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 [Auteur] William James

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j'ouvre un topic sur william james en partageant une traduction d'un petit texte, que j'ai faite il y a longtemps et dont on trouvera ici l'original : http://www.uky.edu/~eushe2/Pajares/jnitrous.html

william james a écrit:
Quelques constats des effets de la consommation du protoxyde d'azote que j'ai été porté à faire par ma lecture de « La révélation anesthésique et l’essence de la philosophie » (Blood, 1874), m’ont fait comprendre mieux que jamais tout à la fois la force et la faiblesse de la philosophie hégélienne. J’invite vivement quiconque à répéter cette expérience, qui faite avec du gaz pur est quasi inoffensive et rapide. Les effets varieront évidemment en fonction des individus, comme ils varient avec le même individu de temps en temps ; mais il est probable que dans le premier cas, ainsi que dans le dernier, une similarité générale pourra être obtenue. Pour moi, comme pour tous les autres cas dont j’ai eu connaissance, la caractéristique de cette expérience est un sentiment incroyablement stimulant de profonde illumination métaphysique. La vérité gît évidente à la vue dans les profondeurs par-delà les profondeurs d’une presque aveuglante évidence. L’esprit saisit toutes les relations logiques de l’être avec une apparente subtilité et rapidité par rapport auxquelles la conscience normale n’offre aucun parallèle ; et quand la sobriété revient, que ce sentiment de pénétration s’étiole, c’est alors qu’on se surprend à fixer quelques mots et quelques phrases sans liens, comme on observe l’aspect cadavéreux d’un pic enneigé après que la couronne du soleil couchant ait disparu, ou la cendre noire laissée par un tison éteint.
L’immense sentiment émotionnel de réconciliation qui caractérise la phase « larmoyante » de l’ivresse alcoolique – une phase qui semble bête d’un point de vue extérieur, mais dont le ravissement subjectif constitue la cause principale de la tentation du vice – est très connu. Le centre et la périphérie des choses paraissent s’unir. Le moi et ses objets, le meum et le tuum sont un. Ceci, mais mille fois exacerbé, a été l’effet du gaz sur ma personne : et la conséquence première de cela a été la pénétration en mon sein avec une inébranlable puissance de la conviction que l’hégélisme était finalement juste, et que mes plus profondes convictions de mon intellect étaient fausses par conséquent. N’importe quelle forme de représentation qui me venait à l’esprit était contrainte par les mêmes forceps logiques, et servait à illustrer la même vérité ; et cette vérité était que chaque opposition, dans chaque chose, s’évanouissait dans une unité supérieure dans laquelle elle était fondée ; que toutes les apparentes contradictions appartiennent au même genre ; que la continuité ininterrompue est l’essence de l’être ; et que nous sommes littéralement au milieu d’un infini dont la perception est le meilleur que nous puissions atteindre. Sans l’identique à sa base, comment le conflit pourrait-il émerger ? Le conflit présuppose quelque chose pour laquelle se battre ; et dans ce thème commun, l’identique des deux partis, les différences fusionnent. De la contradiction la plus brutale jusqu’à la douce diversité dans le verbiage, les différences s’évaporent ; oui et non s’accordent au moins sur le fait d’être des assertions ; la dénégation d’un énoncé n’est rien d’autre qu’un autre mode d’énoncé sur la même chose, la contradiction ne pouvant apparaître que du même endroit – toutes les opinions sont par conséquent synonymes, semblables, et sont les mêmes. Mais la même phrase par différence d’accentuation devient deux ; et ici encore, la différence et la non-différence deviennent unes.
Il est impossible de traduire, de cette expérience, le sentiment du caractère torrentiel de la conjonction des opposés alors qu’elle coule dans l’esprit. J’ai des feuilles et des feuilles de phrases dictées ou écrites pendant l’intoxication, qui pour le lecteur sobre doivent paraître comme des bêtises insensées, mais qui au moment de leur écriture ne faisaient qu’un avec le feu d’une infinie rationalité. Dieu et diable, bien et mal, vie et mort, moi et toi, sobre et ivre, matière et forme, noir et blanc, quantité et qualité, frissons de l’extase et secouements de terreur, vomissement et avalement, inspiration et expiration, fatalité et raison, grand et petit, étendu et inétendu, humour et sérieux, tragique et comique, et cinquante autres contrastes s’égrènent sur ces pages dans une monotonie similaire. Mon esprit voyait comment chaque terme dépendait de son contraire dans un moment aigu de transition qu’il effectuait, et qui, pérenne et éternel, était le nunc stans de la vie. La pensée d’une mutuelle implication des parties dans la simple forme d’un jugement d’oppositions, comme dans « rien – mais », « pas plus – que », « seulement – si », etc., créait un parfait délire dans cette extase de la théorie. Et enfin, quand des idées stables sur lesquelles travailler venaient doucement, mon esprit est passé par une simple façon qui consiste à reconnaître le similaire dans l’identique en faisant contraster le même mot avec lui-même, accentué différemment, ou dépouillé de ses premières lettres. Laissez-moi retranscrire quelques exemples.
