basse.

“Il faudra peut-être que je le tue. Ou bien… s’il se contente de désobéir aux ordres, Pisces pourra peut-être le réparer ? Il faut que je demande à Pisces. Mais s’il est dangereux, je vais devoir m’occuper de lui d’une manière ou d’une autre.”

“Est-ce que c’est seulement possible ? Il a l’air immortel et il est dangereux.”

“Il n’est pas si fort que ça. Je veux dire, il est un peu plus fort qu’avant, mais si on le met en pièces on peut l’empêcher de se reformer.”

Ryoka hocha lentement la tête. Erin sourit, l’amertume se mélangeant à la tristesse.

“J’aurai peut-être besoin d’aide, en revanche.”

“C’est pour ça que je suis là, pas vrai ? Je vais te filer un coup de main.”

Doucement, comme si son visage ne savait pas trop comment ça marchait, Ryoka sourit. Erin lui rendit son sourire.

“Tu veux qu’on montre la soupe à Octavia ?”

“J’imagine que oui. Je vais la chercher. Elle boude à l’étage.”

Erin versa de la soupe dans un autre bol et Ryoka alla chercher Octavia. L’expression de l’[Alchimiste] n’était pas très chaleureuse lorsque Ryoka finit par la convaincre de descendre voir la création d’Erin, mais sa curiosité naturelle prit le dessus et quelques minutes plus tard, elle essayait elle-même la soupe.

“C’est chaud, en effet, même lorsqu’on la sort du feu. Regarde - j’ai ajouté de la neige et la température n’a même pas changé. Le goût est plus aqueux, cela dit.”

Octavia tapota son corps puis retira l’un de ses bras et en étudia le tissu. Elle le rattacha sous le regard abasourdi d’Erin puis haussa les épaules.

“On dirait que l’effet se répand à partir de l’estomac. Cela n’a pas affecté mon bras lorsqu’il était en mode tissu, mais l’effet a repris lorsque je l’ai recousu. J’ai chaud de partout.”

“Toi… mais que…”

“J’ai chaud. Un peu trop, même. Si j’étais dehors, ce serait parfait. Et… attends, je me demande si l’effet protège vraiment du froid ou s’il ne donne qu’une sensation de chaleur ?”, commenta Ryoka en allant chercher un peu plus de neige à l’extérieur. Elle fit fondre la neige qu’elle tenait en quelques secondes, et sourit.

“Je parie que je pourrais courir pieds nus tant que ça dure.”

“Je peux carrément vendre ça.”

Les yeux d’Octavia brillaient. Elle se tourna vers Erin.

“Enfin, c’est quand même très chaud quand on l’avale. Il faudra peut-être que tu ajustes ta recette.”

Ryoka acquiesça. Puis elle eut une idée et fronça les sourcils.

“Bon sang, Erin. Est-ce que ça va être aussi brûlant à la sortie qu’à l’entrée ?”

“Beûrk. J’espère que non. Mais ça te réchauffe, pas vrai ?”

Erin écarta le tour de magie du bras d’Octavia quelques instants pour se réjouir de son propre succès. Elle but une petite gorgée de soupe et sentit la chaleur se répande. Oui, elle avait réussi !

“Comment as-tu su que ça allait marcher ?”

Octavia dévisageait Erin d’un air curieux. Erin haussa les épaules.

“J’ai juste cette… compétence. Elle s’appelle [Mets Prodigieux] et elle marche un peu comme [Cuisine Avancée]. J’ai une espèce d’instinct qui me guide pour faire des plats magiques. Je crois.”

Ryoka se gratta la tête.

“Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi la soupe fonctionne comme ça. Qu’est-ce qui crée cet effet dans les cornes ?”

“Sais pas. C’est magique.”

Octavia s’éclaircit la gorge.

“Les cornes de Corus sont utilisées comme un carburant alternatif par les [Forgerons], les [Chefs]... quiconque a besoin d’un feu vraiment très chaud. Elles brûlent longtemps et tellement chaud qu’il faut les couper pour pouvoir vraiment les utiliser. Une corne peut coûter jusqu’à douze pièces d’argent, voire le double en cas de pénurie - tu veux savoir combien tu en as utilisé ?”

