On a été éduqués selon cette idée
Je note l'auteur, c'est un sujet que j'aimerais creuser. Si tu as d'autres lectures que tu conseilles là-dessus je suis preneur.

Kid a écrit:

On a été éduqués selon cette idée  

(il fallait bien une justification/bonne conscience aux colons)

Je fais une petite liste cette semaine.
(J’ai regardé, on trouve facilement des ouvrages traduits d’historiens subsahariens dans nos bibliothèques
Et les écrits de l’historien grec Hérodote (-480 à -425) sur les civilisations d’Afrique subsaharienne)

ça ne m'étais pas venu à l'esprit de remettre en question cette narration au sujet de notre Histoire jusqu'à assez tard dans mon développement intellectuel... je crois que ça a fait déclic quand une compatriote JE m'a mis à l'amende sur facebook parce que je racontais de la merde.

Jasmin a écrit:

Il y a réellement des personnes qui croient que la colonisation a été bénéfique à l’Afrique noire, ou que « l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire » mais fermez bfm

il y a plus d'un problème dans cette citation

De Sarkozy, reprise récemment par Enthoven sur Twitter qui disait que grâce au film « Black Panther », « l’homme africain était enfin entré dans l’histoire ».
J’ai également du mal avec « l’homme » pour parler de l’humain.

Tant d’ignorance et de paternalisme, c’est à se cogner la tête contre des murs

Le jour où Enthoven dira quelque chose d'original et intelligent…

2217

N'empêche que cette idée de la colonisation bienfaitrice est encore largement répandue, même inconsciemment : quand je faisais mon service civique en Nouvelle-Calédonie, ça m'est arrivé de discuter avec d'autres métropolitains du référendum sur l'indépendance de cette année, et les ”ils ne pourront pas être autonomes” “c'est la France qui apporte tout” et tout ça ressortaient d'un certain nombre de bouches...

Lol Raphaël Enthoven raconte presque toujours n'importe quoi. C'est insupportable de le voir recevoir tant de crédit de la part de ses auditeurs car il est vraiment problématique, surtout quand il utilise son statut de philosophe pour dire des âneries partisanes.
Paternaliste est d'ailleurs un adjectif qui lui va comme un gant.

Hérodote - Livre II et III
Diodore de Sicile – Bibliothèque Historique
M. C.-F. Volney, Paris 1787 - Voyages en Syrie et en Egypte, Tome I
Vivant Denon - Voyage Dans la Basse Et la Haute Egypte pendant Les Campagnes Du Général Bonaparte (1802)
Champollion le jeune - Lettre écrite d’Égypte et de Nubie
Cheikh Anta Diop - Nations nègres et culture
François-Xavier Fauvelle-Aymar - Le Rhinocéros d’or
Cheikh Anta Diop - L’Afrique noire précoloniale
Bernard Nantet - Dictionnaire d’histoire et civilisations africaines
Hampaté Ba - Aspects de la civilisation africaine
Anne Stamm – Les civilisations africaines

waaaaw !! tu as lu tout ça ?

merci d'avoir pris le temps de faire une liste

J’ai lu tous les Cheikh Anta Diop, mon compagnon (passionné par ces civilisations) a lu les autres et les recommande !

J'ai terminé Les buveurs de lumière qui était vraiment chouette et frais de par les thématiques qu'il aborde, l'atypisme des persos, un joli coup de coeur, et j'ai commencé Nous rêvions juste de liberté de Loenvenbruck qui me plait déjà beaucoup de par l'oralité de la langue, et le ton. Punaise je choisis pas trop mal en ce moment !

Je viens de terminer Au fondement des sociétés humaines – Ce que nous apprend l'anthropologie, de Maurice Godelier. On me l'a conseillé comme étant une somme des apports de l'auteur et comme un bon point de départ pour qui s'intéresse à l'anthropologie. C'est en effet d'une écriture limpide, synthétique, tout en ne faisant pas l'économie d'exemples précis tirés de plusieurs terrains, ni d'analyses de phénomènes contemporains tenant à des sociétés plus complexes (puisqu'intriquées dans plus de rapports différents).

Quelques-unes de ses thèses :
- ce qui fonde une société, ce ne sont ni les systèmes de parenté, ni les rapports économiques (coucou Marx), mais les rapports politico-religieux (politiques en fait, dans des sociétés sécularisées comme certaines de celles des XX et XXIème siècles) ; il le démontre assez brillamment à travers des sociétés voisines et distinctes qui entretiennent pourtant entre elles des rapports économiques et de parenté : ce ne sont donc pas des choses qui suffisent à les distinguer les unes des autres (ce n'est évidemment qu'un seul des axes de sa démonstration).
- dans toute société, il faut davantage qu'un homme et une femme pour faire un enfant (il parle beaucoup de l'apport du divin, des esprits ou des ancêtres, et j'aurais bien aimé qu'il développe cette idée dans un cadre athée, bien que je sois sûre qu'on puisse trouver tout un ensemble de choses qui participent aussi à la création de l'enfant, ne serait-ce que son enregistrement à l'état civil, l'acquisition immédiate d'une nationalité et d'un nom, l'inscription dans un long chemin sous la houlette d'institutions telles que l'école ou l'armée)
- la sexualité est a-sociale, puisque (il utilise les apports de la psychanalyse d'une manière extrêmement intéressante) les rapports sociaux dans lesquels les êtres humains sont intriqués, qui les impliquent depuis avant leur naissance mais qu'iels contribuent à reproduire en les actualisant, visent tout le temps à brider la sexualité en ce qu'elle a d'instinctif, puisque la sexualité doit s'insérer dans le fonctionnement social, à travers une série d'interdits et de pratiques autorisées (qui induisent des fantasmes bien particuliers à chaque société) visant à reconduire la société comme un Tout fonctionnel (problématiques de la parenté, mais pas uniquement, puisque la sexualité peut aussi avoir une fonction symbolique)

