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 Les plus beaux poèmes

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rodé
   
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   Pensée du jour  :  « seul sage dans un banquet de gens ivres »
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rodé  /  Blanchisseur de campagnes


FIN DE L'ENFANCE

En grondant s'engouffrait
dans la rive courbe
une mer palpitante, barrée de sillons,
crépue, floconneuse d'écume.
Face à l'embouchure
d'un torrent débordant
le flot jaunissait.
Au large viraient des algues enchevêtrées
et des troncs d'arbre à la dérive.

Dans la baie hospitalière
de la plage,
seules quelques maisons
de briques anciennes, écarlates,
et les chevelures rares
des tamaris plus pâles
d'heure en heure ; créatures souffreteuses
perdues dans l'effroi des visions.
Ce n'était pas chose légère
à regarder pour qui lisait dans ces
apparences suspectes
la musique de l'âme inquiète
qui ne se décide pas.

De limpides collines encerclaient tout autour
rivages et maisons ; revêtues d'oliviers
disséminés comme des troupeaux
ou ténus comme la fumée d'un hameau
faisant voile
sur la face blanchoyante du ciel.
Entre taches de vignes et de pinèdes
se montrait la pierraille
nue et l'échine bossuée
de coteaux : quand un homme
passait là, tout droit sur un mulet,
dans le ciel bleu délavé il était imprimé
pour toujours — et dans le souvenir.

On n'allait guère au-delà des crêtes toutes proches
de ces monts ; même ma mémoire lasse
n'ose les franchir.
Je sais que des routes couraient au-dessus de fossés
encaissés, entre des ronces inextricables ;
menant à des clairières, puis entre des ravins,
elles s'éloignaient encore
vers des recoins moites de moisissures,
couverts d'ombres et de silences.
Il en est un auquel je repense émerveillé,
où tout élan humain
apparaît enseveli
dans une brise millénaire.
Rarement pénètre un souffle de vent
jusqu'à ce coin du monde qui en reste stupéfait.

Mais des chemins de la montagne on revenait.
Ils donnaient, eux, sur une instable
succession d'aspects inconnus
mais le rythme qui les gouverne nous échappait.
Chaque minute brûlait
dans les instants futurs sans laisser trace.
Vivre était aventure trop neuve,
heure par heure, et le coeur en battait.
Il n'y avait ni règle
ni sillon fixe ni point de comparaison
pour distinguer joie et tristesse.
Mais au retour par les sentiers
vers la maison, sur la mer, vers l'asile clos
de notre enfance ébahie,
rapide répondait
à chaque mouvement de l'âme un accord
extérieur : les choses se revêtaient
de noms, notre monde avait un centre.

Nous étions à l'âge virginal
où les nuées ne sont ni chiffres ni signes
mais de belles soeurs qu'on regarde voyager.
Issue d'une autre semence,
nourrie d'une autre sève
que la nôtre, bien faible, nous semblait la nature.
En elle l'asile, en elle
le regard extasié ; elle, le prodige
que ne rêvait pas, ou guère, d'atteindre
notre âme pleine de confusion.
Nous étions dans un âge d'illusions.

S'envolèrent des années courtes comme des jours,
toute certitude s'engloutit dans une mer florissante
et vorace qui désormais donnait leur aspect
incertain aux tamaris tremblants.
Une aube dut surgir qu'un rai
de lumière sur le seuil
luisant nous annonçait comme une ondée ;
et certes nous courûmes
ouvrir la porte
grinçant sur le gravier du jardin.
L'illusion fut manifeste.
De lourds nuages, sur la mer trouble
bouillonnant d'embruns, aussitôt se montrèrent.
Dans l'air était l'attente
d'un événement impétueux.
Elle s'éloigne aussi, la contrée
de l'enfance qui explore
une cour choisie comme un monde !
Pour nous aussi venait l'heure des enquêtes.
L'enfance était morte dans une ronde.

Ah jouer aux cannibales dans les roseaux,
avoir des moustaches de palme, ramasser,
quel délice, les douilles tirées !
Il s'envolait, le bel âge, comme les petits bateaux au ras
de la mer, à toutes voiles.
Certes nous regardions muets dans l'attente
de la minute violente ;
puis dans le calme feint
sur l'eau qui se creusait
dut se lever un vent.

Eugenio Montale, Os de seiche

(D'un bout à l'autre ce recueil me ravit !)
 
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I love you
 
rodé
   
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rodé  /  Blanchisseur de campagnes


un grand merci pour la découverte :flower:
 
art.hrite
   
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art.hrite  /  Chantre brahmane ज्ञानयोग


c'est très très beau
 
Pattrice
   
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Pattrice  /  Effleure du mal


Oui c'est très beau !!



Sonnet V


Ronsard si tu as su par tout le monde épandre
L'amitié, la douceur, les grâces, la fierté,
Les faveurs, les ennuis, l'aise et la cruauté,
Et les chastes amours de toi et ta Cassandre,

Je ne veux à l'envi pour sa nièce, entreprendre
D'en rechanter autant comme tu as chanté,
Mais je veux comparer à beauté la beauté,
Et mes feux à tes feux, et ma cendre à ta cendre.

Je sais que je ne puis dire si doctement,
Je quitte de savoir, je brave d'argument,
Qui de l'écrit augmente ou affaiblit la grâce.

