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 [Divers] Ecrire, est ce totalement lacher prise?

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AlbertCamus
   
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   Pensée du jour  :  Plutôt 1000 fois mourir en Martyr du manque d'inspiration et de l'incapacité à écrire en général (avec tous les doutes, les hésitations, et les prises de têtes...) que d'aller se décérébrer dans les bars ou dans les boites !
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AlbertCamus  /  Tycho l'homoncule


Bonjour à tous Smile

Ce qui m'amène à poser cette question c'est mon expérience de l'étude des textes littéraires dans les contexte institutionnels à l'époque où j'étais élève ou étudiant.

Quand on travaille sur les textes dans une perspective d'examen ou de concours, on comprend très vite, en lisant des ouvrages critiques et en assistant aux cours, que l'on part du principe qu'un auteur (ou un artiste d'une façon générale) ne laisse rien au hasard dans son oeuvre, et que tout est traversé par la rationalité.

Du coup, cela voudrait dire que écrire est plutôt le contraire de lâcher prise, ce serait le fait de garder totalement sous contrôle le processus d'écriture. Tout se passe comme si on croyait constamment, en étudiant les textes, que le hasard ou l'indétermination n'ont pas de place dans la création (mis à part peut être ce qui est de l'ordre d'un certain inconscient...)

Et je trouve que le fait de croire que tout doit être maitrisé dans une oeuvre peut donner beaucoup de complexes quand on décide de se lancer dans l'écriture.

Renoncer à tout contrôler et lâcher prise a sûrement lieu, mais n'est ce pas ce qui n'a lieu que dans un premier temps? Et en sachant de toute façon que la perfection n'existe pas.

On peut se demander jusqu'à quel point un texte littéraire est censé être construit, pensé, et mûri...  Aussi bien sur le fond que sur la forme. Et on peut être à peu près sûr que tous les auteurs ne donneraient pas la meme réponse à cette question.

Qu'en pensez-vous?
 
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Invité  /  Invité


Ça dépend du genre et de l'écrivain. Certains sont partisans de l'élan créateur, avec sa spontanéité et ses incongruités. D'autres tiennent la bride à leur inspiration pour en structurer la forme et le fond. Je pense qu'on ne peut pas séparer le contrôle et l'inspiration au sens où on a toujours besoin des deux.

Sommes réellement des créateurs ?
Certains pensent que oui. Mais d'autres croient que nous sommes des défricheurs. À l'image de ses explorateurs des forêts qui tombent, à force de donner des coups sabres dans les ronces, sur une belle prairie.


Dernière édition par Maspalio le Sam 20 Fév 2016 - 12:35, édité 1 fois
 
Arkash
   
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Arkash  /  Didon de la farce


Pour le premier jet, je dirais que oui... écrire droit devant soi, sans regarder une seule fois en arrière, au fil de la plume.
Mais après ça, j'aime beaucoup la comparaison du bloc de marbre, un peu bateau, certes, mais pas si fausse (a mon sens) : ce que tu obtiens avec un premier jet en total "chute libre" c'est un beau bloc de marbre, un instrument fantastique pour jouer avec après : retailler par-ci, raccourcir par-là, ajouter en nuances ici... 
Ce qui ne veut pas forcément dire non plus toute une réflexion "scolaire" ou "académique", non (encore que pour certains trucs ça peut être une approche intéressante...), mais au niveau de l'intrigue, des personnages, des indices, du rythme global, des fausses pistes, de l'évolution et des enchaînement des effets dramatiques, toussa, toussa... bah c'est une bonne chose d'avoir plusieurs relectures sans "lâcher prise" et vraiment assidues.
Ça peut être considéré comme la partie la plus chiante de l'écriture, et par certains aspects ça l'est un peu faut le dire, mais je me surprends souvent à passer des moments très intéressants ou plaisants lors de ces phases ! Smile


Dernière édition par Arkash le Sam 20 Fév 2016 - 12:39, édité 2 fois
 
Mikaroman
   
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Mikaroman  /  Jeune et fringant retraité


Il est aussi probable que la plupart des auteurs seraient effarés devant la somme de chose que l'on fait dire à leurs œuvres au regard du prismes de la vision personnelle de milliers d'universitaires.

