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 La culture doit-elle être gratuite ?

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Madame Eléphant
   
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Madame Eléphant  /  Pippin le Bref


Etant bibliothécaire et une grande fan de Jean Vilar, je pense comme lui que la culture (lui disait le théâtre, mais élargissons) devrait être un service public. Service public ne signifie malheureusement pas gratuit, du moins pas totalement.

Non, certes, le coût financier n'est pas le seul obstacle, ou, parfois, pas l'obstacle.
Cependant, c'en est un, qui devrait être aboli.

Ca ne veut pas dire ne pas rémunérer les artistes et les auteurs : je vous rassure, les enseignants sont rémunérés et les bibliothécaires ne voient pas leur salaire varier en fonction du nombre d'inscrits.
 
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Noxer  /  Au nom de l'Abeille – Et du Papillon – Et de la Brise – Amen !


Madame Eléphant a écrit:
Etant bibliothécaire et une grande fan de Jean Vilar, je pense comme lui que la culture (lui disait le théâtre, mais élargissons) devrait être un service public. Service public ne signifie malheureusement pas gratuit, du moins pas totalement.

Non, certes, le coût financier n'est pas le seul obstacle, ou, parfois, pas l'obstacle.
Cependant, c'en est un, qui devrait être aboli.

Ca ne veut pas dire ne pas rémunérer les artistes et les auteurs : je vous rassure, les enseignants sont rémunérés et les bibliothécaires ne voient pas leur salaire varier en fonction du nombre d'inscrits.

C'est drôle j'ai justement fait mon mémoire sur ça, interroger si les bibliothèques par exemple doivent relever du service public. Et c'est beaucoup plus complexe que ça en a l'air Smile et il y a beaucoup plus d'enjeux que la gratuité, donc peut-être HS ? Enfin c'est très important j'imagine dans la représentation qu'on se fait de la diffusion culturelle, je crois qu'on ne peut pas y réfléchir sans cette notion de service public.

Si ça intéresse, je viens de le mettre en ligne ici : Lala

Y'a plein de choses intéressantes à ajouter !! J'aurais aimé continuer cette réflexion surtout en dehors du cadre du service de lecture publique, mais j'ai dû faire ça en moins d'une semaine Mad ya plein de fautes hihi

Bref la problématique c'est : la diffusion culturelle doit-elle être un service public, privé/associatif ou citoyen (bénévolat) ? Quoi d'autre comme organisation entre les trois instances ? Quoi d'autre comme instances possibles ?
Mon mémoire c'était porté sur le milieu rural, parce que presque toutes les bibliothèques sont gérées par des bénévoles, alors que ce sont des bibliothèques dépendantes du service public. C'est à dire qu'un service public (mission de l'état de diffuser la culture) n'est pas servi par des fonctionnaires de l'état, des "représentants" culturels, des professionnels. Alors c'est quoi vraiment exercer un métier dans la culture ? ça veut dire quoi ? Est ce que quelque part on n'est pas payé bcp ou pas bcp considéré parce qu'on peut être "remplacé" par des gens pas formés du tout ?

Je crois que toutes ces interrogations sont liées, et qu'il s'agit surtout de rendre compte du contexte de la diffusion culturelle ajd. Genre on voit pas du tout un service public de la même manière en ville ou en milieu urbain. Une bibliothèque c'est une différente chose pour beaucoup de gens, parce que le contexte fait que le service public rendu n'est pas le même à cause de budget de personnel etc. J'ai l'impression qu'on peut avoir une vision urbano-centrée (lol) de ce que doit être un service public, de ce que doit être l'institution qui s'en charge, et de ce que doit être le métier qui le représente. La culture a différents acteurs et diffuseurs qui n'ont pas le même statut ou qui ne se situent pas sur les mêmes missions ou légitimités par rapport à ce qu'ils diffusent.

Alors bon, est ce que la culture doit être gratuite, ça dépend de comment et qui organise ça, et c'est quoi la vision de diffusion derrière, est-ce que c'est un service (avant même d'être public) ou est ce que c'est un bien. Est ce qu'on veut une relation avec un public ou avec des consommateurs, en sachant qu'on peut jouer sur les deux tableaux. Je crois que ce qui dérange, pour les artistes, c'est que la diffusion par le "service" l'emporte sur la "consommation", donc ils sont payés moins. Même si le discours officiel tend à privilégier l'accès gratuit à la culture, ça veut pas dire que les institutions censées la diffuser sont elles-mêmes privilégiées au détriment des artistes. C'est une grosse blague l'état du service de lecture publique pour les trois quarts des établissements en France Smile Enfin, d'un point de vue "service public". Pas forcément d'un point de vue de service de diffusion culturelle.

Si on veut la gratuité, il faut juste que le système de service d'accès à la culture, qu'il soit public ou non, puisse définir les véritables objectifs de son service, et considérer tous ses acteurs à leur juste valeur (artistes, professionnels, non-professionnels, diffuseurs externes, instances administratives, et même le public) en tant que personnes nécessaires à ce service.

