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| | | | Invité / Invité Dim 25 Fév 2018 - 17:09 | |
| Le désespoir est assis sur un banc
Dans un square sur un banc Il y a un homme qui vous appelle quand on passe Il a des binocles et un vieux costume gris Il fume un petit ninas il est assis Et il vous appelle quand on passe Ou simplement il vous fait signe Il ne faut pas le regarder Il ne faut pas l'écouter Il faut passer Faire comme si on ne le voyait pas Comme si on ne l'entendait pas Il faut presser le pas Si vous le regardez Si vous l'écoutez Il vous fait signe et rien personne Ne peut vous empêcher d'aller vous asseoir près de lui Alors il vous regarde et sourit Et vous souffrez atrocement Et l'homme continue de sourire Er vous souriez du même sourire Exactement Plus vous souriez et plus vous souffrez Irrémédiablement Et vous restez là Assis figé Souriant sur le banc Des enfants jouent tout près de vous Des passants passent Tranquillement Des oiseaux s'envolent Quittant un arbre Pour un autre Et vous restez là Sur le banc Et vous savez vous savez Que jamais plus vous ne jouerez Comme ces enfants Vous savez que jamais plus vous ne passerez Tranquillement Comme ces passants Que jamais plus vous ne vous envolerez Quittant un arbre pour un autre Comme ces oiseaux.
Prévert |
| | Nombre de messages : 400 Âge : 31 Pensée du jour : “Je voulais vivre intensement et sucer la moelle de la vie. Et ne pas, quand je viendrai à mourir, découvrir que je n'aurai pas vécu.” Date d'inscription : 25/11/2017 | LePèlerinBleu / Pour qui sonne Lestat Lun 26 Fév 2018 - 18:22 | |
| Clarisse
Imitation d'un poète écossais.
Oui, je me plais, Clarisse, à la saison tardive, Image de cet âge où le temps m'a conduit ; Du vent à tes foyers j'aime la voix plaintive Durant la longue nuit.
Philomèle a cherché des climats plus propices ; Progné fuit à son tour : sans en être attristé, Des beaux jours près de toi retrouvant les délices, Ton vieux cygne est resté.
Viens dans ces champs déserts où la bise murmure Admirer le soleil, qui s'éloigne de nous ; Viens goûter de ces bois qui perdent leur parure Le charme triste et doux.
Des feuilles que le vent détache avec ses ailes Voltige dans les airs le défaillant essaim : Ah ! puissé-je en mourant me reposer comme elles Un moment sur ton sein !
Pâle et dernière fleur qui survit à Pomone, La veilleuse en ces prés peint mon sort et ma foi : De mes ans écoulés tu fais fleurir l'automne, Et je veille pour toi.
Ce ruisseau, sous tes pas, cache au sein de la terre Son cours silencieux et ses flots oubliés : Que ma vie inconnue, obscure et solitaire, Ainsi passe à tes pieds !
Aux portes du couchant le ciel se décolore ; Le jour n'éclaire plus notre aimable entretien : Mais est-il un sourire aux lèvres de l'Aurore Plus charmant que le tien ?
L'astre des nuits s'avance en chassant les orages : Clarisse, sois pour moi l'astre calme et vainqueur Qui de mon front troublé dissipe les nuages Et fait rêver mon coeur.
Chateaubriand |
| | Nombre de messages : 1022 Âge : 25 Localisation : le plus près possible d'une forêt Date d'inscription : 01/12/2016 | Aquae / Amazone du Dehors Lun 26 Fév 2018 - 19:42 | |
| Encore frissonnant Sous la peau des ténèbres Tous les matins je dois Recomposer un homme Avec tout ce mélange De mes jours précédents Et le peu qui me reste De mes jours à venir. Me voici tout entier, Je vais vers la fenêtre. Lumière de ce jour, Je viens du fond des temps, Respecte avec douceur Mes minutes obscures, Épargne encore un peu Ce que j’ai de nocturne, D’étoilé en dedans Et de prêt à mourir Sous le soleil montant Qui ne sait que grandir.