C'est que qui rend les religions et la littératures si riches : notre potentiel à gloser/disserter plus que la nature du texte en lui même.

Petite blague psychiatrique :
- Bonjour docteur Freud, comment allez-vous ?
- Qu'avez vous voulu dire par là ?

Le fait qu'on puisse dire beaucoup de chose sur un texte ne signifie pas que l'auteur a réfléchi à toutes ces choses avant de les écrire (on pourrait même aller jusqu'à dire qu'il est probable que l'auteur se moquerait de beaucoup des analyses qu'on fait de son œuvre. C'est pourquoi on analyse plutôt des auteurs morts : ça évite qu'ils répondent)

Blague à part, cette nouvelle tentative de chercher un prétexte à procrastiner ton écriture (schéma récurent dans tes interventions) me semble vouée à l'échec d'un point de vue argumentatif, à moins que tu ne l'appuies par des autobiographies d'auteurs qui évoqueraient une telle démarche d'écriture paralysante. Tant que tu te bases sur la somme de ce qu'on dit d'une œuvre pour évaluer le travail de l'auteur, tu fais sans doute fausse route.


Dernière édition par Mikaroman le Sam 20 Fév 2016 - 12:41, édité 1 fois
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AlbertCamus
   
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   Pensée du jour  :  Plutôt 1000 fois mourir en Martyr du manque d'inspiration et de l'incapacité à écrire en général (avec tous les doutes, les hésitations, et les prises de têtes...) que d'aller se décérébrer dans les bars ou dans les boites !
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AlbertCamus  /  Tycho l'homoncule


Maspalio a écrit:
Ça dépend du genre et de l'écrivain. Certains sont partisans de l'élan créateur, avec sa spontanéité et ses incongruités. D'autres tiennent la bride à leur inspiration pour en structurer la forme et le fond. Je pense qu'on ne peut pas séparer le contrôle et l'inspiration au sens où on a toujours besoin des deux. Ceci est un débat parallèle au beau et au vrai. Sommes réellement des créateurs ?
Certains pensent que oui. Mais d'autres croient que nous sommes des défricheurs. À l'image de ses explorateurs des forêts qui tombent, à force de donner des coups sabres dans les ronces, sur une belle prairie.

Je me doutais bien que les réponses aux questions que je pose ne sont pas simples. Ce n'est pas d'un côté l'élan créateur absolu libéré de toutes contraintes, et de l'autre la mécanique implacable de la raison tendant vers une perfection totale.

Enfin, c'est dans mon esprit lié à la question de savoir, si, les interprétations des grands textes que l'on formule, et qui peuvent être très diverses, sont des points de vues auxquels les auteurs ont nécessairement pensé. Et le génie de certains auteurs est tel que ce ne serait pas étonnant qu'ils aient pensé à toutes les interprétations possibles. Mais je trouve que le mystère demeure...

Mikaroman a écrit:

Blague à part, cette nouvelle tentative de chercher un prétexte à procrastiner ton écriture (schéma récurent dans tes interventions) me semble vouée à l'échec d'un point de vue argumentatif, à moins que tu ne l'appuies par des autobiographies d'auteurs qui évoqueraient une telle démarche d'écriture paralysante. Tant que tu te bases sur la somme de ce qu'on dit d'une œuvre pour évaluer le travail de l'auteur, tu fais sans doute fausse route.

Non mais j'écris de temps en temps, je prends des notes, j'établis des plans, des choses comme ça. Je rédige quelques courts paraphes . J'essaie de faire face à mon manque de confiance mais ce n'est pas facile. J'essaie d'accepter l'idée de ne pas être satisfait de ce que j'écris aussi. C'est très dur.


Dernière édition par AlbertCamus le Sam 20 Fév 2016 - 12:48, édité 1 fois
 
Jana-Ships
   
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Ah, ces chères études de texte qui n'en finissent pas...à chaque fois qu'on me demande de lire le texte et de le décortiquer, je vois rouge intérieurement. Parfois extérieurement aussi. M'enfin, j'y échappe pas malgré toutes les protestations.