Je crois qu'il faut d'abord convaincre les gens qui financent ça que ce service est nécessaire avant de pouvoir prouver que les artistes et les autres le sont lol c pas gagné quand on voit les priorités des dépenses de l'état
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questiondepointure
   
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questiondepointure  /  Tycho l'homoncule


Citation :
C'est un serpent qui se mord la queue une fois encore : de grosses subventions, d'où veux tu qu'elles viennent ? Si elles viennent de l'État, ça signifie donc qu'elles sont issues de la contribution à l'impôt. Donc quelque part c'est idiot : ce que vous refusez de payer d'un côté, vous le payez de l'autre et vous voyez vos impôts augmenter, donc la gratuité est vraiment symbolique, sur ce coup.

Pas faux...
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Nuage-Rouge
   
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Nuage-Rouge  /  Tapage au bout de la nuit


Je vous ai lus plus ou moins attentivement et je m'étonne que la culture ne soit pas vraiment définie,  ou définie d'une manière implicite, restreinte au contexte néolibéral, qui me semble manquer le fond du problème, la radicalité de ses enjeux.

« La culture doit-elle être gratuite ? »
Moi je demande plutôt : la culture est-elle une marchandise, un bien privé, pour que quelqu'un songe à se l'approprier et s'autorise à en faire commerce ? Qu'est ce donc que la culture ? Qu'est ce que cette culture-marchandise ?

Assurément, tous les produits de l'esprit plus ou moins artistiques qu'on trouve dans les supermarchés « culturels », les billetteries et les librairies ne sont qu'une part infime de ce que constitue « la culture » dans une société moderne, et une part plus infime encore de ce que constitue « la culture » pour l'humanité, à travers la diversité de ses sociétés, dans l'espace et le temps.
Avant il y a peu, personne n'a jamais songé à faire commerce de la culture locale, car tout le monde la possède en partage. Elle est sans cesse renouvelée et échangée sans même que les gens en aient conscience, et il ne leur viendrait pas à l'idée de confisquer leur expression culturelle personnelle pour en faire commerce sur un marché ou pour l'enfermer dans un musée dont on fera payer l'entrer afin de l'admirer comme une relique.
Le propre de la culture est de se transmettre librement dès que des êtres humains qui en portent une expression se trouvent en contact. C'est pourquoi les capitalistes de la culture, aidés par les États bourgeois, ont tant de mal, et débauchent tant de moyens et d'énergie à protéger les produits qu'ils veulent privatiser et marchandiser, de ce qu'ils considèrent comme de la piraterie, mais qui est en vérité le mouvement le plus naturel du processus culturel consistant simplement en sa diffusion libre.

Moi je ne saurais que trop conseiller de se détourner de la culture privatisée et des marchands de culture qui s’approprient le patrimoine culturel, croyant qu'il leur appartient ou qu'il a surgit spontanément de leur esprit comme le génie de la lampe. Et qui par ailleurs s'approprient la fonction « d'artiste ». Tout le monde est artiste et fabrique de la culture au quotidien, et personne n'est propriétaire de la culture qu'il a reçue, à partir de laquelle il reproduit. Qu'on se proclame artiste en se perfectionnant, pourquoi pas, mais l'art primordial, celui qu'il faut avant tout reconnaître, c'est celui qu'a façonné l'humanité entière et ses esprits innombrables dans un mouvement collectif, qui impose l'humilité à qui croit faire acte de « création » personnelle, qui plus est pour en tirer personnellement profit.

Vivre en vendant de la culture est aussi mesquin que de vivre en vendant de l'eau ou de l'air, éléments vitaux dont tout un chacun doit disposer au besoin et dans la dignité.

Et bien évidement, la culture ne se trouve pas dans les musées. Ce qui est dans un musée est mort ou comme figé dans la glace. Le musée est une institution récente, coloniale, qui déterre la culture matérielle morte des sociétés du passé pour l’exhiber comme un spectacle, ou plus triste encore, sort ou pille celle d'autrui, de la vie sociale qui l'a portée pour en faire un objet de curiosité exotique. Le musée en dit bien plus sur la population qui le produit et le visite que sur la culture qu'il est censé mettre en scène et documenter.

La culture est vivante, elle se trouve dans la vie sociale, entre les gens, dans leurs pensées, manières et productions, elle sature le monde visible et invisible de sens. Comme d'autres l'ont fait remarqué ici, il y a une confusion entre marchandise culturelle et culture.

Ici je plaide pour la délégitimation et dévalorisation de la culture bourgeoise hégémonique et capitalisable considérée comme légitime, enviable et respectable, au profit de la considération et valorisation de toute forme de culture populaire, autochtone, en dehors de tout marché de la culture.
Non seulement la culture considérée aujourd'hui comme légitime et marchandisable doit être rendue accessible à toutes et tous, non privée et sortie du marché, par le piratage s'il le faut, mais il faut relativiser grandement la prétendue supériorité de cette culture, de quoi elle tire sa légitimité, au regard de toutes les autres formes culturelles existantes, non légitimes et non marchandisables.

Il n'y a rien qui puisse placer une visite au musée Truc au dessus de n'importe quelle autre activité culturelle, si ce n'est la valeur qu'on attribue à cette visite selon les valeurs de la culture bourgeoise hégémonique qui implique qu'en suivant ces valeurs le visiteur peut espérer capitaliser sur cette activité culturelle pour recevoir des bénéfices symboliques ou matériels en s’élevant dans la société, où en se rapprochant des possibilités d'élévation sociale. Tout ça vaut pour la culture scolaire qui est indexée sur la culture bourgeoise, puisque l'école est l'instrument de reproduction sociale et de légitimation de l'ordre social bourgeois et sa « haute » culture.

