Aujourd’hui, Maman est morte . Ou peut-être hier, je ne sais plus…
(Je comprends l'image mais la phrase est surfaite. Ce trouble de mémoire n'est pas vraiment crédible et ne reflète pas vraiment le choc d'un décès). Depuis, je marche, j’erre, je divague, dans la maison. Les yeux perdus dans les reflets des fenêtres et des nuées de fantômes perchés sur mes épaules.
Mes pas, sur le parquet grinçant, font de ces bruits sourds qui ne veulent rien entendre à la réalité. J’ai oublié de mettre des chaussettes. Ce n’est pas grave. Comme ça, je peux les compter
(Compter quoi ? Les pas ? Ce n'est pas clair.), avoir des rubans de nombres dans la tête et oublier le malheur qui coule sur mes joues.
Je crois que j’ai reçu un télégramme de l’asile
(Même chose qu'au début : "Je crois" c'est surjoué. Le doute sur la réception du télégramme, j'y crois pas.). Quelque chose comme : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués ». Il est stupide. Je ne le comprends pas ! Pourquoi elle est partie, Maman, alors qu’elle n’avait que soixante-cinq ans ? Et pourquoi une manière aussi brève de le dire, comme si ça ne comptait pas ?
(Cela paraît normal pour un télégramme. Mais bon, les choses ont changé depuis Lucky Luke.) Comme si elle était un morceau de chair expédié à la morgue
.(Ce n'est pas une question.) Ce message est si absurde…
Je l’ai jeté sur le sol, au milieu des photos piétinées de Maman. C’était hier. Ou aujourd’hui.
(Naaaaa !) Maintenant, il est encore là ; mes talons viennent de l’écraser, parce que je déambulais encore dans ma chambre. Je ne sais faire que ça, déambuler ! Et pleurer, aussi. Je crois que
ces perles salées qui coulent le long de mes joues
sont des larmes. Les
masques que j’ai ramené de Venise, accrochés aux murs de ma chambre, ont pleuré avec moi aussi. Ils ont le visage triste, et le sol se mouille tout seul, parfois.
Je me souviens ; il y a eu la nuit, un moment ! Avec des étoiles un peu noires dans le ciel et une lune trop foncée. Si laide. Maman, est-ce que ton sang monte jusqu’aux nuages pour blesser la lune ? Maman, si tu vivais encore, est-ce que les cieux seraient un peu plus beaux ? Est-ce qu’ils prendraient les teintes des mains accueillantes des dieux, si froides maintenant qu’elles t’ont tué sans considération ?
(Ce passage est très bon )Maman, pourquoi tu es partie ? Reviens, pour colorer un peu ma vie comme tu le faisais, avant… Je suis si triste que tu sois partie. Depuis le télégramme, le malheur s’est posé sur mes joues et il creuse un peu mon visage. Je suis sure que bientôt il mangera mon dos, pour faire courber mes épaules.
Maintenant, il fait de nouveau jour. S’il y a eu le jour, puis la nuit, puis le jour, alors, c’était peut-être hier.