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 Réflexions sur la diversité et le rôle de l'auteurice

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Paulemile
   
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Paulemile  /  Fiancée roide


Ca n'engage que toi mais je suis complètement d'accord avec toi ^^

Et quand je publierai l'histoire sur le forum, je compte effectivement beaucoup sur les relecteurs pour me faire remarquer là où ça ne va pas du tout Razz Notamment au sujet des clichés, sur le fait qu'on voie direct que c'est un homme qui écrit... ce genre de trucs.
Mais bon, on n'en est pas encore là.

Merci pour ton retour !
 
Pasiphae
   
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Pasiphae  /  Truquage geniphasien


Tiens, au hasard de mes flâneries numériques, je tombe sur l'un des plus grands forums d'écriture anglophones, et je vois : une section entière consacrée aux écrits de POC (people of color), qui débute par un topic de conseils "About writing POC When You'er Not", ici. Comme quoi, ces questions se posent dans l'espace anglophone d'une manière encore plus aiguë que par chez nous !
 
Leasaurus Rex
   
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Leasaurus Rex  /  Terrible terreur


Paulemile : Je t'en prie ! Hâte de voir ce que tu vas nous concocter, alors. Mais zéro pression. Amuse-toi, d'abord. Wink

Pasiphae : La communauté anglophone est même plus en avance sur ces questions que nous, je dirais.
Il y a vraiment une pluralité et une diversité qu'on ne voit pas forcément dans notre univers littéraire et éditorial. La question du racisme systémique est moins acceptée ici, vu qu'on reproche aux personnes racisées d'importer les problèmes de racisme des États-Unis, comme si l'Europe ou la France n'avaient aucun passé colonial, ni participé à l'esclavage...
Je sais que beaucoup de personnes racisées préfèrent aller lire des titres en anglais VO (puisque peu ou pas de trad proposées en France, ou alors pas de bonne qualité) pour bénéficier d'une simple représentation plus diversifiée dans les récits de fiction...

Pareil concernant les questions de genre, ou même la santé mentale. On a énormément de retard par rapport à certaines communautés internationales.
 
Profsamedi
   
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Profsamedi  /  Didon de la farce


Bonjour tout le monde.

Je découvre le sujet en recherchant un endroit approprié pour ouvrir un Topic de réflexion sur la poésie. Dans l'Agora ?
Et je tombe ici...

Je trouve la question ardue et je n'ai aucune réponse à y apporter.
Juste une crainte pour moi. Et c'est une question, pas un argumentaire :

Si on pousse le bouchon à peine plus loin, est-ce qu'un jour, on ne va pas trouver malsain qu'un auteur homme, quelle que soit sa couleur ou sa religion, ait des personnages féminins dans ses romans ?

Après tout... si c'est un homme, que sait-il des femmes ?

Je caricature à peine.

En toute amitié, Philippe.
 
Érème
   
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Érème  /  /quit


Si ta question se transformait malencontreusement en argumentation, elle ressemblerait beaucoup à un argument de l'homme de paille. Tu peux radicaliser n'importe quelle position à l'extrême pour la rendre absurde et faire planer le risque d'une telle radicalité soit en fait présente dans la position initiale. Tu dis "je caricature à peine" alors qu'en fait si, tu caricatures et c'est pourquoi ta question n'est pas "une simple question" comme tu le dis, mais bien un début d'argument (sophistique à mon sens).

Je ne vois pas en quoi réfléchir en conscience sa position d'auteur homme quand on écrit sur les femmes, par exemple, est un élément susceptible de nous faire tomber dans la position absurde que tu questionnes. Depuis quand le fait de "prendre du recul" sur une situation peut apparaître comme un élément potentiellement problématique voire dangereux ? Qu'est-ce qui, chez ceux qui se posent la question que tu poses ici innocemment, justifie de considérer que le risque est du côté de ceux qui se posent des questions plutôt que du côté de ceux qui ne s'en posent pas (ou considèrent souverainement qu'il n'y a pas de problème) ?