Jules Supervielle
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| | Nombre de messages : 10023 Âge : 31 Localisation : Paris Pensée du jour : nique la miette Date d'inscription : 22/06/2010 | Pasiphae / Truquage geniphasien Jeu 1 Mar 2018 - 22:19 | |
| N’appelez pas, n’appelez pas cela chanter ! Toute la nuit il a rugi sous ma fenêtre. N’appelez pas le rossignol ! … Vieux séducteur, faune ailé, bonimenteur des champs de foire, cette fois-ci, tu exagères. … Je n’ai pas dormi. Je te hais. Que tu te sois laissé prendre au piège de la nature amoureuse, passe encore. Cela arrive tous les jours à plus malin que toi. Mais que tu sois devenu cette figure emblématique de l’amour en littérature, voilà qui dépasse les bornes. La rose qui, dans ce domaine, n’a rien à t’envier en matière de sottise est du moins silencieuse. … Rossignol, ton grand tort est de te prendre pour un rossignol. … Je te pardonne. Mais, mon Dieu, quelle odeur de poussière !
Emmanuel Hocquard |
| | Nombre de messages : 646 Âge : 47 Localisation : Entre Aix et Marseille Pensée du jour : Write with the door closed, rewrite with the door open. - Stephen King Date d'inscription : 02/03/2018 | k_raf / Hé ! Makarénine Ven 9 Mar 2018 - 22:40 | |
| Je n'ai pas eu le courage de parcourir les 54 pages du topic. Je pars du principe que "Il meurt lentement" et "Demain dès l'aube" ont forcément été cités, alors je propose un moins connu :
Le temps de vivre
Il a dévalé la colline Ses pieds faisaient rouler des pierres Là-haut entre les quatre murs La sirène chantait sans joie
Il respirait l'odeur des arbres Avec son corps comme une forge La lumière l'accompagnait Et lui faisait danser son ombre
Pourvu qu'ils me laissent le temps Il sautait a travers les herbes Il a cueilli deux feuilles jaunes Gorgées de sève et de soleil
Les canons d'acier bleu crachaient Des courtes flammes de feu sec Pourvu qu'ils me laissent le temps Il est arrivé près de l'eau
Il y a plongé son visage Il riait de joie il a bu Pourvu qu'ils me laissent le temps Il s'est relevé pour sauter
Pourvu qu'ils me laissent le temps Une abeille de cuivre chaud L'a foudroyé sur l'autre rive Le sang et l'eau se sont mêlés
Il avait eu le temps de voir Le temps de boire à ce ruisseau Le temps de porter à sa bouche Deux feuilles gorgées de soleil
Le temps de rire aux assassins Le temps d'atteindre l'autre rive Le temps de courir vers la femme Il avait eu le temps de vivre
Boris VIAN |
| | Nombre de messages : 23 Âge : 35 Pensée du jour : 無 Date d'inscription : 12/03/2018 | Tam Lin / Homme invisible Sam 17 Mar 2018 - 11:37 | |
| Les présents
Si tu me parles, quelque soir, Du secret de mon cœur malade, Je te dirai, pour t'émouvoir, Une très ancienne ballade.
Si tu me parles de tourment, D'espérance désabusée, J'irai te cueillir, seulement, Des roses pleines de rosée.
Si, pareille à la fleur des morts Qui se plaît dans l'exil des tombes, Tu veux partager mes remords... Je t'apporterai des colombes.