J'espère ne pas faire tort aux thèses et aux raisonnements de Godelier, qui sont somme toute assez complexes, il faut s'approprier toute une rhétorique.

Je conseille d'ailleurs cette extraordinaire vidéo, audition d'anthropologues et philosophes dans le cadre des débats autour du projet de loi du mariage pour tous, il y a quelques années ; on y entend les très belles paroles de Godelier, Héritier et Veil :

Les argonautes du Pacifique occidental, Bronislaw Malinowski. Celui-là, beaucoup plus imposant et "classique" que le livre de Godelier, puisque Malinowski est l'un des tout premiers anthropologues à pratiquer l'observation participante (avant lui, les ethnologues faisaient un travail de cabinet, et envoyaient des intermédiaires munis de questionnaires compliqués poser des questions à leur place : on voit tous les effets délétères de la méthode !) C'est pendant la Première Guerre mondiale que Malinowski se retrouve en quelque sorte coincé sur son terrain, le territoire des Trobriands, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le très beau livre qu'il en tire a posé beaucoup des bases de l'anthropologie telle qu'elle se pratique encore, même si certaines de ses thèses semblent aujourd'hui dépassées (la préface de l'édition Tel, elle-même un peu datée, explique en quoi). Il a pu observer une forme d'échange intertribal, la Kula, aujourd'hui devenue un des "poncifs" de l'anthropologie, mais qui avec un regard de néophyte est tout à fait passionnant ! Les locaux de ces petits archipels pratiquent une forme d'échanges cérémoniels qui règlent tous les rapports qui unissent leurs îles, leurs clans et leurs villages, et totalement "gratuits" d'un point de vue économique simpliste. C'est une belle expérience de décentrement.

Une description simpliste de la Kula :
- tout pratiquant de la Kula (je genre au masculin car les femmes sont exclues, dans la plupart des cas de la Kula, bien qu'une anthropologue plus récemment se soit rendu compte que les femmes avaient elle aussi fondé leur propre circuit d'échanges, mais plus modeste) possède plusieurs partenaires de Kula (ou un seul, pour les plus pauvres) ; certains au Sud, d'autres au Nord. Ces partenaires vivent dans une autre village ou dans une autre île.
- deux types d'objets précieux circulent dans la Kula : des brassards, par paire (de gros bracelets) et des colliers faits à partir de perles obtenues à partir du coquillage rouge du spondyle.
- les brassards circulent du nord au sud, les colliers du sud au nord, ou l'inverse je ne sais plus, mais il faut retenir que chacun des articles circule dans une seule direction, et que tel partenaire me donnera toujours des brassards contre des colliers que je lui donnerai, et vice et versa
- un objet précieux obtenu d'un partenaire ne doit pas transiter plus de deux ans entre les mains de son "propriétaire", qui, à vrai dire, ne l'utilise même pas. Ces objets appartiennent davantage à la Kula qu'aux individus entre les mains desquels ils transitent
- pour tout objet précieux donné par un partenaire, il faut rendre un objet de valeur à peu près équivalente (sous peine d'être très mal vu, férocement critiqué) mais pas immédiatement. Il faut qu'un certain délai soit respecté
- la Kula engendre des expéditions Kula : des embarcations partent, pleines d'hommes, de vivres, d'objets de magie et objets pour faire un peu de troc
- ces expéditions sont prévues longtemps à l'avance, et ceux qui l'entreprennent ne prennent pas d'objet Kula (brassard ou collier) au départ : ils en obtiendront de leurs partenaires une fois arrivés sur place, mais ne leur feront de contre-don que quand ces partenaires viendront à leur tour en expédition Kula dans leurs villages
- on pratique un peu de troc pendant ces visites à d'autres villages, mais ce n'est pas l'objet phare
- posséder un objet de valeur, même temporairement, est un grand honneur : s'y rattachent des légendes et la tradition orale rapporte les mains illustres entre lesquelles ces objets sont passés
- toute expédition Kula s'entoure d'un très grand nombre de rites magiques qui doivent être respectés à la lettre pour que l'expédition soit couronnée de succès, mais aussi de règles de bienséance très complexes où se lisent toutes les hiérarchies sociales des personnes impliquées