J'écris Cénaclières avec Pasiphae depuis longtemps et j'ai régulièrement demandé à elle ou d'autre amie si mes textes écrit depuis un point de vue féminin que j'imaginais étaient justes à leur sens et ne tombaient pas à côté de la plaque. Est-ce que j'ai perdu quelque chose à me poser cette question ? Me suis-je censuré ? Non. J'ai gagné en acuité et en précision dans mon écriture. La conscience de ma position initiale m'aide à affiner ma littérature et me pousse à chercher des stratégies d'écriture qui me permettent non seulement de déplacer mon regard mais encore d'écrire mieux.

Tu pourras toujours trouver des positions radicales jusqu'à l'absurde pour remettre en cause le centre du problème, mais se faisant tu ne feras que te rendre aveugle à ce qui est en fait le cœur de la discussion. Ta question ne pousse pas le bouchon "à peine plus loin", elle produit un saut théorique qui n'a rien à voir avec la discussion et polarise artificiellement les positions. Ai-je droit d'écrire un personnage féminin en étant moi-même un homme ? Oui. Dois-je néanmoins avoir conscience de ma position initiale et la prendre en compte dans mon écriture et dans mon positionnement éthique vis à vis de cette écriture ? Oui, il me semble. Peut-on considérer que sur des sujets de luttes il est préférable que soit diffusé des textes écrits par les personnes directement concernés ? Je crois que c'est logique. Dois-je prendre garde à ne pas prendre une position indue en raison de ma position favorisée et de ne pas rendre invisible des écritures importantes ? Il me semble que c'est pertinent.

Bernard Arnault peut écrire un cycle de 5 livres sur la condition ouvrière. Mais c'est cool s'il évite de remplir les librairies de ses bouquins et que soit possible d'avoir accès à des livres sur la condition ouvrière écrit par des gens qui la vivent.
https://aomphalos.wordpress.com/
 
Profsamedi
   
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Profsamedi  /  Didon de la farce


Bonjour Aomphalos

Contrairement à ce que tu penses, mais si tu le penses, c’est que, quelque part, c’est l’impression que ça donne, et c’est donc ma responsabilité de n’y avoir pas fait assez attention, mais cette question ne fait que traduire une crainte réelle. Sans polémique aucune. On pourrait dire que là, je suis le Candide de service.

En vérité, je suis assez éloigné personnellement de tous ces concepts, car, et c’est certainement très personnel, je le reconnais, la notion de “groupe d’individus possédant une caractéristique commune” et donc que la sociologie “classe” dans des cases bien formatées, ne me touche pas, car je ne la comprends pas plus que je ne lui reconnais une valeur “humaine”, voire “humaniste”. Je m’explique :

Pour moi, et je le répète, c’est certainement très personnel, chaque individu est unique. Ce qui, par parenthèse, me rend la notion de racisme totalement incongrue (toujours pour moi). Bien entendu, chacun possède des caractéristiques communes avec d’autres individus. Mais pour ce qui me concerne, ça n’entre pas en ligne de compte. Surtout que certaines personnes peuvent posséder les caractéristiques de plusieurs “groupes”. Alors où les classe-t-on ? Jusqu’où allons-nous pousser la subdivision ?

Quels que soient les arguments avancés, on ne me fera jamais croire que tous les blancs sont identiques, que tous les noirs pensent la même chose, que tous les Asiatiques sont semblables en pensées et en comportement comme en aspirations, etc., etc.

Alors, quand j’entends parler “des homosexuels”, “des noirs”, “des minorités”, etc., ça me semble vraiment onirique. Onirique et parfois même un peu insultant à l’égard des personnes, quelles qu’elles soient, que l’on semble parquer comme des moutons dans des enclos bien distincts sans leur demander leur avis. Je ne veux voir qu’une tête. Genre : tu es homosexuel, donc tu vas dans cette case, et tu as forcément les mêmes problèmes que tous les autres qui possèdent cette caractéristique et tu ressens forcément la même chose qu'eux.

