Pas facile, cette question. Un livre n'existe pas sans l'auteur, mais il n'existe pas pour l'auteur, juste pour le lecteur.
Pour ma part, je suis toujours content de recevoir les corrections de mon éditrice. Cela fait évoluer, pousse à réfléchir. J'écris désormais de manière plus dense, et j'ai ouvert les possibilités que m'offre la langue française.
Maintenant (et puisque je suis jusqu'au cou dans la correction d'un bon gros roman), il faut savoir écouter, mais aussi parfois tenir.
Un simple exemple : Dans le roman en cours, j'ai besoin que quelque chose sourde de la roche. On me propose jaillir, sous prétexte que "elle sourdit" n'est pas dans tous les dictionnaires. Eh bien non... C'est mon caprice. Si on jaillit, c'est violent, si on sort, c'est neutre, si on émerge, c'est de l'eau, pas d'une falaise, il me faut mon verbe sourdre... Sourdre, c'est lent, délicat, imperceptible. Et cela sonne
sombre, mystérieux.
"Elle sourdit de la roche" figurera donc dans mon prochain roman, comme m'y autorise le Larousse, et contrairement à ce que préconisent un certain nombre d'autres dictionnaires.
Il faut savoir tenir, parfois, sur des détails qui, empilés, contribuent à nous définir, et il faut savoir lâcher : ce qui n'a pas d'importance, ce qui relève des erreurs, ce qui relève de l'implication personnelle de l'éditeur dans le texte et qui ne change finalement pas grand-chose.
Seule importe l'histoire et sa relation avec le lecteur. Nous, bah...
Le plus difficile, c'est de ne pas se décourager. Si l'éditeur a bien fait son boulot, on peut trouver une moyenne d'une dizaine de propositions de correction par page, ce qui fait, pour un roman de 400 pages... Vous avez compris.