Il n'y a pas à devoir ou désirer aimer la musique classique, la peinture, aller au musée ou je ne sais quoi, plus que d'autres formes culturelles. Il n'y a pas à les considérer supérieures, pas plus que marchandisables. Et aucun jugement social ou bénéfice symbolique et matériel ne devrait s'obtenir par le fait d'avoir eu accès à ce type de contenus culturels jugés plus légitimes et prestigieux que d'autres selon les valeurs bourgeoises qui ordonnent la société.

Pour résumer, oui pour l'accès inconditionnel à toute forme d'expression culturelle, bien entendu que cette accessibilité n'est absolument pas une injonction à devoir se « culturer » comme un bourgeois pour se sentir respectable et accompli, et entendu qu'en l'absence d'accessibilité, il vaut mieux se détourner de l'exclusion culturelle et de la marchandisation pour se tourner vers des formes culturelles qui nous correspondent et nous tendent les bras, sur les modes de l'interculturalité et de l'éducation populaire.

Discussion que j'ai trouvée intéressante néanmoins, c'est un sujet très rarement abordé sous un angle critique, contrairement à ce qui a été présenté dans l'introduction du sujet, le consensus culturel et le rapport de force politico-économique est largement dans le sens de la privatisation et marchandisation de la culture sous la forme législative de la propriété intellectuelle et du copyright.
 
Jdoo
   
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Moi je risque pas de me détourner de la culture privatisée, et il en est clairement pas question. Je vais souvent aux théâtres, et ça ne me choque pas de payer ma place, j'ai même un peu l'intuition que si c'était gratuit ça serait tout de même plutôt de moins bonnes qualité. Les théâtres sont pour beaucoup des endroits privés qui sont subventionnés par l'état, leur commune et par la recette des places. S'il n'y  avait pas ce systèmes il n'y aurait que des théâtres d'état, ce qui serait peut être dommage(et qui ne sont pas gratuit non plus du reste). En fait ce genre de spectacles ne peuvent tout simplement pas être gratuit. Certes il y a d'autre forme de culture, moins cher ou gratuite. Mais le fait est qu'il y a des pans culturels qui ne sont pas accessibles à tout le monde, et qu'on ne peut pas forcément qualifier de bourgeois ou morts ou figés (est-ce qu'on les qualifie ainsi comme le renard qui juge le raisin trop vert pour lui ?) . On peut dire aussi : je n'y ai pas accès et je m'en fout car le contenu ne m’intéresse  pas, donc là tout est pour le mieux, mais d'autre diront, mince je ne peux pas y aller, car je n'ai pas l'argent, et cela me frustre. - moi je ne vais pas à l’opéra de Paris, car c'est trop cher et en soit ça me fait chier de ne pas pouvoir y aller - Alors je vais au rediffusion de MET, c'est déjà ça, et c'est pas gratos non plus-
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Nuage-Rouge
   
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Nuage-Rouge  /  Tapage au bout de la nuit


Certes, mais le théâtre payant est tout comme le cinéma une production destinée à un marché culturel. Soit qu'il ne pourrait pas exister sans être conçu comme marchandise, soit qu'il pourrait mais que ses entrepreneurs préfèrent en tirer profit et le valoriser sur le marché.
Par ailleurs ce qui te fait dire que sa qualité est supérieure ne repose sur rien d'objectivable, c’est selon tes propres valeurs indexées sur une certaine vision de l'histoire de l'art et de ce qui est considéré comme étant du « bon » théâtre. D'ailleurs il y a une forte corrélation entre les goûts culturels et la classe sociale, comme ça a déjà été dit, et on sait que le théâtre est plutôt prisé des classes sociales supérieures ou de ceux et celles qui aspirent à l'élévation sociale.

On sait aussi que l'art est une notion moderne qui n'a pas reçu d'équivalent dans les sociétés contemporaines ou du passé non marchandes dans lesquelles une production ne s'inscrit et n'existe que dans un entrelacs d'activités signifiantes (économiques, politiques, religieuses, symboliques) qui n'ont rien à voir avec la notion « d'art » et le marché de l'art qui lui est associé.  
Dans certaines de ces sociétés la théâtralité, la représentation théâtrale du monde et des arrières mondes, n'existe pas en dehors des cadres rituels qui mélangent souvent divertissement et fait religieux et/ou politique. Comme les cérémonies de possession ou de chamanisme par exemple. Et quand l'audience est restreinte, ce n'est pas sur le motif d'une exclusion par le marché mais sous la contrainte de cadres initiatiques. Par ailleurs les théâtres antiques ne sont pas des lieux de marchandisation du spectacle. Ils s'inscrivent dans un cadre politico-religieux et de divertissement de la population. Les artistes ne sont pas rémunérés par le public mais par le pouvoir politique ou économique qui commande le spectacle, pour en tirer des bénéfices symboliques. Là encore il n'y a que dans une société capitaliste qu'il fait sens pour certains et certaines, pour presque toutes et tous en fait, consommateurs et consommatrices effectives ou non, de payer pour un rituel théâtral purement divertissant.