Qu’est-ce que la méprise sinon une sorte de prise ?
Qu’est-ce que la nausée sinon une sorte de -usée ?
Sobre, ivre, -vre, stupéfaction.
Tout peut être sujet à la critique –
Comment critiquer sans sujet à critiquer ?
Accord – désaccord !!
Émotion – motion !!
Mon Dieu, qu’est-ce que ça fait mal !
Mon Dieu, qu’est-ce que ça ne fait pas mal !!
Réconciliation de deux extrêmes.
Par Georges, néant sinon éant !
Cela sonne comme de l’insensé, mais c’est du pur sursensé !
Pensée plus profonde que la parole… !
École de médecine ; école de théologie, école ! ÉCOLE !
Oh mon Dieu, oh Dieu ; oh Dieu !
La phrase la plus cohérente qui m’est venue a été celle-ci : il n’y a pas de différence sinon une différence de degrés dans les différents degrés de la différence et de la non-différence.
Mais maintenant voici le revers de la médaille. Où est le principe d’unité dans cette monotone pluie d’exemples ? Bien que je ne l’ai pas vu à la première inspection, j’ai vite découvert que c’était dans chaque cas rien d’autre que le genre abstrait dont les termes en conflit étaient les espèces opposées. En d’autres termes, quoique ce déchaînement d’émotion ontologique était hégélien de part en part, la base de celui-ci n’était rien d’autre que le principe antédiluvien qui dit que les choses sont similaires dans la mesure exacte où elles sont le même, ou bien participent d’une nature commune – le principe que Hegel a le plus élimé. Au même instant, le délice de sentir un processus infini, s’est métamorphosé (tandis que la nature de cette infinitude était réalisée par l’esprit) dans le sentiment d’une terrible et inéluctable fatalité, par rapport à la grandeur de laquelle chaque effort fini est incomparable et à la lumière de quoi le résultat est indifférent. Ce soudain changement d’humeur du ravissement à l’horreur est, peut-être, la pire chose qu’il m’a été donnée de vivre. Je l’ai vécu plusieurs fois quand l’inhalation a été suffisamment prolongée pour produire un début de nausée ; et je ne puis m’empêcher de le voir comme la conséquence normale et inévitable de l’intoxication, si elle est suffisamment prolongée. Un fatalisme pessimiste, des couches et des couches d’impuissance et d’indifférence, la raison et la bêtise unies, non pas dans une synthèse supérieure, mais par le fait que quoi que vous choisissiez, tout est un – c’est le résultat d’une révélation qui a d’abord été si merveilleuse.
Même si le procès s’arrête peu avant la limite, le lecteur a sûrement remarqué par les exemples cités combien cela finit par la perte du sens. Quelque chose « disparaît », « s’échappe » ; et ce sentiment de pénétration est changé en une intense impression de désorientation, de morcelage, de confusion, d’étonnement. Je ne connais pas de sensation plus singulière que cette intense désorientation, avec rien qui puisse causer la désorientation sinon la désorientation elle-même. Cela ressemble, en effet, à la causa sui, ou « l’esprit devenant son propre objet ».
Ma conclusion est que cette union des choses dans un univers commun, cette loi de la communion, à propos de laquelle j’ai dit beaucoup, peut, une fois perçue, produire un sentiment très profond ; que Hegel était si inhabituellement sensible à cette émotion au cours de sa vie que celle-ci est devenue sa suprême fin, et que cela l’a rendu justement peu scrupuleux quant aux moyens qu’il employait ; que l’indifférencialisme est la vraie conséquence de toutes les vues sur le monde qui font de l’infini et de la continuité sont essence, et que l’attitude pessimiste ou optimiste dépend de la simple subjectivité accidentelle du moment ; finalement, que l’identification des opposés, loin d’être l’auto-développement que Hegel suppose, est en réalité un processus autoconsumant, qui passe du moins au plus abstrait, et termine soit dans un rire devant l’ultime rien, soit dans une vertigineuse extase face à l’infini dépourvu de sens.
 

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