J'en ai raz la couette de devoir trouver un prétendu message, de devoir me rappeler que tel auteur aurait donné à un personnage les mêmes yeux que sa femme ou que-ne-sais-je. En fait, on ne sait pas vraiment si notre interprétation est bonne, si c'est ce que l'auteur a voulu dire, et c'est ça qui me dérange. Qu'on nous force à voir un truc qui n'existe peut-être même pas.

Du coup, quand on passe du côté auteur, il peut en effet y avoir des frictions. Si je mets ça, on va l'interpréter? Est-ce que mettre telle ou telle chose est intéressante, fait avancer l'histoire? Tant d'autres questions...mais je crois personnellement que l'auteur n'a pas à mesurer chaque mot qu'il écrit, n'a pas à y incorporer un message s'il ne le désire pas.

Et puis le coup d'étudier un texte d'un auteur mort, je trouve ça bien, au passage. Parce que certains auteurs pourraient ne pas être d'accord avec les interprétations faîtes.

En espérant que ça répond un minimum à la question? Smile
 
Trench
   
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Encore toi ?

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D'une part, je ne pense pas que tous les écrivains écrivent de la même façon. Certains doivent passer par ce que tu appelles le lacher-prise, d'autres suivent des méthodes plus rigides. Certains textes sont écrits et guère réécrits, d'autres prennent des années.
D'autre part, il me semble que l'auteur se situe entre les deux. Il ne s'applique pas pour chaque mot (davantage en poésie) mais s'il utilise du langage familier par exemple, ce n'est pas parce qu'il ne sait pas faire autrement, c'est donc un choix de sa part. Choix ou alors langue qui lui vient naturellement en imaginant tel personnage. Dans tous les cas, le lecteur utilise ce choix de langage pour comprendre quelque chose du personnage.
Autre exemple, l'auteur a employé un même mot plusieurs fois. Qu'il l'ait fait de manière conscience ou inconsciente, ce mot est mis en valeur.
Moi qui suis prof de français et qui fait donc de l'analyse littéraire, on a parfois des auteurs qui définissent leurs objectifs, dans des préfaces par exemple, mais la plupart du temps, il s'agit de savoir ce que le lecteur comprend (en justifiant par des analyses). Le meilleur du texte littéraire (ou des autres arts) c'est justement ce foisonnement d'interprétation qu'il permet. Ceci est d'ailleurs flagrant avec le théâtre qui est sans cesse réinterprété par la mise en scène.
 
Jana-Ships
   
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Et puis y a aussi dans la manière de prévoir son écriture, même si je ne sais pas vraiment si ça entre dans la question.

Ceux qui prévoient leur chapitre et les grandes lignes, et ceux qui se laissent aller au fil de leur écriture. Il y a un lâchement de prise là aussi.

EDIT: Ca répète peut-être un peu ce que tu viens de dire, Plume d'Elle. Désolé Sad
 
Mâra
   
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Ce que j'en pense, et pour reprendre ton exemple des analyses de texte. Je ne pense pas que tout ce qui traverse la tête d'un auteur soit pensé et mûri. Il y a des schèmes, des fils, des schémas, des itinéraires, qui se mettent en place sans qu'on en ait conscience ; des influences culturelles qu'on ne contrôle pas, des intrigues qui se révèlent au dernier moment, une phrase innocente qu'on avait placé là sans y prendre garde et qui va tout changer, on s'en rend compte deux chapitres plus tard...
Ensuite, lors de l'analyse a posteriori, c'est plus rassurant, ou plus pratique, de se dire que tout fut fait exprès.
Mais, s'il y a bien des clins d’œil volontaires, des intrigues assumées, il s'agit la plupart du temps d'intuitions qui nous ont traversé à un moment donné et qu'on choisit, ou non, de prendre en compte.

En ce sens, écrire s'apparente à lâcher prise: s'ouvrir aux quatre vents de l'inspiration.
Mais on ne peut pas tout mettre, n'est-ce pas? Il faut choisir, peser, même si l'on ne mesure pas toujours les implications de ce que l'on fait.
Dans l'écriture, j'irais même plus loin que toi, il y a presque du hasard. Mais un hasard canalisé, maîtrisé, apprivoisé. Parfois, je vois mon roman comme une bête, qu'à force d'écouter et flatter j'aurais convaincu de s'asseoir à côté de moi. Il ne faut pas se croire tout-puissant par rapport à l'écriture. Il y a une indépendance des mots qui ne sera jamais résolue, je crois.
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Raven
   
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Je laisse de côté l'histoire de procrastination intellectualiste de tes sujets d'interrogation. Toi seul le sais, d'abord. Et parce que le sujet est intéressant, du reste.