Ça, vois-tu ; ça me gêne beaucoup.

Tu vois ce que je veux dire ?

Maintenant, il est évident que certaines caractéristiques d’un individu l’exposent, selon les sociétés et les valeurs de la société dans laquelle il ou elle vit, à des avantages ou des inconvénients réels et que les inconvénients sont inacceptables.

J’ai du mal à me faire comprendre quand je parle ce ça. Je ne nie rien, je suis sensible au fait que c’est pourri d’injustice, que c’est inacceptable, qu’il faut réellement faire ce qu’il faut pour que ça cesse, mais la méthode utilisée ne me semble pas forcément la bonne. Je n’en veux pour preuve que les résultats que ça donne…

Je crois que, ce que j’ai le plus de mal à admettre, c’est qu’un groupe de personne veuille imposer sa manière de voir les choses aux autres. Cette intolérance me révulse. Je prends un exemple pour préciser et lever toute ambiguïté :

Pour ce qui concerne le féminisme (sensible, aussi est-ce que je fais très attention à ce que je vais dire), quad on voit comment ça se passe, on “a l’impression” qu’il serait interdit à des femmes de ne rien désirer d’autre que d’être des femmes au foyer, de rendre leur famille heureuse, de se sentir belle, coquette, d’être juste “féminine” selon leur définition de cet état social, de ne pas vouloir de responsabilités dans de grandes entreprises, de ne pas “travailler” au sens professionnel du mot, etc.

On a la sensation, que ces femmes-là avec des aspirations du siècle dernier, sont mises à l’index.  

J’espère que tu comprendras ce que je veux dire.

Alors, maintenant pour en revenir au rôle de l’auteur ou autrice dans la littérature et de sa responsabilité quand un de ses romans parle de personnes possédant telle ou telle caractéristique classifiée “minorité” pas la sociologie, je trouve que le jugement et les réactions des représentants des “groupes” susdits, associations, etc. me semble disproportionné.

Pour moi, je trouve “qu’on va trop loin”.

Je n’ai que très peu voire pas du tout de personnage masculin dans mes écrits, ou alors, ils ont des rôles secondaires. Même dans mon dernier, “Escort Boy”, on pourrait croire que c’est lui le héros au vu du titre, mais pas du tout. C’est sa “cliente”, la véritable héroïne. Le personnage principal.

Et ce que je crains, mais je reconnais que ce n’est qu’une crainte, c’est que l’on me dise : “ah, mais non ! Jamais une femme ne réagirait ou ne penserait une chose pareille, et ce que tu décris là, est “insultant” pour la gent féminine”.

Ne pourrait-on un instant, juste un instant, accepter que mon personnage, et rien que ce personnage, sans le généraliser à “toutes les femmes de la création”, réagisse comme je veux le faire réagir dans ce roman, sans pour autant me prêter des intentions que je n’ai pas ? Sans que l’on pense que c’est “insultant” pour la totalité des femmes sur terre ?  

Vois-tu ce que je veux faire comprendre ? Je ne sais pas si je fais bien passer ce que je ressens.

Je n’ai pas envie d’inventer une autre réaction à mon personnage au prétexte que quelques personnes ne trouvent pas bien qu’elle réagisse comme elle le fait dans le roman.

Par ailleurs, mon intention n’est pas de blesser ou de vexer qui que ce soit. Je ne suis pas militant, je ne défends aucune cause, je n’attaque aucune cause non plus, mais je ne me sens aucune responsabilité devant les réactions que mes écrits pourraient susciter chez tel ou tel groupe de personnes.

Que ce personnage plaise à certains et déplaise à d’autre, rien que de très naturel, mais je n’y suis pour rien, et c’est l’affaire de chacun. Pas la mienne. Je ne cherche pas à faire passer un message.

Si j’écrivais des romans engagés, ce ne serait pas pareil, mais ça n’est pas le cas.

Ça fait tellement longtemps que j’essaye de faire comprendre ce que je ressens devant tout ça, que je suis épuisé de n’en être pas capable.

