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 L'imagination et l'écriture

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L'imagination est tout de même moins nécessaire que le travail et l'intuition, souvent confondue avec la première.

"J'ai trop d'idées, je ne sais qu'en faire" : Cette prodigalité m'écoeure. Celui qui pense ainsi manque d'ambition à se satisfaire de sa propre abondance, comme si l'imagination était suffisante. À les entendre, les "petits artistes" sont toujours pleins d'idées. Il s'agirait peut-être alors d'en obtenir la mesure ; l'oeuvre de la plupart des génies tourne régulièrement autour d'une quantité restreinte de notions, d'intuitions, d'originalités - et même ils se répètent - ; bref, je me demande donc quel esprit pourrait se permettre d'être à ce point fertile pour n'avoir ni le temps ni l'organisation de structurer la matière débordante.

Ce qui me dérange dans cette fausse complainte, c'est aussi que l'idée est davantage perçue comme source de performance plutôt qu'initiation d'un mouvement réellement artistique. N'importe qui peut avoir des idées, n'importe qui, en lisant, en regardant un film, peut s'imaginer une fin alternative, des personnages supplémentaires, des péripéties inédites, n'importe qui en attendant le bus peut inventer une vie aux passants, et ainsi construire sa petite histoire ; l'imagination est un don offert à tous, et lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il en manque, on devrait dire : "Celui-là ne consulte pas assez d'objets culturels. Il ne se stimule pas." - car l'imagination m'apparaît bien comme le résultat systématique d'une stimulation. Jadis je me trouvais moi-même trop inspiré ; et jamais je ne dépassais le stade de la farce, car je n'avais tout simplement pas d'ambition ; et celui qui se décide à devenir ambitieux et par la même occasion réajuste son niveau d'exigence vers le haut, celui-là peut jeter sans craintes ses idées à la mer, car le courant lui ramènera les seules qui lui sont essentielles pour écrire - on ne se détache jamais complètement de soi-même.

À l'imagination, préférez l'intuition. L'imagination vient du dehors et dehors est un grand lieu commun auquel vous ne pouvez répondre juste que d'une seule manière, c'est-à-dire, "comme tout le monde". L'intuition vient de vous et révèle votre singularité. L'intuition inclut en elle ce qu'elle veut du dehors - et inutile de prier pour qu'elle ait bon goût, car le goût se travaille.

Bref, si vous avez trop d'idées, c'est que vous n'êtes pas ambitieux.

Je peux aller jouir l'esprit tranquille.
 
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Quand le soir approchoit je descendais des cimes de l’île & j’allois volontiers m’asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues & l’agitation de l’eau fixant mes sens & chassant de mon ame toute autre agitation la plongeoient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenoit souvent sans que je m’en fusse aperçu. Le flux & reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille & mes yeux, suppléoient aux mouvemens internes que la rêverie éteignoit en moi & suffisoient pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser. De tems à autre naissoit quelque faible & courte réflexion sur l’instabilité des choses de ce monde dont la surface des eaux m’offroit l’image : mais bientôt ces impressions légères s’effaçoient dans l’uniformité du mouvement continu qui me berçoit, & qui sans aucun concours actif de mon ame ne laissoit pas de m’attacher au point qu’appelé par l’heure & par le signal convenu je ne pouvois m’arracher de là sans effort.

[...]

J’ai remarqué dans les vicissitudes d’une longue vie que les époques des plus douces jouissances & des plaisirs les plus vifs ne sont pourtant pas celles dont le souvenir m’attire & me touche le plus. Ces courts momens de délire & de passion, quelque vifs qu’ils puissent être, ne sont cependant, & par leur vivacité même, que des points bien clairsemés dans la ligne de la vie. Ils sont trop rares & trop rapides pour constituer un état, & le bonheur que mon cœur regrette n’est point composé d’instans fugitifs mais un état simple & permanent, qui n’a rien de vif en lui-même, mais dont la durée accroît le charme au point d’y trouver enfin la suprême félicité.

Tout est dans un flux continuel sur la terre : rien n’y garde une forme constante & arrêtée, & nos affections qui s’attachent aux choses extérieures passent & changent nécessairement comme elles. Toujours en avant ou en arriere de nous, elles rappellent le passé qui n’est plus ou préviennent l’avenir qui souvent ne doit point être : il n’y a rien là de solide à quoi le cœur se puisse attacher. Aussi n’a-t-on guère ici-bas que du plaisir qui passe ; pour le bonheur qui dure je doute qu’il y soit connu. À peine est-il dans nos plus vives jouissances un instant où le cœur puisse véritablement nous dire : je voudrois que cet instant durât toujours. Et comment peut-on appeler bonheur un état fugitif qui nous laisse encore le cœur inquiet & vide, qui nous fait regretter quelque chose avant, ou desirer encore quelque chose après ?