Villiers de L'Isle-Adam |
| | | Invité / Invité Sam 24 Mar 2018 - 1:20 | |
| Extrait du recueil Les Salazienne, d'Auguste Lacaussade
Mais quel est ce piton dont le front sourcilleux Se dresse, monte et va se perdre dans les cieux ? Ce mont pyramidal, c'est le piton d'Anchaine. De l'esclave indompté brisant la lourde chaîne, C'est à ce mont inculte, inaccessible, affreux, Que dans son désespoir un Nègre malheureux Est venu demander sa liberté ravie. Il féconda ces rocs et leur donna la vie ; Car, pliant son courage à d'utiles labeurs, Il arrosait le sol de ses libres sueurs. Il vivait de poissons, de chasse et de racines ; Parfois, dans la forêt ou le creux des ravines, Aux abeilles des bois il ravissait leur miel, Ou prenait dans ses lacs le libre oiseau du ciel. Séparé dans ces lieux de toute créature, Se nourrissant des dons offerts pas la nature, Africain exposé sur ces mornes déserts Aux mortelles rigueurs des plus rudes hivers, Il préférait sa vie incertaine et sauvage À des jours plus heureux coulés dans l'esclavage ; Et, debout sur ces monts qu'il prenait à témoins, Souvent il s'écriait : je suis libre du moins ! Cependant, comme l'aigle habitant des montagnes, Qui du trône des airs descend vers les campagnes, Sur la terre et les champs plane avec majesté, Et, s'approchant du sol par sa proie habité, La ravissant au ciel dans sa puissante serre, Reprend son vol royal et remonte à son aire ; Le noble fugitif, abandonnant les bois, De son mont escarpé descendait quelquefois ; Il parcourait les champs, butinait dans la plaine, Et revolant ensuite à son affreux domaine Par l'âpre aspérité d'un sentier rude et nu, Invisible aux regards et de lui seul connu, Il regagnait bientôt sa hutte solitaire |
| | | Invité / Invité Sam 24 Mar 2018 - 10:43 | |
| - Invité a écrit:
Le regard d'Orphée
Et s'il ne l'avait pas tuée de son regard ? S'ils étaient tous les deux dans la cuisine à préparer un café ou à parler de la guerre qui ne finit pas ou à éteindre une chandelle pour l'anniversaire millénaire de leur mariage avec des fantômes qui dansent partout ou à écouter la musique dont ils ont oublié le nom ou à tousser au milieu des milliers de grains de poussière qui volent autour d'eux ou à s'asseoir gentiment comme deux statues de sel.
Dunia Mihail (Irak)
Belle découverte, merci. |
| | | Invité / Invité Sam 24 Mar 2018 - 11:18 | |
| Le cageot
A mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie. Agencé de façon qu'au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne sert pas deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou nuageuses qu'il enferme. À tous les coins de rues qui aboutissent aux halles, il luit alors de l'éclat sans vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d'être dans une pose maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques - sur le sort duquel il convient toutefois de ne s'appesantir longuement.
Francis Ponge, Le Parti pris des choses. |
| | | Invité / Invité Sam 24 Mar 2018 - 11:28 | |
| Orion
C'est mon étoile Elle a la forme d'une main C'est ma main montée au ciel Durant toute la guerre je voyais Orion par un créneau Quand les Zeppelins venaient bombarder Paris ils venaient toujours d'Orion Aujourd'hui je l'ai au-dessus de ma tête Le grand mât perce la paume de cette main qui doit souffrir Comme ma main coupée me fait souffrir percée qu'elle est par un dard continuel
Blaise Cendrars, Au coeur du monde |
| | | Invité / Invité Dim 25 Mar 2018 - 3:31 | |
| A Monster in My ClosetThere's a monster in my closet and I don't know what to do! Have you ever seen him? Has he ever pounced on you? I wonder what he looks like! Is he purple with red eyes? I wonder what he likes to eat. What about his size!! Tonight I'm gonna catch him! I'll set a real big trap! Then I'll train him really well. He'll answer when I clap! When I looked up in that closet there was nothing there but stuff. I know the monster's in there! I heard him huff and puff! Could it be he wants to eat me? Maybe I'm his favorite tray. And if he comes to get me, I'll scream loudly, "Go away!!" If he's nice, I'll name him "Happy." If he's bad I'll name him "Grouch." I suspect that he is leaving, but if not. . .I'll kick him out! - une enfant de dix ans |
| | Nombre de messages : 10023 Âge : 31 Localisation : Paris Pensée du jour : nique la miette Date d'inscription : 22/06/2010 | Pasiphae / Truquage geniphasien Mer 28 Mar 2018 - 12:12 | |
| TUBERCULES
Plonger la main dans la terre. Plonger jusqu'à toucher la peau rugueuse de ce qui se cache : des tubercules, des tentacules de poulpes qui habitent sous terre. Des tubercules qui poussent comme la peur, dans le noir. Plonger la main comme le faisait grand-père, en pleine lune, comme il m'a appris à le faire quand il le pouvait encore, quand il en avait les forces et y sortait des tubercules comme des tentacules de poulpes fraîchement pêchés. Plonger la main jusqu'à pouvoir toucher les intestins comestibles de la terre, jusqu'à l'endroit où poussent ces tubercules noirâtres, comme des images d'un rêve, comme des pensées tordues. Plonger la main, doucement, comme dans une blessure profonde, lointaine comme le jour ou le grand-père m'a appris à moissonner des tubercules et j'ai eu la révélation de la première image de la peur lorsque je l'ai eu dans les mains, sale, nouveau-né sans pleurs. C'était comme palper l'humidité des choses enfouies, comme un ongle qui fait mal, comme la peur devant moi pour la première fois. Des tubercules, des tentacules à la peau dure, arrachés aux poulpes déchirés sous terre. Des tubercules exposés au soleil, agonisants de se savoir bientôt cuits. Des organes crus. Des formes impures. Des idées sales de la terre. Des bas instincts. Des fœtus allongés. Des tubercules tentacules. De la nourriture de pauvre. Des tubercules extraits par grand-père les jours de pleine lune sur la terre. Plonger la main. La plonger encore plus. Palper aveuglement la peur. La reconnaître en tant que tubercule La mettre sur la table. Se nourrir de son amidon amer.