Elle regarda Erin d’un œil noir mais cette dernière soutint son regard.

“Tu veux savoir combien je t’ai payée ?”

“C’est à peine suffisant pour…”

Octavia hésita. Apparemment, même elle avait du mal à mentir droit dans les yeux.

“La soupe complémentera très bien mon stock. Écris-moi juste la recette et j’améliorerai la mixture. Je peux probablement la vendre pour…”

“Attends, c’est la soupe d’Erin. Pas la tienne.”

“Oh, elle peut l’avoir. Je n’en ai pas besoin pour le moment ; je sais comment la faire. Mais je ne partagerai pas la recette.”

Quoi ?

Octavia bougea à la vitesse de l’avarice. Elle se planta devant Erin et lui jeta un regard noir. Ryoka tendit la main vers son épaule, mais cette fois-ci, Octavia la repoussa.

“Ça ne faisait pas partie de notre accord ! Je t’ai laissée faire tes expériences ici… je mérite de connaître la recette !”

Erin regarda l’alchimiste en clignant des yeux.

“Non, ça ne faisait pas partie de notre accord, en effet.”

“Exacte… hein ?”

“Ça ne faisait pas partie de notre accord. Je voulais juste expérimenter ; je n’ai jamais dit que je te donnerais les recettes.”

“Oui… mais… inutile de se précipiter maintenant, Erin. Nous pouvons passer un marché…”

“Demain, peut-être. Ryoka a dit qu’il fallait qu’on aille faire d’autres trucs, maintenant. Je reviendrai donc demain, Octavia ! JE veux essayer de faire plein d’autres trucs la prochaine fois.”

“Attends, tu…’

Ryoka claqua la porte au nez d’Octavia en souriant. Erin sourit aussi et elles descendirent la rue. Ryoka avait déjà quitté ses chaussures et les avait placées dans son sac de Coursière, et elle marchait pieds nus avec précautions sur les pavés gelés. Elle sourit.

“Ça marche vraiment bien, ton truc. Toutefois, j’avoue que je suis surprise, Erin. Je ne m’attendais pas à ce que tu sois si malpolie avec Octavia. Elle est insistante, mais c’était surprenant.”

Pour tout dire, Erin se sentait coupable. Elle grimaça d’un air mécontent.

“Oui, je me suis rendu compte qu’elle essayait de m’avoir assez vite. Je ne voulais pas être méchante, mais elle ne me laisse juste rien faire si je ne fais pas mon truc, tu vois ce que je veux dire ?”

“Ça me va, en tout cas. Ça marche bien sur elle.”

Ryoka enfonça un pied dans une congère, le retira et le secoua pour en faire tomber la neige. Cette fois-ci, son sourire s’étala sur son visage comme celui du Chat du Cheshire. Erin l’avait rarement vue aussi heureuse.

“C’est vraiment incroyable, bordel. Je peux courir grâce à ta soupe, Erin !”

“Tu peux bien courir sans, non ? Je t’ai déjà vue courir dans la neige…”

“Pas comme ça.”

Ryoka agita la main et secoua la tête.

“Courir avec ces chaussures ? Je suis lente, là-dedans. Je cours plus vite pieds nus ; c’est vraiment utile, ton truc. Moi, j’achèterai tout ton stock de soupe même si personne d’autre n’en veut.”

“Je crois que beaucoup de gens mangeront de ma soupe ! N’est-pas incroyable que personne ne l’ait créée avant ?”

“Oui. Incroyable. Ou… impossible.”

“Qu’est-ce que tu veux dire ?”

Ryoka guida Erin dans la rue, s’attirant de nombreux regards étant donné qu’elle marchait dehors vêtue uniquement d’un t-shirt et d’un short, sans chaussures, un jour d’hiver.

“J’aimerais bien savoir si Octavia pourrait reproduire ta soupe, même avec une recette. Il est possible qu’elle en soit incapable, ou du moins pas aussi aisément que toi. Tu as une compétence, pas vrai ? Il est possible que ton [Mets Prodigieux] te permette de faire de la nourriture magique sans avoir besoin de catalyseur ou de sortilège.”