J’espère que tu auras compris. Si ça n’est pas le cas, ben… j’en serais désolé. Mais je suis à court d’arguments.

Un peu de mots :

Lisez ce que j’écris comme je l’écris, c’est-à-dire comme des mots sur du papier. Aimez ou n’aimez pas, mais ne le prenez pas pour vous personnellement. Mes personnages ne sont pas vous. Tolérez qu’ils plaisent à d’autres. Ne rapportez pas tout à votre vécu. Qu’il en soit de même pour tous les auteurs et toutes les autrices. Accordez-leur le droit d’imaginer sans vouloir blesser. Ils racontent juste des histoires.  

En toute amicale estime, Philippe.


Dernière édition par Profsamedi le Lun 24 Jan 2022 - 15:14, édité 1 fois (Raison : Correction de faute d'orthographe (honte à moi) !)
 
Leasaurus Rex
   
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Je m'excuse par avance si je suis un peu dure, mais ce que tu écris, Prof, montre bien que tu es quelqu'un de privilégié (ce n'est pas une insulte, je suis privilégiée aussi). Pour toi, il n'y a pas de genre, de couleur ou d'orientation sexuelle parce que chaque personne est unique. Oui, c'est un fait. Mais c'est au mieux naïf au pire complètement décalé de la réalité. Et c'est surtout une pensée bien confortable à avoir quand on est quelqu'un qui bénéficie des privilèges de l'homme blanc cisgenre (encore une fois, pas une insulte : on a toustes des privilèges liés à notre couleur de peau, identité de genre, orientation sexuelle, classe sociale...). Parce que, statistiquement, tu n'auras pas supporté les différentes discriminations subies par des femmes, des personnes noires, des personnes trans... Du coup, c'est "humain" de ne pas comprendre pourquoi d'autres parlent de choses qu'on ne connaît pas, voire qu'on ne constate pas (parce qu'on en a la chance, ou parce qu'on a des oeillères)(encore une fois ce n'est pas méchant, moi aussi j'avais et j'ai encore des oeillères sur pas mal de sujets, et je bosse là-dessus depuis une quinzaine d'années Laughing).

Il n'est pas question de mettre toutes les minorités dans des "cases" qui regrouperont leur manière d'être et/ou de vivre. Il s'agit, de manière sociologique, de se rendre compte que certaines caractéristiques peuvent apporter des freins dans une vie sociale, amoureuse et professionnelle en regard à des oppressions systémiques.
"L’oppression systémique, c’est tout simplement le fait que le système politique, socio-économique et social qui organise notre vie en société produit et renforce des inégalités et des discriminations subies par une partie de la population."
(source)

Partant de là, on n'étiquette pas les individus pour le plaisir, on se rend compte qu'il y a des mécanismes qui seront statistiquement plus discriminants pour des personnes qui ont certaines caractéristiques en commun. Bien évidemment, il y a des exceptions qui confirment la règle. Mais la grande majorité statistique n'est pas en faveur des minorités.

Quand au fait d'appartenir à plusieurs groupes... ça s'appelle l'intersectionnalité.
"L’intersectionnalité (de l'anglais intersectionality) ou intersectionnalisme est une notion employée en sociologie et en réflexion politique, qui désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société." (source)

Alors effectivement, toutes les personnes blanches, toutes les personnes noires, tous les hommes gays, toutes les personnes handicapées ne seront pas identiques aux autres qui tombent dans le même "groupe" qu'elles. Mais ça tombe bien, on ne parle pas de ça. Wink

Profsamedi a écrit:
Pour ce qui concerne le féminisme (sensible, aussi est-ce que je fais très attention à ce que je vais dire), quad on voit comment ça se passe, on “a l’impression” qu’il serait interdit à des femmes de ne rien désirer d’autre que d’être des femmes au foyer, de rendre leur famille heureuse, de se sentir belle, coquette, d’être juste “féminine” selon leur définition de cet état social, de ne pas vouloir de responsabilités dans de grandes entreprises, de ne pas “travailler” au sens professionnel du mot, etc.