Jana-Ships a écrit:
J'en ai raz la couette de devoir trouver un prétendu message, de devoir me rappeler que tel auteur aurait donné à un personnage les mêmes yeux que sa femme ou que-ne-sais-je. En fait, on ne sait pas vraiment si notre interprétation est bonne, si c'est ce que l'auteur a voulu dire, et c'est ça qui me dérange. Qu'on nous force à voir un truc qui n'existe peut-être même pas.

[…]

Et puis le coup d'étudier un texte d'un auteur mort, je trouve ça bien, au passage. Parce que certains auteurs pourraient ne pas être d'accord avec les interprétations faîtes.

Je ne crois pas que le commentaire de texte consiste à expliciter le « message de l'auteur ». Il peut en mettre un et essayer de le transmettre dans son texte — c'est le cas de bien de bouquins, les romans moraux, les romans “self-made man” de Horatio Alger, les poèmes de guerre (qui peuvent dire que les soldats sont des héros, avec un côté très épique, ou bien que la guerre est horrible quoi qu'il arrive, etc.).

Mais ça n'est pas le principal du travail de commentateur que d'expliciter ce message. Parce que le commentateur ne prend pas compte ni biographie ni les intentions de l'auteur. (Il peut y avoir des exceptions, parfois, mais ça demeure un facteur plutôt mineur : le fait que des auteurs n'écrivent pas dans leur langue maternelle, par ex., les conduit à avoir un style d'autant plus singulier, un rapport particulier à la langue, etc.)

Quelle que soit notre interprétation, c'est une bonne interprétation (à condition qu'elle soit cohérente avec le texte). Je crois qu'à partir du moment où on termine notre œuvre et qu'on la publie, c'est qu'on la donne au public. Ils y comprennent donc ce qu'il veulent — tant que le texte lui-même ne le contredit pas.

On n'étudie pas les auteurs morts parce qu'ils ne peuvent plus parler, mais surtout parce qu'ils sont vachement majoritaires, d'abord ! et parce qu'ils sont devenus des classiques en passant l'épreuve du temps, ensuite. Houellebecq est encore bien vivant et il a manifesté une certaine appréciation outre-Atlantique lors des colloques sur son œuvre auxquels il a participé : qu'on arrête de parler de ses positions (ou non-positions, je sais pas trop…) polémiques pour analyser son texte, la façon qu'il a de transmettre ce qu'il transmet, tu m'étonnes que ça a dû lui plaire !

Et même si l'auteur n'est pas d'accord, pourquoi est-ce qu'il aurait l'exclusivité de la vérité sur son œuvre ?

AlbertCamus a écrit:
Quand on travaille sur les textes dans une perspective d'examen ou de concours, on comprend très vite, en lisant des ouvrages critiques et en assistant aux cours, que l'on part du principe qu'un auteur (ou un artiste d'une façon générale) ne laisse rien au hasard dans son oeuvre, et que tout est traversé par la rationalité.

Du coup, cela voudrait dire que écrire est plutôt le contraire de lâcher prise, ce serait le fait de garder totalement sous contrôle le processus d'écriture. Tout se passe comme si on croyait constamment, en étudiant les textes, que le hasard ou l'indétermination n'ont pas de place dans la création (mis à part peut être ce qui est de l'ordre d'un certain inconscient...)

Et je trouve que le fait de croire que tout doit être maitrisé dans une oeuvre peut donner beaucoup de complexes quand on décide de se lancer dans l'écriture.

C'est cette illusion, cette croyance que l'auteur a une maîtrise absolue sur son texte, qu'il prévoit ses effets — bien sûr, il prévoit ses effets ! mais tous ses effets ? — et la signification implicite de détails.