“Vraiment ? Ce serait tellement cool !”

Erin hâta le pas, peinant à suivre les grandes foulées de Ryoka. Cette dernière le remarqua et ralentit le rythme, menant Erin au cœur de la ville.

“Où va-t-on, d’ailleurs ?”

Jetant un regard aux panneaux à la croisée de deux rues, Ryoka tourna à droite. Elle ralentit de nouveau pour marcher à côté d’Erin, haussant la voix pour couvrir le bruit d’une charrette en approche.

“Pour commencer. Il faut qu’on envoie un message à Liscor pour dire à tout le monde que tu es saine et sauve. Olesm, Selys, Klbkch… même Halrac s’inquiétait pour toi, tu sais. Mrsha n’a pas arrêté d’essayer de me suivre quand je suis partie.”

Elles se déplacèrent toutes deux vers le bord de la chaussée pour éviter la charrette qui passait à côté. Ryoka, en particulier, garda ses pieds hors de son chemin. Le conducteur de la charrette regarda fixement Ryoka en passant, manquant de peu renverser un piéton qui poussa un juron.

“Tu ne t’es jamais demandé comment les villes faisaient pour communiquer à part avec les Coursiers et les caravanes ?”

“Non ?”

Erin s’était dit que les Coursiers étaient l’unique moyen de communication. Ryoka secoua la tête et expliqua.

“Il y a un sort - [Message]. On peut envoyer, disons, l’équivalent d’e-mails magiques aux gens. Pas de longs messages, et je crois qu’il y a un coût de mana qui varie avec la distance et peut-être même l’atmosphère, mais…”

“Oh ! Tu veux dire, comme Twitter ? Un Twitter magique ?”

“Oui, un truc dans le genre.”

Ryoka soupira.

“C’est vraiment cher, par contre. On ne va donc envoyer qu’un seul message pour toi. Réfléchis à ce que tu veux dire ; sois concise. Dans tous les cas, ça coûte quelques pièces d’or.”

“C’est beaucoup pour un seul sort !”

Erin était outrée, mais Ryoka était résignée.

“C’est un seul sort, mais il n’y a pas beaucoup de gens qui se portent volontaires pour jouer au téléphone toute la journée. De plus, tous les [Mages] n’apprennent pas le sort. Ceria m’a dit qu’il n’était d’ailleurs pas facile à jeter. Il faut être au moins Niveau 15, un truc dans le genre. Voilà, on y est. C’est dans la même rue que la Guilde des Coursiers.”

Erin admirait tellement la vue qu’elle faillit manquer le bâtiment que Ryoka lui montrait. Cette dernière avait l’air de considérer que tout ceci était normal, mais c’était la première ville où était allée Erin à part Liscor, et même alors, elle n’avait jamais vraiment exploré toutes les ruelles et bâtiments là-bas non plus.

Les gens ici avaient l’air tellement normaux que c’en était presque douloureux. Certes, ils portaient des vêtements plus rustiques, avec beaucoup moins de couleurs et de logos que ce à quoi Erin était habituée, mais ils étaient tous Humains. Certes, certains conducteurs de chariots injuriaient les piétons et quelques personnes étaient armées d’épées, mais n’était-ce pas la même chose que les gens qui s’énervaient en voiture et les gens qui ramenaient des pistolets de chez eux ?

Les gens restaient des gens. Et bien qu’Erin fût heureuse d’avoir des amis Drakéides, Gnolls et Antiniums, elle se sentait toujours un peu seule à Liscor. Mais ici, tout le monde était Humain.

Cela la fit sourire. Et comme elle souriait, l’expérience d’Erin dans les rues de Celum fut bien différente de celle de Ryoka.

La Coursière fendait les foules, impatiente, et attendait souvent Erin, les sourcils constamment à moitié froncés. Mais Erin souriait et disait “bonjour” ou “excusez-moi” aux gens lorsqu’elle passait à côté d’eaux. Et pour chaque personne qui la regardait d’un air outré ou qui se contentait de l’ignorer, deux autres lui souriaient ou répondaient, surpris.



Dernière édition par EllieVia le Jeu 18 Mar 2021 - 19:18, édité 1 fois
 
   
    
                         
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