D'ailleurs j'ai été étonné de voir à quel point cette idée de « consommer » de la culture, individuellement, revenait à maintes reprises dans cette discussion de manière totalement consciente et explicite. Non pas qu'il soit faux de considérer que la culture se consomme, n'importe où comme toute production humaine, mais enfin, il n'y a que dans une société marchande que l'individu se voit, se regarde, même, consommer comme si c'était une fin en soi. Le paysan ne se voit pas consommer son outil agraire en l'utilisant, bien que ce soit effectivement le cas d'un point de vue économique.

Le théâtre en salle n'est pas meilleur que le théâtre de rue ou que le théâtre du quotidien qui se joue de manière informelle entre les gens dans la culture populaire. Et ces deux dernières formes échappent totalement au marché, ce qui ne signifie pas qu'elles soient sans valeur culturelle intrinsèque.
Choisir de « consommer » du théâtre ou de l'opéra, c'est d'abord s'identifier au groupe social (socioculturel) qui en consomme, et être identifié à lui (avec tous les enjeux symboliques qu'il y a derrière). Et certes ça n'empêche pas d'aimer réellement le théâtre ou l'opéra (ou d'avoir appris à aimer, ou de chercher à  apprendre). Mais il y a un choix plus ou moins conscient de privilégier, donner son temps et son attention, à ces formes culturelles plutôt qu'à d'autres, de manière exclusive ou pas, de faire allégeance à certains modes d'expression culturels dont on reconnaît qu'ils sont particulièrement valorisés socialement et légitimes, et d'autre part qui constituent des marchandises culturelles produites par des entrepreneurs culturels.

Et pour comprendre les attitudes de consommation culturelle il faudrait aussi parler de la course au capital culturel dans une société hiérarchisée et inégalitaire dans laquelle la culture se capitalise suivant son indexation sur les valeurs de la culture bourgeoise hégémonique. Société dans laquelle l'accès aux ressources matérielles et symboliques est pour grande partie conditionné par la maîtrise de cette culture légitime.
 
Jdoo
   
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Jdoo  /  Maîtrise en tropes


je ne sais pas si le théatre de rue est meilleur que le théatre en salle, je sais par contre que si je y veux aller  toutes les semaines, c'est en salle que ça se fera (conditions climatiques mise à part). Donc oui je le consomme ou j'en use, bien que ça ne soit pas tout à fait de la même façon qu'un tube de dentifrice non plus. Pour le théatre informel au quotidien, et bien pourquoi pas, mais je dirais que ça n'a juste pas grand chose à voir. Pour ce qui est de mes motivations pour y aller, je ne pense pas que c'est pour m’identifier à quoi que ce soit. J'y vais parce que ça me plait tout simplement et que justement je ne retrouve pas l'émotion que me procure le théatre ni dans le cinéma, ni dans le quotidien. Après si des gens le font gratuitement dans la rue (quoi que là aussi il y a un chapeau et j'ai vu des artistes de rue s’énerver parce que les gens avaient des oursins dans les poches), ceci étant dit je ne bouderais pas mon plaisir d'y assister,, mais l'un ne remplacera pas l'autre. Ce réflexe social d'aller au spectacle était peut être vrai avant les années 60, il l'est peut être encore pour certain de nos jours, mais de ce point de vue là ça a tout de même largement évolué (sous l'impulsion d'artiste comme Peter Brook, Ariane Mnouchkine, Jean Vilar (et d'autre) qui avait la motivation de rendre le théatre accessible à tous).

Évidement qu'en art rien n'est objectivables, mais pour ce qui est du quotidien d'un acteur/artiste si. S'il veut bouffer à sa faim vos mieux le rémunérer, il sera alors plus serein pour travailler à sa tâche (ce qui est d’ailleurs loin d'être le cas pour l'immense majorité d'entre eux). Enfin je ne sais pas si Artiste ça veut dire forcément crever la dalle. Ou alors ça reste au niveau de l'amateurisme (ce qui ne veut pas dire sans talent). et il n'aura pas les moyens d'approfondir et d'explorer d'autre forme. Ce travail n'est pas objectivable, mais l'exploration des formes et nécessaires et pour cela il faut du temps et... de l'argent.

Encore que là je ne parle que du théatre. Alors oui il y a des récups politiques, du soft power. Et alors j'ai envie de dire ? on va pas tout hypothéquer pour des mauvaises manies non plus.
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Pasiphae
   
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Citation :
Avant il y a peu, personne n'a jamais songé à faire commerce de la culture locale, car tout le monde la possède en partage. Elle est sans cesse renouvelée et échangée sans même que les gens en aient conscience, et il ne leur viendrait pas à l'idée de confisquer leur expression culturelle personnelle pour en faire commerce sur un marché ou pour l'enfermer dans un musée dont on fera payer l'entrer afin de l'admirer comme une relique.

Je ne sais pas d'où te vient cette idée. Les producteur·ices d'objets culturels (ou de prestations culturelles, si l'on s'en réfère au spectacle vivant), ont comme les autres des besoins primordiaux. Iels sont partie prenante d'un fonctionnement économique – tu le soulignes, c'est la modernité qui invente l'art comme champ autonome du pouvoir ou du religieux, mais enfin, ça n'est pas la modernité qui transforme l'art en produit économique. Globalement, l'art, ça se finance, et les artistes, qu'iels soient ou non "uniquement artistes", ça se finance aussi.