De mon point de vue, on ne part pas du principe que l'auteur a tout prévu. On part du principe que l'œuvre de l'auteur est un ensemble cohérent (et on peut être cohérent dans l'incohérence avec, p. ex., les trois backstories différentes du Joker dans le film The Dark Knight), donc interprétable — parce que l'œuvre est lâchée dans le monde et aura désormais sa vie propre, autant de vies propres qu'il y aura de lectures —, et que l'auteur n'a plus d'influence conséquente sur son œuvre. Et même quand l'auteur le fait, on se retrouve avec des commentaires supplémentaires : qu'Edgar A. Poe prétende dans son essai “The Philosophy of Composition” qu'il a écrit “The Raven” de façon totalement contrôlée, en calculant chacun de ses effets… Est-ce qu'on doit le prendre au pied de la lettre ? Ou alors est-ce qu'il se moque de nous en nous donnant a posteriori une illusion de maîtrise ? Peut-être que l'écriture est à ce point intuitive — les effets seraient moins trouvés par l'auteur que “découverts” pendant l'écriture, à coups de « ça sonne bien », « ça ne sonne pas bien » — qu'il est possible de faire croire à un contrôle du texte à la virgule.

Bref. L'auteur n'a pas le contrôle total sur son œuvre — mais si jamais il doit y réfléchir, il est capable de dire après coup comment il a fait, avec quels effets, etc., pour la raison simple que son œuvre est quelque chose “qui tient”, de façon plus ou moins intuitive, tout dépend du processus créateur des créateurs. Quant aux auteurs qui ont un contrôle total sur leurs œuvres, ce sont des faiseurs. Ils fonctionnent à la formule, à la cause et à la conséquence.


Dernière édition par Raven le Sam 20 Fév 2016 - 14:22, édité 1 fois
 
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en vrac :

J'ai pas lu toutes les réponses en long et en large, mais celle de Mikaroman me parle.

Je ne pense pas que quiconque maitrise, construise, élabore  et contrôle tout, y'a forcément des moments/ choses qui s'échappent, des choses qu'on ne pensaient pas et qui transparaissent, et d'autres que lecteur va créer lui même (c'est à cet endroit que je rejoins plutôt Mika).

Après comme le dit plus où moins Raven dans la fin de son post, ça doit tenir aussi de ce que l'on écrit, quelque chose de très scénarisé, bah oui j'imagine que tu relies tous les fils entre eux, qu'il faut que ça soit solide et que ça tienne (ça n'empêche peut-être pas quelques envolées ou imprévus de venir se greffer non plus).

Au final, je pense que c'est un mélange des deux, dans des proportions inégales selon ce qu'on écrit, et je crois qu'une même personne peut tout à fait passer à quelque chose de très réfléchis que beaucoup plus intuitif.
Après dans ce que l'on libère, il peut aussi y avoir au fond, quelque chose de "mure " dans le sens où l'on écrit sans trop réfléchir quelque chose qui nous est propre, qu'on a peut-être remâché dans notre esprit x temps.

Je vois pas une réponse arrêtée qui ferait office de vérité gravée dans la pierre, écrire ça ne se résume sans doute pas à une seule chose, ni à un seul processus.
 
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A mon avis, beaucoup de choses qui semblent ne pas avoir été laissées au hasard relèvent de la paréidolie, ou tout simplement de failles de raisonnement (sa femme avait les yeux gros, il a donné des yeux gris à son héroïne, donc, les mêmes yeux que sa femme, dont elle est plus moins l'incarnation. Faux: il aime juste les femmes aux yeux gris) ou de conclusions hâtives que l'absence de témoignage des intentions de l'auteur ne permet pas d'infirmer.
En gros, toute analyse, tentative d'analyse, toute détection d'une intention ou d'une manière ont de grandes chances d'être des présomptions infactuelles. De la fiction, en somme.
Parce que personne ne peut être dans la tête de l'auteur, à part l'auteur en lui-même, et encore, pas sûr qu'il soit parfaitement conscient de tous les effets ou de tous les motifs qui apparaissent dans son oeuvre.
https://lestresrichesheuresdelagalaxie.wordpress.com
 
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Oscar Wilde dans Le Critique comme artiste développe l'idée que la critique littéraire n'est légitime que dans la mesure où elle produit elle-même une œuvre, et je dois dire que je suis assez d'accord avec lui là-dessus. De ce point de vue, il faudrait peut-être plutôt prendre les choses à l'envers et interroger, non pas la spontanéité naïve de l'acte d'écriture, mais la réflexivité qu'implique l'analyse d'une œuvre littéraire.