Mais s’il est un état où l’âme trouve une assiette assez solide pour s’y reposer tout entiere & rassembler là tout son être, sans avoir besoin de rappeler le passé ni d’enjamber sur l’avenir ; où le tems ne soit rien pour elle, où le présent dure toujours sans néanmoins marquer sa durée & sans aucune trace de succession, sans aucun autre sentiment de privation ni de jouissance, de plaisir ni de peine, de desir ni de crainte que celui seul de notre existence, & que ce sentiment seul puisse la remplir tout entiere ; tant que cet état dure celui qui s’y trouve peut s’appeler heureux, non d’un bonheur imparfait, pauvre & relatif tel que celui qu’on trouve dans les plaisirs de la vie, mais d’un bonheur suffisant, parfoit & plein, qui ne laisse dans l’âme aucun vide qu’elle sente le besoin de remplir. Tel est l’état où je me suis trouvé souvent à l’île de Saint-Pierre dans mes rêveries solitaires, soit couché dans mon bateau que je laissais dériver au gré de l’eau, soit assis sur les rives du lac agité, soit ailleurs au bord d’une belle riviere ou d’un ruisseau murmurant sur le gravier.

De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon de soi-même & de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même comme Dieu.

[...]

Il est vrai que ces dédommagemens ne peuvent être sentis par toutes les âmes ni dans toutes les situations. Il faut que le cœur soit en paix & qu’aucune passion n’en vienne troubler le calme. Il y faut des dispositions de la part de celui qui les éprouve, il en faut dans le concours des objets environnants. Il n’y faut ni un repos absolu ni trop d’agitation, mais un mouvement uniforme & modéré qui n’oit ni secousses ni intervalles. Sans mouvement la vie n’est qu’une léthargie. Si le mouvement est inégal ou trop fort, il réveille ; en nous rappelant aux objets environnants, il détruit le charme de la rêverie, & nous arrache d’au-dedans de nous pour nous remettre à l’instant sous le joug de la fortune & des hommes & nous rendre au sentiment de nos malheurs. Un silence absolu porte à la tristesse. Il offre une image de la mort. Alors le secours d’une imagination riante est nécessaire & se présente assez naturellement à ceux que le ciel en a gratifiés. Le mouvement qui ne vient pas du dehors se fait alors au-dedans de nous. Le repos est moindre, il est vrai, mais il est aussi plus agréable avant de légères & douces idées sans agiter le fond de l’âme, ne font pour ainsi dire qu’en effleurer la surface, Il n’en faut qu’assez pour se souvenir de soi-même en oubliant tous ses maux. Cette espèce de rêverie peut se goûter partout où l’on peut être tranquille, & j’ai souvent pensé qu’à la Bastille, & même dans un cachot où nul objet n’eût frappé ma vue, j’aurois encore pu rêver agréablement.

Mais il faut avouer que cela se faisoit bien mieux & plus agréablement dans une île fertile & solitaire, naturellement circonscrite & séparée du reste du monde, où rien ne m’offroit que des images riantes, où rien ne me rappeloit des souvenirs attristans où la société du petit nombre d’habitans étoit liante & douce sans être intéressante au point de m’occuper incessamment, où je pouvois enfin me livrer tout le jour sans obstacle & sans soins aux occupations de mon goût ou à la plus molle oisiveté. L’occasion sans doute étoit belle pour un rêveur qui, sachant se nourrir d’agréables chimeres au milieu des objets les plus déplaisants, pouvoit s’en rassasier à son aise en y faisant concourir tout ce qui frappoit réellement ses sens. En sortant d’une longue & douce rêverie, en me voyant entouré de verdure, de fleurs, d’oiseaux & laissant errer mes yeux au loin sur les romanesques rivages qui bordoient une vaste étendue d’eau claire & cristalline, j’assimilois à mes fictions tous ces aimables objets, & me trouvant enfin ramené par degrés à moi-même & à ce qui m’entourait, je ne pouvois marquer le point de séparation des fictions aux réalités, tant tout concouroit également à me rendre chere la vie recueillie & solitaire que je menois dans ce beau séjour. Que ne peut-elle renaître encore ! Que ne puis-je aller finir mes jours dans cette île chérie sans en ressortir jamais, ni jamais y revoir aucun habitant du continent qui me rappelât le souvenir des calamités de toute espèce qu’ils se plaisent à rassembler sur moi depuis tant d’années ! Ils seroient bientôt oubliés pour jamais : sans doute ils ne m’oublieroient pas de même, mais que m’importerait, pourvu qu’ils n’eussent aucun accès pour y venir troubler mon repos ? Délivré de toutes les passions terrestres qu’engendre le tumulte de la vie sociale, mon ame s’élanceroit fréquemment au-dessus de cette atmosphère, & commerceroit d’avance avec les intelligences célestes dont elle espère aller augmenter le nombre dans peu de temps. Les hommes se garderont, je le sais, de me rendre un si doux asile où ils n’ont pas voulu me laisser. Mais ils ne m’empêcheront pas du moins de m’y transporter chaque jour sur les ailes de l’imagination, & d’y goûter durant quelques heures le même plaisir que si je l’habitois encore. Ce que j’y ferois de plus doux seroit d’y rêver à mon aise. En rêvant que j’y suis ne fais-je pas la même chose ? Je fais même plus ; à l’attroit d’une rêverie abstraite & monotone je joins des images charmantes qui la vivifient. Leurs objets échappoient souvent à mes sens dans mes extases & maintenant plus ma rêverie est profonde plus elle me les peint vivement.