On a la sensation, que ces femmes-là avec des aspirations du siècle dernier, sont mises à l’index.  
Sauf que... non.
Je suis vraiment fatiguée de lire ce genre de propos : le féminisme n'a jamais eu pour but de dénigrer les femmes, le féminisme a pour but de leur laisser choisir la vie qu'elles veulent sans qu'elle ne leur soit dictée par un compagnon, un père, un gouvernement. Le fait qu'il y ait des bisbilles et des guéguerres, c'est inhérent à tout militantisme, et ça ne fait que diviser pour mieux régner (et c'est vivement encouragé par l'oppression que ce soit caché ou non).
(et ce n'est pas le sujet, mais mon féminisme se bat aussi pour les hommes...)

Profsamedi a écrit:
Alors, maintenant pour en revenir au rôle de l’auteur ou autrice dans la littérature et de sa responsabilité quand un de ses romans parle de personnes possédant telle ou telle caractéristique classifiée “minorité” pas la sociologie, je trouve que le jugement et les réactions des représentants des “groupes” susdits, associations, etc. me semble disproportionné.

Pour moi, je trouve “qu’on va trop loin”.
Mais tu n'es pas concerné. Donc ce n'est pas à toi de dire si ça va trop loin ou pas.

Le sexisme ordinaire, le racisme systémique, les discriminations à l'encontre de l'orientation sexuelle et/ou de l'identité de genre sont des réalités. Des réalités qu'on ne peut pas nier, même si pour nous tout le monde est sur un pied d'égalité. Ces réalités, des gens les affrontent au quotidien, et ça leur met pour de vrai des bâtons dans les roues, quand ça ne les met tout simplement pas en danger. Même et encore plus quand c'est fait de façon non conscientisée. Moi aussi je veux vivre dans un monde de Bisounours, moi aussi je m'attache à l'être plutôt qu'à sa couleur de peau ou son genre ou son orientation sexuelle, mais je ne peux pas nier que nous ne sommes pas sur un pied d'égalité et que ces différences sont parfois si ancrées dans une manière de penser et de vivre qu'on ne les remarque même plus. Parce que là où je vais pouvoir marcher devant des policiers sans me faire inquiéter, l'homme noir qui marche quelques mètres plus loin va se faire contrôler. Parce que là où je vais aller à un centre de vaccination sans même me poser la question, une amie trans aura une crise d'angoisse parce que ses papiers d'identité sont encore à son ancien nom, ou correspondent encore à son genre assigné à la naissance, et qu'elle risque de rencontrer des personnes transphobes dans le corps médical et/ou la file d'attente (et que même si elle n'en rencontre pas, c'est à elle de choisir quand et où aborder le sujet, à supposer qu'elle ait envie de le faire). Et parce que là où je vais m'inquiéter de devoir passer devant une bande de garçons dans la rue et que je vais me préparer à recevoir une remarque désobligeante, à me faire arrêter, insulter, voire agripper, un homme n'aura pas forcément la même inquiétude et continuera son chemin sans sourciller. (oui, il peut y avoir des exceptions mais non, ce n'est pas le débat)

Partant de cette réalité, de ces manquements, il est de bon ton de faire d'abord ce qu'on appelle une prise de recul sur nos privilèges. On s'informe, on essaie d'aborder le sujet avec les intéressé·es (quand je dis ça, je veux dire, on va voir les médias militants, on s'informe sur les travaux des sociologues, parce que si on s'arrête à notre voisine, notre amie ou notre petit copain, on fait face à un mur : les sensibilités sont trop variées et ne sont pas un indice fiable, sans compter que certains mécanismes (comme la misogynie) peuvent être internalisés).
En tant que blanche, il y a énormément de difficultés liées à ma couleur de peau que je ne rencontrerai jamais, et que je ne peux même pas concevoir. Pourtant, elles sont là.
En tant que femme cisgenre (c'est-à-dire que mon identité de genre correspond à celle qui m'a été assignée à la naissance), il y a énormément de difficultés qu'une personne trans rencontrera que je ne connaîtrai jamais.
Et la liste continue comme ça.

