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Pour échapper aux cris, j'ai fuis jusqu'au confins de la maison jusque dans la chambre de mon père et de ma feu-mère. Cela fait longtemps que je n'y ai pas mis les pieds. Je me rappelle assez soudainement et furtivement d'un cahier que ma tante voulait me donner lors de la mort de ma mère et que ma grand-mère m'avait refusé de par mon jeune âge. Je me souviens d'un tiroir que j'avais fouillé par le passé sans jamais trouver ce cahier, puis j'avais abandonné l'affaire. Je traverse le lit à quatre pattes, je sens mes mèches de cheveux frotter contre mes joues, encore prises dans le mouvement alors que je m'arrête prêt du tiroir. Je l'observe, les hurlements étouffés derrière moi s'éloignent : Ils vont dans le jardin. Et j'ouvre. Une couverture de carton bleue et noire prêt d'un dossier funéraire me fait de l’œil.

Sur la première page, quelques mots pour signaler que ce cahier est uniquement destiné à ses enfants et pour s'excuser de son orthographe parfois mauvaise dans les moments d'émotions. Sérieusement ?
Toute l'histoire de sa maladie dans un cahier d'une dizaine de pages à l'écriture parfois serrée, parfois calligraphiée avec une plume violette, parfois écrit très vite ou dans un état second. De Février 2000 à 2003. (Elle aura vécu jusqu'en 2005) Chaque message nous est destiné à moi et mon frère. A commencer par le premier qui à été écrit juste après la découverte de sa maladie, on ne lui donnait que six mois à l'époque. Je tourne doucement les pages, je fronce les sourcils, je ne fais pas attention aux larmes. Je lis doucement l'incompréhension et le mal à réaliser que l'on est réellement malade : Elle se sentait si bien pourtant.

Je comprends lentement qu'au début, seuls les traitements lui donnaient conscience de sa maladie puis insidieusement, au fil des pages, j'assiste à l'arrivée d'une douleur, d'un désespoir latent qui s'installe. Je la vois fantasmer sur notre avenir, qu'elle ne connaîtra pas. Qu'elle espère que je serais courageuse et forte. Qu'elle ne voit pas trop ce que deviendra mon frère. Elle serait fière de lui, j'en suis certaine.

Et peu à peu, je prends doucement conscience de la valeur que j'avais pour elle. De la valeur que j'ai d'être sa fille, d'être là, d'être en vie, bien portante, passionnée de certaines choses. De ma valeur. Je me maudis silencieusement de toutes ces fois où j'ai voulu disparaître.
Je pleurs peut être mais je ne suis pas triste.
J'avais juste oublié ce qu'était l'amour d'une mère.