Il me semble que ton raisonnement aurait eu du sens dans les années 80, voire 90 (et encore, Bourdieu n'a jamais dit que la valeur des objets culturels reposait uniquement sur des phénomènes sociaux de distinction – il était le premier à goûter la "bonne" littérature), mais plus aujourd'hui. On n'est plus dans un régime culture légitime VS culture pop, et la sociologie des goûts et pratiques culturelles va désormais un peu plus loin que cette dichotomie (on a le concept d'omnivorisme culturel, ou de différenciation culturelle avec Hervé Glevarec par exemple – l'idée que chaque pratique culturelle possède une hiérarchie interne, mais que ces pratiques ne sont pas classées entre elles – globalement, tout le monde reconnaît qu'il y a du bon rap comme du mauvais, du bon opéra comme du mauvais, et la distinction contemporaine ne repose pas tant sur le fait d'écouter de l'opéra plutôt que du rap, que sur le fait de connaître les hiérarchies internes à chacune de ces sphères – la personne distinguée (au sens socio) du 21e siècle, ce n'est plus celle qui va à l'opéra et au concert classique, c'est celle qui maîtrise à la fois les codes de l'opéra, du rap, de la BD et des séries netflix, en gros).

Enfin, je vois un biais dans ce raisonnement, qui repose sur une espèce d'idéalisation des cultures passées, qui auraient été dénaturées par l'introduction de la marchandisation de tous les items culturels. Je veux bien qu'on propose une critique rigoureuse du capitalisme ou du néo-libéralisme, mais c'est possible sans prétendre que les sociétés étudiées par Levi-Strauss et les anthropologues de son temps étaient "meilleures" moralement – c'étaient aussi des sociétés qui reposaient sur un entrelacs de dominations et autres choses peu reluisantes...

edit : désolée, je me rends compte que j'ai été inutilement désagréable !


Dernière édition par Pasiphae le Ven 23 Juil 2021 - 13:29, édité 1 fois
 
Jdoo
   
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De toute façon ce que l'on paye à l’opéra ou au théatre, c'est pas la valeur artistique de l’œuvre. C'est les charges, les salaires et les cachets (et c'est souvent déficitaires sans les subventions ou les sponsors). Pour un artiste plastique, on paye le temps passé à réaliser l’œuvre, la matériel etc.. Après s'il y en a qui on une cote tant mieux pour eux, mais ça concerne 1% des artistes et c'est un autre débat. En fait la question posée est un non sujet. Mais évidement que ça ne peut pas être gratuit et cela ne l'a jamais été, ne serait-ce que par le temps que l'on consacre à sa réalisation, ça coûte forcement à quelqu'un.

Même la culture immatérielle a un coût, ne serait-ce que part sa transmission et sa conservation.
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Pasiphae,
Tu dis des choses vraies qui ne répondent pas précisément à des propos que j'aurais pu tenir ou à des idées que j'aurais suggérées, mais au moins je vais préciser. Pour d'autres choses je crois que tu fais preuve d'un peu de complaisance vis à vis de la mythologie contemporaine qui invisibilise les rapports de domination culturels. Tu sembles évoquer une sociologie un peu trop culturaliste qui ferait de chaque champ culturel un espace autonome avec ses règles internes sans véritable relations socio-politiques avec l’ensemble de la structure sociale hiérarchisée. En fait la structure sociale hiérarchisée se reproduit dans ses champs, évidement.
(Sans animosité, je suis plutôt curieux de cette discussion et sa ligne de fracture, ayant déjà jeté un œil à ton journal de thèse qui a grandement piqué mon intérêt sur certaines de ses réflexions)

Citation :
ça n'est pas la modernité qui transforme l'art en produit économique
Ben déjà c'est la modernité qui transforme invente l'art. Alors si, je le pense, c'est la modernité qui fait de l'art une marchandise, en le sortant des relations sociales non marchandes.
J'imagine que par "produit économique" tu entends marchandise. Il est démontré (Polanyi) que l'activité économique n'est apparue aux modernes d'abord que sous la forme de l'économie marchande. Il a fallu attendre que l'anthropologie économique mette en lumière l'économie "encastrée" des sociétés non marchandes pour s'apercevoir que toute société, même non marchande, supportait une économie. Donc pour moi la question n'est pas que « l'art », le produit culturel, soit ou non un produit économique, il l'est de tout temps et en tout lieu par nature. La question est donc, est-il une marchandise ? La modernité répond oui, mais l'anthropologie répond non, pas dans la plupart des sociétés, et jamais entièrement dans les sociétés marchandes, loin s'en faut.

Citation :
l'art, ça se finance, et les artistes, qu'iels soient ou non "uniquement artistes", ça se finance aussi
ça ce n'est pas une évidence, du moins pour moi c'est une question qui n'a de sens que dans une économie financiarisée. L'artiste est un producteur de sens, ou un recycleur si on est plus pragmatique. Mais tout être culturel en est en vérité. On tourne un peu en rond car l'art et l'artiste sont des figures de la société marchande dans laquelle "l'art" apparaît comme champ autonome obéissant à une logique de marché. Il n'y a pas d'artiste dans une société non marchande. Il y a des producteurs de sens dans tous les domaines de la vie matérielle et idéelle. L'artisan injecte du sens, de l'art, dans sa production, l'officiant injecte du théâtre dans son rituel, l'initié joue du tambour pour l'aspirant, la paysanne récite un poème en secret (ou presque) dans son travail au jardin, la ménagère se lamente mélodieusement à demi voix en vacant à ses occupations.