Du coup, quand un groupe minorité fait entendre sa voix pour parler de son mécontentement, je pense qu'il faut plutôt écouter d'abord, s'informer ensuite. Et voir ainsi si notre première réaction de "ça va trop loin" est légitime ou... le reflet de mécanismes bien ancrés qu'on n'avait pas identifiés.

Profsamedi a écrit:
Par ailleurs, mon intention n’est pas de blesser ou de vexer qui que ce soit. Je ne suis pas militant, je ne défends aucune cause, je n’attaque aucune cause non plus, mais je ne me sens aucune responsabilité devant les réactions que mes écrits pourraient susciter chez tel ou tel groupe de personnes.
Sauf que tu as une responsabilité en tant qu'auteur. Tu manies les mots, donc c'est à toi de faire attention qu'ils disent ce qu'ils sont censés dire.
Je suis d'accord avec toi : une fois que tu as écrit ton roman, son interprétation ne t'appartient plus vraiment. Elle appartiendra à ton lectorat. D'où l'importance de faire appel à des sensitivity readers (ce sont des personnes particulières, qui ont un bagage derrière elles pour pouvoir être des sensitivity readers, ce n'est pas la voisine portugaise à qui tu fais lire ton roman dans lequel il y a une femme portugaise) en amont, histoire de corriger les choses qui n'étaient finalement pas de bon ton. Au même titre que tu passerais ton roman à des BL pour repérer les incohérences de style, d'intrigue, de rythme... Le fait de s'interroger sur la construction et la pertinence d'un personnage, ce n'est rien de plus que ça.
Alors bien évidemment, tu ne garantiras jamais que tes écrits seront validés par tout le monde, ce n'est pas le but non plus (et c'est de toute manière impossible).

Profsamedi a écrit:
Accordez-leur le droit d’imaginer sans vouloir blesser. Ils racontent juste des histoires.  
Sauf quand ils véhiculent des idées oppressives.


C'est subtil, mais toute la subtilité du propos que je défends est là : je peux écrire qui je veux, mais il y a des sujets qu'il ne m'appartient pas de développer, et il vaut mieux pour cela laisser ma place à des personnes qui sauront mieux.

Là où tu vois quelque chose de sclérosant ("je n'ai plus le droit d'écrire ce que je veux sur les sujets que je veux"), moi je vois quelque chose de libérateur : pas pour moi, mais pour les autres. Et en fait, si, un peu pour moi. Beaucoup pour moi, même, parce que c'est en discutant avec l'autre, et en lisant son point de vue sur le monde de sa position de personne concernée qu'on en apprend, qu'on ouvre les yeux, et qu'on s'ouvre aussi. Mais c'est aussi et surtout libérateur pour ces personnes qui sont peu représentées, invisibilisées ou pour qui on écrit des histoires pleines de clichés quand elles ne sont tout bonnement pas complètement à côté de la plaque.
 
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Rien à dire de plus que Léa. Elle dit tout parfaitement je trouve.

Juste sur ça :

Citation :
Quels que soient les arguments avancés, on ne me fera jamais croire que tous les blancs sont identiques, que tous les noirs pensent la même chose, que tous les Asiatiques sont semblables en pensées et en comportement comme en aspirations, etc., etc.

Alors, quand j’entends parler “des homosexuels”, “des noirs”, “des minorités”, etc., ça me semble vraiment onirique. Onirique et parfois même un peu insultant à l’égard des personnes, quelles qu’elles soient, que l’on semble parquer comme des moutons dans des enclos bien distincts sans leur demander leur avis. Je ne veux voir qu’une tête. Genre : tu es homosexuel, donc tu vas dans cette case, et tu as forcément les mêmes problèmes que tous les autres qui possèdent cette caractéristique et tu ressens forcément la même chose qu'eux.