Audomaro Hidalgo |
| | Nombre de messages : 3704 Âge : 26 Date d'inscription : 15/11/2015 | Noxer / Au nom de l'Abeille – Et du Papillon – Et de la Brise – Amen ! Mer 28 Mar 2018 - 12:17 | |
| Terrifiant |
| | Nombre de messages : 2944 Âge : 119 Localisation : À l'Ouest mais sans rien de nouveau Pensée du jour : Aller cueillir les escargots nu sur les baobabs Date d'inscription : 12/09/2013 | Shub / Roberto Bel-Agneau Mer 28 Mar 2018 - 12:23 | |
| - Solstice a écrit:
- Le cageot
A mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie. Agencé de façon qu'au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne sert pas deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou nuageuses qu'il enferme. À tous les coins de rues qui aboutissent aux halles, il luit alors de l'éclat sans vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d'être dans une pose maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques - sur le sort duquel il convient toutefois de ne s'appesantir longuement.
Francis Ponge, Le Parti pris des choses. Qu'est-ce que c'est bien Francis Ponge! Un copain comédien devait monter un spectacle d'après lui et ses textes et l'a rencontré. Il m'a pas dit comment ça c'était passé. |
| | Nombre de messages : 2493 Âge : 20 Date d'inscription : 17/05/2010 | art.hrite / Chantre brahmane ज्ञानयोग Mer 28 Mar 2018 - 12:47 | |
| - Pasiphae a écrit:
- TUBERCULES
Plonger la main dans la terre. Plonger jusqu'à toucher la peau rugueuse de ce qui se cache : des tubercules, des tentacules de poulpes qui habitent sous terre. Des tubercules qui poussent comme la peur, dans le noir. Plonger la main comme le faisait grand-père, en pleine lune, comme il m'a appris à le faire quand il le pouvait encore, quand il en avait les forces et y sortait des tubercules comme des tentacules de poulpes fraîchement pêchés. Plonger la main jusqu'à pouvoir toucher les intestins comestibles de la terre, jusqu'à l'endroit où poussent ces tubercules noirâtres, comme des images d'un rêve, comme des pensées tordues. Plonger la main, doucement, comme dans une blessure profonde, lointaine comme le jour ou le grand-père m'a appris à moissonner des tubercules et j'ai eu la révélation de la première image de la peur lorsque je l'ai eu dans les mains, sale, nouveau-né sans pleurs. C'était comme palper l'humidité des choses enfouies, comme un ongle qui fait mal, comme la peur devant moi pour la première fois. Des tubercules, des tentacules à la peau dure, arrachés aux poulpes déchirés sous terre. Des tubercules exposés au soleil, agonisants de se savoir bientôt cuits. Des organes crus. Des formes impures. Des idées sales de la terre. Des bas instincts. Des fœtus allongés. Des tubercules tentacules. De la nourriture de pauvre. Des tubercules extraits par grand-père les jours de pleine lune sur la terre. Plonger la main. La plonger encore plus. Palper aveuglement la peur. La reconnaître en tant que tubercule La mettre sur la table. Se nourrir de son amidon amer.
Audomaro Hidalgo j'adore ! |
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