Le fait de marchandiser l'art produit un marché du travail de l'art ou les producteurs de sens se doivent d'être reconnus comme des artistes pour s'employer. C'est là que la famine arrive. De la même manière que l'ouvrier est dépossédé par les capitalistes d'organiser par lui-même le travail qui assure la pérennité de son quotidien.

Moi je me rapproche de la critique situationniste qui cherche à ré-encastrer l'art, la production de sens, dans la quotidienneté, à réenchanter le quotidien en quelque sorte. Je compatis au sort des artistes crève-la-faim. ils rejoignent le cortège des pauvres prolétaires qui n'ont que leur force de travail à vendre et employer pour gagner leur pain, n'étant pas propriétaires des moyens de production des ressources matérielles et culturelles qui leur permettraient de vivre par eux-mêmes. ils essayent de se soustraire au travail forcé, ou de s'en évader dans l'art ou le rêve de vivre un jour de cet art pour échapper au labeur et aux chaînes qui retiennent les petits sur la terre.

Citation :
il était le premier à goûter la "bonne" littérature
Alors pour toi il y a objectivement une « bonne » littérature ? Sérieusement ?

Citation :
On n'est plus dans un régime culture légitime VS culture pop, et la sociologie des goûts et pratiques culturelles va désormais un peu plus loin que cette dichotomie
Je suis d'accord avec toi pour établir cet approfondissement mais une grille d'analyse n'invalide pas l'autre.

Citation :
chaque pratique culturelle possède une hiérarchie interne, mais que ces pratiques ne sont pas classées entre elles – globalement, tout le monde reconnaît qu'il y a du bon rap comme du mauvais, du bon opéra comme du mauvais, et la distinction contemporaine ne repose pas tant sur le fait d'écouter de l'opéra plutôt que du rap, que sur le fait de connaître les hiérarchies internes à chacune de ces sphères – la personne distinguée (au sens socio) du 21e siècle, ce n'est plus celle qui va à l'opéra et au concert classique, c'est celle qui maîtrise à la fois les codes de l'opéra, du rap, de la BD et des séries netflix, en gros).
Parce qu'il y a des phénomènes d'appropriation culturelle (expression galvaudée qui a pourtant un sens réel), de mode. On sait très bien que la distinction sociale est en spirale. Les classes supérieures sont imitées, elles cherchent à se distinguer des inférieures et entre-elles, entre niveaux hiérarchiques. C'est une double contrainte qui pousse les classes supérieures à puiser dans les registres populaires en voie de légitimation pour se donner un genre, mais en se réappropriant les motifs à l’aune de ses propres valeurs. On aime le rap à france inter à condition que ce soit Oxmo Putchino. On reconnaît booba parce qu'il vend énormément. On aime Kerry James par romantisme, mais, en trouvant que sa beauté réside dans l’excessivité qu'on lui trouve, et on n'aimerait pas que ses idées triomphent. D'ailleurs on aime surtout l'art pour l'art là haut, on est esthète avant tout et on aime évacuer la dimension politique dans l'art, on essaye de se prémunir du changement social qu'il pourrait éventuellement occasionner sous ses formes réellement subversives. A droite on aime aussi Renaud et René Char, même si d'un point de vue politique ça n'a pas le moindre sens.

On observe beaucoup dans le langage argotique que, comme par capillarité, certaines expressions populaires d'abord méprisées, puis utilisées en moquerie, par jeu, avec « humour » ou condescendance (wesh, cheh, insh'allah, une partie du verlan), sont peu à peu intégrées au langage en vogue, arrachées à leur milieu social d'origine, se frayant un chemin jusqu'aux lycées bourgeois de la capitale, jusqu'à devenir ringards depuis là haut, car trop répandus, mais cependant souvent encore bien du cru et usitées, en bas.

Oui il y a des hiérarchies internes à des champs culturels plus ou moins légitimés, mais il n'y a souvent pas de consensus sur ces hiérarchies internes. En fait le problème n'est pas résolu, il est juste reproduit à l'échelle de chaque champ qui reçoit une forme de légitimité de la part de la culture hégémonique. Mais la culture hégémonique essaye toujours de dicter son ordre selon ses valeurs au sein des champs. Et on retrouve donc toujours les mêmes problématiques et enjeux politiques transversaux à tous les champs culturels. Ça complexifie l'analyse mais ça ne change pas le fond du problème, ni l'état des rapports de domination entre culture hégémonique et cultures autochtones et populaires, non légitimes et non marchandisables.

Je pense que tu peux l'observer dans le champ de la poésie par exemple, que tu connais bien.

Citation :
je vois un biais dans ce raisonnement, qui repose sur une espèce d'idéalisation des cultures passées, qui auraient été dénaturées par l'introduction de la marchandisation de tous les items culturels. Je veux bien qu'on propose une critique rigoureuse du capitalisme ou du néo-libéralisme, mais c'est possible sans prétendre que les sociétés étudiées par Levi-Strauss et les anthropologues de son temps étaient "meilleures" moralement – c'étaient aussi des sociétés qui reposaient sur un entrelacs de dominations et autres choses peu reluisantes...
Ah mais la question n'est pas morale en premier lieu. Moi je pose le problème de la marchandisation de la culture dans les sociétés capitalistes. Je prends des exemples de sociétés/fonctionnements non marchands (pas forcément du passé), pour montrer que la réduction de la culture à une marchandise culturelle est à la fois nouvelle et révélatrice d'un certain rapport à la culture, d'une certaine conception de celle-ci, qui semble perdre de vue ce qu'est anthropologiquement la Culture, et de certains rapports de domination culturels. Si l'image que renvoie cette réalité apparaît immorale, injuste, il est peut-être temps de faire quelque chose...