Ce que tu sembles avoir du mal à assimiler, c'est que ce ne sont pas les féministes/antiracistes/ajoutelamentionquetuveux qui "parquent comme des moutons dans des enclos bien distincts [les gens] sans leur demander leur avis". C'est précisément l'objectif de ces luttes que de "déparquer" les individus et c'est l'enjeu de la littérature, entre autre, de décloisonner les groupes des stéréotypes assignés. En fait, je crois que tu envisages les choses complètement à l'envers. C'est la littérature qui ne pense pas ces questions qui perpétuent les clichés et continuent de faire des archétypes là où il y a l'individu. Au contraire, si tu t'interroges sur ta position d'auteur, sur "le lieu depuis lequel tu parles", c'est là que tu évites l'enfoncement dans les archétypes puisque tu déplaces ta perspective.

La sociologie ne "classe" pas les individus dans des cases bien formatés et c'est méconnaître la méthode sociologique que de dire cela.

Je comprends que tu sois le "candide de service", mais je crois aussi qu'au bout d'un moment la candeur dont tu te réclames est délétère parce qu'elle relève aussi d'un désengagement de question socio-politique dont tu es parti prenante à partir du moment où tu existes, penses et écris dans une société. Tu peux vouloir te désengager comme tu le dis dans ton post, mais je ne crois pas que ça soit possible et, de fait, tu t'engages puisque tu as bien sur cette affaire un point de vue que tu partages ici. Ce que je veux dire c'est que je trouve bien d'en discuter, et important, d'une certaine façon, de parler comme tu le fais de tes craintes, mais je crois aussi que tu dois le faire en admettant que l'expression d'une telle crainte relève déjà d'un engagement puisqu'une telle crainte n'existe qu'à partir du moment où existes en toi un point de vue que tu exprimes. De la même manière, dire "j'écris des romans, rien de plus" est une facilité d'esprit et un confort que je trouve éthiquement discutable (je veux dire qu'il me semble que c'est une positionnement qui ne va pas du tout de soi et qui pose des problèmes moraux importants si tu y penses jusqu'au bout).
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Je vous remercie tous les deux pour ces explications on ne peut plus claires.

Je vous remercie également pour la modération dont vous savez faire preuve sans agressivité devant une position qui n’est pas forcément “exacte” ni “juste” dans la tonalité qu’elle exprime au vu des méconnaissances que j’ai de ces questions-là.

Pour la petite histoire, et j’en resterai là, car je crois avoir exprimé tout ce que j’avais à exprimer, avec mes mots et mes ressentis propres, ma réaction provient, en ce qui concerne la responsabilité des auteurs (moi), d’une remarque très désobligeante que “l’on” (qui restera anonyme, je ne lui en veux pas ; il ou elle, je ne sais pas) m’a faite lorsque j’ai, ici, dans un récit de pure fiction (heureusement), décrit un méchant, très très méchant et odieux personnage comme étant “gros”. Gros et libidineux. D’ailleurs à la fin du récit, il meurt trucidé par sa propre mère qu’il avait transformée en esclave sexuelle (publié ici dans les nouvelles pandémiques si j’ai bonne mémoire).

J’ai assez mal “digéré” que l’on puisse réagir de la sorte en disant que je jetais l’infamie sur tous les “gros” par cette seule description d’un personnage heureusement fictif dans une simple nouvelle.

Ai-je “surréagi” ? Suis-je fautif ?

En toute amicale estime, Philippe.
 
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je ne me fais pas une très haute idée de ce genre de débats. là je me fie plutôt à frédéric schiffter qui a conceptualisé deux mots, le "chichi" (gros dandy lui-même) et le "blabla", deux choses qui me semblent être deux obstacles majeurs au relativisme littéraire (première règle de la sanité artistique) :
 
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À partir du moment où tu cites un philosophe pessimiste qui parle de "sensiblerie", on ne va effectivement pas participer au débat de la même manière. Laughing
 
