Anna fondait dans un sauna trop chaud. Il lui fallait pourtant mûrir son roman vindicatif. A l’instar d’Yvan, la sudation lui offrait un confort subliminal. N’avait-il pas dit : « Un sur dix d’imagination pour huit sur dix à la transpiration. » ? Il manquait un sur dix, soit. Mais Anna oubliait tout.
Dans vingt kilos, ça suffira pour aujourd’hui. Promis ! Mais d’abord la solution. J’irai jusqu’au point trois du roman ou moi, Anna, mourra.
— Pourquoi faut-il toujours… ?
— Pardon ?
Qui donc l’abordait ainsi ? Pas Yvan. Alors qui ?
Un pur gars du coin ouvrit.
— Tu vois ça ? dit-il, pointant du doigt la photo d’un animal d’Ouganda.
Anna scruta l’intrus.
— Nous nous connaissons ?
— Point du tout.
— Donc un « vous »…
— Un « vous » ? Jamais ! La conjugaison du « vous » nuirait à Joyo.
— Foutu Joyo !
— Foutu pari surtout. Tout ça pour sa nuit J…
— Stop !
Il avança. Anna sursauta.
— Qui crains-tu ainsi ?
— Dans un sauna, chacun sa position. Vous ici. Oui, là. Moi, au fond.
— D’accord.
— Vous… Tu disais quoi sur l’animal africain ?
— « La nana… »
— Quoi ?
— Moi aussi, l’art m’assombrit.
Il montra son roman.
— La raison du mal-aimant. Bof.
— Lis donc.
— « Sir Actif ou Sir Passif ? La pouf du sauna qui compulsa la passion du grand fort… » La pouf du sauna ? Moi ?
— Un chouia.
Anna plissa son front. Son thorax bouillait.
— Vas-y, ris donc ! Oust, hors d’ici, fuis ma vision, macho, goujat, idiot, con, gigolo, ouf, abruti !
— Bon, bon.
Il sortit, mais lui laissa son manuscrit.

Six ans plus tard, Anna n’avait pas tout lu, mais voulait à tout prix saisir la notion d’addiction. Sauna pour la « pouf », vodka martini gin dry pour l’abruti macho. Mais alcool ou sauna toujours trop chaud, chacun vivait à sa façon sa passion du roman.