Ce serait mal me cerner que de penser que j'idéalise ces sociétés dans une forme de romantisme fasciné et ignorant. J'y puise de la matière à penser, notamment la contradiction. En l’occurrence ici il s'agit de penser la culture en tant que marchandise (« la culture doit-elle être gratuite ? ») ou au contraire en tant que processus intrinsèquement et collectivement humain, qui ne peut se marchandiser. Du moins sous sa forme la plus naturelle, la plus spontanée, la plus commune, la plus primordiale, elle n’apparaît pas dans les sociétés sous forme de marchandise. Elle est ce qui lie les humains entre eux, donne sens à leurs existences, dans des relations d’identité et d'altérité, à l'inverse du marché qui réduit au maximum l'enjeu social contenu dans l'échange, en abolissant le lien social dans la transaction. Pour moi il y a une incompatibilité de nature ou de principe entre le marché et la culture. Ce qui explique que la marchandisation de la culture n'échappe pas, malgré tous les moyens mis en œuvre, à son pirtage.



Jdoo
Citation :
En fait la question posée est un non sujet. Mais évidement que ça ne peut pas être gratuit et cela ne l'a jamais été, ne serait-ce que par le temps que l'on consacre à sa réalisation, ça coûte forcement à quelqu'un.
Non c'est peut-être ce propos qui n'est pas dans le sujet, ou qui refuse le sujet. Décider de qui a le droit d'être payé à produire du sens, pourquoi et comment, sous quelles conditions, et de qui doit plutôt gagner sa vie à bosser à l'usine dans l’appareil de production matérielle, ce n'est pas un non sujet. Décider que la culture légitime se trouve chez des « artistes » professionnels et subventionnés et moins dans la culture populaire produite par des acteurs anonymes, ce n'est pas un non sujet. Penser qu'il faut payer des professionnels de la culture et consommer des marchandises culturelle pour se sentir exister culturellement, pour se forger une identité culturelle à travers la consommation marchande, ce n'est pas un non sujet. Tout ça pose la question du rapport que notre société entretient avec la Culture (sa culture, ses cultures et la culture des Autres), de quoi la culture est-elle l'instrument, et de ce qu'est profondément la Culture dans une société humaine.


Dernière édition par Nuage-Rouge le Ven 23 Juil 2021 - 16:30, édité 1 fois
 
Jdoo
   
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C'est un total non sujet dès lors que s'il y a eut production pour quelqu'un dans le cadre d'un contrat ,alors il doit y avoir rétribution, sinon c'est du bénévolat. Et c'est à priori la règle quelque soit le travail fournit et j'espère effectivement que la question ne fait pas débat. Pour ce qui est des conditions et des politiques qui y sont liées c'est un autre débat. Mais quel que soit le contexte et les intentions , il ne peut pas y avoir gratuité. Du moins je ne vois pas au nom de quoi et de quel principe les gens devraient travailler gratuitement ?

Pour le dire autrement quel que soit le contenu de ton programme ou de ta politique culturelle et de sa légitimité ou je sais pas quoi, ça ne sera pas gratuit.
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Jdoo,
Tu sembles, je le dis en toute courtoisie, manquer d'acuité concernant les études et théories de l'échange dans les sociétés humaines (théories du don, échange marchand et non marchand, redistribution, réciprocité, monnaie). "La règle" marchande à laquelle tu crois absolument n'est qu'une règle arbitraire parmi d'autres modalités possibles de règles sociales plus ou moins implicites qui régissent les échanges matériels et culturels dans les sociétés humaines.
J'ai l'impression que tu ne comprends pas/ne veux pas comprendre ce que je dis : il ne peut pas ne pas y avoir de gratuité, puisque originellement, naturellement, spontanément, intrinsèquement, la Culture EST gratuite. La Culture ne s'origine pas dans le marché, c'est même l'inverse, le marché est une production culturelle. Ce n'est que certaines formes d'activité culturelle qui cherchent à se marchandiser, à se faire valoir, à se valoriser financièrement, à se capitaliser, particulièrement sous le libéralisme et le règne de l'économie de marché. Ton affirmation "il ne peut pas y avoir gratuité" n'a pas de sens du point de vue de la réalité empirique que recouvre le phénomène culturel. La gratuité est l'état par défaut de la Culture, du geste culturel. Il est une fin en soi. Ce qui est la définition même de la gratuité.
Toute marchandisation de la culture relève d'une appropriation à des fins privées du patrimoine culturel commun.
Je m'en tiendrais à ça concernant cette rigidité.
 