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Je suis heureux de savoir que l'arbitrage de ce qui relève de questionnements éthiques légitimes et de ce qui n'en relève pas, l'arbitrage du "chichi" et du "gnangnan" soit fait par un dandy-philosophe-schopenhauerien. C'est toujours pratique que la délimitation de ce qui relève des débats dont on peut se faire une "haute idée" et ceux dont on ne peut pas se faire une "haute idée" soit fait par des intellectuels blancs de soixante ans qui portent des chemises un peu déboutonnées et des foulards un peu dénoués autour du cou.
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Leasaurus Rex
   
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Leasaurus Rex  /  Terrible terreur


Profsamedi a écrit:
Pour la petite histoire, et j’en resterai là, car je crois avoir exprimé tout ce que j’avais à exprimer, avec mes mots et mes ressentis propres, ma réaction provient, en ce qui concerne la responsabilité des auteurs (moi), d’une remarque très désobligeante que “l’on” (qui restera anonyme, je ne lui en veux pas ; il ou elle, je ne sais pas) m’a faite lorsque j’ai, ici, dans un récit de pure fiction (heureusement), décrit un méchant, très très méchant et odieux personnage comme étant “gros”. Gros et libidineux. D’ailleurs à la fin du récit, il meurt trucidé par sa propre mère qu’il avait transformée en esclave sexuelle (publié ici dans les nouvelles pandémiques si j’ai bonne mémoire).

J’ai assez mal “digéré” que l’on puisse réagir de la sorte en disant que je jetais l’infamie sur tous les “gros” par cette seule description d’un personnage heureusement fictif dans une simple nouvelle.

Ai-je “surréagi” ? Suis-je fautif ?

Je réagis avec trois plombes de retard.

J'avais lu le texte "incriminé" à l'époque et je comprenais tout à fait le positionnement de la personne qui t'a fait cette remarque.

Le souci n'étant pas que cette personne fictive dans ta nouvelle soit abominable et grosse. Le souci étant que la représentation de la personne grosse est toujours clichée et soumise à des préjugés dus à la grossophobie. Du coup, tu n'étais pas le premier à donner une mauvaise image d'une personne grosse. Surtout que là, tu cumulais un peu tout : un feignant goinfre, voyeur, méchant, abuseur. Tu aggravais son côté repoussant avec son obésité et rien que ça c'est un parti-pris grossophobe (considérer que le gros est "dégoûtant"). Ce n'était peut-être pas ton intention, mais comme ce sont des images constamment matraquées, au bout d'un moment on perd patience devant une telle représentation.

Ce mécanisme se rapproche un peu du harcèlement de rue : quand tu passes derrière une dizaine de mecs qui a "juste voulu dire bonjour" tu te prends la volée de bois vert, réaction qui te semble disproportionnée par rapport à ta manière d'aborder la personne. Donc tu te dis que dis donc, la nana elle abuse un peu, faut pas s'énerver comme ça pour un compliment. Sauf que pour la nana t'es peut-être le dixième de la journée, ou du mois, et qu'elle n'est de toute façon pas là pour obtenir des compliments, donc ton avis, elle s'en tape un peu. Bah, là c'est la même chose. Si tu es la Xème personne à décrire une personne grosse avec les mêmes stéréotypes, tu es celui qui prend parce qu'il n'y a plus aucune patience. Même si sur le coup, ça t'est juste venu comme ça, que tu ne penses pas à mal, que tu connais des personnes grosses très gentilles (là aussi, autre cliché). En fait, ce qui t'a été reproché un peu vertement, c'est d'être tombé très facilement dans des clichés, sans prise de recul sur ce sujet. Et donc de participer au fait de véhiculer encore un imaginaire et des idées grossophobes.

Je ne sais pas si je suis très claire, je suis un peu fatiguée, il se peut que mes explications ne sortent pas dans le bon ordre. scratch
 
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Aomphalos m'a tuée de rire. Pas mieux !
 
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Leasaurus Rex  /  Terrible terreur


Oui, merci Aomphalos d’avoir réussi à dire mieux que moi ce que je pensais. Laughing I love you
 
   
    
                         
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