Hélas, c'est quand on commence à quitter sa dépouille qu’on en est le plus offusqué ! Je suis souvent plus au milieu d’eux, & plus agréablement encore, que quand j’y étois réellement. Le malheur est qu’à mesure que l’imagination s’attiédit, cela vient avec plus de peine & ne dure pas si long-tems. Hélas ! c’est quand on commence à quitter sa dépouille qu’on en est le plus offusqué !
 
Trench
   
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Trench  /  Le bruit et la pudeur


wat
 
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https://fr.wikisource.org/wiki/Les_R%C3%AAveries_du_promeneur_solitaire

 
Trench
   
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Trench  /  Le bruit et la pudeur


Beurk Rousseau
 
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Ce passage est tellement beau. I love you

Et pour qui veut réfléchir aux liens qui unissent l'imagination, la rêverie et l'écriture, that's perfect.
 
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Je ne vois pas en quoi le fait d'avoir plein d'idée fait que nous n'avons pas d'ambition.

Ce n'est pas parce qu'on a plein d'idées qu'on bâcle notre travail


Franchement je ne vous comprends pas

Okai tous le monde peut avoir des idées, c'est un fait.
Lorsqu'on imagine, qu'on pense à quelque chose, qu'on rêve, qu'on a une idée, peut importe d'où elle vient.
Si on décide de concrétiser notre idée, c'est bien un signe d'ambition...
 
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Pour moi, les délices de la rêverie sont indissociablement liés aux délices de la lecture.

Je lis pour rêver, et ma rêverie est une fin en soi.

Et plus, si je n'aimais pas rêver, je n'écrirais pas.
 
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Je te rejoins là dessus hirondelle
Mais je trouve peinant ce que certains disent comme quoi le fait d'avoir plein d'idée fait qu'on a pas d'ambition, pas de goût ou de talents
 
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Oui, la question ne se pose pas de savoir si l'imagination concourt à l'écriture ou au contraire lui fait obstacle.

L'écrit se prépare et se prolonge dans la rêverie, il n'en est jamais dissociable.


(mais encore une fois, je parle pour moi)
 
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Oui c'est sure
 
Nedjma
   
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   Pensée du jour  :  Pantagruélisme : vous entendez que c'est certaine gaieté d'esprit confite en mépris des choses fortuites
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Nedjma  /  Bile au trésor


Je suis pas sûre que l'imagination et la rêverie soient la même chose en fait.
Pour moi, l'écriture commence dans la rêverie, mais la rêverie peut se fixer sur une idée infime, évocatrice, du moment qu'elle exerce un attrait sur mon esprit. La rêverie ne suppose pas forcément mille idées.
Si la rêverie est indipensable (à mon sens) pour amorcer le geste de l'écriture, l'imagination l'est moins pour moi.
https://evadezulier.wixsite.com/website
 
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Apres c'est une question de point de vue

Pour moi rêver c'est imaginer et inversement
 
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C'est vrai, j'aurais dû le préciser. Mais à partir de quand commence-t-on à imaginer ? Dès lors qu'on rêve à quelque chose d'absent, n'a-t-on pas recours à l'imagination? Même dans une réflexion "purement théorique" (si tant est que ça existe), l'imagination n'intervient-elle pas ?

(Je pose sérieusement la question car la philo et moi ça a toujours fait 10)

Est-ce que l'imagination, c'est juste un stock d'histoires plus ou moins fourni en fonction des gens ? Et la puissance de l'imaginaire se résume-t-elle à la question du nombre d'idées ...?

Vous avez 2 heures. Tic tac
 
   
    
                         
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