Je sers l'aube qui naît, toi le soir mutiné,
Lorsque de l'Océan l'adultère obstiné,
Jamais ne veut tourner à l'Orient sa face.




Agrippa d'Aubigné, Hécatombe à Diane.
 
rodé
   
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rodé  /  Blanchisseur de campagnes


houu j'aime beaucoup Pattrice!

encore deux du recueil Os de seiche qui me parlent beaucoup en ce moment (et promis après j'arrête d'inonder le topic...)



Bonheur atteint, par toi
on marche sur le fil d'une lame.
Aux yeux tu es lueur qui vacille,
au pied, étendue de glace qui se fêle ;
qui t'aime le plus ne te touche donc pas.

Si tu surviens dans les âmes envahies
de tristesse et les éclaires, ton matin
est doux et troublant comme les nids sous les toits.
Mais rien ne rachète les pleurs de l'enfant
dont entre les maisons le ballon s'envole.




PORTOVENERE

Là surgit le Triton
des flots qui lèchent
les marches d'un temple
chrétien, et chaque heure à venir
est ancienne. Toute incertitude
se conduit par la main
comme une fillette amie.

Là nul qui se regarde
ou se tienne à l'écoute de soi.
Ici tu es aux sources
et décider n'a pas de sens :
tu repartiras plus tard
pour prendre un visage.
 
Pattrice
   
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Pattrice  /  Effleure du mal


Oh non, continue à poster !



Maurice Scève. I love you

Les plus beaux poèmes - Page 43 20170210

 
Pasiphae
   
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   Pensée du jour  :  nique la miette
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Pasiphae  /  Truquage geniphasien


le topic est vivant lorsqu'il est inondé cheers


Les vers naissent comme les étoiles et les roses,
Comme la beauté dont la famille ne veut pas
Et aux couronnes et aux apothéoses —
Une seule réponse : mais d’où me vient cela ?

Nous dormons — et à travers les dalles de pierre,
De l’hôte céleste percent les quatre pétales.
Sache-le, ô monde ! Le poète découvre dans ses rêves
La formule de la fleur et la loi de l’étoile.

Marina Tsvétaïeva
14 août 1918
Insomnie
 
rodé
   
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rodé  /  Blanchisseur de campagnes


la Délie <3
 
Roman russe
   
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   Localisation  :  entre deux fleuves
   Pensée du jour  :  “Dure, afin de pouvoir encore mieux aimer un jour ce que tes mains d'autrefois n'avaient fait qu'effleurer sous l'olivier trop jeune.”
   Date d'inscription  :  01/10/2010
    
                         
Roman russe  /  Roland curieux


FIN DE L'ENFANCE est magnifique. Je suis... pffff, faut que je lise dès maintenant, merci merci merci de cette découverte. (Et Tsvétaïeva qui passe dans un rêve... je suis gâtée chaque fois que je viens ici.)
 
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j'aime beaucoup aussi, surtout Dahlia Ravikovitch ! Merci pour ces jolies découvertes :flower:
 
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Noxer  /  Au nom de l'Abeille – Et du Papillon – Et de la Brise – Amen !


Feuille après feuille, nous le voyons, tombent
         Les feuilles, ô Chloé, toutes les feuilles.
D'ailleurs plus tôt que pour elles, pour nous
         Qui savons qu'elles meurent.
         Ainsi, Chloé, ainsi
L'amour, avant le corps auquel nous recourons
         Pour lui, vieillit en nous,
Et nous, tous différents, ne sommes, bien que jeunes,
         Rien qu'un mutuel souvenir.
Ah, si ce que nous sommes ne peut être jamais que cela,
         Si rien qu'une heure est ce que nous sommes,
Avec tant de furie et tant d'excès en chaque étreinte
        Serrons bien notre vie à bout de souffle,
Que la mémoire en soit gorgée : embrassons-nous
         Tout comme si, à la fin du baiser
Unique, en ruines devrait s'écrouler, subite
         Énorme, la masse du monde mort.


Pessoa encore, odes éparses (ricardo reis)

ps très beau eugenio montale Surprised
https://letombeaudespaquerettes.wordpress.com/
 
art.hrite
   
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art.hrite  /  Chantre brahmane ज्ञानयोग


Noxer Surprised

c'est un de mes préférés du recueil

je l'ai même peut-être déjà cité quelque part ici
 
art.hrite
   
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art.hrite  /  Chantre brahmane ज्ञानयोग


NOCTURNE


La colline est nocturne, dans le ciel transparent.
Ta tête s'y enchâsse, elle se meut à peine,
compagne de ce ciel tu es comme un nuage
entrevu dans les branches. Dans tes yeux rit
l'étrangeté d'un ciel qui ne t'appartient pas

La colline de terre et de feuillage enferme
de sa masse noire ton vivant regard,
ta bouche a le pli d'une cavité douce au milieu
des collines lointaines. Tu as l'air de jouer
à la grande colline et à la clarté du ciel :
pour me plaire tu répètes le paysage ancien
et tu le rends plus pur.

                                          Mais ta vie est ailleurs.
Ton tendre sang s'est formé ailleurs.
Les mots que tu dis ne trouvent pas d'écho
dans l'âpre tristesse de ce ciel.
Tu n'es rien qu'un nuage très doux, blanc
qui s'est pris une nuit dans les branches anciennes.

C. Pavese, Travailler fatigue.
 
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C'est beau !
 
   
    
                         
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