Temps suspendu

J’aime ces grands espaces verts.

Il n’y pousse qu’un arbre, mais c’est le mien. Je suis avec lui depuis si longtemps que nous faisons un peu partie l’un de l’autre, maintenant. Je m’y accroche, et lui me porte. Ses beaux ombrages m’abritent du soleil ou de la pluie. La même branche, toujours, me protège de la neige quand arrive l’hiver ; les mêmes feuilles me caressent le crâne chaque printemps qui revient.

Nous nous balançons ensemble aux brises légères qui soufflent sur la plaine. Nos rameaux et nos os jouent une musique joyeuse que les oiseaux viennent écouter. Ils me picorent la chair avec douceur et chantent parfois avec nous. Dès le début, je fus bien incapable de les chasser. Je ne regrette rien : aujourd’hui, je fais aussi un peu partie d’eux.

J’aime ces grands espaces verts sur lesquels je ne pose jamais le pied. Je voudrais être libre de marcher au milieu des fleurs et de faire le tour de mon tronc. Prisonnier de ma corde, je suis attaché à jamais à cette prison de verdure.

Il ne pousse qu’un arbre, ici ; et je suis son pendu.