Je crois pour ma part que cette analyse ne vaut rien du point de vue de la description de l’œuvre qu'elle prend pour objet, qu'elle ne dit rien d'elle vraiment et qu'elle ne doit donc pas sa valeur à une hypothétique conformité avec cette œuvre qu'elle entend analyser. Du coup, j'ai le sentiment exactement inverse au tient : ce qui me donne des complexes ce n'est pas l'écriture, mais l'analyse d'un texte qui n'est pas le mien, c'est la glose, l'exégèse qui m'angoisse, parce qu'elle ne vaut que si elle produit elle-même quelque chose, qui si elle a potentiellement une valeur intrinsèque. De ce point de vue, je trouve l'acte d'écriture beaucoup plus simple dans sa forme, puisqu'il a pour point de départ un certain nombres d'impensés desquelles je ne cherche pas à rendre compte.

Ensuite, ta question interroge l'acte "créateur" lui-même et je pense qu'il ne peut y avoir, de ce point de vue, pas de réponse unilatérale. Je crois même, plus fondamentalement, qu'il ne peut y avoir de discours rationnel sur l'acte de créer, et donc l'acte d'écrire, parce que la création échappe précisément aux schèmes de la rationalité. Ceci n'implique pas qu'une œuvre ne peut être pensée en amont par son auteur, mais plutôt que l’œuvre finale ne pourra pas se réduire à l'ensemble des intentions initiales de celui qui l'a crée. C'est pourquoi je crois qu'il y a une illusion - une belle illusion potentiellement - à croire que l'on peut remonter par l'analyse aux intentions multiples d'un auteur et je crois donc aussi qu'il y a une illusion a croire qu'un auteur pense à l'ensemble de ce que l'on voit dans son texte, non pas parce qu'il ne pense pas, mais simplement parce qu'il y a un écart radical entre moi qui le lit et lui qui écrit.

L'autre jour Merackie a "analysé" un des poèmes que j'ai posté ici et j'avoue avoir été esbahis et même estourbis de ce qu'on pouvait y voir en creusant. De ce point de vue, je pense même que la qualité réelle de l’œuvre commentée est indépendante des multiples interprétations que l'on peut en faire. Il est possible d'analyse n'importe quoi de n'importe quelle manière en gardant, par le jeu du langage, une forme de cohérence et de pertinence dans le discours. L'avantage des grands auteurs sur nous, pauvre écrivaillons, c'est qu'ils composent une œuvre qui produit un effet plus radical sur le lecteur, qu'ils écrivent des morceaux qui modifient vraiment le regard, mais sinon, du point de vue de l'interprétation, nous sommes potentiellement comme eux.

Après je comprends ton complexe d'infériorité vis à vis des grands auteurs et ceci d'autant plus que tu as pour pseudonyme le nom de mon auteur fétiche. J'ai souvent été écrasé par le même sentiment et j'avoue être incapable d'écriture dès que je lis une ligne de Camus, de Kafka, de Dagerman ou de quelques autres. Or, ce sentiment vient moins de l'impression de complexité qui se dégage de leurs écrits, que de l'impression que "tout a été dit". Je ne sais pas vraiment comment lutter contre ce sentiment, mais je crois en tout cas que c'est à ce niveau-là que la spontanéité est essentielle. Peut-être qu'écrire c'est ne pas penser, non pas pour laisser venir une pseudo-inspiration ou pour ouvrir son esprit à je-ne-sais-quoi, mais juste ne pas penser pour ne pas être écrasé par l'insuffisance de écriture, l'impuissance de notre verbe à dire quelque chose.
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Ça sonne comme un hommage d'écrire ça justement aujourd'hui, mais je te conseille le livre d'Umberto Eco, Confessions d'un jeune romancier, où il revient notamment sur la manière dont il a construit ses livres, la façon dont ils ont été reçus et analysés, et comment lui-même a appréhendé ces analyses de lecteurs.

A titre personnel, je me retrouve parfaitement dans la réponse de Mikaroman.
 
   
    
                         
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