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dès lors qu'il y a des professionnels de l'art, cela devient de fait un marché.Et l'art dans ce cas n'est pas gratuit. Et prétendre que ça ne doit l'être est un point de vue comme un autre et aussi un jugement de valeur tout aussi arbitraire que ceux que tu me reproches. En l’occurrence mes croyances et mes préjugés sur le sujet ne semble pas pire que les tiens. De toute façon rétribution n'est pas forcement synonyme de libéralisme et encore moins d'ultralibéralisme. Et que le marché soit une invention culturelle de l'humanité (une invention parmi d'autre) n'est pas forcement une preuve que ça soit mauvais- là encore un jugement de valeur-.  Et tous les artistes qui se font rémunérer ne sont pas forcement des capitalistes avides d'argent. Pour la plupart ils veulent bouffer à leur faim. Et c'est aussi une réalité au delà des grandes théories de je ne sais pas quoi qu'effectivement je ne connais peut être pas.

Autre point, je comprend ce que tu dis, je ne suis juste pas d'accord avec toi (ai-je le droit, sans avoir à me prendre des arguments d'autorité dans les dents ?)  Après si tu penses que je suis mal comprenant, pourquoi me répondre ?


Dernière édition par jdoo le Ven 23 Juil 2021 - 17:12, édité 1 fois
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Un ange passe...
Le sens premier du mot culture renvoie tout de même à l'action de produire... Et le champ lexical de production s'harmonise mieux avec le marché que la gratuité...
 
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Grosse résistance en ces terres de cultureux dit donc... On croirait presque qu'il y a intérêt sous cloche.

Jdoo,
Mais qui décide de qui peut-être professionnel de "l'art", de la culture commune ? Qui décide que des ressources collectives vont être attribuées à certains pour développer leurs penchants artistiques, et pas à d'autres ? C'est le marché dominé par les capitalistes et leur culture, et les institutions légitimes qui captent et redistribuent la richesse, elles aussi aux mains de la culture hégémonique.

Si tout travail mérité salaire, pourquoi tous les producteurs de sens qui publient gratuitement leurs textes sur internet et ici même, qui n'en font pas profession, n'auraient pas droit à une rémunération ? Tout simplement parce que leur travail n'est pas valorisable, marchandisable, capitalisable, auprès de financiers et auprès du public, et il n'est pas marchandisable car il n'est pas (re)connu dans/par la culture hégémonique, ses capitalistes et ses institutions. Est-ce discriminatoire et inéquitable ? Oui. Est-ce juste ? Non, pas si l'on se refuse à hiérarchiser les productions culturelles selon des critères arbitraires. Voilà mon positionnement qui est, oui, un positionnement politique.

Il faut bien comprendre que les positions sociales occupées par les membres de la société n'ont pas grand chose à voir avec les capacités, le talent ou le mérite de ceux et celles qui les occupent, mais tient à la matinière dont ils ont pu capitaliser sur la culture légitime. Une culture qui ne leur appartient pas, une culture qui par ailleurs n'est pas LA Culture, mais une forme discriminatoire de la culture, à laquelle, eux et elles ont eu accès.

Qui a le droit d'occuper quelle place dans l'appareil de production ? Qui a accès à quels types de ressources et de rétributions matérielles et culturelles, et de pratiques en fonction de sa position sociale ? Qui choisit son activité et qui ne la choisit pas ? qui exploite qui ? Qui nourrit qui ? Qui soigne qui ? Qui entretient les infrastructures et qui consomme les infrastructures ?

Les artistes qui font beaucoup d'argent exploitent leur public (l'argent provient toujours du travail de quelqu’un) en même temps qu'ils se font exploiter par leurs producteurs/éditeurs, tandis que les artistes qui galèrent sont invisibilisés par les premiers, mais ne sont pas moins des capitalistes culturels en puissance, perdants du système. Il y a un marché de la culture et des positions sociales d'artistes officiels qui accaparent la visibilité et les ressources à leurs profits, ils exploitent une culture commune alors qu'ils n'en sont pas propriétaires.
Dans une société où l'art et la culture ne seraient pas marchandisées, l'expression artistique et culturelle circulerait et s'exercerait librement, serait non concurrentielle, accessible dans le quotidien à toutes et tous et libérée des contraintes et tentations imposées par le marché et la culture hégémonique. La culture se vit et se reproduit dans et entre les êtres bien avant de se produire devant eux en spectacle ou en marchandise. La première dimension est naturelle, gratuite et inévitable, alors que la seconde est dispensable, contingente, et souvent payante.



Vivian,
Citation :
Le sens premier du mot culture renvoie tout de même à l'action de produire... Et le champ lexical de production s'harmonise mieux avec le marché que la gratuité...
Non pas du tout. La production ne reçoit aucune nécessité de se répandre sur un marché. Je ne sais pas d'où tu sors ça. L'économie de marché, ce n'est pas l'économie. C'est même une exception des sociétés modernes et capitalistes que le marché phagocyte une part immense de la production alors qu'auparavant ou ailleurs, dans les cas ou un marché est accessible, seule une infime partie de la production, régulièrement ou occasionnellement est adressée et échangée sur un marché.
C'est fou cette enracinement des croyances libérales héritées de l'économie politique. Quelle pollution idéologique !
Et la production culturelle s'harmonise moins encore avec le marché lorsqu'elle est immatérielle, œuvre de pensée, car il suffit d'en faire la connaissance pour la posséder et pouvoir la transmettre GRATUITEMENT. Elle n'est pas comme un bien qui passe de main en main, par transaction financière, elle se multiplie dans chaque main qu'elle rencontre, à chaque esprit qu'elle touche, de chaque bouche dont elle sort.
 
   
    
                         
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